LE SILENCE ET LA MISÉRICORDE

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Il est parfois indispensable de réfléchir sur le silence. Notre monde est un monde de bruit qui ne peut plus entendre la voix douce de Jésus... Dieu parle, Dieu nous invite, Dieu nous propose un bonheur merveilleux, mais les médias préfèrent le pouvoir d'achat, l'avortement, et maintenant l'euthanasie et le mariage pour tous y compris le mariage des homosexuels. Il y a des jours où nous ne comprenons plus rien de ce monde sans Dieu. Pourtant nous sommes toujours avec Dieu, notre Créateur et Père, notre Seigneur. Mais il y a trop de bruit autour de nous et nous n'entendons plus la voix de Dieu. Alors, aujourd'hui, malgré nos nombreuses occupations essayons de nous concentrer. Les vrais chrétiens souffrent beaucoup quand ils constatent le désintérêt de nos contemporains pour tout ce qui a un lien avec la religion, avec Jésus-Christ, Un avec le Père et l'Esprit, au sein de la Trinité d'Amour.

Seigneur! Tu proposes aux hommes un bonheur infini dans ton Amour, et les hommes Te préfèrent le néant... et nous ne comprenons pas. Et dans nos esprits des idées tourbillonnent; nous ne pouvons plus prier alors qu'en réalité nos cœurs crient, gémissent de douleur, mais ils ne peuvent même plus s'exprimer tant leur douleur est grande. Il n'y a plus de silence dans nos cœurs; il n'y a plus que des lamentations et des appels sans cesse renouvelés: "Seigneur, viens au secours de tes enfants!" 

Seigneur nous voulons réfléchir avec Toi. Il y a maintenant plus de quarante ans, tous ceux qui disaient qu'il fallait laisser les gens s'exprimer ont systématiquement fait taire ceux qui n'étaient pas d'accord avec eux. Et tant de gens se sont tu. S'ils parlaient, parfois, pour demander quelques explications, on les accusait de faire du mauvais esprit. Alors, ils n'ont plus rien dit: plus des trois quarts des vrais chrétiens ont dû se taire définitivement. Silence apparent, car dans leurs cœurs, que de plaintes!... que de souffrances! Ou pire, que d'indifférences, que de découragements! Le silence apparent de ceux qui doivent se taire n'est pas le silence que le Seigneur désire. Le bruit en eux est silencieux... mais c'est toujours du bruit. Est-ce vraiment de l'humilité? Généralement, non! Alors, quel est le silence que Dieu veut de chacun de nous? Continuer à dire Amen! aux erreurs que personne ne peut plus nier? Non, bien sûr. Mais quoi faire?  

Nous allons maintenant essayer de suivre Jésus, de marcher avec Lui: cela devrait nous être facile puisque nous sommes dans son Cœur, et que nous nous déplaçons forcément avec Lui. Nous marchons avec Jésus et, intérieurement, nous Le contemplons: mais Jésus semble se taire… Jésus se tait, mais Il pleure doucement, silencieusement: car les grandes douleurs sont toujours silencieuses. Jésus sait que ses enfants s'égarent, qu'ils vont à leur perte. Jésus sait que ses enfants ne savent pas qu'ils  s'égarent, car le Menteur les encourage à marcher au milieu des bruits infernaux qu'il suscite partout. Plus le Menteur fait de bruit, et Jésus sait combien il en fait du bruit, et à longueur de journée, plus le Menteur fait de bruit, moins les hommes entendent Dieu, car Dieu ne parle que dans le silence. Le Menteur a tout organisé pour que le bruit soit maintenant continuel: bruits de la radio, de la télé, des CD ou des DVD, des Mp3, des téléphones portables, etc, etc… Tout est fait pour assourdir même les plus petits enfants. Que faire? 

Que faire? Pensons au silence de Dieu, Dieu que l'on désigne parfois comme le Grand Silencieux. Mais, Dieu est-Il tellement silencieux, et qu'est-ce que le silence de Dieu? Réfléchissons un peu: le silence est-il un peu "le milieu vital" de Dieu? Nous savons que le milieu vital des hommes, c'est l'atmosphère; et quand l'atmosphère est polluée, les hommes meurent, manquant d'oxygène. Le milieu vital des poissons, c'est l'eau, et quand l'eau manque ou est polluée, les poissons meurent. Il ne peut pas en être ainsi pour Dieu, puisque Dieu est éternel. En réalité, ce que nous venons d'appeler le "milieu vital" de Dieu, c'est en fait Dieu Lui-même, et le seul vrai milieu vital des hommes, c'est Dieu.  

Un autre point mérite d'être soulevé: l'eau, pour les poissons, et l'atmosphère, pour les êtres vivant dans l'air, donc les milieux vitaux des êtres vivants, sont silencieux par eux-mêmes. Mais en réalité, ces milieux vitaux sont aussi des milieux de transmission des informations. Ainsi, les requins sentent, à des dizaines de kilomètres, la présence de sang frais dans les eaux. Et l'air transmet les sons, la lumière, les odeurs, et de nombreuses autres catégories d'ondes. Et nous savons aussi que s'il y a des perturbations importantes dans ces milieux vitaux, les bruits transmis sont déformés et deviennent parfois insupportables. Notre milieu vital spirituel, c'est Dieu, et il n'est donc pas faux d'imaginer que Dieu dans lequel nous vivons, nous transmette aussi, par son milieu donc par Lui-même, non seulement la vie mais également les paroles qu'Il veut nous faire entendre. Or Dieu est silence, et c'est seulement dans le silence divin que nous pouvons entendre les paroles divines. Mais attention aux perturbations introduites par Satan! 

Comme toutes les "choses" qui concernent Dieu, il est bien difficile d'exprimer le silence et les paroles de Dieu. Dans son silence, Dieu nous parle avec des paroles silencieuses. Dieu nous appelle parfois, Dieu veut nous confier ses "secrets". Comment L'entendre? Comment les entendre? Seulement dans le silence de nos cœurs, car seul notre silence intérieur peut répondre au Silence de Dieu. Élie, le grand prophète entendit Dieu dans la brise légère, une brise à peine audible. Moïse entendit la voix de Dieu dans le feu du Buisson Ardent. Comment Isaïe, Jérémie, Ézéchiel et les autres prophètes entendirent-ils la Voix de Dieu qui les brûlait et qu'ils ne pouvaient pas taire? Ils ne nous l'ont pas dit, et pourtant cette Voix inaudible que pourtant ils entendaient et ne pouvaient pas taire, cette voix les transformait... 

Et voici de nouvelles questions: dans notre monde de bruits assourdissants, certaines personnes demandent à réfléchir sur le silence, mais pour quoi faire? Pour trouver le silence, pour entendre la voix de l'Amour, la voix de  Dieu. Car seule la voix de Dieu nous permet d'écouter et d'entendre les plaintes souvent silencieuses de notre prochain malheureux. Et ces gémissements vont rompre notre silence et nous faire réagir; ces gémissements suscitent du bruit qui pourtant n'en est pas pour celui qui écoute et qui aime. Incroyable! Le cri des malheureux rompt le silence des hommes sur la terre, sans le rompre… Alors, ce silence de nos cœurs, que doit-il être, que peut-il être? Seuls les moines pourraient nous répondre, mais nous ne sommes pas tous des moines…  

Il y a enfin quelque chose dont nous devons parler, c'est du silence que l'on peut qualifier d'artificiel car ce n'est pas du silence. Je m'explique: il y a quelque chose que nous ne devons pas oublier, c'est l'état de notre monde actuel, et l'état de l'Église. Les persécutions contre les chrétiens se manifestent maintenant à grande échelle et sur tous les continents. Et notre monde se tait. Les médias n'en parlent pas. Même le silence de notre Église nous étonne. Pourquoi toutes ces indifférences face à toutes ces souffrances? La réponse est simple. Nous avons mis Dieu à la porte depuis 50 ans... Dieu nous a créés libres pour que nous puissions L'aimer. Mais nous ne voulons pas de Lui, alors Il nous laisse à nous-mêmes... Nous voyons les résultats. De plus, comment Notre Seigneur nous parlerait-Il puisque nous ne voulons plus L'entendre? 

Nous allons maintenant essayer de récapituler les diverses sortes de silence qui existent. Il y aura des oublis, c'est sûr, mais essayons quand même. Contemplons notre Seigneur et Il nous éclairera.   

– Il y a d'abord les silences nécessaires, les silences de "charité": ce sont les silences que l'on doit observer pour ne pas gêner, ne pas calomnier ni médire sur son prochain. Il faut même faire taire en soi les jugements sévères que l'on peut porter sur les autres, se souvenant que Jésus pardonne toutes les fautes dès lors que le pécheur se repend sincèrement. Et personne ne peut dire ce qui se passe au fond des cœurs, même des plus mauvais, apparemment.

– Il y a ensuite les silences obligatoires, notamment les silences pédagogiques indispensables pour écouter les professeurs. Pour écouter, il faut d'abord faire silence. Il y a aussi les silences qui respectent le silence et la réflexion des autres.

– Il y a, hélas, les silences totalitaires, les silences imposés par les dictateurs ou leurs émules qui n'hésitent pas à tuer tous ceux qui oseraient les contredire.

– Il y a aussi les silences imposés par les hommes politiques, moins graves que les silences totalitaires, mais qui cependant faussent bien des choses dans la société.

– Il y a d'autres silences que beaucoup de saints ont connus, surtout lorsqu'ils étaient calomniés. Les saints se taisent dans la douleur et offrent au Seigneur la douleur silencieuse qui leur est parfois imposée, et un jour, souvent après leur mort, la vérité se fait, et l'Église reconnaît leur héroïsme. Mais que de souffrances pour ces âmes!

– Il y a aussi le silence, proche du silence politique, le silence de ceux que l'on a d'abord fait taire parce qu'ils n'étaient pas d'accord avec les idées au goût du jour. Plus tard, croyant s'être trompés, ils se sont tu d'eux-mêmes. Leur douleur fut parfois très grande, et souvent, quand, un jour, la vérité se manifesta, ils s'accusèrent de n'avoir pas su exprimer leur désaccord. Que faire dans ces cas quasiment inextricables et si nombreux aujourd'hui? 

On pourrait multiplier à l'infini les exemples de ces silences douloureux. Étaient-ils coupables ceux qui se sont tu? Leur silence n'était-il que la manifestation d'un manque grave de courage, de lâcheté? Les apôtres martyrs de tous les temps pourraient seuls répondre à ces questions difficiles, car dans des circonstances graves, le témoignage peut se révéler indispensable. Nous savons tous qu'il est possible de pécher par omission. Pourtant, lorsqu'Il "parle" à ses saints confrontés à ces situations délicates, le Seigneur conseille toujours l'obéissance. Il leur dit: "Commence par obéir, moi, j'éclairerai ton directeur..." Car aux yeux du Seigneur, l'obéissance est la vertu fondamentale. Cela, c'est clair pour les religieux, mais pour les laïcs? Doivent-ils toujours se taire? Et comment parler tout en demeurant dans la vérité et dans la charité, sans délation comme sans compromis? 

Nous venons d'aborder les cas les plus difficiles concernant le silence extérieur. Traitons maintenant du silence intérieur. Pour écouter Dieu, pour comprendre les paroles de Dieu, il faut commencer par faire silence, par entrer "dans sa chambre", comme le conseille le Seigneur. Oui, mais cela ne suffit pas, car très souvent, commence un cinéma intérieur difficilement contrôlable. Les révoltes resurgissent, les amertumes empoisonnent la pensée. Ce silence est destructeur, c'est un bruit très violent, bien qu'il soit silencieux. Il faut maîtriser ce silence bruyant, dédaigner les réflexions infernales qui nous envahissent, car ce silence bruyant ne vient pas de Dieu, mais du démon. Alors, que faire? 

Tout d'abord il faut prier, implorer le Seigneur de venir faire la paix en nous, de nous inonder de sa charité, de son amour, de sa paix. Alors, bientôt, on se surprend à "écouter" Dieu. Les douleurs ne disparaissent pas mais elles s'apaisent: elles deviennent offrande en union avec les souffrances de Jésus à Gethsémani et sur la croix. Et peu à peu nous découvrons le vrai silence. Car il existe un vrai silence, le silence de l'union à Dieu, ce silence que Dieu n'impose pas, mais qu'Il propose. Le Seigneur se sert des évènements, même des plus douloureux pour faire grandir ses enfants dans la foi, dans l'amour, dans l'offrande d'eux-mêmes. C'est le silence de l'amour, de l'accueil de la volonté de Dieu. C'est le silence de la véritable oraison, celle qui est la contemplation des merveilles de Dieu.  

Nous allons maintenant essayer de faire une expérience sur le vrai silence.

Thérèse d'Avila disait que ce n'était généralement qu'à la fin d'une longue oraison que l'union à Dieu pouvait, parfois, se manifester. Souvenons-nous d'abord que notre société veut tout expliquer, tout réduire à de la matière car il lui faut, coûte que coûte, montrer que Dieu n'existe pas. Cela, on ne pourra jamais le prouver. Mais notre société athée, cachant son but véritable mais non avoué, se tourne du côté de ceux qui prient, en particulier des mystiques, c'est-à-dire de ceux qui prient vraiment. Contemplant ces hommes qui prient vraiment, notre société athée veut montrer qu'en fait nos soi-disant relations avec Dieu ne sont que des interactions des cellules de notre cerveau. Mais même les plus grands savants n'ont pu démontrer cela. Alors, comment nous, pouvons-nous démontrer le contraire?  

Il faudrait peut-être que notre Église parle de temps en temps, qu'elle rompe son silence qui se présente parfois comme une véritable complicité avec Satan. Les chrétiens ont besoin d'être instruits. Mais revenons à notre expérience afin de voir si le silence intérieur existe vraiment. Essayons de "voir" ce qui se passe en nous quand nous sommes en oraison, ou plutôt quand nous désirons faire oraison. Choisissons d'abord un thème, puis essayons de faire silence en nous; nous constatons que c'est impossible: car nous revenons encore et toujours à nos refrains habituels: "Seigneur, pourquoi ceci, pourquoi cela? Seigneur fais ceci, fais cela…" Notre litanie se poursuit, et reprend comme un refrain que nous ne pouvons pas maîtriser... Que faire? 

Essayons de faire taire ces refrains qui nous envahissent et réfugions-nous, avec l'apôtre saint Jean sur le Cœur de Jésus. Abandonnons-nous à Jésus comme saint Jean l'avait su faire, essayons d'écouter les battements du Cœur de Jésus, essayons d'écouter ses paroles... Malheureusement, souvent nous nous retrouvons vite à demi endormis et comme en proie à un délire d'images produites par notre imagination non contrôlée. Nous revenons à Jésus, nous Lui redisons mon amour, notre désir de faire sa volonté, la seule volonté de Dieu, et le cycle recommence. Trois quarts d'heure viennent de passer: nous sommes consternés!!! Et nous nous arrêtons… Notre expérience doit cependant se poursuivre...  

Seigneur! Explique-nous comment réaliser en nous un véritable silence intérieur. Comment "ficeler" notre imagination qui crée sans cesse des images ou des scènes délirantes, lesquelles n'ont, le plus souvent, aucune signification. Seigneur, quand nous venons vers Toi, nous voulons vraiment T'écouter", "écouter" tes paroles d'amour et ta paix... Et voici que soudain nous pensons à tous tes enfants qui ne Te connaissent plus, à toutes ces âmes qui Te délaissent car elles ne savent rien de Dieu, à ces jeunes laissés à eux-mêmes... et brusquement nous suivons la Passion de Jésus. Notre souffrance devient celle de Jésus et nous pensons à ses paroles de détresse et de confiance envers le Père: "Père si c'est possible, que ce calice passe loin de Moi, ... mais que ta volonté soit faite..." Et encore "Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font." Notre cœur vit avec le Cœur de Jésus. Nos paroles sont devenues silence avec le Silence de Jésus. Mais, est-ce seulement à Gethsémani et au pied de sa Croix que l'on peut "entendre" ce silence du Seigneur? 

Ce qui précède n'était qu'une expérience, mais une expérience qui peut nous apprendre beaucoup et nous conduire au vrai silence intérieur, à l'oraison et à la Miséricorde de Dieu. Voici un petit texte de sainte Faustine. Elle raconte comment, dans le silence, elle est passée d'un épisode de la Passion de Jésus à sa Miséricorde. Écoutons-la, en silence: 

"Aujourd'hui, pendant l'office de la Passion, j'ai aperçu Jésus supplicié, couronné d'épines. Il tenait à la main une tige de roseau. Jésus se taisait et les soldats se bousculaient pour Le torturer. Jésus ne disait rien, II me regardait seulement; dans ce regard j'ai ressenti un tel supplice que nous n'avons même pas idée de ce que Jésus a souffert pour nous avant d'être crucifié. Mon âme est pleine de douleur et de nostalgie; j'ai éprouvé en mon âme une violente haine pour le péché, et la plus petite infidélité me semble une haute montagne, je l'expie par la mortification et la pénitence. Lorsque je vois Jésus supplicié, mon cœur se déchire en lambeaux, je me demande, qu'adviendra-t-il des pécheurs s'ils ne profitent pas de la passion de Jésus. Je vois dans Sa passion tout un océan de miséricorde." 

Relisons ces paroles de sainte Faustine et méditons-les. Surtout ne commençons pas à faire de longs raisonnements, mais contemplons Jésus et unissons-nous à sa douleur. Plongeons dans le silence douloureux de Jésus qui mourut sur la croix en disant: "Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font…" Oui, nous aussi pleurons et pardonnons avec Jésus. Mais unissons-nous à sa miséricorde; nos cœurs ne peuvent plus qu'adorer, aimer, et vivre dans le silence de Dieu et de sa miséricorde.  

Mais pour trouver le vrai silence intérieur, il n'y a pas que la souffrance de Jésus. On peut aussi choisir un épisode de la vie de Jésus qui était plein de joie, par exemple quand ses disciples, qu'il avait envoyés deux par deux dans les villages environnants, revinrent en disant que "même les démons leur étaient soumis…" Soudain notre cœur est joyeux, et notre silence lui aussi est heureux, car plein d'espérance.

Paulette Leblanc

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