Nous
sommes en 1454, à Saumur, dans le faubourg du Fenêt. Un
agriculteur laboure son champ très argileux. Soudain il
s'arrête: là, à ses pieds, dans l'ardille (c'est-à-dire dans
l'argile) se trouve une statuette de la "pieta", de trente
cm de haut environ. Le laboureur ramasse la statuette,
retire la terre qui s'y était collée, puis l'emporte chez
lui. Le lendemain le laboureur s'étonne: la statuette n'est
plus chez lui. Il retourne dans son champ, et surprise, la
statuette est là où il l'avait découverte la veille, non
loin d'une fontaine déjà connue pour ses vertus
bienfaisantes. Stupéfait, le laboureur reprend la statue et
la rapporte chez lui; mais le lendemain matin les mêmes
scènes se renouvellent…

La chose
fut très vite connue, et rapidement de pieuses personnes
vinrent prier à cet endroit, initiant des pèlerinages dont
certains seront importants. Pourtant, ce n'est que le 1er
août 1534 que l'évêque d'Angers, Mgr Jean Olivier, bénira
les fondations de la chapelle Notre-Dame-des-Ardilliers de
Saumur, en présence du maire de Saumur, Jean de Castagnier
et de l'échevin, Guillaume Bourdeau. Puis Mgr Gabriel
Bouvery, lui aussi évêque d'Angers, l'inaugurera le 30
juillet 1553. Cette chapelle était très grande, vu le nombre
important des pèlerins qui venaient s'y recueillir. Ce
sanctuaire marial fut pendant de longues années, l'un des
plus importants centres de pèlerinages de l'ouest de la
France.
Le temps
passe… En 1614, afin de contrer l’essor du protestantisme,
Louis XIII et sa mère Marie de Médicis, confient le
sanctuaire à la congrégation de l’Oratoire de France, jeune
congrégation fondée par le Cardinal de Bérulle. Les
Oratoriens s'installèrent en 1619, et créèrent un collège
royal en 1624, proche de la chapelle à laquelle Louis XIII
accorda le statut de chapelle royale. Les Oratoriens
décidèrent ensuite la construction de l’église actuelle. De
plus, de 1628 à 1643, les Oratoriens firent construire, à
l'est de la chapelle, de nouveaux bâtiments les uns destinés
aux salles de cours de l'école de théologie ouverte en 1642
pour contrer l’Académie protestante, les autres aux dortoirs
des élèves. À partir de 1634, le Cardinal de Richelieu fit
construire, sur le mur nord de la chapelle, une chapelle à
vocation votive et funéraire. C'est grâce à l'action des
religieux et au mécénat des grands du royaume de France, que
ce grand ensemble architectural put s'élever au cours du
XVIIe
siècle. Les locaux de l'école de théologie furent occupés
depuis la fin de la Révolution par la Congrégation des Sœurs
de Jeanne Delanoue, native de Saumur. Ces locaux hébergent
également un lycée professionnel. Notons que Jeanne Delanoue
fut la fondatrice de la Congrégation des Sœurs de Sainte
Anne de la Providence, aujourd’hui appelée Congrégation des
Sœurs de Jeanne Delanoue.
Les
pèlerinages se développaient de plus en plus. À partir de
1654, Louis-Abel de Sainte-Marthe, le Père Supérieur des
Oratoriens des Ardilliers, fit ajouter, à l'ensemble, une
majestueuse rotonde construite sur pilotis, qui ne pourra
être achevée qu'en 1696, pour des raisons financières. Entre
temps, en 1665, Marie-Thérèse d’Autriche, reine de France,
demanda la construction du maître-autel du chœur qui sera
achevé en 1673.
Très
abîmée par l’humidité, la chapelle Richelieu sera
reconstruite de 1849 à 1852 par l’architecte Charles Joly-Leterme.
Suite aux bombardements de juin 1940, une très importante
campagne de reconstruction et de restauration de l’ensemble
sera menée de 1947 à 1957.
Et
aujourd'hui? On ne parle plus guère des pèlerinages aux
Ardilliers, mais les visites guidées du remarquable ensemble
architectural continuent. En juillet et en août, sauf le
dimanche, l’association Patrimoine Religieux en Saumurois,
en partenariat avec la Ville de Saumur, assure des
permanences dans les églises et propose des visites guidées
de la chapelle Notre-Dame des Ardilliers.
Nous
sommes très déçus, n'est-ce pas, que cet ancien grand
sanctuaire marial soit devenu aujourd'hui, surtout un centre
touristique. Alors, pourquoi l'un de nos lecteurs, ne
lancerait-il pas un pèlerinage à Notre-Dame des Ardilliers.
Cela justifierait son deuxième nom, Notre-Dame de Bon
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Paulette
Leblanc |