Lucien d’Antioche
Prêtre, Martyr, Saint
† 312

Saint Lucien, dit d’Antioche, était de Samosate en Syrie. La mort lui ayant enlevé son père et sa mère, il distribua tous ses biens aux pauvres, afin de servir Dieu dans un plus parfait détachement des choses visibles. II substitua l'étude de l'Écriture sainte à celle de la rhétorique et de la philosophie, dans laquelle il avait fait les progrès les plus rapides, et choisit pour maître un nommé Macaire, qui enseignait alors avec réputation à Édesse. Devenu prêtre, il ne s'occupa plus qu'à porter les autres à la vertu par ses discours et par ses exemples. Il ne s'en tint pas là ; persuadé qu'un prêtre est redevable à l'Église de l'emploi de ses talents, il entreprit de donner une nouvelle édition des livres saints, en corrigeant toutes les fautes qui s'étaient glissées dans le texte de l'ancien et du nouveau Testament, soit par l'inexactitude des copistes, soit par la malice des hérétiques. Cette nouvelle édition mérita une estime universelle, et fut d'un grand usage à saint Jérôme.

Lucien, quoique prêtre d’Antioche, était à Nicomédie en 303, lorsque l'Empereur Dioclétien y publia ses premiers édits contre la religion chrétienne : il fut du nombre de ceux qu'on arrêta pour la foi. Du fond de sa prison, il écrivit aux fidèles d'Antioche une lettre qui finissait ainsi : u Tous les martyrs vous saluent. Je vous apprends que le Pape Anthime a terminé sa course par le martyre. C'était dans l'année 303 que le Saint parlait ainsi. Il faut qu'il soit resté neuf ans en prison, puisqu'au rapport d’Eusèbe, il ne reçut la couronne du martyre qu'après la mort de saint Pierre d'Alexandrie, arrivée en 311. Quoi qu'il en soit, on le conduisit enfin devant le tribunal du gouverneur, ou même de l'Empereur : il saisit cette occasion pour présenter au juge une savante apologie de la religion chrétienne.

Le juge ayant entendu le Saint confesser généreusement Jésus-Christ, le renvoya en prison, avec défense de lui donner aucune sorte de nourriture. Lorsqu'on l'eut fait jeûner longtemps , on lui servit des mets délicats qui avaient été offerts aux idoles ; mais il les refusa constamment , fondé sur cette maxime, qu'on ne peut manger ce qui a été offert aux idoles, s'il doit en résulter du scandale pour les faibles, et si les païens l'exigent comme un acte d'idolâtrie. Le Saint ayant été conduit une seconde fois devant le juge, il persista toujours dans la confession de Jésus-Christ. Ce fut en vain qu'on employa les tourments pour ébranler sa fermeté ; on ne put jamais tirer de lui que ces paroles : Je suis chrétien. C'étaient là les seules armes dont il se servait pour vaincre, persuadé, dit saint Chrysostôme, que, dans un pareil combat, ce n'est pas l'éloquence qui remporte la victoire, et que le moyen le plus sûr de triompher n'est pas de savoir bien parler, mais de savoir bien aimer. Quelques-uns disent qu'il fut remis en prison, et qu'il y mourut. Saint Chrysostôme, qui devait être mieux informé que personne, nous assure qu'on le décapita. Rufin dit qu'il fut égorgé secrètement dans la prison par l'ordre de Maximin, qui, à cause du peuple, n'osa le faire mourir publiquement. Nous lisons dans ses actes, qu'il fit plusieurs miracles, et qu'étant lié et couché sur le dos dans la prison, il consacra les divins mystères sur sa poitrine, et donna la communion aux fidèles qui étaient présents. Il est constant, par le témoignage de S. Chrysostôme et de quelques autres anciens auteurs, que le martyre de saint Lucien arriva le 7 Janvier. Ce dut être en 312 ; car il souffrit durant la persécution de Maximin, laquelle finit par la publication de l'édit que Constantin et Licinius donnèrent en faveur des chrétiens, vers le mois de Novembre de la même année. Son corps, comme nous l'apprenons de saint Chrysostôme, fut enterré au bourg de Drépane en Bithynie. Peu de temps après, l'Empereur Constantin-le-Grand fit bâtir en ce lieu une belle ville, qu'il appela Hélénople, du nom de sa mère, et qu'il exempta de toutes taxes, pour marquer combien il honorait la mémoire du saint martyr. L'église d'Arles, fondée sur une ancienne tradition, prétend avoir les reliques de saint Lucien ; elle croit que Charlemagne, auquel on les apporta de l'Orient, en fit faire la translation dans l'église qu'il bâtit en l'honneur du Saint dans la ville d'Arles.

Lorsque saint Lucien s'appliqua à la lecture et à la méditation de l'Écriture sainte, son principal objet était de connaître la volonté de Dieu, de découvrir toute l'étendue de ses devoirs, d'acquérir cette délicatesse de conscience qui pèse les motifs de toutes les actions, qui éloigne non-seulement du péché, mais de l'apparence même du péché, et qui rend un homme inébranlable dans la pratique de la vertu. Aussi la parole de Dieu, consignée dans les livres saints, est-elle appelée lumière, un autre nom ne pouvant mieux désigner les "effets salutaires qu'elle produit dans les âmes bien disposées, car n'est-ce pas elle .qui dissipe ces ténèbres dont l'épaisseur nous cachait les vraies limites du bien et du mal, et nous dérobait la vue du chemin qui conduit au salut? N’est-ce pas elle qui nous donne une véritable idée de cette corruption et de cette fragilité, qui sont la source malheureuse des taches journalières qui ternissent la beauté de nos âmes ? N’est-ce pas elle qui nous montre que notre cœur doit être sans cesse brisé de douleur et de componction, parce que nous avons sans cesse des fautes à expier? N’est-ce pas elle qui nous enseigne la nécessité de recourir continuellement à Dieu, afin que, fortifiés par sa grâce, nous marchions avec joie dans le sentier pénible de la vertu? n'est-ce pas elle enfin qui nous apprend que nous devons , même après avoir accompli toute la loi , nous regarder comme des serviteurs inutiles , nous croire encore fort éloignés de la sainteté requise dans les élus , et par conséquent obligés de tendre de plus en plus à la perfection ? Toutes les fois que nous lirons l’Écriture, entrons dans les mêmes dispositions que saint Lucien. Concevons pour elle tout le respect et tout l'amour qui sont dus à la parole de Dieu ; alors nous la lirons avec fruit, et nous mériterons qu'elle devienne à notre égard un principe de lumière et de vie.

SOURCE : Alban Butler : Vie des Pères, Martyrs et autres principaux Saints… – Traduction : Jean-François Godes-card.

 

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