Voici la quatrième de nos
Vierges sages, la vaillante Lucie. Son nom glorieux étincelle au sacré
Diptyque du Canon
de la Messe, à côté de ceux
d'Agathe,
d'Agnès et de Cécile ; mais, dans les jours de l'A vent, le nom de Lucie
annonce la Lumière qui approche, et console merveilleusement
l'Eglise. Lucie est aussi une des trois gloires de la Sicile chrétienne ;
elle triomphe à Syracuse, comme Agathe brille à Catane, comme Rosalie
embaume Palerme de ses parfums. Fêtons-la donc avec amour, afin qu'elle nous
soit en aide en ce saint temps, et nous introduise auprès de Celui dont
l'amour l'a rendue victorieuse du monde. Comprenons encore que si le
Seigneur a voulu que le berceau de son Fils parût ainsi entouré d'une élite
de Vierges, et s'il ne s'est pas contenté d'y faire paraître des Apôtres,
des Martyrs et des Pontifes, c'est afin qu'au milieu de la joie d'un tel
Avènement, les enfants de l'Eglise n'oublient pas d'apporter à la crèche du
Messie, avec la foi qui l'honore comme le souverain Seigneur, cette pureté
du cœur et des sens que rien ne saurait remplacer dans ceux qui veulent
approcher de Dieu. Lisons maintenant les Actes glorieux de la Vierge Lucie.
Lucie, vierge de
Syracuse, illustre par sa naissance et par la foi chrétienne qu'elle
professa dès l'enfance, vint à Catane, avec sa mère
Eutychia malade d'un flux de sang, pour vénérer le corps de sainte
Agathe. Ayant fait ses prières au tombeau de la Sainte, elle obtint, par son
intercession, la santé de sa mère. Aussitôt elle supplia celle-ci de
souffrir qu elle distribuât aux pauvres de Jésus-Christ la dot qu'elle lui
préparait. C'est pourquoi Lucie, étant de retour à Syracuse, vendit tous ses
biens, et en distribua l'argent aux pauvres.
Celui à qui ses parents
l'avaient fiancée contre sa volonté ayant appris ceci, alla trouver le
Préfet Paschasius
, et accusa Lucie d'être chrétienne. Ce magistrat ne pouvant, ni par
prières, ni par menaces, amener Lucie au culte des idoles, voyant au
contraire que plus il s'efforçait de lui faire changer de sentiments, plus
elle semblait enflammée à célébrer les louanges de la foi chrétienne : Tu
ne parleras plus autant, lui dit-il, quand on en sera venu aux coups. La
parole ne peut manquer aux serviteurs de Dieu, reprit la vierge :
puisque le Seigneur Christ a dit : Quand vous serez devant les rois et
les gouverneurs , ne vous mettez pas en peine de la manière dont vous
parlerez, ou de ce que vous direz ; car ce que vous aurez à dire vous sera
donné à l'heure même; parce que ce n'est pas vous qui parlez, mais l'Esprit-Saint
qui parle en vous.
Paschasius lui ayant dit sur
cela : Le Saint-Esprit est-il donc en toi . Elle
répondit : Ceux qui vivent avec chasteté et piété sont le temple de l'Esprit-Saint.
Le Préfet repartit : Je vais donc te faire conduire en un lieu de
prostitution, afin que le Saint-Esprit t'abandonne. La vierge répondit: Si
on me fait violence malgré moi, j'aurai double couronne de chasteté. A ces
mots Paschasius, enflammé de colère, ordonna
qu'on traînât Lucie dans un lieu où on lui fît perdre sa virginité ; mais il
arriva, par la puissance divine, que la vierge demeura immobile au même
lieu, sans qu'aucune violence l'en pût arracher. C'est pourquoi le
gouverneur, l'ayant fait environner de poix, de résine et d'huile
bouillante, commanda qu'on allumât du feu autour d'elle ; mais comme la
flamme ne lui faisait aucun mal, après qu'on l'eût tourmentée en plusieurs
manières, on lui perça la gorge d'un coup d'épée. Lucie, ayant reçu le coup,
prédit la tranquillité dont l'Eglise devait jouir après la mort de
Dioclétien et de Maximien, rendit son esprit à Dieu, aux ides de décembre.
Son corps, enseveli à Syracuse, fut ensuite transféré à Constantinople, et
enfin à Venise. |