PIERRE FOURIER
Fondateur de la Congrégation de Notre-Dame, Saint
(1565-1640)

9

DECEMBRE

Pierre Fourier naquit le 30 novembre 1565 à Mirecourt, petite paroisse d'une région de Lorraine, devenu département des Vosges. Il était le fils de Dominique Fourier, un marchand drapier et de Anne Hacquart, fille d'un sergent du bailli. Pierre passa son enfance dans une famille bourgeoise et chrétienne originaire de Xaronval, petit village proche de Mirecourt. À cette époque le duché de Lorraine était indépendant mais à cause de la Guerre de Trente ans, la Lorraine traversait une période de très grande misère. Venu au monde en 1565, immédiatement après le Concile de Trente qui l'inspirera beaucoup, Pierre vivra la Réforme catholique. 

Quand Pierre eut 8 ans, son père l'envoya à l'école de Mirecourt. Très intelligent, Pierre commença à étudier le latin dès l'âge de 10 ans. Quand il eut 13 ans, en octobre 1578, son père l'envoya au collège de Pont-à-Mousson, tenu par les jésuites, et où son cousin, Jean Fourier était professeur de théologie avant de devenir recteur de l'université. Pierre étudia non seulement la grammaire et la rhétorique, mais également le grec et le latin, langues qu'il maîtrisa rapidement.

En 1585, âgé de 20 ans, il entra comme novice à l'abbaye de Sainte-Marie des Chanoines Réguliers de l'ordre de Saint-Augustin à Chaumousey, en Lorraine, à 5 km de Mirecourt. Son choix étonna son entourage car, dans  cette abbaye, la règle monastique était particulièrement relâchée. Mais Pierre s'efforcera toujours d'appliquer la règle à la lettre. Sa devise inspirée de Saint Ambroise était: "Ne nuire à personne, être utile à tous." En 1587 il s'engageait définitivement dans l'ordre des Chanoines Réguliers et prononça ses vœux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance. Le 24 septembre 1588, il fut ordonné diacre à Trèves, puis, le 25 février 1589, ce sera son ordination. 

Ensuite, Pierre Fourier, suivant l'avis de son Père abbé, retourna à Pont-à-Mousson poursuivre ses études théologiques. Là il côtoya l'élite intellectuelle régionale: son cousin, le Père Jean Fourier, le Père Jacques Sirmond, Servais de Lairuels futur réformateur des Prémontrés lorrains ou encore Didier de la Cour, réformateur des Bénédictins de Sainte-Vanne. En 1595, Pierre est docteur en théologie, en droit civil et canonique. Au mois d'août 1595, il rejoint son monastère de Chaumousey et va commencer la réforme du monde monastique. Le Père abbé de Chaumousey le nomme alors procureur du monastère et administrateur de la paroisse qui dépend du monastère. Pierre peut alors s'adonner aux pauvres de la paroisse et aux jeunes novices. Malheureusement la vie pauvre que menait Pierre ne plaisait pas à tous les moines qui lui firent subir toutes sortes d'outrages et de coups, jusqu'à menacer sa vie en versant du poison dans sa nourriture. 

Curieusement la famille de Pierre Fourier s'inquiétait de sa situation matérielle. Aussi contacta-t-elle le cardinal du lieu pour lui faire obtenir des bénéfices. Et elle en obtint. Mais Pierre, ayant fait un vœu de pauvreté n'accepta que les faibles bénéfices de la cure de Mattaincourt. Le 28 mai 1597, Pierre signait l'acte de la cure devant le notaire de Toul. Or Mattaincourt était la paroisse la moins intéressante du diocèse. Par ailleurs, la plupart des gens étaient passés au protestantisme, et Mattaincourt était appelée "La petite Genève". Pierre Fourier s'employa, dès son arrivée à Mattaincourt à visiter chaque foyer, ceux de Mattaincourt et ceux d'Hymont, petit village dépendant de Mattaincourt. Par ses qualités de prêtre, de médiateur et d'ami, il réconcilia les habitants de Mattaincourt et d'Hymont avec la foi catholique. Pierre restera curé de Mattaincourt jusqu'en 1632. 

Comment vivait Pierre Fourier à Mattaincourt? Sans aucun confort, dans une petite cellule de son presbytère, n'ayant pour décoration qu'un crucifix et une ou deux images en papier; son mobilier consistait en quelques chaises, un lit sans coussin et sans drap, et un banc qui lui servait souvent de lit. Pierre ne mangeait qu'une seule fois par jour, après le coucher de soleil, son travail accompli. 

Durant quarante ans, Pierre Fourier s'occupa de tous ses paroissiens, jeunes ou vieux, riches ou pauvres, en se faisant aider par un vicaire soigneusement choisi. En effet, convaincu de l'ignorance religieuse de ses paroissiens, il voulait propager la parole du Christ selon les vœux de la réforme tridentine. Grâce à ses prêches, véritables enseignements catéchétiques, il restaura la pratique dominicale. De plus, il n'hésitait pas à présenter, dans l'église de Mattaincourt, le catéchisme sous la forme de représentations théâtrales, jouées par les enfants. Il invitait aussi de hautes personnalités ecclésiastiques à prêcher dans son église. Il avait une grande vénération pour la Vierge Marie, vénération qu'il s'efforçait de partager à ses paroissiens en fondant des Confréries du Rosaire. Et, par dessus tout, ayant compris l'importance de la liturgie, il faisait comprendre combien  les belles célébrations liturgiques étaient sacrées, car elles rendaient présent, pour chaque croyant, le Christ ressuscité, Fils du Dieu vivant. 

Nous devons ajouter encore autre chose: Pierre Fourier était consterné par le fait qu'il existait peu d'écoles, qu'elles étaient payantes et mixtes, Ce qui était le cas de l'école de Mattaincourt où les jeunes filles devaient supporter l'inconvénient d'une éducation masculine. Aussi travailla-t-il à  l'établissement de deux ordres religieux, l'un consacré à l'éducation des garçons, et l'autre à l'éducation des filles. Et sa rencontre avec Alix le Clerc donnera naissance à la congrégation enseignante de Notre-Dame. 

Pierre conduisait ses paroissiens à vivre, dans leur paroisse, une action charitable et sociale en faveur des plus pauvres. Pour cela, nous devons donner les précisions suivantes: c'est saint Pierre Fourier qui inventa la première mutuelle: la bourse de saint Èvre, saint patron de Mattaincourt. Il faut savoir qu'à l'époque, les personnes en difficulté  étaient obligées d'emprunter à des taux usuraires, atteignant parfois 40 %. Heureusement des changements se manifestaient, et, par une ordonnance de 1573, le duc de Lorraine, Charles III, avait légalisé le prêt en fixant le taux à 7 %. Comme cela était insuffisant pour des gens en grandes difficultés financières, Pierre Fourier créa la première Caisse de prévoyance et de crédit mutuel. Il trouva les fonds nécessaires à la survie de cette Caisse par  des dons, des legs, voire des amendes. N'oublions pas que la période allant de 1559 à 1624 fut celle de la Guerre de Trente ans qui engendra des misères effroyables, des famines terribles et des épidémies de peste. C'est ce qui explique en partie les institutions financières de Pierre Fourier. On a dit de lui: "Par sa large culture, sa pastorale fervente, la hardiesse de ses initiatives, par l'ampleur et la qualité de ses écrits, Pierre Fourier s'imposa comme un témoin privilégié de la Réforme Catholique." 

Le résultat de toute la politique de saint Pierre Fourier fut tel que qu'un évêque de Toul écrivit une lettre au pape dans laquelle il disait: "Mattaincourt semble être devenu un véritable monastère par l'ordre et la piété qu'on y remarque." La réputation du curé de Mattaincourt dépassait même les limites de sa paroisse à tel point que des étrangers de toutes conditions venaient écouter les sermons et les catéchismes du curé. 

Mais en 1632, Pierre Fourier, contraint d'accepter le généralat de sa Congrégation, dut quitter sa paroisse de Mattaincourt et la confier à un autre chanoine. En effet, le 20 août, malgré ses protestations, il était élu à l'unanimité à la tête de la congrégation pour remplacer le P. Guinet, son ami emporté par la peste alors qu'il se dévouait auprès de pestiférés. 

Faisons ici un petit rappel. Depuis 1622, Pierre Fourier avait travaillé, avec l'évêque de Toul, à la réforme monastique de l'abbaye de Saint-Pierremont afin d'en faire le premier centre de la Réforme. Il y eut beaucoup de rébellions chez les anciens moines, mais une nouvelle Congrégation put être fondée conforme aux exigences demandées par le Concile de Trente. Quant aux chanoines de la congrégation de Notre-Sauveur, ils durent "s'adonner à une large action apostolique", selon la règle de Saint-Augustin. La congrégation de Notre-Sauveur obtint son premier bref d'approbation en novembre 1625. Le 8 août 1628, le Père Guinet parvint à obtenir du pape Urbain VIII une bulle pour tous les monastères existant en Lorraine, ainsi que la reconnaissance de la congrégation de Notre Dame encore appelées Chanoinesses régulières de Saint-Augustin, et de la Congrégation de Notre-Sauveur. 

La situation de la Lorraine, qui n'appartenait pas à la France de l'époque, était devenue dramatique, accablée par les horreurs de la guerre, et les rivalités existant entre le roi de France et le duc de Lorraine. En 1636, Pierre Fourier fut exilé à Gray, en Franche Comté. À Gray, sa dernière terre d'accueil, Pierre Fourier reconstitua un "petit Mattaincourt". Comme toujours, et malgré la guerre et ses cortèges d'horreurs, il s'appliquait à tous les devoirs de sa charge de général, de fondateur, de prêtre et d'homme. Et il continuait à diriger ses deux congrégations. De plus, à Gray, il rédigea les constitutions définitives des Sœurs de Notre-Dame, dites les "Grandes Constitutions". 

Malgré son grand âge, Pierre s'imposait toujours une discipline de vie très austère. Il n'acceptait, comme à son habitude, aucun confort, il ne voulait ni chauffage, ni lit confortable; il n'acceptait qu'un seul repas par jour…  Le 12 octobre 1640, il devint très fiévreux. Cependant il réussit à  achever les constitutions des sœurs de Notre-Dame de 1640, et à rédiger son testament spirituel. Le jour de sa mort, le 9 décembre 1640, il remit au Père Georges le manuscrit des Constitutions à l'intention des sœurs de Notre-Dame et au Père Bedel ses six derniers "beaux avis" à l'intention des chanoines de Notre-Sauveur: "Gardez toujours, écrivit-il, une vraie charité mutuelle. Pratiquez l'humilité. Procédez entre vous avec une grande franchise et cordialité. Recherchez l'intérêt commun plutôt que le vôtre particulier. Ne faites rien sans conseil. Recourez à la prière avant la moindre de vos entreprises." 

Vers 10 heures du soir, alors qu'il recevait les derniers sacrements, Pierre Fourier expira. «C'est alors qu'au milieu de la nuit, les sentinelles sur le rempart virent s'élever dans le ciel une lueur qui se dirigeait vers la Lorraine.» C'était à Gray où il était toujours exilé, le 9 décembre 1640. Pierre Fourier fut béatifié le 29 janvier 1730, et fut canonisé par Léon XIII le 27 mai 1897.

Paulette Leblanc

 

 

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