Marie Dufour
Carmélite à Compiègne, Martyr, Bienheureuse
et
Jeanne Vézotal
+ 1794

Marie Dufour, née à Beaune[1], et Jeanne Étiennette Vézotal[2], née à Lignières, toutes deux du diocèse d'Autun, firent profession en qualité de sœurs converses dans le monastère des carmélites de Compiègne. Elles furent, avec leurs compagnes, chassées du couvent le 14 septembre 1792.

Toutefois, elles restèrent à Compiègne, et continuèrent de suivre leur règle dans quatre habitations séparées, observant le silence et gardant la clôture aussi rigoureusement que le permettaient les circonstances. Leur sainte vie était un sujet d'édification, et comme un gage de la protection divine pour les habitants. Mais elles ne purent trouver grâce devant le comité révolutionnaire. Celui-ci fit, en 1794, une perquisition rigoureuse dans chacune de leurs maisons, et y saisit, avec leurs papiers, divers objets qui servaient à leurs pieux exercices. Le lendemain, elles furent, au nombre de seize, conduites en prison. Là, elles reprirent leurs observances en commun, ayant à leur tête la supérieure Thérèse de St-Augustin. Elles vaquaient ensemble à l'oraison, chantaient matines et récitaient aux heures prescrites les autres parties de l'office canonial.

Après deux semaines de séjour dans les prisons de Compiègne, et vers la fin de juin, les carmélites en furent enlevées pour être jugées par le tribunal révolutionnaire de Paris. On les fit monter sur des charrettes, en les y liant comme des malfaiteurs. Cette brutalité révolta les habitants de la ville. Ceux mêmes d'entre eux qui étaient les plus ardents révolutionnaires ne pouvaient s'empêcher de les plaindre en les voyant aller si évidemment à la mort.

Sur la route, elles n'eurent pour auberges que des prisons encombrées de détenus. A Paris, il n'y eut de place pour elles que dans la Conciergerie, où elles se trouvèrent immédiatement sous la main du tribunal révolutionnaire. Dans le peu de temps qui s'écoula avant leur jugement, elles continuèrent les exercices de leur sainte règle comme dans la prison de Compiègne. Elles comparurent devant le tribunal le 17 juillet, le lendemain de l'une des grandes fêtes de l'ordre, Notre-Dame-du-Mont-Carmel. L'acte d'accusation ne renfermait que des inculpations ridicules; l'arrêt de mort semblait avoir été rédigé d'avance. Elles furent condamnées à la peine capitale comme « ennemies du peuple, et conspirant coutre sa souveraineté, en formant des conciliabules contre-révolutionnaires, et en conservant » des écrits liberticides. »

Aucune d'elles ne parut émue ni surprise à la lecture de cette sentence. Elles montèrent aussitôt sur les charrettes destinées à les transporter à la barrière du Trône où elles devaient mourir. Pendant le trajet, elles récitèrent ensemble les prières dei agonisants, chantèrent le Salve Regina et le Te Deum. Les passants et la foule immense qui suivait le convoi, émus d'une résignation si héroïque, gardaient un respectueux, silence, bien qu'ordinairement on accompagnât les condamnés avec des cris barbares et de brutales insultes. On remarquait avec attendrissement qu'elles étaient toutes vêtues de blanc, symbole de la candeur et de la pureté de ces innocentes victimes.

Quand elles furent arrivées au pied de l'échafaud, elles entonnèrent le Veni, Creator ; et les bourreaux n'eurent pas le courage de les interrompre, tant imprimait de respect une paix, une sérénité si merveilleuse. Ensuite elles répétèrent à haute voix toutes ensemble leurs vœux de religion, et l'une d'elles ajouta d'une voix pénétrante : « Je serais trop heureuse, ô mon Dieu, si ce léger sacrifice que je fais de ma vie pouvait apaiser votre colère et diminuer le nombre des victimes. » Enfin elles s'avancèrent l'une après l'antre vers l'instrument de mort, en passant devant leur supérieure, qui avait sollicité et obtenu la grâce de n'être immolée que la dernière, afin de pouvoir soutenir le courage de ses compagnes et les présenter elle-même au suprême distributeur des couronnes.


[1] Née en octobre 1741, elle prit l'habit le 14 mars 1773, reçut alors le nom de Sœur Marthe, et fit profession le 16 mars 1774.
[2] Née le 12 janvier 1764 ; elle prit l'habit le 9 janvier 1788, reçut le nom de Saur Saint-François, et fit profession le 11 janvier 1789 (Martyrs de la foi).

 

 

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