5-Les Chrétiens ne
sont distingués du reste des hommes ni par leurs pays, ni par
leur langage, ni par leur manière de vivre; ils n'ont
pas d'autres villes que les vôtres, d'autre langage que celui
que vous parlez; rien
de singulier dans leurs habitudes; seulement
ils ne se livrent pas à l'étude de vains systèmes, fruit de
la curiosité des hommes, et ne s'attachent pas, comme plusieurs,
à défendre des doctrines humaines. Répandus, selon qu'il a
plu à la Providence, dans des villes grecques ou barbares, ils
se conforment, pour le vêtement, pour la nourriture, pour la
manière de vivre, aux usages qu'ils trouvent établis; mais ils
placent sous les yeux de tous l'étonnant spectacle de leur vie
toute angélique et à peine croyable.
Ils
habitent leurs cités comme étrangers, ils
prennent part à tout comme citoyens, ils
souffrent tout comme voyageurs. Pour
eux, toute région étrangère est une patrie, et
toute patrie ici-bas est une région étrangère. Comme
les autres, ils se marient, comme les autres, ils ont des
enfants, seulement ils ne les abandonnent pas. Ils
ont tous une même table, mais pas le même lit. Ils vivent dans
la chair et non selon la chair. Ils habitent la terre et leurs
conversations sont dans le ciel. Soumis aux lois établies, ils
sont par leurs vies, supérieurs à ces lois. Ils aiment tous
les hommes et tous les hommes les persécutent. Sans les
connaître, on les condamne. Mis à mort, ils naissent à la vie. Pauvres,
ils font des riches. Manquant de tout, ils surabondent.
L'opprobre dont on les couvre devient pour eux une source de
gloire; la
calomnie qui les déchire dévoile leur innocence. La
bouche qui les outrage se voit forcée de les bénir, les injures
appellent ensuite les éloges. Irréprochables, ils sont punis
comme criminels et au milieu des tourments ils sont dans la joie
comme des hommes qui vont à la vie. Les
Juifs les regardent comme des étrangers et leur font la guerre.
Les Grecs les persécutent, mais ces ennemis si acharnés ne
pourraient dire la cause de leur haine.
*****
Mes amis,
je pense que vous appréciez comme moi cette lettre étonnante et
si actuelle.