Chose
promise, chose due. Nous commençons aujourd'hui la
présentation de quelques œuvres de Ruysbrœck. Les œuvres de
ce bienheureux sont toutes des œuvres mystiques,
c'est-à-dire des œuvres qui rapprochent de Dieu,
aident
à prier et donnent les bases de l'union à Dieu, donc au
désir de faire sa très sainte volonté. Voyons tout d'abord.
Le
Royaume des Amants de Dieu.
Ce livre
semble, d'après le témoignage d'un chartreux
contemporain, Maître Gérard, être la première œuvre de
Ruysbrœck. Elle fut, pense-t-on, composée aux environs de
l'an 1330. Ruysbroeck était encore chapelain de
Sainte-Gudule à Bruxelles. Son but était surtout de réfuter
les erreurs de l'impie Blœmardinne, de la secte du Libre
Esprit et d'autres faux mystiques, nombreux à cette époque.
Toute la théologie de Ruysbroeck est déjà en germe dans ce
livre: nous venons de Dieu, et nous retournons vers lui; de
plus, l'ordre surnaturel est comme greffé par Dieu sur
l'ordre naturel. C'est donc sur une base philosophique
solide que la vie contemplative peut être édifiée. C'est
toute la doctrine qui est contenue dans le Royaume des
Amants de Ruysbroeck. Entrons un peu dans les détails.
Après avoir longuement parlé
de la chute et du salut des hommes et présenté les
sacrements, Ruysbrœck précise comment nous pouvons atteindre
le Royaume de Dieu. Puis il s'attardera sur les dons du
Saint-Esprit. Enfin, il développera le dogme de la sainte
Trinité dont voici un extrait:
"Là où le Père contemple son
Fils, la Sagesse éternelle, le Fils est engendré et c'est
une personne distincte du Père. Dans l'acte même du Père
contemplant son Fils... le Fils reçoit la génération. Enfin
le Père demeurant toujours fécond, le Fils lui demeure sans
cesse attaché. Là où la nature est féconde, là le Fils est
dans le Père et le Père dans le Fils; et là où le Père
engendre le Fils, là le Fils naît du Père... En tout cela il
n'y a qu'un seul Fils engendré de la nature féconde qui est
paternité.
Quant à l'Amour, c'est-à-dire le Saint-Esprit, ce n'est
point de cette génération du Fils par le Père qu'il émane;
mais parce que le Fils est engendré, personne distincte du
Père, le Père contemple son Fils engendré; et le Fils à son
tour contemple le Père qui l'engendre en sa fécondité et il
se contemple lui-même ainsi que toutes choses dans le
Père... de là vient un Amour qui s'appelle le Saint-Esprit,
qui est un lien du Père au Fils et du Fils au Père... Dans
la Trinité, Dieu opère toutes ses œuvres: de l'unité naît la
génération et le reflux des personnes dans une perpétuelle
faim d'amour et un éternel désir...
Dans cette sublime nature de Dieu possédant avec plénitude
et de toute éternité, sagesse, bonté, libéralité, amour
infini et miséricorde, le Père tout puissant incline ses
regards et considère toutes ses créatures, œuvre de sa
sagesse; il les ordonne, les régit avec discrétion, les
attire par sa miséricorde, les enrichit de ses dons avec
libéralité, se les unit avec amour et fait entrer dans
l'unité avec lui-même tous ceux qui en sont dignes par leurs
vertus."
(Chapitre 25)
Ruysbrœck présente ensuite le drame des hommes qui
n'observent pas les commandements de Dieu.
Que pouvons-nous conclure de cette œuvre surprenante? Nous
sommes
pleins
d'admiration et perplexes. Pleins d'admiration car après
nous avoir rappelé le but et le sens de toute vie humaine,
Ruysbrœck cherche à conduire ses lecteurs sur le chemin de
la perfection, donc vers la béatitude éternelle, le Royaume
de Dieu. Ce chemin est rude, mais Dieu ne nous laisse pas
seuls: non seulement Il comble les hommes de ses grâces,
mais Il leur dispense abondamment les dons de son
Esprit-Saint. Ainsi, l'homme généreux et plein d'amour
pourra acquérir les vertus théologales et morales
indispensables pour avancer et vivre, peu à peu, une
véritable union avec Dieu, union sans intermédiaire réalisée
sous l'action d'un amour puissant qui confère l'inhabitation
divine.
Passons maintenant à une 2e
œuvre de Ruysbrœck:
L'Ornement des Noces Spirituelles
commente
une citation évangélique: "Voici l’Époux qui vient, allez
à sa rencontre." C’est surtout par cet ouvrage que la
doctrine Ruysbrœckienne se répandit dans les pays
germaniques.
Nous devons d'abord rappeler
que premier essai de Ruysbroeck, Le Royaume des Amants de
Dieu, écrit vers 1330, était arrivé à un mauvais moment: en
effet, Maître Eckart avait été condamné le 27 mars 1329, et
l'agitation produite par cette condamnation, ainsi que la
défiance qu'elle avait soulevée à l'égard des écrivains
mystiques, étaient loin d'être calmées; et la fameuse
Blœmardinne continuait à abuser le peuple par de faux dehors
de sainteté. C'est pourquoi, Ruysbroeck cherchant à montrer
la distinction qui existe entre les vrais et les faux
mystiques, écrivit ce nouveau livre, vers 1336. Notons au
passage que la condamnation de Maître Eckart fut très
contestée. Aujourd'hui, une lettre du Vatican, datée du 15
août 1992, déclare que Maître Eckart
"n’a
jamais été condamné en son nom propre, que c'est seulement
le cas de certaines de ses propositions."
Revenons à nos Noces Spirituelles. Ce livre est
essentiellement un traité de théologie chrétienne et
mystique, un véritable catéchisme qui précise ce que doit
être la vie conforme à la vie du Christ sur la terre, et à
ses désirs pour chaque homme désirant se sauver et aboutir à
la vie éternelle, but final offert à tous les hommes. Mais
avant d'atteindre la vie éternelle, quelques âmes choisies
par Dieu peuvent, dès ici-bas, connaître une vie d'union à
Dieu, prémices de la vie béatifique. Remarquons ici que
saint François de Sales aimait beaucoup consulter cet
ouvrage.
Paulette
Leblanc |