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Les débuts de la congrégation
Après sa retraite et un voyage à Gênes,
Paul-François se retira dans un petit ermitage proche d'une église
dédiée à saint Étienne. C'est là que le 28 octobre 1721, son frère
Jean-Baptiste vint le rejoindre pour s’engager avec lui dans la vie
consacrée. Leur vie y fut extrêmement pauvre et pénitente. Mais le
Seigneur leur accorda de nombreuses consolations spirituelles.
Pourtant, la vocation de Paul-François et
de Jean-Baptiste ne devait pas se cantonner à leur sanctification
personnelle; ils devaient aussi être des apôtres destinés à aider de
nombreuses âmes à revenir à Dieu. L'évêque du lieu ordonna à
Paul-François de commencer par enseigner le catéchisme aux enfants.
Puis l'évêque lui ordonna de monter en chaire pour faire le
catéchisme aux adultes et prêcher sur la Passion de Jésus-Christ.
Paul-François n'étant pas prêtre, son évêque fut obligé de lui
accorder une dispense, pour qu'un laïc, même consacré, puisse
prêcher en chaire. Mais le bien réalisé fut considérable. Sans
qu'ils le sussent, Paul et Jean-Baptiste étaient ainsi préparés par
Dieu à ce que seraient leurs missions futures.
Bientôt des missions furent organisées
aux environs de Castellazzo, dans un lieu appelé Retordo, puis dans
deux autres lieux. Le zèle des deux frères s'amplifiait; on disait
de Paul "qu'il était continuellement occupé à consoler et à
visiter les malades, à faire cesser les ressentiments et les
discordes, à réconcilier ceux qui se haïssaient... À tout prix, il
voulait plaire au Cœur sacré de son Jésus."
Paul parlait avec tant de feu et
d'efficacité que les cœurs s'ouvraient à Dieu, même les plus
endurcis.
5-1-Remarques sur
la vie spirituelle quotidienne de Paul-François
Comment Paul pouvait-il faire face à tant
de travaux et de pénitences? Seulement grâce à sa vie de prière et
d'oraison intense, et en contemplant la vie des saints, les
seuls détenteurs de la science de Dieu.
Ainsi, il passait chaque jour plusieurs heures dans son ermitage à
converser intimement seul à seul avec son Seigneur. C'est par cette
union constante avec Dieu, de qui vient la grâce, la force et la
vie, qu'il pouvait se soutenir dans le genre de vie qui était le
sien.
5-2-Premier
voyage à Rome en 1724
Paul sentait qu'il
devait aller à Rome pour présenter au pape ses projets de fondation.
Avec l'accord de son évêque, il partit. À Gênes, alors qu'il
attendait le moment de s'embarquer,
son frère Jean-Baptiste le rejoignit et lui dit: "Eh bien, oui,
partez; mais vous ne trouverez pas de repos sans moi." Paul
s'embarqua, mais dès que le bâtiment fut arrivé, le 8 septembre
1724, fête de la Nativité de la sainte Vierge, au mont Argentario,
le vent tomba tout à coup, en sorte qu'il fut impossible de
continuer le voyage. Paul "sentit un grand désir de se retirer
lui-même dans la solitude de cette montagne, pour y vivre dans la
pénitence et la prière", mais de nouveau le vent se leva et le
bateau arriva enfin au port de Civita Vecchia. Mais comme on
craignait la peste, marins et passagers furent obligés de faire une
quarantaine.
Or Paul n'avait aucune provision, aussi
dut-il vivre de quelques morceaux de pain qu'on lui donnait par
charité. Mais, "il savait se contenter de peu et souffrir de
grand cœur la disette." Il employa les jours de la quarantaine à
transcrire en bonne forme les Règles qu'il avait déjà écrites dans
l'église de Saint Charles. Le reste du temps, il instruisait et
catéchisait les gens qui l'entouraient.
La quarantaine terminée, il prit la route
de Rome... Dès qu'il fut arrivé, il visita la basilique
Saint-Pierre. "Le lendemain matin, il se rendit au palais
pontifical pour se jeter aux pieds du souverain Pontife, Innocent
XIII. Il demanda audience, mais sa demande fut rejetée avec mépris
par un des serviteurs du palais qui lui dit: 'Vous ne savez donc pas
combien de gueux nous viennent ici chaque jour? Partez!'. Paul
comprit à cet accueil que le moment marqué par la Providence n'était
pas encore venu... et il retourna au mont Argentario..."
5-3-Retour de
Rome à Castellazzo
Paul aurait aimé s'installer sur le mont
Argentario, dans l'ermitage situé près de l'église de
l'Annonciation, mais il devait d'abord demander l'autorisation de
l'évêque de Soana. Le voyage de Rome à Soana fut particulièrement
éprouvant. Enfin Mgr Fulvio Salvi l'accueillit avec grande bonté et
lui accorda ce qu'il désirait. "Se rappelant alors le grand désir
que lui avait témoigné, à Gênes, son frère Jean-Baptiste, de
s'associer à lui, et réfléchissant à ce que celui-ci lui avait dit,
il retourna pour le prendre et demeurer ensuite avec lui dans ce
pieux ermitage."
Ce voyage fut aussi éprouvant que le
précédent. Cependant, affirme Saint Vincent-Marie Strambi "on ne
doit pas s'étonner du reste qu'il ait été souvent exposé à des
rencontres si pénibles: son étrange accoutrement choquait les idées
des gens dépourvus de l'esprit de Dieu, tandis qu'il en excitait
d'autres à la pitié et à la compassion..." À Gênes, nouvelle
quarantaine... Dans l'extrême misère où il se trouvait, "Paul
s'offrit humblement et sans réserve à la sainte volonté de Dieu, se
résignant de tout cœur, pour l'amour de Dieu, aux incommodités et
aux souffrances."
Enfin Paul arriva à Castellazzo... Il
retrouva Jean-Baptiste, vêtu comme lui du même habit de deuil et de
pénitence. Conduits par l'Esprit-Saint, ils quittèrent le pays pour
aller au Mont Argentario. Mais avant de quitter son pays et sa
famille, Paul écrivit à ses proches la lettre que l'on trouvera en
Annexe 1. Nous n'indiquons ci-dessous que les principaux
thèmes abordés dans cette longue lettre. Paul-François, qui se
sentait obligé de quitter son pays pour répondre aux appels de Dieu,
donnait à ses proches quelques avis spirituels :
– En premier lieu, observer avec grande
exactitude la sainte loi du Seigneur.
– Avoir une crainte filiale pour ce Dieu
aimable qui nous a créés et rachetés. "Sachez, mes bien-aimés,
que plus un fils aime tendrement son père, plus il craint de lui
déplaire, de le mettre en colère, enfin de l'offenser."
– Aimer ce tendre Père d'un amour très
ardent, et avoir pour lui la plus tendre et la plus respectueuse
confiance.
– Fréquenter les sacrements,
c'est-à-dire, la confession et la communion. "Ah! certes, notre
bon Jésus n'a rien pu faire de plus que de se donner lui-même en
nourriture; aimons donc ce tendre amant."
– Être dévot envers le Saint-Sacrement;
aller souvent à l'église, et visiter avec grande piété l'autel de la
sainte Vierge...
– Ne pas passer pas un jour sans faire
une demi-heure ou au moins un quart d'heure d'oraison mentale sur la
douloureuse Passion du Sauveur.
– Avoir une tendre dévotion aux douleurs
de Marie, à sa sainte et immaculée Conception, aux Anges gardiens,
aux saints, et surtout aux saints Apôtres.
– Faire fréquemment des actes de repentir
de ses péchés et d'amour de Dieu. Paul-François insiste tout
particulièrement sur le commandement d'amour proposé par
Jésus-Christ: "Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai
aimés moi-même. Aimez-vous, aimez-vous, parce que c'est à cela qu'on
reconnaît l'amour de Dieu."
À ses frères et sœurs, Paul-François, qui
s'appellera dorénavant Paul de la Croix, conseille aussi
l'obéissance envers leur père et leur mère. Voulant ensuite les
tenir éloignés des dangers du monde: "Lisez, leur dit-il, dans le
cours de la journée, quelque ouvrage de piété, et fuyez comme le
diable les mauvaises compagnies".
5-4-Paul-François
et Jean-Baptiste à Argentario
Après un voyage relativement éprouvant
mais consolé par les offices de la semaine sainte, à Portercole, nos
deux jeunes gens "d'après le conseil de l'archiprêtre de
Portercole chez qui ils avaient logé, résolurent, avant de se rendre
au mont Argentario, d'aller saluer ensemble Monseigneur l'évêque de
Soana pour obtenir de nouveau sa bénédiction... À Pitigliano, ils
reçurent la bénédiction de l'évêque, et gagnèrent la solitude tant
désirée du mont Argentario, que Paul de la Croix appela plus tard
'la montagne de la sanctification'."
Paul de la Croix raconta plus tard ce
qu'avait été leur vie dans cet ermitage: "Paul couchait le plus
souvent sur la terre nue, et Jean-Baptiste sur une planche. Ils
reposaient peu, car, outre qu'ils se levaient à minuit pour réciter
matines et faire oraison jusqu'à trois heures, le matin, de très
bonne heure, Paul se levait de nouveau, lorsqu'il entendait les
chants du rossignol, et se remettait en prière,.. Leur silence était
continuel; ils parlaient peu entre eux pour parler plus souvent avec
Dieu et entendre sa voix... En un mot, la vie qu'ils menaient dans
cet ermitage était toute de retraite, de silence, de pénitence, de
prière..." Cependant ils ne perdaient pas de vue qu'ils étaient
appelés à aider le prochain dans la grande affaire du salut éternel.
Aussi s'employaient-ils à enseigner et à expliquer la doctrine
chrétienne... Ils descendaient à Portercole les jours de fêtes, et
là ils apprenaient au peuple à connaître et à aimer Dieu, et à
observer sa très sainte loi.
5-5-Vers les
missions
Les deux frères ne demeurèrent pas
longtemps sur l'Argentario: Monseigneur Pignattelli, évêque de
Gaète, les engagea à venir dans sa ville épiscopale et leur accorda
la permission de se retirer dans un ermitage voisin de la plage
qu'on nomme aujourd'hui Serapi; cet ermitage était sous le patronage
de la Sainte Madone de la Chaîne. Les deux frères reprirent leur vie
de prière, de jeûne et de pénitence. "Par suite de ces austères
pratiques et de cette abstinence rigoureuse, ils étaient devenus si
maigres et si décharnés, qu'ils n'avaient plus que la peau sur les
os." Le Seigneur continuait leur longue formation.
"Paul et Jean-Baptiste avaient une
dévotion extraordinaire pour le très Saint Sacrement... Jésus, dans
l'Eucharistie, était leur amour, leur soutien, leur vraie
nourriture..." L'évêque d'Alexandria,
qui avait dirigé Paul, leur ordonna bientôt "de faire le
catéchisme aux enfants dans sa cathédrale et d'aller visiter les
moribonds qui les feraient appeler, pour les consoler et leur
inspirer les sentiments de la piété chrétienne. Il voulut en outre
que Paul donnât les exercices spirituels aux ordinands."
Malheureusement, on vit tout de suite s'élever des critiques: on
alla même jusqu'à censurer le digne prélat qui osait faire donner
les exercices à ses ecclésiastiques, non par un prêtre, mais par un
simple ermite...
Puis, en 1724, l'éminent évêque de Troia,
Mgr Cavalieri voulut les avoir dans son diocèse, "afin d'exciter
les peuples par leur exemple à honorer son bien-aimé Seigneur."
Ils partirent de Gaète pour Troia au mois d'août. Arrivés près du
mont Gargano, ils passèrent la nuit en prière à la porte de la
caverne miraculeuse, célèbre par l'apparition de l'Archange saint
Michel. Pendant qu'ils étaient en oraison, le père Jean-Baptiste
entendit une voix qui disait: "Visitabo vos in virga ferrea, et
dabo vobis Spiritum Sanctum: Je vous châtierai avec une verge de
fer, et je vous donnerai le Saint-Esprit". Le Seigneur
continuait à les préparer à leurs futures épreuves; mais il leur
promettait aussi d'abondantes consolations spirituelles.
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