NOTRE DAME DU PUY - 1

Notre-Dame du Puy fut, pendant des siècles, un des sanctuaires les plus fréquentés du monde. Et toutes les classes de la société s'y manifestèrent: ainsi, en plus des pauvres fidèles en quête de grâces pour eux ou leurs proches, Le Puy vit passer, au cours des siècles: 6 papes, 14 rois, 2 empereurs, des chefs d’État, des princes, des soldats et des bourgeois. Et ce sanctuaire fut incroyablement comblé de bénédictions et de miracles. On sait que les murs de la cathédrale, jusqu'au XVIIIe siècle, croulaient sous les ex-voto, les béquilles et beaucoup d'autres objets rappelant les grâces obtenues. Mais pour des raisons évidentes de propreté et de sécurité, tout fut enlevé et les murs nettoyés.    

Tant d'événements, liés à l'histoire de la France et du monde, se passèrent au Puy que notre curiosité est excitée. Et nous avons tellement envie d'en savoir plus!... Naturellement nous devons vous avertir: comme pour tous les sanctuaires très anciens, les légendes qui entourent l'origine de la dévotion mariale au Puy, se mêlent le plus souvent à l'histoire; mais nous allons essayer d'y voir clair et de découvrir la vérité. Tout d'abord, il faut savoir que dans ce lieu ayant abrité pendant longtemps des dévotions païennes, la dévotion à la Vierge Marie n'aurait pris naissance qu'aux Ve ou VIe siècles.  

Le site du Puy-en-Velay a été habité dès l'Âge du Bronze, c'est-à-dire 2000 ans avant Jésus-Christ. Des routes existaient depuis la plus haute antiquité. Un culte païen au dieu Adidon s'était développé sur le mont Anis. Une pierre, utilisée lors de la construction de la cathédrale, semble indiquer que ce culte aurait été associé au culte de l'empereur par les Romains entre le Ier et le IIIe siècle après Jésus-Christ. Au début de l’ère chrétienne, Il y avait dans la vallée, au pied de ce qui sera la ville du Puy, une rivière, appelée maintenant La Borne, surplombée par le roc Corneille, formant le Mont Anis et le roc d’Aiguilhe. Au pied de ces rocs, quelques maisons constituaient la petite cité d’Anicium. Dans un document du VIe siècle, l'Historia Francorum de Grégoire de Tours de 596, il est fait mention du "locus Anicium" et du nom de l'évêque, Aurelius. Des archéologues ont retrouvé, au sud du rocher Corneille, les restes d'un dolmen entouré d'un temple en l'honneur du dieu Adidon. Après l'Édit de Constantin en 313, le temple païen fut détruit et le dolmen se retrouva en plein air...  

Une petite communauté chrétienne se constitua, vers 350, à Galabrum, devenue Espaly, sous l’impulsion du prêtre Marcel, envoyé par l’évêque d’Arvernes, pour y faire connaître la foi en Jésus-Christ. Un jour, une chrétienne malade et handicapée, se reposant non loin du dolmen,  implora le ciel en vue de sa guérison. Soudain, elle vit la Vierge Marie debout sur la table supérieure du dolmen, entourée d’une couronne d’anges. Un de ceux-ci confia un message à la malade: "La Reine du Ciel a choisi ce lieu pour en faire son domaine, y recevoir des prières et les exaucer." Et immédiatement, la malade fut guérie.  

Un document du XIVe siècle raconte la même chose, quoique un peu différemment. Un premier récit raconte le début de l'évangélisation de la région par deux envoyés de saint Pierre: Georges et Front; le second récit concerne la fondation de la cathédrale: "dans un songe une noble dame, malade et paralysée fut appelée à monter sur le Mont Anis. Arrivée au sommet elle s'assoupit sur une pierre de dolmen. Bientôt se manifestèrent tout autour une grande multitude de saints et d'anges et, au dessus la Souveraine du monde, la Vierge Marie, Mère de Dieu Tout Puissant qui lui demanda que ce lieu lui soit consacré. La femme se réveilla guérie". Forte de sa vision, elle courut trouver son évêque. Tous les deux se rendirent sur le mont Anis et découvrirent un cerf qui traçait, dans la neige tombée pendant la nuit, les limites du futur sanctuaire. L'évêque de Galabrum, Mgr Scutaire, fit délimiter aussitôt l'espace par des branches de buisson épineux. Le lendemain les branches étaient fleuries...  

Puis, après enquête, l'évêque fit construire un oratoire sur les fondations de l'ancien temple païen, près du dolmen. La consécration de cet oratoire en l'honneur de la Sainte Vierge, ancêtre de l'actuelle cathédrale, eut lieu un 11 juillet. À l’intérieur de l’oratoire on plaça une statue de la Vierge qui devenait la maîtresse des lieux, à la place de la divinité païenne. Le sanctuaire était né. De la statue de la Vierge, qui fut honorée du Ve au XIVe il ne reste rien. On a juste retrouvé les enseignes des pèlerinages remontant au XIIIe siècle, et sur lesquels on voit une Vierge assise, couronnée, tenant son enfant sur le bras gauche et un sceptre fleurdelisé dans la main droite. Quant à l’évêque Scutaire, il quitta Galabrum pour s’établir à proximité du Mont-Anis. Les pèlerinages allaient commencer.   

Mais l'histoire est loin d'être terminée. Au VIIe siècle, Anicium devint une "Ville sainte", en raison de la piété qui s’y manifestait. Sa réputation s’étendit dans le monde entier, rivalisant avec les pèlerinages vers Rome, Compostelle, ou Jérusalem. Des multitudes de pèlerins se croisaient, et Charlemagne fit de ce lieu un centre de collecte d’argent pour le Saint-Siège, au même titre qu’Aix-la-Chapelle sa capitale, et Compostelle. Des oratoires et des maisons d'accueil, aujourd'hui disparus, se multiplièrent le long des chemins menant au sanctuaire.  

Charlemagne et trois autres rois vinrent au Puy avant l'an 1000. En 990, un concile s’y tint. Un centre intellectuel y fut créé: l’Université Saint-Mayol, qui attira une élite intellectuelle venue de partout. Au VIIIe siècle, à Anicium, on dut procéder à la démolition du dolmen qui rappelait trop les cultes païens. Cependant, on laissa sur place la partie supérieure qui avait porté la statue de Marie, et la table, en l’encastrant dans le pavé. En souvenir de Marie, la Vierge d'Anis, les malades fiévreux se couchaient dessus pour obtenir leur guérison; c'est ainsi que cette table devint "la pierre des fièvres".  

Un moine allemand ayant annoncé la fin du monde pour le 25 mars 992, une foule de pèlerins encore plus grande que de coutume, vint se mettre sous la garde de la Vierge d’Anis. Comme cette année-là, le Vendredi-Saint coïncidait avec la fête de l’Annonciation, le Saint-Siège et les autorités religieuses locales instituèrent un jubilé, qui devait se renouveler chaque fois que la coïncidence du Vendredi-Saint avec l’Annonciation aurait lieu. Il y eut 29 jubilés, du premier en 992, au dernier en 1932. C’est au Xe siècle que la ville d'Anis prit le nom de Puy-Sainte-Marie. Au XIe siècle le pape Léon IX voyait en elle la ville où la dévotion mariale était la plus forte en France. C’est au Puy que le pape Urbain II décida de la première Croisade. C’est au Puy que retentit pour la première fois la prière du Salve Regina. 

On ignore tout de l'arrivée d'une nouvelle statue de la Vierge Marie, une Vierge noire, qui, prendra peu à peu la place de la première image de Marie dans le cœur des fidèles. Autour d’elle, le sanctuaire s'agrandit de plus en plus, jusqu'à devenir la basilique d'aujourd'hui, qui reflète tout l’art de l’Orient et de l’Occident réunis. En 1794, à la Révolution, la Vierge Noire fut dépouillée de toutes ses richesses. Pour symboliser la fin de "l’obscurantisme", le jour de la Pentecôte, elle fut jetée par les révolutionnaires dans le tombereau d'un éboueur puis transportée place de l’Hôtel de Ville. Là, un canonnier lui coupa le nez d’un coup de sabre et l’on vit qu’elle était bien en cèdre. Puis la statue fut jetée dans les flammes d’un bûcher, en même temps que de nombreux tableaux, des reliques et des objets précieux. On dispersa les cendres dans un champ.  

En 1794, on avait brûlé les statues, mais on n'avait pas brûlé la foi. Une autre Vierge Noire la remplaça, et les fidèles reprirent leur marche vers elle. Toutefois la confiance en la Vierge du Puy allait prendre des formes un peu différentes avec de grands rassemblements de prières, des Jubilés, des célébrations solennelles du 11 juillet et du 15 août et de nombreuses  processions.  La nouvelle statue de Notre-Dame du Puy fut solennellement couronnée, en présence de son peuple et de toutes les autorités de la région, le 8 juin 1856, puis elle fut ramenée en procession triomphale à la cathédrale.  

Voici maintenant quelques petites remarques: Le Concile d'Éphèse, en 431, proclama Marie, Mère de Jésus vrai Dieu et vrai homme, Mère de Dieu, ou, Theotokos. Jésus reçut de Marie un corps semblable au nôtre et mourut sur la Croix pour notre Salut. Le sanctuaire du Puy évoque le Mystère de l'Incarnation Rédemptrice: la Vierge Marie y est honorée sous le vocable de Notre-Dame de l'Annonciation, mystère qui fit de Marie la Mère de Dieu.  

Il est actuellement difficile de dire quels ont été les premiers supports de la dévotion mariale au Puy: Reliques? Pierre de l'apparition? Statue?... Par contre, une chose est certaine: un texte de donation à Notre-Dame du Puy, daté de 1096, mentionne une statue, dont les historiens font remonter la présence au Xe siècle. Cette statue est celle qui fut brûlée en 1794, et que nous ne connaissons que par quelques rares représentations.  

Peu importe. Sachons tout de même qu'en 1020, Bernard, écolâtre d'Angers, dans son Livre des Miracles de Sainte-Foy de Conques, évoquait la célèbre ville dont l'ancien nom était Anicium et qu'on appelle... Le Puy de Sainte-Marie. Et en 1051 le pape Léon IX, en accordant le pallium à l'évêque du Puy, déclara: "La Vierge Mère de Dieu... reçoit un culte en l'église d'Anis ou du Puy-Sainte-Marie plus spécial et plus filial d'amour et de vénération que nulle part ailleurs dans les autres sanctuaires qui en France lui sont dédiés."

Le pèlerinage connut son apogée au XIIIe siècle et pendant la guerre de Cent Ans. Un certain déclin eut lieu avec les guerres de religion, mais le XIXe siècle connut un vrai renouveau avec l'édification de la grande statue de Notre-Dame de France. Le début du XXe siècle vit l'édification du monument à saint Joseph et les pèlerinages reprendront. Depuis, la Vierge Marie continue à attirer de nombreux pèlerins.

Paulette Leblanc

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