Marcellin d’Embrun
Évêque, Saint
IV, Siècle

Saint Marcellin, que l'on fait passer pour le premier évêque de le ville d'Embrun, dans les Gaules, était né en Afrique. Pieux et illustre, il s'appliqua de bonne heure aux saintes lettres. Sollicité par l'esprit de Dieu, de porter l'Évangile dans les Gaules, il choisit pour compagnons Vincent et Domnin, et, s'étant embarqué à l'insu ses parents, il arriva heureusement à Rome, sous le pontificat d’Eusèbe et l'empire de Dioclétien. Le Pape approuva le dessein de ces généreux prédicateurs, et les adressa, pour être guidés, à Eusèbe, évêque de Verceil, qui, par un esprit de prophétie, leur annonça d'avance tout ce qu'ils auraient à souffrir, et les exhorta fortement à s'acquitter avec courage de leur pénible mission. Ils la commencèrent tout de suite, jetant, sur leur passage, la semence de la foi divine. Ayant franchi les Alpes, ils arrivèrent à Embrun : l’état de cette chrétienté était alors déplorable, il n'y restait presque plus rien des principes de la vraie religion établis sous le règne de Néron, par les saints Nazaire et Celse.

Marcellin commence par élever un oratoire près de la ville, et c’est là qu'il se prépare, avec ses compagnons,à exécuter son pieux dessin. Dieu donna à la parole de ces prédicateurs tant de force que, le nombre des fidèles croissant chaque jour, il fallut bâtir une plus grande. On pria Eusèbe de Verceil de venir la consacrer. Ce prélat, assisté d'Émilien, évêque de Valence, imposa les mais à Marcellin, malgré ses résistances, et l'établit évêque d'Embrun. Se trouvant ainsi renfermé dans les bornes d'un diocèse, et désirant néanmoins évangéliser les pays d'alentour, Marcellin envoya, à cet effet, Vincent et Domnin dans la ville de Digne.

Il avait reçu, suivant la promesse rte Jésus-Christ, faite à ses, disciples, la vertu des miracles, afin de pouvoir confirmer la doctrine qu’il annonçait aux païens. Par ces secours divins, la ville d'Embrun était devenue presque toute chrétienne, lorsqu'un jour il reçut dit-on, à sa table, où se trouvaient beaucoup de yens nouvellement convertis, l'unique païen qui restât. Marcellin lui demanda dans le cours de leurs entretiens, pourquoi il n'avait pas suivi l’exemple de ses compatriotes, en se faisant chrétien. Le païen témoigna, en effet, quelque confusion de se voir seul : il dit qu'il avait bien entendu parler de diverses merveilles opérées, disait-on, par la vertu de Jésus-Christ, mais qu'il n'avait été témoin d'aucune quand cela serait, il n'en aurait pas moins bonne opinion d’Apollon, qui était sa divinité favorite. Comme il parlait de la sorte, celui qui lui présentait à boire laissa tomber le verre par inadvertance, et le cassa en plusieurs morceaux. La païen, d’abord un peu interdit par cet accident, eut bientôt repris sa présence d’esprit, et dit au Saint en plaisantant : « Voici l’occasion de me faire ce qu’on publie de vous ; rejoignez les morceaux du verre, et rétablissez-le en son entier ; alors je me fais disciple de Jésus-Christ. » Le Saint s’adressa à Dieu par une courte prière, le conjurant de ne pas rejeter ce moyen de guérir le cœur de l’infidèle. Au nom de Jésus-Christ le verre se rétablit sous les yeux du païen, qui, frappé de la nouveauté du prodige, renonça sur l’heure à son Apollon et à ses autres divinités, et demanda le baptême au saint évêque. Marcellin le lui conféra le lendemain, au grand contentement des fidèles, dont la foi se trouva tout nouvellement confirmée par un miracle si éclatant, et cette conversion fut comme le sceau du christianisme de la ville d’Embrun.

Le Saint fit encore d’autres prodiges pour appuyer la doctrine qu’il enseignait. Toutes les populations voisines entraient dans le bercail de Jésus-Christ. On bâtit pour elles un temple à seize milles d’Embrun. Comme le Saint s’y rendait, afin de le consacrer, il fut arrêté par la Durance, que les pluies avaient enflée. Alors le Saint renouvela le prodige du Jourdain, et tout le monde traversa la rivière à pied sec. Ce prodige si public convertit un grand nombre de païens.

Saint Marcellin mourut comblé de mérites, après avoir éclairé de la lumière de la foi la plus grande partie des Alpes maritimes. Ses miracles ne finirent pas avec sa vie. La ville d’Embrun ayant eu recours à ce saint patron, lorsque les troupes ennemies l’assiégeaient, on vit aussitôt la saint Pontife dans le ciel, avec une croix fulgurante qu’il opposait aux ennemis, qui prirent la fuite. En temps de peste, un ecclésiastique d’Embrun fut guéri par des onctions faites avec l’huile qui coulait miraculeusement du sépulcre de saint Marcellin. Á cette nouvelle, toute la ville implora le Saint, et fut délivrée du fléau. « Marcellin, dit Grégoire de Tours, établit dans sa ville épiscopale un baptistère, dans lequel, le jour de Noël et le jeudi saint, il jaillit, à ce qu’on raconte, une eau miraculeuse dont on se sert pour les baptêmes. Au sépulcre de ce saint brûle une lampe qui, une fois allumée, dure plusieurs nuits de suite sans qu’on l’alimente ; si le vent l’éteint, elle se rallume d’elle-même. L’huile de cette lampe est un remède pour les malades. »

Il y a encore aujourd’hui quelques reliques de ce saint, à Digne et à Embrun[1].


[1] Petits Bollandistes : “Vies des Saints” ; Tome IV ; 20 mai.

 

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