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Suzanne Deloye, Sœur Marie-Rose
Religieuse bénédictine du couvent de Caderousse
1741-1794
(fête le 9 juillet)
Nous
commencerons notre exposé par une petite remarque. Un
des arguments de la Révolution était le respect de la
liberté de conscience. Mais ceux qui pensaient autrement
que ce que les révolutionnaires imposaient n'étaient
"que des ennemis de la liberté et des fanatiques".
Il fallait bien sûr s'en débarrasser. Nous vous
rappelons donc que 6 juillet l'Église fait mémoire du
Bienheu-reux Augustin-Joseph Desgardin
(Elie), cistercien à Sept-Fons, martyr aux Pontons
de Rochefort, béatifié en 1995. Le 7 juillet
l'Église fait mémoire du Bienheureux
Jean-Joseph Juge de Saint-Martin,
sulpicien, directeur de séminaire, lui aussi martyr aux
Pontons de Rochefort, béatifié en 1995.
Suzanne-Agathe Deloye naquit à Sérignan, village proche
de la ville d'Orange, le 4 février 1741, de
Joseph-Alexis Deloye et de Suzanne Jean-Clerc. Après une
enfance particulièrement pieuse elle entra au monastère
des bénédictines de Caderousse, placé sous le vocable de
l'Assomption Notre-Dame. On lui donna le nom de sœur
Marie-Rose. Pendant plus de trente ans elle se prépara,
par sa fidélité de tous les jours aux devoirs de sa
vocation, à la gloire du martyre.
Nous
sommes en 1794. La Révolution française ayant supprimé
les Ordres religieux, sœur Marie-Rose rejoignit sa
famille à Sérignan où elle demeura jusqu'au 10 mai 1794,
et où elle continuait, autant qu'elle le pouvait, sa vie
de moniale. En effet, les religieuses rendues malgré
elles à la vie séculière n'étaient pas dégagées de leurs
obligations monastiques. Une petite brochure intitulée
Règlement pour la conduite des religieuses dispersées
par la Révolution leur rappelait les particularités
de la vie monastique qu'elles devaient conserver dans le
siècle.
Marie-Rose avait trouvé refuge chez son frère
Pierre-Alexis. Bon chrétien, il élevait ses enfants dans
la piété et la stricte observation des lois de l'Église.
Deux de ses filles avaient quitté le foyer paternel pour
se consacrer à Dieu dans le service des pauvres, à
l'hôpital Sainte-Marthe d'Avignon. Une troisième,
Thérèse-Rosalie Deloye, entra au couvent du
Saint-Sacrement de Bollène, et revêtit l'habit le 23
novembre 1790. Plus tard, Pierre-Alexis, cacha dans son
grenier, aux plus mauvais jours de la Terreur, un prêtre
insermenté de Saint-Paul-Trois-Châteaux. Grâce à son
audace et à son sang-froid il sut en imposer aux
révolutionnaires, évitant ainsi leurs perquisitions.
Grâce à lui, les fidèles de la région purent entendre
quelquefois la messe et recevoir les sacrements.
Le
12 ventôse an II (2 mars 1794), sœur Marie-Rose fut
convoquée par la municipalité de Sérignan, avec deux
autres religieuses, afin de prêter le serment ordonné
par la loi. Toutes refusèrent. Un délai de réflexion,
exceptionnel, de dix jours, leur fut accordé; mais Sœur
Marie-Rose persista dans son refus ainsi que ses deux
compagnes. Le Comité de surveillance de Sérignan les fit
mettre en état d'arrestation, ainsi qu'un prêtre, le
chanoine Lusignan. La cause de l'arrestation des
religieuses était évidente. "Nous envoyons, écrit le
Comité de Sérignan à celui d'Orange, les trois
religieuses inassermentées que nous avons ici."
La
municipalité de Sérignan fit conduire Sœur Marie-Rose à
Orange, sur la charrette de son propre frère Alexis, par
son domestique accompagné de deux gardes nationaux. À la
prison de la Cure, où Sœur Marie-Rose fut écrouée, le 10
mai 1794, se trouvaient des religieuses emprisonnées
depuis déjà plusieurs mois. La présence et la ferveur de
ces saintes filles avaient déjà donné à la prison les
allures d'un couvent. Elles suivaient un règlement et
pratiquaient leurs exercices régulièrement. Sœur
Marie-Rose, avec joie, prit sa place parmi les
prisonnières et sa part de leurs prières et de leurs
pénitences. Près de deux mois s'écoulèrent ainsi. Le 17
messidor (5 juillet), sœur Marie-Rose fut appelée au
tribunal de la Commission populaire. Le président
Fauvéty lui proposa immédiatement de jurer, pour obéir à
la loi. Sœur Marie-Rose refusa avec fermeté, déclarant
qu'au surplus elle regardait la prestation de ce serment
comme une véritable apostasie.
L'accusateur public, un dénommé Viot, accumula contre
elle alors des accusations retentissantes et meurtrières
dont il chargera également toutes ses compagnes.
"Trop ennemie de la liberté, cette fille a tout tenté
pour détruire la république par le fanatisme et la
superstition. Elle a refusé le serment qu'on exigeait
d'elle, elle a voulu allumer la guerre civile..." Le
fanatisme, la superstition cela voulait dire en langage
révolutionnaire, fidélité à l'Église, à ses sacrements,
à son culte, à ses prêtres. Nul, à cette époque ne s'y
trompait. Fouquier-Tinville avait lui-même précisé le
sens de ces mots qu'on retrouve dans tous les actes
d'accusation des prêtres et des religieux(ses) non
assermentés. Nous savons que le 17 juillet 1794, une
carmélite de Compiègne accusée de fanatisme demandera ce
que ce mot signifiait. L'accusateur public lui répondra:
"Par fanatisme, j'entends votre attachement à des
pratiques puériles, et à vos sottes croyances."
Condamnée à mort, le 6 juillet 1794, Sœur Marie-Rose fut
exécutée le même jour à 6 heures du soir. Avec elle
périt, pour la même cause, un saint prêtre, le chanoine
Antoine Lusignan. Leur émulation pour mourir en dignes
martyrs, dit l'un de leurs historiens, fut telle qu'on
ne saurait dire si c'est la religieuse qui soutenait le
courage du prêtre ou le prêtre qui soutenait celui de la
religieuse. Ce qui est certain, c'est qu'ils allèrent à
la mort avec une sainte joie. Sœur Marie-Rose avait
montré à ses compagnes le chemin de la véritable vie.
Elles n'allaient pas tarder à s'y engager à leur tour.
Paulette
Leblanc |