Notre-Dame-de-Saint-Bernard
Nous sommes à
Aurignac, ville d'Occitanie, située dans le département de la Haute
Garonne. À environ trois kilomètres d'Aurignac, sur un coteau boisé
du lieu-dit Lareu, en mai 1682, la Vierge Marie apparut à une
fillette de 12 ans pour demander que l’on prie beaucoup et que l’on
construise à cet endroit une chapelle. Cet événement et ceux qui ont
suivi, ont été racontés par des prêtres très sérieux, dont l'abbé
Armand Jean Le Bouthillier de Rancé, qui vécut de 1626 à 1700. Cet
abbé de Rancé, fonda et dirigea l'abbaye cistercienne de stricte
observance de La Trappe. Sa vie a été écrite et publiée en 1709, par
Dom Le Nain qui raconte "l’apparition de la Sainte Vierge à une
chevrière âgée de douze ans". François-René de Chateaubriand qui
a également écrit la vie de l'abbé de Rancé, a rappelé l'apparition
de 1682. Par ailleurs, le récit fut repris en 1688, par Monseigneur
de Guron, évêque de Comminges, province pyrénéenne.
Voici donc
quelques rappels concernant l'apparition de 1682.
Nous sommes en mai 1682, sous le règne de Louis XIV, sur le
territoire de la paroisse d’Alan, au nord-est de Saint-Gaudens, en
Comminges qui deviendra le département de la Haute-Garonne. Des
enfants, qui gardaient un troupeau, jouaient sur le coteau boisé du
lieu-dit Lareu. Parmi eux, il y avait une fille d’une douzaine
d’années, Madeleine Serre. Quand il fut l'heure de rentrer, les
enfants partirent pour regrouper les bêtes qu'ils firent descendre
jusqu'à un ruisseau situé sur le chemin du retour. Madeleine agit
comme les autres et chuta soudain, à cause d'un trou situé sur le
chemin, trou dissimulé dans les herbes. Surprise, elle se mit à
crier: "Ah, Jésus!" et aperçut soudain, une Belle Dame
entourée d’un halo de lumière, et qui la regardait avec
bienveillance. Une conversation s'engagea:
-Relève toi ma fille, tu n’as aucun mal. Est-ce que tu pries le Bon
Dieu?
-Oui, Madame.
-As-tu ton chapelet?
-J’en avais un
que j’ai égaré.
-Il faudra t’en
faire offrir un afin que tu puisses prier.
Puis, après un moment de silence, la Dame ajouta:
-Je
suis la Vierge Marie. Je
suis venue ici pour te dire de prier, de bien prier et pour que tu
dises aux autres aussi de prier beaucoup, beaucoup. Tu iras trouver
les prêtres de la paroisse. Tu leur diras de me bâtir ici une
chapelle. Quelqu’un viendra de loin pour la construire. Tu diras
aussi aux prêtres d’arranger cette source pour qu’on puisse y boire
et s’y laver. Les malades qui useront de cette eau seront guéris ou
du moins soulagés. C’est pour qu’on prie davantage que je demande
tout cela.
Puis la belle Dame disparut doucement dans la lumière, et bientôt il
ne resta plus qu'un halo de lumière perceptible par Madeleine, et
par ses camarades qui, saisis par son attitude extatique, s’étaient
rapprochés d’elle. Ils ne voyaient rien de l'apparition et ne
comprenaient pas ce qui se passait. Mais la présence de la lueur
qu'ils avaient aperçue malgré sa disparition rapide, et le retour
parmi eux, de Madeleine, qui n'étant plus en extase, était redevenue
ce qu’elle était habituellement, les avaient profondément
bouleversés. Cependant, les enfants reprirent la conduite du
troupeau et se dirigèrent vers leur village. Madeleine Serre et son
amie Jeanne Teulé restèrent en arrière, pour, sans doute, partager
leurs émotions. Mais bientôt et brusquement, la lumière réapparut et
la Belle Dame bienveillante était là devant elles. Jeanne aussi la
voyait. Madeleine tomba à genoux, se releva et repartit avec Jeanne.
Et, de nouveau, la Vierge Marie leur apparut une troisième fois.
Arrivée dans le village, Madeleine rentra chez elle, soucieuse,
ayant toujours en tête la pensée de la mission qui lui avait été
confiée: prévenir les prêtres d’Alan et demander aux gens de prier
beaucoup. Heureusement, les habitants du village ayant eu
connaissance de ce qui était arrivé à Madeleine Serre, vinrent en
grand nombre boire l'eau de la fontaine, et des miracles
commencèrent à se produire. Et plusieurs de ces miracles furent
reconnus authentiques.
Comment cela se
passa-t-il? Madeleine Serre raconta ce qui lui était arrivé, et
transmit au clergé local ce que la Vierge leur demandait de faire:
édifier un lieu de culte et de prières dans le bois de Lareu.
Naturellement, les enfants, amis de Madeleine, qui avaient assisté à
son extase et avaient vu la lueur se déplacer, la soutinrent. Jeanne
Teulé aussi rapporta que la Belle Dame lui était apparue. Les gens
du village comparèrent les récits et crurent à la sincérité des
enfants, qui n’auraient pu inventer de telles histoires… Les
villages voisins furent vite au courant des événements, et bientôt,
la nouvelle se répandit dans toute la province du Comminges. Une
grande croix fut dressée à l'endroit de la première apparition, et
les villageois aménagèrent la source. Et des miracles commencèrent à
se produire. Et beaucoup de personnes se mirent à fréquenter le
lieu, dont un certain Pierre Cathiény, d’origine suisse et novice à
l’abbaye de la Trappe fondée et dirigée par l’Abbé de Rancé.
Malheureusement,
cet enthousiasme s'apaisa vite. En effet, après une enquête qui se
révéla favorable, les spécialistes qui avaient mené l'enquête
insistèrent pour que l’évêque, Monseigneur Louis de Guron, reconnût
officiellement la réalité de cette apparition de la Vierge Marie.
Mais l'évêque ne voulut pas le faire pour ne pas concurrencer un
sanctuaire voisin, Notre-Dame de Lorette, situé également sur la
paroisse d’Alan. Il estimait qu’il fallait attendre pour voir si la
ferveur populaire se maintiendrait. Mais une telle décision
découragea les bonnes volontés; et peu à peu, malgré les guérisons,
le bois de Lareu sombra dans l’oubli.
Nous sommes en
1688, soit six ans après les apparitions. Un novice de l'abbaye de
la Trappes, Pierre Cathiéry fut, intérieurement, fortement incité à
construire la chapelle. Son supérieur ayant accepté, Pierre
s'adressa au clergé local pour la construction de la chapelle, mais
on refusa. Pierre Cathiény s'installa donc à Montoulieu et mena une
vie d'ermite, pendant un an. Cela lui valut l'appui de nombreuses
personnes, dont des gentilshommes qui résolurent de l'aider. Sous la
pression de la population l'évêque céda, et dix mois plus tard, la
chapelle était construite… Le 15 août 1689, Monseigneur de Guron
procéda à sa dédicace et y célébra la première messe. Il donna à la
chapelle le nom de Notre-Dame-de-Saint-Bernard. Et le Suisse, Pierre
Cathiény retourna à la Trappe. Les habitants de la région étaient
bouleversées par tout ce qui s'était passé, grâce notamment à Pierre
Cathiény, surtout lorsqu'ils se souvenaient que la Vierge Marie
avait dit à Madeleine: "Quelqu’un viendra de loin pour la
construire," la chapelle. Les pèlerins de Notre-Dame-de-Saint-Bernard
continuèrent à affluer pendant un siècle, au détriment de Notre-Dame
de Lorette et de Garaison, comme l’avait redouté l'évêque. De plus,
des guérisons se produisaient très souvent, comme en témoignent les
nombreux ex-voto. Quant à Madeleine Serre, elle se retira dans un
couvent à Fabas, à quelques kilomètres plus au nord, où elle mourut
le 25 décembre 1739.
Mais, que devint
la chapelle? Et que se passa-t-il depuis cette époque à 1912 et à
aujourd'hui? La chapelle fut totalement détruite au cours de la
révolution française puis abandonnée, bien que la foi soit demeurée
vive dans les campagnes d'alentour. La guerre de 1914-1918 ne tarit
pas la ferveur car de nombreuses personnes venaient toujours prier
Notre-Dame pour qu’elle protégeât les soldats; des plaques
commémoratives autour de la statue et de la fontaine en témoignent.
Malgré les
apparences, les foules étant moins nombreuses, la foi n'avait pas
disparu dans les campagnes. Au début du 20ème siècle, une
famille très chrétienne du pays, devenue propriétaire des ruines: la
famille Dorléac-Bayle, et le curé d’Alan, l'abbé Amédée Guiard, qui
aimait prier en ce lieu cher à Notre-Dame, voulurent que des travaux
soient entrepris afin de transformer la source en fontaine. En 1912,
la construction fut inaugurée; et cette initiative raviva les
mémoires et les pèlerins revinrent. De nouvelles guérisons furent
également attestées. Et Notre-Dame-de-Saint-Bernard redevint un lieu
de paix, de recueillement et de prières. Mais la reconstruction de
la chapelle dut être interrompue en raison d'un différend entre les
curés de Montoulieu et d'Alan. Et le temps passa… Certes, il n'y
avait plus les immenses rassemblements du XVII siècle, mais les
cérémonies et les messes du 15 août et du dimanche proche du 8
septembre étaient très importantes.
En 1922,
Guillaume Bayle, propriétaire du terrain et des ruines, et maire de
Montoulieu, avec le concours du curé de cette paroisse, Jean Denos,
décidèrent d'achever la reconstruction de la chapelle. Un signe
étrange conforta leur volonté. En effet, en juillet de la même
année, la Providence se manifesta; la Piéta en pierre qui dominait
la fontaine avait été dérobée en mai 1908, vol qui avait beaucoup
attristé les fidèles d'Aurillac, d'Alan et de Montoulieu. Or, en
juin 1922, le curé de Montoulieu reçut un colis anonyme, contenant
la Piéta dérobée… Elle fut remise à sa place au-dessus de la
fontaine le 30 juillet suivant.
Après la Seconde
Guerre mondiale, sous l'impulsion du Cardinal Jules Saliège,
archevêque de Toulouse, la construction de la chapelle qui avait été
de nouveau interrompue, reprit grâce à l'aide des communes voisines,
et la chapelle fut enfin achevée. Elle fut bénie lors de la messe du
15 août 1957 par Monseigneur Gabriel-Marie Garrone, nouvel
archevêque de Toulouse. Depuis 1997 un prêtre ermite, assure des
messes chaque samedi dans la chapelle. Un accompagnement spirituel
est aussi proposé aux visiteurs qui cherchent Dieu. Des guérisons
continuent à se produire comme l'attestent les nombreux ex-voto de
reconnaissance qui entourent la statue de la Vierge Marie. Une
association, l’Association des Amis de Notre-Dame-de-Saint-Bernard,
a été constituée pour entretenir et faire connaître ce lieu protégé.
Nombreux sont ceux qui, à leur façon et selon leurs moyens, œuvrent
ainsi pour que le message transmis par la Vierge Marie à Madeleine
Serre en mai 1682 soit toujours honoré.
Les grands
pèlerinages du 15 août et du dimanche le plus proche du 8 septembre
ont toujours lieu. Ils accueillent beaucoup de pèlerins.
Paulette Leblanc |