Neuvizy? Je ne connais pas… Où est-ce?
Neuvizy est, aujourd'hui, un petit village de 835
hectares, peuplé d’une centaine d’habitants. Il y en
avait 500 au XVIIIe siècle. Il est situé
entre Reims et Charleville-Mézières, dans le département
des Ardennes. Sur la place de cette petite commune
perdue dans une nature faite de bocages et de bois, une
magnifique église attire le regard. Il s'agit de la
Basilique Notre-Dame de Bon-Secours, où a lieu le plus
célèbre pèlerinage du diocèse de Reims. Mais que
s'est-il donc passé à Neuvisy pour qu'une vaste église y
ait été construite?
Une copie de la
cathédrale de Reims
Remontons au XVIIIe siècle. Le 30 avril 1752,
huit enfants, âgés de 12 à 16 ans, s’en allaient
préparer leur communion chez le curé à
Villers-le-Tourneur. À cette époque, les enfants
communiaient beaucoup moins tôt que maintenant. Pour se
rendre à Villers-le-Tourneur, les enfants devaient
emprunter un sentier qui traversait un bois. Soudain,
alors qu’ils s’étaient arrêtés pour s'amuser dans une
source, ils aperçurent sur les branches d’un chêne, à
environ 3 mètres de hauteur, une petite statuette
enveloppée de lumière, représentant Marie tenant
l’enfant Jésus sur son bras droit. La statuette était
baignée de lumière ainsi que les tiges du lierre faisant
comme une guirlande autour d'elle.
Les
enfants furent très impressionnés et ils se demandaient
d'où venait cette statue si bien illuminée. Comment
était-elle arrivée là, posée sur les branches de l'arbre
et comme soutenue par la lumière? Une force mystérieuse
obligea les enfants à s'agenouiller et à réciter
ensemble des prières, entre autres l’Ave Maria, les
litanies de la Sainte Vierge, et le Salve Regina,
prières qu’ils connaissaient par cœur. De plus, une
grande paix intérieure les avait envahis.
Au
bout d'une certain temps ils se levèrent et reprirent
leur course vers le presbytère où ils racontèrent à
monsieur le Curé ce qui venait de leur arriver. Leur
agitation était grande, mais leur récit fut simple et
précis: c’était une toute petite statue, posée sur une
branche et soutenue par la lumière et entourée de
lierre. C’était sûrement la sainte Vierge, dans cette
belle lumière. Et ils avaient été forcés de se mettre à
genoux. Vraiment, ce ne pouvait être qu'un miracle…
D'abord troublé par le récit des enfants, le brave curé
fit d'abord son catéchisme. Puis il les accompagna sur
les lieux de l’apparition et là, saisis par la force qui
accompagnait la présence mystérieuse, ils
s'agenouillèrent et prièrent tous ensemble. Le prêtre
était convaincu que le fait était miraculeux, car les
enfants n'auraient pas pu poser eux-mêmes la statuette à
cette hauteur.
Devant l'insistance des enfants, les parents, d'abord
incrédules, se rendirent dans le bois et virent eux
aussi la statuette. Bientôt on arriva de tous les
villages voisins pour contempler et vénérer la Vierge
posée sur le chêne. Face au nombre des personnes venues
sur place, et ému par leur conviction, le curé prévint
les autorités ecclésiastiques du diocèse. La statue de
la Vierge Marie était-elle descendue toute seule dans le
bois de Neuvizy? Était-ce une apparition, un miracle?
Compte tenu des bénédictions, des conversions et des
guérisons qui bientôt se multiplièrent en ce lieu, on
commença à donner des noms à la statuette: la Bonne
Vierge, la Bonne Notre-Dame, Notre-Dame de Bon-Secours.
On raconte même qu'une femme possédée, arrivée au pied
de la statue, fut immédiatement guérie, alors qu'amenée
de force près du chêne, elle avait rempli la forêt de
cris affreux dont la rage s'accroissait à mesure qu'on
approchait de l'arbre.
L’archevêque de Reims, Mgr de Rohan envoya à Neuvizy
l'abbé Meunier, chanoine du Chapitre de la Cathédrale.
Ce dernier fut très convaincu de la véracité de
l'événement à la fois par le récit des enfants que par
la piété des pèlerins. Et la décision fut prise à
l'évêché de transporter la statuette dans l'église de
Neuvizy. Cela se passa le 12 octobre 1752, en présence
de milliers de fidèles. Le 15 octobre 1752 la petite
vierge, de 10 cm de haut environ, fut déposée dans un
reliquaire et placée, à la vénération des fidèles,
au-dessus de la grande statue de Marie.
Les
pèlerins affluaient et les guérisons se multipliaient.
Mais arriva la Révolution. En 1793 l'église fut pillée.
La statue fut sauvée grâce au maréchal-ferrant de
Neuvizy qui, juste avant l'arrivée des agents de la
Révolution, put la prendre et la cacher chez lui. Il la
rapporta en 1818 lorsque la liberté de culte fut rendue
à la France. Cette même année 1818, l'Abbé Sommé, curé
de Neuvizy, releva et bénit la croix qui avait marqué le
lieu de l'apparition, en présence de Charles Piot, âgé
de 77 ans, et qui avait été l'un des enfants qui avaient
trouvé la statue.
En
1836, la procession annuelle, autorisée le 1er mai, fut
bientôt suivie d’une neuvaine. En 1853, le cardinal
Gousset érigea la Confrérie de Notre-Dame de Bon-Secours
de Neuvizy: 25 000 personnes s'engagèrent à prier tous
les jours Notre-Dame de Bon-Secours et à faire quelque
chose pour le prochain. Puis, l'église de Neuvizy étant
devenue trop petite, l'abbé Valentin, historien et curé
de Neuvizy, posa, le 4 mai 1865 la première pierre d'une
nouvelle église en présence de 10 000 pèlerins. Ce
prêtre dirigea les travaux du nouveau sanctuaire jusqu'à
la Toussaint de 1876, date de sa mort. L'église était
presque terminée. C'est l'abbé Valentin qui avait écrit:
"De
multiples signes vinrent confirmer les faits racontés
par les enfants. Les boiteux ont marché droit, les muets
ont retrouvé la parole, les sourds l’ouïe, les possédés
ont été délivrés, plusieurs aveugles ont été favorisés
par l’intercession de Notre-Dame."
Par
mesure de sécurité, à une époque, le 19ème
siècle, confrontée au scientisme et au positivisme,
l’abbé Valentin recensa minutieusement un grand nombre
de guérisons inexpliquées et les exposa dans des livrets
destinés aux pèlerins. Les nombreux ex-voto sur les murs
du sanctuaire témoignent également des nombreux miracles
qui eurent lieu à Neuvizy. Mais, outre les guérisons du
corps, il faut signaler les guérisons de l’âme, ces
conversions du cœur qui amènent l’être humain à
retrouver le chemin vers Dieu.
Notons que le 1er mai 1932, dans le bois de
la Vierge, un monument représentant les enfants
agenouillés en prière au pied de la statue fut béni. En
1936 le sanctuaire fut consacré par le Cardinal Suhard.
Le sanctuaire continue toujours de recevoir des
pèlerins. Notre-Dame de Bon-Secours continue de
consoler, d’éclairer, de ranimer ses enfants. La
statuette est toujours enfermée dans un reliquaire
finement sculpté et enchâssé dans un bel autel. En
2002, le pape Jean-Paul II érigea l'église en Basilique.
Paulette Leblanc |