LES GRANDS MYSTIQUES

 

LA SPIRITUALITÉ DE RUYSBROECK
(1291-1381)

Chose promise, chose due. Nous commençons aujourd'hui la présentation de quelques œuvres de Ruysbrœck. Les œuvres de ce bienheureux sont toutes des œuvres mystiques, c'est-à-dire des œuvres qui rapprochent de Dieu, aident à prier et donnent les bases de l'union à Dieu, donc au désir de faire sa très sainte volonté. Voyons tout d'abord. 

Le Royaume des Amants de Dieu. Ce livre semble, d'après le témoignage d'un chartreux contemporain, Maître Gérard, être la première œuvre de Ruysbrœck. Elle fut, pense-t-on, composée aux environs de l'an 1330. Ruysbroeck était encore chapelain de Sainte-Gudule à Bruxelles. Son but était surtout de réfuter les erreurs de l'impie Blœmardinne, de la secte du Libre Esprit et d'autres faux mystiques, nombreux à cette époque. Toute la théologie de Ruysbroeck est déjà en germe dans ce livre: nous venons de Dieu, et nous retournons vers lui; de plus, l'ordre surnaturel est comme greffé par Dieu sur l'ordre naturel. C'est donc sur une base philosophique solide que la vie contemplative peut être édifiée. C'est toute la doctrine qui est contenue dans le Royaume des Amants de Ruysbroeck. Entrons un peu dans les détails. 

Après avoir longuement parlé de la chute et du salut des hommes et présenté les sacrements, Ruysbrœck précise comment nous pouvons atteindre le Royaume de Dieu. Puis il s'attardera sur les dons du Saint-Esprit. Enfin, il développera le dogme de la sainte Trinité dont voici un extrait: "Là où le Père contemple son Fils, la Sagesse éternelle, le Fils est engendré et c'est une personne distincte du Père. Dans l'acte même du Père contemplant son Fils... le Fils reçoit la génération. Enfin le Père demeurant toujours fécond, le Fils lui demeure sans cesse attaché. Là où la nature est féconde, là le Fils est dans le Père et le Père dans le Fils; et là où le Père engendre le Fils, là le Fils naît du Père... En tout cela il n'y a qu'un seul Fils engendré de la nature féconde qui est paternité. 

Quant à l'Amour, c'est-à-dire le Saint-Esprit, ce n'est point de cette génération du Fils par le Père qu'il émane; mais parce que le Fils est engendré, personne distincte du Père, le Père contemple son Fils engendré; et le Fils à son tour contemple le Père qui l'engendre en sa fécondité et il se contemple lui-même ainsi que toutes choses dans le Père... de là vient un Amour qui s'appelle le Saint-Esprit, qui est un lien du Père au Fils et du Fils au Père... Dans la Trinité, Dieu opère toutes ses œuvres: de l'unité naît la génération et le reflux des personnes dans une perpétuelle faim d'amour et un éternel désir...     

Dans cette sublime nature de Dieu possédant avec plénitude et de toute éternité, sagesse, bonté, libéralité, amour infini et miséricorde, le Père tout puissant incline ses regards et considère toutes ses créatures, œuvre de sa sagesse; il les ordonne, les régit avec discrétion, les attire par sa miséricorde, les enrichit de ses dons avec libéralité, se les unit avec amour et fait entrer dans l'unité avec lui-même tous ceux qui en sont dignes par leurs vertus." (Chapitre 25) 

Ruysbrœck présente ensuite le drame des hommes qui n'observent pas les commandements de Dieu. 

Que pouvons-nous conclure de cette œuvre surprenante? Nous sommes  pleins d'admiration et perplexes. Pleins d'admiration car après nous avoir rappelé le but et le sens de toute vie humaine, Ruysbrœck cherche à conduire ses lecteurs sur le chemin de la perfection, donc vers la béatitude éternelle, le Royaume de Dieu. Ce chemin est rude, mais Dieu ne nous laisse pas seuls: non seulement Il comble les hommes de ses grâces, mais Il leur dispense abondamment les dons de son Esprit-Saint. Ainsi, l'homme généreux et plein d'amour pourra acquérir les vertus théologales et morales indispensables pour avancer et vivre, peu à peu, une véritable union avec Dieu, union sans intermédiaire réalisée sous l'action d'un amour puissant qui confère l'inhabitation divine. 

Passons maintenant à une 2e œuvre de Ruysbrœck: 

L'Ornement des Noces Spirituelles commente une citation évangélique: "Voici l’Époux qui vient, allez à sa rencontre." C’est surtout par cet ouvrage que la doctrine Ruysbrœckienne se répandit dans les pays germaniques. 

Nous devons d'abord rappeler que premier essai de Ruysbroeck, Le Royaume des Amants de Dieu, écrit vers 1330, était arrivé à un mauvais moment: en effet, Maître Eckart avait été condamné le 27 mars 1329, et l'agitation produite par cette condamnation, ainsi que la défiance qu'elle avait soulevée à l'égard des écrivains mystiques, étaient loin d'être calmées; et la fameuse Blœmardinne continuait à abuser le peuple par de faux dehors de sainteté. C'est pourquoi, Ruysbroeck cherchant à montrer la distinction qui existe entre les vrais et les faux mystiques, écrivit ce nouveau livre, vers 1336. Notons au passage que la condamnation de Maître Eckart fut très contestée. Aujourd'hui, une lettre du Vatican, datée du 15 août 1992, déclare que Maître Eckart "n’a jamais été condamné en son nom propre, que c'est seulement le cas de certaines de ses propositions."  

Revenons à nos Noces Spirituelles. Ce livre est essentiellement un traité de théologie chrétienne et mystique, un véritable catéchisme qui précise ce que doit être la vie conforme à la vie du Christ sur la terre, et à ses désirs pour chaque homme désirant se sauver et aboutir à la vie éternelle, but final offert à tous les hommes. Mais avant d'atteindre la vie éternelle, quelques âmes choisies par Dieu peuvent, dès ici-bas, connaître une vie d'union à Dieu, prémices de la vie béatifique. Remarquons ici que saint François de Sales aimait beaucoup consulter cet ouvrage.

Paulette Leblanc

 

 

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