Le miracle de la Vierge des Douleurs de Quito
Mes
très chers amis, nous retournons à Quito, la capitale de
l'Équateur. Nous avons récemment parlé des apparitions
de Notre-Dame Maria del Buen Suceso, et
vous savez aussi bien que moi que lorsque certains
événements que nous vivons, ou que vivent nos
contemporains, sont en relation étroite avec des
prédictions révélées à certains grands saints, le plus
souvent par la Vierge Marie, mais parfois par Jésus
Lui-même, et cela plusieurs siècles plus tôt, nous nous
sentons tellement bouleversés que notre foi se trouve
fortifiée. Dans ce contexte, l'histoire d'un pays de
l'Amérique latine, l'Équateur, depuis la fin du XVIe
siècle jusqu'à nos jours, est tellement surprenante que
je pense devoir vous en parler. Je vous ai déjà parlé
des prédictions que Marie adressa à une religieuse, Mère
Mariana de Jésus Torres, qui vécut de 1553 à 1635, et
qui fut cofondatrice et abbesse du Monastère Royal de
l'Immaculée Conception de Quito. Maintenant je dois vous
parler du Miracle de 1906.
Apparemment
il n'y a aucun lien entre ce qui s'est passé en 1906 à
Quito, et ce que vécut Mère Mariana. Pourtant il s'agit
bien de l'histoire non seulement de l'Équateur, mais
également de l'histoire de l'Église et des persécutions
que notre monde vit actuellement qui étaient annoncées.
Considérons d'abord le contexte historique. Nous savons
tous que l'Équateur a été la première colonie espagnole
à obtenir son indépendance, dès 1822. Le pays fut dès
lors, rapidement et souvent, blessé par des révolutions
et des gouvernements anticatholiques. Ainsi, le
président José Urbina expulsa les Jésuites de l'Équateur
en 1852. Heureusement, dix ans plus tard, un Président
très catholique, Gabriel García Moreno, permit aux
Jésuites de revenir, et leur rendit leur église, ainsi
que leur collège. En signe de gratitude, les Jésuites
donnèrent à ce collège le nom de "Saint-Gabriel." Puis,
le 25 mars 1874, le Président Moreno consacrait
solennellement l'Équateur au Sacré-Cœur de Jésus.
Mais
le Président Gabriel García Moreno fut assassiné par des
libéraux, le 6 août 1875, alors qu'il quittait la
cathédrale de Quito où il s'était rendu pour l'adoration
du Saint Sacrement. Puis, le Vendredi Saint de l'année
1877, c'est l'archevêque qui fut mortellement empoisonné
dans sa cathédrale. Quinze ans plus tard, le 6 août
1892, les modérés étant revenus, l'Équateur fut
officiellement consacré au Cœur Immaculé de Marie.
Notons ici que L’Équateur fut le premier pays à être
consacré au Sacré-Cœur de Jésus et au Cœur Immaculé de
Marie. Furieux, en 1895, les libéraux organisèrent un
coup d'État, et, une fois au pouvoir, ils lancèrent des
attaques contre l'Église catholique, la culture
catholique et l'éducation catholique. Immédiatement
après le coup d'État, une partie du Collège
Saint-Gabriel fut occupée par les troupes. L'année
suivante, Eloy Alfaro, rompit le Concordat avec le
Vatican. Le 4 mai 1897, les libéraux agressèrent le
Collège Saint-Philippe à Riobamba, profanèrent l'église
et le tabernacle, et assassinèrent le recteur, le Père
Emilio Moscoso. En 1900, les collèges catholiques
n'eurent plus le droit de délivrer des diplômes.
En
1901, le gouvernement s'appropria le Collège
Saint-Gabriel. En 1902, le mariage civil et le droit au
divorce furent introduits. En 1905, les Pères
Rédemptoristes furent expulsés. En 1906, Alfaro fit
proclamer, par l'Assemblée nationale, la laïcité
anticléricale et athée. Toutes les manifestations
religieuses furent interdites, les biens des diocèses et
des ordres religieux confisqués, et l'Église catholique
fut dépouillée de son statut juridique. Ensuite Alfaro
nomma Manuel Franco chef civil et militaire à Quito. Ce
dernier incita une émeute contre les Frères des Écoles
Chrétiennes, et fit expulser les Salésiens et les
Capucins. La foule brûla tous les livres de la
Bibliothèque et les Archives du Diocèse. Et c'est au
cours de cette même année 1906, alors que la persécution
de l'Église était à son comble, que le miracle de la
Vierge des Sept Douleurs arriva.
Nous sommes le 20 avril
1906, le vendredi de la semaine de Pâques, dans le
réfectoire du Collège Saint-Gabriel. Sur une porte du
réfectoire, une copie de l'icône de la Mère des Douleurs
était accrochée. Après le repas, le préfet de
discipline, le Père Andrés Rœsch, passait de table en
table pour parler avec les élèves et chercher à les
faire s'exprimer sur la Très Sainte Vierge Marie. Il
raconte que, soudain, un élève,
"Jaime Chávez, leva les
yeux vers l'image de la Vierge des Douleurs, située à
environ un mètre et demi de lui. Avec étonnement il vit
que l'image avait fermé les yeux; remplis de crainte, il
couvrit les yeux avec ses mains et parla de cela au
petit garçon à côté de lui, Carlos Herrmann, qui avait
vu la même merveille. Ils se prosternèrent entre la
table et le banc et récitèrent le 'Notre Père' et le 'Je
vous salue Marie.' Puis ils appelèrent un autre garçon
et un autre, jusqu'à ce que l'un d'eux vint vers moi et
me demanda avec beaucoup d'insistance d'aller voir ..."
Le
Père Andrés Rœsch crut d'abord à une illusion de ses
garçons. Cependant il s'approcha et vit que la Très
Sainte Vierge fermait lentement ses paupières. Mais il
doutait toujours. Alors le Frère Alberdi lui dit:
"Mais si Père, si c'est un miracle ... si c'est un
miracle ..." Le Père Andrés Rœsch revint vers
l'icône et vit, sans aucune possibilité de douter, que
l'image avait définitivement fermé et ouvert les yeux.
Cela se produisit de nombreuses fois pendant une
quinzaine de minutes environ. Puis tous allèrent à la
chapelle pour prier le chapelet…
Les garçons témoignèrent
ensuite. L'un d'entre eux déclara:
"Je ne crains pas de
m'être trompé… je pensais que c'était une blague de
petits garçons, mais après, je me suis tenu à une
distance de un ou deux mètres et je vis parfaitement que
l'image ouvrait et fermait les yeux, mais plus encore
l'œil gauche, et quand les yeux se fermaient, le blanc
des yeux étaient complètement dissimulé."
Sept
jours plus tard, les autorités ecclésiastiques lancèrent
une enquête et constituèrent une commission de
scientifiques et de médecins. Tous présentèrent leurs
conclusions après un minutieux examen en fonction de
leurs expertises. Enfin, le 31 mai de la même année
1906, le peuple de Quito eut connaissance des
conclusions des autorités ecclésiastiques:
"L'événement du 20 avril 1906, au Collège des Pères
Jésuites est établi comme historiquement certain."
Les autorités ecclésiastiques ajoutaient plus loin:
"... Et pour que la piété des fidèles ait la consolation
de contempler l'image de la Très Sainte Vierge, qui à
partir de ce jour sera appelée 'La Vierge des Douleurs
du Collège,' nous avons ordonné qu'elle soit
solennellement transportée à l'église de la Compañia, et
qu'il y soit célébré un fervent triduum."
Évidemment le miracle fut partout attaqué par les
athées. On accusait les religieux de l'avoir inventé…
Mais tous leurs efforts furent inutiles, car la foi et
l'amour des Équatoriens pour la Vierge des Douleurs
grandissaient de jour en jour, et les conversions se
multipliaient. Le miracle se répéta plusieurs fois
devant une foule nombreuse, puis plus tard à d'autres
occasions, devant au moins six différents groupes de
personnes. Un jour, la Vierge pleura; d'autres fois,
elle souriait. La dévotion à la Vierge des Douleurs du
Collège se propagea rapidement non seulement en
Équateur, mais également en Colombie, au Pérou et au
Venezuela, en Bolivie et au Chili, puis en Espagne, en
Angleterre, en France, aux États-Unis et en Australie.
Partout, en Équateur et dans d'autres nations, la Mère
des Douleurs accordait beaucoup de faveurs.
Depuis 1906, le miracle est commémoré chaque année par
une neuvaine solennelle et fervente. En 1931, le 25ème
anniversaire du miracle déchaîna une ferveur
irrépressible. Lors du jubilé d'or, en 1956, ce fut un
nouveau sursaut de foi et de dévotion. Le 22 avril 1956,
grâce à un décret du pape Pie XII, il y eut un
couronnement solennel de l'image dans le stade d'El
Ejido. Le couronnement fut effectué, en présence du
président de la République, José María Ibarra Velasco,
par le cardinal Carlos María de la Torre, archevêque de
Quito, parmi les vivas et les cris d'enthousiasme.
Le
Collège de Saint-Gabriel, devenu trop petit pour le
nombre croissant des étudiants, fut remplacé par un
grand édifice moderne dans la partie nord de la ville.
Pour des raisons de sécurité, l'image miraculeuse fut
retirée de l'église de la Compañia en Octobre
1958. L'image miraculeuse est maintenant conservée dans
un coffre, et une copie fut installée au Collège. Mais
peu importe ce qui est porté en procession, la copie ou
l'original; à tous les deux sont attribués
d'innombrables miracles.
Si
nous nous souvenons de toutes les séries d'attaques
contre la religion catholique qui se sont déroulées en
Équateur jusqu'à l'époque du miracle, et en particulier
la suppression de l'instruction religieuse dans les
écoles et les collèges, on découvre la raison de ce
miracle. C'était la démonstration de la préoccupation
profonde et angoissante de la Mère de Dieu, la
sollicitude maternelle que la Très Sainte Vierge
souhaitait manifester pour les garçons et les jeunes
hommes, qui étaient sur le point de se voir refuser une
éducation chrétienne, et imposer une éducation sans
Dieu.
Jaime Chávez, le premier
élève interne qui avait vu les yeux de Marie se fermer
et s'ouvrir, déclara à la Commission, lors de l'enquête,
qu'il avait vu les yeux de la Vierge des Douleurs
trembler, "comme quelqu'un qui est en agonie."
C'est pour cette raison que la Vierge cacha l'angoisse
qui remplissait ses yeux,
"et peu à peu les rouvrit
avec amour et tendresse… pour indiquer qu'elle était
prête à recevoir tous ceux qui viendraient rechercher sa
protection."
Paulette
Leblanc |