SAINT PAUL DE LA CROIX
 1694-1775

 SA VIE ET SA SPIRITUALITÉ

Troisième partie

 

La spiritualité
de saint Paul de la Croix
Fondateur des Passionistes (1694-1775)

 

Introduction à la spiritualité de saint Paul de la Croix

 

La doctrine spirituelle de Paul de la Croix, doctrine qu'il approfondira tout au long de sa vie, résulte, dans un premier temps, de son expérience personnelle vécue en novembre-décembre 1720, au cours de sa grande retraite de quarante jours effectuée juste avant de commencer sa vie d'ermite. Cette doctrine sera éclairée par des auteurs expérimentés dans le domaine de la vie intérieure. Les lecteurs qui découvrent Paul de la Croix, sont d'abord frappés par sa très grande connaissance des ouvrages de saint François de Sales, donc très probablement de Ruysbrœck, et des deux grands docteurs du Carmel: Jean de la Croix et Thérèse d'Avila. Vers l'âge de 50 ans, Paul découvrira les écrits de Jean Tauler, et sa mystique de la Passion et de la kénose en sera approfondie.

 

Remarque très importante: l'influence de Ruysbrœck

 

Beaucoup de personnes désireuses d'approfondir leur vie intérieure ont lu les œuvres de saint François de Sales. Or on ignore généralement que saint François de Sales fut profondément influencé par Jean de Ruysbrœck, le grand mystique flamand du XIVème siècle. Certes, les œuvres de saint François de Sales reflètent la doctrine spirituelle de Ruysbrœck, mais son style traduit mal les expressions utilisées par Ruysbrœck. Paul de la Croix, au contraire, utilise dans ses écrits des formules tellement comparables à celles de Ruysbrœck, que l'on peut se demander s'il n'a pas eu entre les mains des écrits du grand mystique brabant.

 

Bref résumé de la doctrine de Ruysbrœck

 

Durant ses longues oraisons contemplatives rapportées dans ses écrits, Ruysbrœck commence toujours par s'émerveiller. Dieu dit d'abord à l'âme: "Venez!..." L'âme avance, doucement, comme sur la pointe des pieds. Et Dieu dit, comme pour l'encourager: "Entrez!" L'âme ne sait pas où, mais elle entre, et Dieu dit: "Voyez..." Et c'est le bonheur infini de l'âme perdue en Dieu. Mais c'est aussi le constat et le poids du péché du monde qui se manifestent. L'âme voit qu'elle doit réparer, faire pénitence, quitter le monde du péché. Alors Dieu dit: "Sortez!" Oui, il faut sortir et réparer les dégâts que l'on a commis. Oui, il faut aller vers les œuvres. C'est impératif et obligatoire. L'âme doit sortir, pour le service de ses frères, pour accomplir des œuvres de charité ou de prédication, éduquer les jeunes... en fonction de ce que Dieu demandera. C'est d'ailleurs ce que Jésus, le plus grand de tous les mystiques, a fait et dit durant toute sa vie. Il rencontrait le Père, se noyait dans la Sainte Trinité dont sa divinité était membre, puis Il sortait, pour enseigner. C'est ce qu'Il demandera plus tard à ses disciples: "Veillez et prier... Allez, enseignez toutes les nations... Faites des disciples..."

 

Jésus a fait des émules. Il a d'abord soigneusement formé ses apôtres qui, à leur tour, ont formé d'autres disciples. Et l'on a vu apparaître les martyrs et les saints que l'on appelle aussi des mystiques. Chacun selon son tempérament et sa vocation a vécu des expériences, de rencontre et d'union à Dieu, semblables à celles évoquées par Ruysbrœck. Et l'on peut, outre Ruysbrœck, citer, en vrac, les saintes Mechtilde et Gertrude d'Helfta, les saints Jean Eudes, Louis-Marie Grignion de Montfort, et naturellement Paul de la Croix, et encore les bienheureuses Élisabeth de la Trinité et Dina Bélanger, Marthe Robin et Alexandrina de Balasar... Leurs récits, même s'ils sont différents compte tenu du style, des époques et de leur histoire personnelle, leurs récits sont tous concordants sur les points fondamentaux. Un autre point est intéressant à signaler: tous ces saints affirment: "Nous ne pouvons pas raconter nos expériences, nous n'avons pas les mots pour les dire, mais il faut réparer, faire pénitence, et accomplir des œuvres." Enfin, et par dessus tout, à l'exemple de Jésus, tous ces saints et saintes demandent des souffrances. C'est ce que fera aussi saint Paul de la Croix.

 

Résumons-nous

 

Incontestablement Paul de la Croix a été fortement influencé par Thérèse d'Avila, Jean de la Croix et Saint François de Sales lui-même disciple spirituel de Ruysbrœck (1293-1381). En 1748 Paul de la Croix découvrit aussi les sermons de Jean Tauler (1300-1361), contemporain de Ruysbrœck et proche de Maître Eckhart. Nous n'insisterons pas davantage, sinon pour rappeler les grands lignes de la spiritualité de ces maîtres qui inspireront Paul de la Croix:

– l'appel de Dieu et l'entrée en sa présence,

– la pauvreté de cœur et le dépouillement de soi-même qui conduisent à la nuit des sens,

– l'union à Dieu, le mariage mystique et "la mort mystique" pour renaître ensuite. Dans plusieurs de ses lettres à Sœur Colomba Gandolfi[1], Paul de la Croix indiquera: "Vous mourrez de cette mort mystique plus précieuse que la vie, et ressusciterez en Jésus-Christ à une nouvelle vie divinisée de très pur amour. Me comprenez-vous? Silence, résignation, abandon dans le sein du Père... Demeurez cachée aux créatures, secrète, morte à tout... Abandonnez-vous davantage dans le bon plaisir divin... en une vraie solitude intérieure... morte à vous-même et à tout ce qui n'est pas Dieu... en haute abstraction et mort mystique envers toute chose qui n'est pas Dieu[2]..."

– enfin toujours être en accord avec la volonté de Dieu.


[1] Sœur Colomba Gandolfi était une des dirigées de Paul de la Croix.
[2] Lettre du 25 janvier 1755

   

  

pour toute suggestion ou demande d'informations