La spiritualité d'Alexandrina

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Les relations intimes
entre Alexandrina et Jésus

 1-1-Alexandrina et l'Eucharistie

Alexandrina raconte dans son autobiographie, qu'elle ne passait pas un jour sans prier, que ce soit à l’église, à la maison ou sur la route. Elle faisait toujours la communion spirituelle de la façon suivante: "Ô mon Jésus, venez dans mon pauvre cœur! Je Vous désire: ne tardez pas. Venez m’enrichir de Vos grâces, augmentez en moi votre saint et divin amour. Unissez-moi à Vous! Cachez-moi dans votre Côté sacré! Je n’aime que Vous. Je n’aime que Vous, je ne veux que Vous, je ne désire que Vous. Je vous rends grâce, Père éternel, pour nous avoir donné Jésus au très Saint-Sacrement. Je vous remercie, mon Jésus, et, enfin, je Vous demande votre sainte bénédiction. Loué soit à tout instant, Jésus au très Saint-Sacrement!" Et elle ajoute: "J’aimais beaucoup faire la méditation sur le très Saint-Sacrement et sur la Sainte Vierge." Le 8 mars 1934, ne recevant que rarement la communion, elle écrivit à son directeur, le Père Pinho: "Quoique le Saint-Sacrement soit mon meilleur ami, je regrette de devoir le dire, je ne le reçois que rarement. Au début il (le nouveau curé) m’apportait la Sainte Communion tous les premiers vendredis, samedis et dimanches et le 13 de chaque mois; maintenant, il ne vient plus les premiers dimanches. Il m’est arrivé d’en pleurer, car cela me peine..."

À de très nombreuses reprises, Alexandrina entendit Jésus lui dire: "Oh! ma fille, ne connais-tu pas l’effet de ma présence dans ton âme? C’est moi qui te purifie de plus en plus, j’embellis le trône de ma demeure. Sois-moi fidèle, répare pour mes tabernacles. J’y suis si seul! Dans un grand nombre de ces tabernacles j’y suis si oublié, si méprisé, si vilipendé! Console-moi, aie pitié de moi! Fais que je sois aimé!..."

 

Les mystiques partagent souvent la douleur de Jésus au tabernacle. Ainsi, le 14 septembre 1934, Alexandrina écrit: "Je reste enlacée à la croix de Notre Seigneur, et je me sens si embrasée dans l’amour de mon bien-aimé Jésus -qu’Il soit à jamais béni- qui répond si bien aux demandes de quelqu’un qui désire tant et tant l’aimer..." Puis, le 27 septembre 1934: "Notre Seigneur n’arrête pas de m'inviter vers les tabernacles. 

— Viens, ma fille, viens t’attrister avec moi, participer à ma prison d’amour, et réparer pour l’abandon et l’oubli; fais dire à ton Père spirituel que je veux que l’on prêche et que l’on propage beaucoup, mais même beaucoup, la dévotion envers mes tabernacles...

Jésus n’est pas resté là uniquement par amour pour ceux qui l’aiment, mais pour l’amour de tous... Notre Seigneur m’a dit aussi que je ne Lui refuse aucune souffrance ni sacrifice pour les pécheurs, que la justice de Dieu était prête à tomber sur eux et que moi je pouvais encore les secourir. Il m’a demandé de prier pour les prêtres qui sont les ouvriers de sa vigne et que d’eux dépendait la bonne ou la mauvaise récolte..."

Et plus tard, le 4 octobre 1934: "Ma fille, n’as-tu pas compassion de moi?... Je suis seul et abandonné, dans mes tabernacles, et tellement offensé! Viens me consoler, viens réparer, réparer pour tant d’abandon..."

1-2-Alexandrina et la Croix

Les épreuves d'Alexandrina commencèrent dès sa jeunesse. En 1925, vers l'âge de 21 ans, elle s'alitait pour le reste de ses jours. En 1930, comprenant qu'elle ne guérirait jamais, elle s'offrit en victime pour le salut des âmes et en 1934 elle faisait le vœu du plus parfait.

            1-2-1-Les demandes de Jésus: partager ses douleurs

Il semble que c'est vers 1934 qu'Alexandrina commença à vivre les souffrances de la Passion de Jésus. En effet, le 8 septembre 1934, elle écrit au Père Pinho: "Il m’a semblé entendre alors ces paroles:

— Donne-moi tes mains: je veux les clouer avec les miennes; donne-moi tes pieds: je veux les clouer avec les miens; donne-moi ta tête: je veux la couronner d’épines, comme ils me l’ont fait à moi; donne-moi ton cœur: je veux le transpercer avec la lance, comme ils ont transpercé le mien; consacre-moi tout ton corps; offre-toi toute à moi; je veux te posséder entièrement et faire ce que je voudrais.

Ceci fut suffisant pour me tenir en haleine, très préoccupée. Je ne savais que faire: me taire et ne rien dire, me semblait ne pas correspondre à la volonté de Notre Seigneur; il me semblait que mon bon Jésus ne voulait pas que j’occulte ses paroles... Il faut encore que je vous dise que vendredi et aujourd’hui, Notre Seigneur a renouvelé ses demandes. Il m’a recommandé aussi l’obéissance en tout, comme je l’ai déjà expliqué à Votre Révérence. S’agit-il d’une illusion de ma part?"

Et le 26 octobre 1934, Jésus insiste: "Me donnes-tu ton corps pour la crucifixion? Je veux te faire participer à toute ma Passion, encore que par des chemins différents... Oh! ma fille, combien je suis triste! Veux-tu partager ma tristesse?... Veux-tu t’associer à mes tabernacles? Reste y alerte et bien ferme, pour empêcher cette pluie fine de péchés qui leur tombe dessus, ce déluge de crimes qui à aucun moment ne s’arrête de tomber sur eux. J’ai beau leurs envoyer des rappels, de les appeler par tous les moyens, mais ils n’en tiennent aucun compte..."

En 1935 Jésus dit à Alexandrina: "Je t’ai choisie pour être ma crucifiée... C’est un don à moi... La souffrance de ton corps, de ton âme est douloureuse, lancinante. Mais au ciel, où je t’attends, tu auras la récompense."[1]

            1-2-2-Les souffrances physiques d'Alexandrina

Déjà en 1933[2] elle demandait tous les jours des souffrances à Dieu. Cela peut nous paraître exagéré, mais nous comprenons mieux en lisant ce qu'elle écrit, véritable révélation de l'état d'esprit des vrais mystiques: "Pendant les heures où je souffre je ressens beaucoup de consolations, car j’ai davantage à offrir à mon Jésus. Il y a, toutefois, des choses qui me coûtent beaucoup, mais que seule la volonté de Dieu soit faite, et non pas la mienne." Oui, des souffrances, mais des souffrances qui deviennent  l'ouverture, l'entrée dans la joie de Dieu et le bonheur en Dieu.

Le 7 avril 1934 elle écrivait au Père Pinho: "Ma souffrance a beaucoup augmenté... Il m’est impossible de tenir la plume, même pour à peine quelques instants... Les douleurs sont atroces. On ne m’a jamais gratté les os, mais j’ai l’impression que cela doit produire le même effet... Cependant, au milieu de toutes mes souffrances, je sens une grande consolation spirituelle, car je constate que toutes les demandes que j’adresse à Notre Seigneur sont exaucées."

            1-2-3-Les souffrances spirituelles

Le 7 avril 1934, toujours au Père Pinho: "Jésus m'a offert  beau collier, un collier de grandes souffrances, car, en plus des souffrances physiques, j’ai beaucoup souffert spirituellement. Cette maladie de l’âme ne peut être guérie que par Notre Seigneur, quand Il m’accordera la grâce de vous voir près de moi, afin que je puisse m’épancher totalement.

1-3-Vivre la Passion de Jésus

Plusieurs mystiques ont vécu la Passion de Jésus. Mais ce qu'ils virent, entendirent, comment ils ont participé aux évènements de Passion, nous le savons surtout par ce qu'ils ont raconté, écrit, ou encore par ce que les personnes admises à y assister ont réussi à noter. Il est incontestable que chaque personne n'a pas vécu l'intégralité de la Passion: ils seraient morts bien avant la fin; mais d'après tous les récits, on peut affirmer que chaque visionnaire a vu, entendu et vécu, une certain nombre de scènes, adaptées à ses possibilités. Il n'est pas question ici de raconter tout ce qu'Alexandrina a vécu de la Passion du Seigneur, mais afin de mieux comprendre sa spiritualité, nous en donnerons les grandes lignes. 

            1-3-1-Les appels de Jésus

Alexandrina écrit au Père Pinho, le 27 novembre 1934: "Ma fille... écoute ton Jésus, écoute mes demandes. Me donnes-tu ton corps pour que je le crucifie? Mais j’exige de toi de nombreuses et grandes souffrances; la crucifixion est douloureuse. Ne me la refuse pas, par amour pour moi, c’est pour que tu viennes en aide à tes frères, à ces aveugles, non de naissance mais aveuglés par leurs passions. Par toi j’espère que beaucoup viennent au moyen de la croix que je t’ai donné et que toi par amour pour moi tu as embrassée..."

            1-3-2-L'Eucharistie et la Croix

 En 1934, Aalexandrina écrit au Père Pinho: "Une nuit, Jésus m’est apparu, grandeur nature, dévêtu jusqu’à la ceinture. Sur ses divines mains, sur ses pieds et sur sa poitrine, de profondes plaies étaient ouvertes. Le sang coulait jusqu’à sa taille, et traversant le linge qui le ceignait, tombait à terre. Jésus s’est assis sur le bord de mon lit. J’ai embrassé avec amour les plaies de ses mains et je désirais ardemment embrasser celles de ses pieds. Comme j’étais couchée, je ne pouvais y parvenir, mais je n’ai rien dit au Seigneur. Mais Lui, qui connaît mes désirs, m’a présenté, l’un après l’autre ses pieds, afin que je puisse les embrasser. J’ai contemplé ensuite la plaie de son côté et le sang qui, abondamment, coulait de celle-ci. Grandement attendrie, je me suis jetée dans les bras de Jésus et je lui ai dit: 'Ô mon Jésus, combien avez-vous souffert par amour pour moi!' Je suis restée quelques instants la tête inclinée sur la poitrine de Jésus qui, ensuite a disparu.

Il est inutile de dire que plus jamais je ne pourrai l’oublier et, que toujours je m’en souviendrai comme une chose qui serait toujours présente."

En 1935 Alexandrina dit encore: "Quand je contemple Jésus crucifié et le vois si maltraité, alors mon chagrin redouble et mon cœur se remplit de douleur et de tristesse, me souvenant qu’à chaque instant il est si horriblement crucifié..."

Et un autre jour, après la Communion, "Alexandrina 'entendit' Jésus l'inviter à participer à sa Passion, mais d'une façon concrète, en se laissant transpercer les mains et les pieds par les clous, et la tête par la couronne d'épines." Alexandrina finit par accepter cette proposition répétée à plusieurs reprises. Elle restait fortement unie à Jésus qui la prépara longuement: “Il me parlait de jour comme de nuit... disait-elle, Il se confiait à moi...” Après les épousailles spirituelles, en avril 1938, Alexandrina vécut, le 3 octobre suivant, pour la première fois, la Passion du Christ.

            1-3-3-Comment Alexandrina vivait la Passion

Notons tout d'abord qu'Alexandrina ne vécut visiblement la Passion que jusqu'en 1942. Ensuite, et jusqu'à sa mort, cela se fit d'une manière cachée, et toujours sans stigmate. Mais quoi qu'il en soit, Alexandrina tout en se "sentant" Jésus pouvait aussi le contempler de l'extérieur. Ainsi elle pouvait "comprendre" les sentiments intérieurs du Cœur de Jésus tout en contemplant ce qui se passait à l'extérieur. Elle écrit, par exemple: "J’ai commencé à me rendre compte que Jésus pleurait à l’intérieur de moi.
Moi, j’étais la ville de Jérusalem; j’étais Jésus..."
Ou encore, au moment de la Cène:
"Pendant ce banquet j’ai lavé les pieds de ceux qui m’entouraient... Jésus s’apprête à partir, mais il veut rester avec nous... Quelle anxiété de partir mais aussi de rester! Mon cœur ressent tout cela."

Alexandrina "entre" aussi dans la pensée de Jésus pensant à la trahison de Judas, ce Judas qu'Il aime toujours. Elle éprouve les frayeurs de Jésus, son désir et en même temps sa peur de sa Passion qui vient. Tout lui cause horreur: les blasphèmes, le fouet, le crucifiement, la mort, et surtout l’abandon des siens, et même de Dieu..."

Alexandrina vécut la Passion dans sa chair: "Prosternée jusqu’à terre, je sentais de tels déchirements et de telles secousses dans tout mon corps, que j’avais l’impression que les os allaient bientôt se rompre. C’était l’épouvante, c’était le pressentiment des souffrances... Combien souffrent mon corps et mon âme!" Puis c'est de nouveau Jésus qu'elle voit: "Combien Jésus a souffert! Ingratitude du monde... Il avait un regard très triste et il pleurait à grosses larmes… Il a pleuré longtemps: son regard était triste..." Jésus lui fit alors comprendre que le baiser de Judas avait augmenté les souffrances de sa Passion. Ce fut ensuite le passage devant Pilate; devant la grandeur de Jésus, Alexandrina se sentait si petite...

Mais elle allait bientôt ressentir la flagellation: "Je me suis sentie attachée par la taille, traînée par les cheveux, flagellée, couronnée d’épines très aiguës, lesquelles me causaient une telle douleur qu’il me semblait que ma tête brûlait dans un grand feu..." Mais "dans mon âme j’avais des regards de tendre compassion envers ceux qui me faisaient souffrir... L’enfer et la perte irréparable des âmes me terrorisaient tellement que j’aimais ces atrocités au lieu de les détester. Je les aimais pour sauver les âmes, convaincue que seule la souffrance pouvait les sauver."

Alexandrina vivait et contemplait en même temps la condamnation à mort de Jésus, puis le chemin de croix: "Le corps déchiré je me suis engagée
sur le chemin du Calvaire... Je suis entraînée par de rugueuses cordes.
Je sens que ma face traîne par terre;que mes joues sont très meurtries... Ce n’étaient que hurlements et imprécations derrière moi... Mon corps n’est qu’une plaie. Le sang de la tête, causé par les épines,
baigne tout mon corps. Les bras ouverts je m’abandonne à la croix;
je me laisse crucifier. Je m’offre à la mort... Pendant que l’on m’étirait
les bras et les jambes pour les clouer et que je sentais que des plaies
sortaient de ruisselets de sang, le démon est venu vers moi, redoubler ma souffrance... Jésus, plein de tendresse et d’amour, demandait pardon pour tous au Père éternel...

Sur le Calvaire et sur la Croix, Jésus et Marie n’avaient qu’un seul Cœur,
une seule âme, une seule douleur, un seul amour..."

            1-3-4-Les extases

À partir de la semaine de la Passion de 1942 (la cinquième de Carême) les manifestations de la “Via Crucis” cessèrent et les extases commencèrent, à trois heures tous les vendredis et les premiers samedis de chaque mois. Elles durèrent jusqu’à la fin de la vie d'Alexandrina, en 1955.

La durée de l’extase publique était d’environ une demi-heure. En état de ravissement Alexandrina parlait d’une façon claire et parfaite: il était possible d’écrire tout ce qu’elle-même, et Jésus, disaient, à travers ses lèvres. Quelquefois elle chantait, avec de très beaux accents de voix, sur d’extraordinaires musiques inspirées. Pendant les extases elle obéissait aux ordres que lui adressait le Père Umberto, même si ceux-ci n’étaient donnés que mentalement.

Alexandrina sortait de ces extases revigorée aussi bien physiquement que spirituellement. Elle avait l’habitude de dire: "À la fin des extases je me sens rassasiée... mais dommage que cela dure si peu."

            1-3-5-Pourquoi tant de souffrances?

Jusqu'à la fin de sa vie Alexandrina eut à supporter des souffrances intolérables, tant physiques que morales, mais jamais elle ne se plaignait... Au contraire, à de très nombreuses reprises elle insistait auprès de Jésus pour qu'Il continue à la combler de ces grâces terribles mais nécessaires au salut du monde. Ainsi, en juillet 1934 au Père Pinho, elle écrit: "J’ai beaucoup, et même beaucoup souffert ces derniers temps, mais, loué soit Notre Seigneur, je souffre toujours avec une grande résignation. Mon bon Jésus ne m’a pas abandonnée au milieu de tant de souffrances, mais quand je les demande -ces souffrances- à Notre Seigneur, je Lui demande également de ne pas me laisser souffrir seule, car cela serait suffisant pour me désespérer. Je reconnais que je ne suis rien et que je ne pourrais rien sans l’aide de mon bien-aimé Jésus, à qui je dois tout..."

Ou encore, en août 1934: "Plus j’aurai de souffrances, plus j’aurai à offrir à Notre Seigneur, c’est pourquoi aujourd’hui je lui répète souvent: 'Envoyez, mon Jésus, ce que vous voudrez, pourvu que je puisse Vous soulager pour les offenses que Vous recevez.' Ou encore: "Notre Seigneur m’a dit aussi que les épouses les plus chères sont celles à qui Il donne la croix la plus épineuse et la plus lourde; voici une grande preuve d’amour.”

Le 1er novembre 1934, Notre Seigneur lui dit:

— "Ne t’attriste pas à cause de tout ce qui arrive en toi. C’est moi, afin de t’unir davantage encore à moi et te serrer encore plus dans mon Cœur.

J’ai demandé à mon bon Jésus ce que je devrais faire pour beaucoup l’aimer et Il m’a dit:

— Viens dans mes tabernacles, viens me consoler, viens réparer. N’arrête pas de réparer; donne-moi ton corps pour que je le crucifie. J’ai besoin de beaucoup de victimes pour soutenir le bras de ma justice et j’en ai si peu, viens les remplacer..."

Oui, ces souffrances sont rédemptrices, et Alexandrina se réjouit. À la fin décembre 1934, elle écrit encore: "Je me réjouis, car les souffrances augmentant, mieux encore je peux secourir les pauvres pécheurs et soulager Notre Seigneur..."

Évidemment nous sommes effrayés. Mais il convient de nous rappeler sans cesse que nous appartenons au Corps mystique du Christ, et que, dans tout corps, quand un membre souffre, tout le corps souffre; au contraire, quand un membre répare, au moment de la réparation la douleur peut être vive, mais, ensuite, le corps tout entier va mieux. Tant que l'on n'a pas compris cela, il est impossible de comprendre les mystiques.

1-4-Quelques révélations

 De nombreuses personnes furent témoins du charisme prophétique d’Alexandrina. Nous donnons ci-dessous quelques exemples. Ainsi, le 20 janvier 1939 (quelques mois avant que ne commence la guerre), pendant une extase de la Passion, Jésus lui révéla que le monde était suspendu à un fil très fin et fragile. La balance était prête à basculer.

            1-4-1-Alexandrina, sa mission et la guerre

Pendant une extase, dans la nuit du 24 au 25 avril 1938, le Seigneur dit à Alexandrina:

— "Je veux la Consécration du monde à ma Mère Immaculée. Mais Je veux que le monde entier connaisse la raison de cette Consécration: il faut que tous fassent pénitence et prient... C'est pour cette raison que Je te fais souffrir de la sorte. Et tu devras souffrir beaucoup encore afin que lui, le Pape, consacre le monde."

Quelques jours après l'élection du Cardinal Pacelli au trône pontifical, le Seigneur affirma à la servante de Dieu:

— "C'est celui-ci le Pape qui fera la consécration au Cœur Immaculé![3]"

Pendant la même extase, Jésus lui fit voir une scène épouvantable d'une guerre qui allait bientôt éclater au sein de beaucoup de nations. Alexandrina raconte: "Je voyais une immense destruction: des maisons qui s'écroulaient et en très peu de temps paraissaient immergées dans une mer de fumée. Le Seigneur m'a dit: 'Ce que tu vois là, c'est le châtiment préparé pour le monde.'"

Le 11 septembre 1939, Alexandrina supplie Jésus:

— "Ô mon Jésus, je veux souffrir tout, tout; je veux être triturée par Vous. Je suis votre victime, mais ne punissez pas le monde. Ô mon Jésus, je veux être votre paratonnerre posé à chaque endroit où vous habitez; que tombent sur moi les ignominies des pécheurs."

Mais le Seigneur, par des éclairs, lui montra les dévastations de la guerre. Alexandrina accepta de souffrir tout, sans exception, afin de sauver le monde. Jésus lui conseilla de se préparer pour des “chemins encore plus douloureux”.

            1-4-2-Alexandrina et Pie XII

Immédiatement après la mort de Pie XI, (10 février 1939) Alexandrina prophétisa le nom de son successeur: À sa sœur et à l’institutrice Sãozinha elle déclara: "Cardinal Pacelli, cardinal Pacelli!..."

Bientôt la guerre éclate, mais Jésus déclare à Alexandrina: "Demandez et vous recevrez; demandez avec foi. Le Portugal sera épargné. Mais malheur à lui s’il ne correspond pas![4]"

Le 6 décembre 1939, Alexandrina supplie Jésus de ramener la paix sur le monde et de protéger le Pape. Le Seigneur lui répondit:

— "La paix reviendra, mais au prix de beaucoup de sang. Le Saint-Père sera épargné; le dragon orgueilleux et enragé qu’est le monde n’osera pas toucher à son corps. Mais son cœur en sera victime." Hitler, en effet, avait donné des ordres pour que Pie XII soit capturé.

Le 11 novembre 1943 Alexandrina écrivit au Saint-Père pour le réconforter. Elle disait entre autres: "Le règne de votre Sainteté continue de se dérouler au milieu des épines, mais Jésus ne manquera jamais de vous apporter sa grâce et son amour afin que vous puissiez marcher joyeux le long de votre calvaire..."

            1-4-3-Des visions dramatiques

Un jour, en 1938, Jésus vint se plaindre auprès d'Alexandrina: "Je viens à toi, non pas pour te consoler, mais pour verser mes larmes dans ton cœur. Je ne peux plus supporter les abominations des pécheurs! Pénitence!... Pénitence!... Pénitence!... dans le monde entier!... Qu’il se convertisse sans retard, autrement, il sera rapidement détruit!..."

Au début de 1939, Alexandrina vivait dans une nuit et une obscurité continuelles. Elle ne voyait que des ténèbres et écrivait: "Qu’il est obscur et terrible, le chemin que je dois suivre!..." C'est que "le monde est suspendu à un fil... à un fil très fin... Ou le Pape se décide à le consacrer ou le monde sera puni![5]..."

Un envoyé du saint-Siège, le chanoine Vilar, vint la rencontrer; il comprit parfaitement Alexandrina. Cependant on commençait, dans le peuple, à raconter n'importe quoi, ce qui fut une autre sorte de martyre pour notre amie. Elle écrit[6]: "Je cherche un peu de soulagement dans ma souffrance. J’attends l’heure de ma crucifixion. Je ne peux pas parler. Mon cœur galope. Dans mon âme c’est la rébellion, l’émeute. Je me trouve dans un état d’abandon effrayant. Il me semble cheminer au milieu de la haine de tous, de tribunal en tribunal..."

Dans le monde, à mesure que les menaces de guerre se précisaient, Alexandrina était avertie des malheurs qui allaient bientôt frapper le monde. Une nuit elle "assista" à la "destruction du monde". "Tout était rasé: les maisons, les arbres, les toitures; tout n’était qu’un monceau de ruines! Quelle chose épouvantable! Au milieu de tout cela, je voyais une foule innombrable qui se débattait; et par-dessus tous ces gens, de terribles serpents,[7] si grands, si affreux! Par contre, je n’ai pas vu une seule personne sortir de ces décombres. Un long moment après, j’ai commencé à apercevoir la Bien-Aimée Mère du Ciel. Elle se déplaçait à une grande hauteur, la tête abaissée, l’air bien triste. À mesure qu’elle avançait, les ruines disparaissaient; tout est devenu plat. Ce qui jusque-là n’était que décombres s’illuminait. Elle ne m’a rien dit: elle s’est arrêtée un moment, et ensuite elle a disparu."

Le 28 juin 1939 Alexandrina écrit dans son journal: "Notre-Seigneur m’a parlé, non pas d’un ton sévère, mais avec une profonde douleur: 'Je vais détruire le monde; je vais le précipiter en enfer, je vais le détruire; je ne peux plus souffrir tant de malice, tant de méchanceté et de crimes. Dis-le à ton Directeur. Tu ne te trompes pas; ce que tu as vu c’est sa destruction. C’est ce qu’il est sans le soutien de ma très Sainte Mère, et ce qu’il est avec Elle. Console-moi, soulage-moi... Laisse-moi t’accabler; laisse-moi te faire souffrir'."

Le temps passe. Fin juillet 1939 Alexandrina écrit dans son journal: "Jésus m’a visitée il y a peu... Il me disait: 'Quelle douleur! Quelle douleur pour mon divin Cœur de voir le monde s’incendier dans les flammes brûlantes des passions et des vices; de voir les individus, la société, tous les peuples engagés dans une guerre féroce. On dirait que l’enfer s’est transporté sur la terre. Ô monde, pauvre de toi, si tu ne te relèves pas! Ô monde, pauvre de toi, si tu ne te convertis pas !... Ton châtiment est très proche'[8]!

C’est pour cela que je tremble de douleur, et non pas de froid!..."

Et Jésus, parlant de Marie dit: "Le Cœur de ma Mère bénie est blessé par les outrages perpétrés contre moi. Tout ce qui blesse son Cœur, blesse aussi le mien; tout ce qui blesse le mien, blesse également le sien, tellement nos Cœurs sont unis. C’est pour cela que la consécration du monde lui donnera beaucoup d’honneur et de gloire: les langues maudites et impures qui prononcent des outrages contre Elle, seront ainsi vaincues et humiliées."[9]

1-5-L'éducation d'Alexandrina

            1-5-1-À l'école de Jésus et du Saint-Esprit

Souvent des religieux, ou des théologiens de très haut niveau, s'émerveillent de la science que manifestent les mystiques. Et l'on est en droit de se demander où les mystiques trouvent leur science. Jésus Lui-même le révèlera un jour à Alexandrina: "Et moi j’ai hâte que tu apprennes toutes mes leçons. J’ai beaucoup à t’apprendre et toi beaucoup à assimiler afin que, par toi, beaucoup viennent apprendre les mêmes leçons, suivre les mêmes traces et te suivre dans tes chemins."

Il y a aussi les dons et la présence du Saint-Esprit. Tous les écrits d’Alexandrina laissent transparaître ses authentiques expériences mystiques telles que les enseignent les grands maîtres de l’Église catholique, dont Ruysbrœck ou saint Jean de la Croix, par exemple. "En Alexandrina, presque analphabète, le don de science était évident vue la précision théologique avec laquelle elle s’exprimait et par les images à l’aide desquelles elle nous présentait sa montée vers Dieu."

            1-5-2-À l'école de la souffrance

Jésus sait que la souffrance répugne aux humains que nous sommes. Aussi prend-il toujours le temps de l'enseigner et d'enseigner sa valeur à tous ses futurs saints. Pour cela Il accompagne souvent la souffrance qu'Il réserve aux mystiques, et qu'ils finiront eux-mêmes par réclamer, d'un vrai bonheur, mais d'un bonheur étrange qu'ils ne savent pas exprimer. Alexandrina écrit à son Père spirituel, le Père Pinho, le 11 octobre 1934: "Je ne sais pas ce qui s’est passé en moi, je ne sais pas bien l’expliquer: je ressentais un très, très grand poids, un poids si grand, spécialement sur le cœur, que j’avais l’impression que mon cœur devenait aussi grand que le monde. Un peu plus tard, alors que j’étais distraite et froide, quand j’allais réfléchir à tout cela, Notre Seigneur me dit:

— Veux-tu voir comment je t’embrase ?

J’ai alors commencé à sentir une union si grande et une chaleur et une force qui semblait me broyer. Mon Jésus m’a dit:

— Comme nous nous aimons! Quelle sainte union que la nôtre!

Et il me recommanda encore: 'Viens, ma fille, n’oublie pas mes tabernacles, j’y suis si seul; ne t’arrête pas de prier pour les pécheurs'."

Mais, le 15 octobre 1934, Jésus dit: "M’aimer en échange de caresses et de tendresses ne coûte rien; j’ai fait semblant de t’abandonner, de te laisser seule ailleurs que dans les bras de ton Époux, pour voir jusqu’où tu irais, mais je ne t’abandonne pas… Combien je t’aime! Viens, ne prends pas de repos! Continue de prier pour les pécheurs, Je te les confie afin que tu me les redonnes ensuite. Viens dans mes tabernacles, viens réparer." Et Alexandrina ajoute: "Il m’a dit de dire à Votre Révérence que, ou bien je réparais et la dévotion aux tabernacles était prêchée dans le monde, ou bien le monde serait puni, mais, quel terrible châtiment!..."

Bien plus tard, le 1er mars 1946, alors que la douleur inondait sa vie,  Alexandrina comprit que la douleur était une extraordinaire maîtresse. Elle dicta: "La douleur est ce qu'il y a de plus sage; la douleur est l'école la plus sublime; rien de meilleur que la douleur pour nous apprendre à aimer Jésus; la douleur nous guide et nous achemine vers lui."

            1-6-Vers la Croix  et l'accomplissement des missions

Peu à peu Alexandrina marche vers la Croix, et l'accomplissement des missions qui lui sont confiées et qui, d'ailleurs, sont toutes très liées à sa marche vers la croix. Ainsi, en juillet 1935, Jésus exprima son désir de voir le monde consacré au Cœur Immaculé de Marie. Et en 1936, Alexandrina vécut  une "mort mystique". Puis, à partir de 1937, elle commença à ne plus supporter aucune nourriture, sauf l'Hostie consacrée. Ce fut également le début des attaques du démon. Bientôt les phénomènes de la Passion se produisirent chaque vendredi. Mais le but de tous ces phénomènes, c'était la consécration du monde au Cœur Immaculé de Marie. Le 24 octobre 1938, le Père Pinho, écrivit au pape Pie XII pour demander cette consécration.

Tout au long de l'année 1939, Alexandrina entendit Jésus lui prédire la guerre comme châtiment pour les grands péchés du monde. Elle s'offrit alors comme victime pour la paix et pour obtenir que le Portugal fût épargné de la guerre. Le 6 janvier 1940 elle rapporte au Père Pinho les paroles de Jésus:

— "Dis à ton directeur spirituel qu’il fasse connaître et aimer ma très Sainte Mère: celui qui aime la Mère aime le Fils... Dis-lui de prêcher que celui-là qui aimera ma très Sainte Mère ne se perdra pas; en vain l’enfer tentera de le l’abattre."

Alexandrina souffre de plus en plus, et, pour couronner le tout, en janvier 1942, on éloigna d'elle son directeur, le Père Pinho. Elle écrit: "Il me semble que, jour après jour, tout s’assombrit de plus en plus. Même le Soleil divin qui me réchauffait, m’éclairait et donnait la force à ma pauvre âme, semble s’être obscurci. Patience! Je veux tout souffrir pour mon Bien-Aimé Jésus, pour lui sauver beaucoup d’âmes: c’est la mission que Notre-Seigneur m’a confiée, en ce monde, n’est-ce pas?" Jésus lui fit comprendre que, pour elle, l'heure de lui donner la plus grande preuve d'amour et d'héroïsme était arrivée. Il lui dit: "Marche sans lumière, en complet abandon. Tout sera mort en toi..." Le 17 avril 1942 commençait pour elle le jeûne total accompagné d'une totale anurie qui durera jusqu'à sa mort. Enfin, le 31 octobre 1942, à l'occasion du 25e anniversaire des apparitions de Fatima, le Pape Pie XII consacrait le monde au Cœur Immaculé de Marie.


[1] Lettre du 1er novembre 1937 au Père Mariano Pinho.
[2] Alexandrina n'avait que 19 ans.
[3] Journal du 20 mars 1939.
[4] Journal du 4 juillet 1940.
[5] Lettre du 20 janvier 1939 au Père Mariano Pinho.
[6] Lettre du 8 février 1939,  au Père Pinho.
[7] Ces serpents, après analyse d’autres écrits d’Alexandrina, semblent représenter les vices. Ils apparaissent sur les ruines de la guerre, car ceux-ci représentent la victoire des vices, son dénouement.
[8] La guerre commença en septembre 1939.
[9] Lettre du 2 décembre 1939 au Père Mariano Pinho.

   

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