NOTRE DAME DE LIPA
(Philippines)

Le 12 septembre 2015, l'évêque de Lipa, Mgr Ramón Cabrera Argüelles, reconnaissait officiellement les apparitions de la Vierge Marie à Lipa, sur l'île de Luzon aux Philippines, apparitions remontant à 1948. Ce sont, après 67 ans d'enquête, les 17ème apparitions mariales reconnues par l'Église catholique. Mais, étonnamment, le 14 mai 2016, un décret émanant de la Congrégation pour la doctrine de la foi et rendu public le 31 mai 2016, aux Philippines, déclara que les apparitions présumées de la Vierge au carmel de Lipa, il y a près de 70 ans, n'étaient pas authentiques, contrairement à ce qu’avait annoncé l’évêque du lieu en septembre 2015. Le débat sur le titre attribué à la Vierge Marie "Médiatrice de toutes grâces" en serait la cause. Ces événements sont tellement surprenants que je vais rapidement vous raconter tout ce qui s'est passé à Lipa. 

Nous sommes le 12 septembre 1948. En fin de journée, une jeune postulante du Carmel de Lipa, Teresita Castillo, fait une petite promenade dans le jardin du couvent. Soudain, l'un des buissons s'agite, et une voix s'adresse à Teresita: "N’aie pas peur, ma fille. Embrasse le sol et mange un peu d'herbe. Ce que je vais te dire, tu devras le faire pendant quinze jours consécutifs. Tu viendras me rendre visite ici." La Dame demanda alors à Teresita d'être fidèle et de revenir en ce même lieu pendant 15 jours. Teresita demanda à la Dame son identité et cette dernière répondit: "Je suis ta Mère, ma petite." Les pieds de cette "belle Dame" étaient nus et posés sur un petit nuage à environ 50 cm du sol.

Le lendemain, à la même heure, Sœur Teresita se rendit au même endroit; elle s'agenouilla et se mit à prier. Soudain le buisson s'agita comme la veille, et "une belle dame, souriante, les mains jointes, portant un chapelet doré dans la main droite, ayant une robe blanche et une ceinture étroite, était là, en face de Teresita." Le 14 septembre 1948, Teresita revit l'apparition au même endroit, et les bras ouverts. La Dame lui redemanda d'embrasser la terre et de manger un peu d'herbe. La Dame demanda également que le lieu où elle se trouvait soit béni dès le lendemain.

Durant cette apparition du 14 septembre 1948, la Vierge Marie transmit aussi un message destiné aux religieuses de la communauté de Sœur Teresita: "Mes filles, je vous demande de croire en moi, et de garder ce message comme un secret entre vous. Aimez-vous les unes les autres comme de vraies sœurs. Venez souvent me rendre visite. Faites de ce lieu un endroit sacré et respecté. Cueillez les pétales. Je vous bénis toutes." Après cette apparition, en effet, toutes les personnes présentes sur les lieux rapportèrent avoir constaté une "pluie de pétales de roses."

Que fit Teresita? On l'ignore, mais le lendemain, l’évêque auxiliaire de Lipa, Mgr Alfredo Obviar et l'aumônier du Carmel, bénirent les lieux.

Le 26 septembre 1948, jour de la quinzième apparition, la Vierge Marie rappela à Teresita l'importance de l'humilité et de l'obéissance, rappel particulièrement adressé aux sœurs carmélites. La Vierge demanda aussi que chacune des sœurs du carmel de Lipa se consacre à elle le 7 octobre 1948, jour de la fête de Notre-Dame du Rosaire, selon la consécration de saint Louis-Marie Grignion de Montfort. Et c'est ce même jour, que l'apparition se présenta comme "Marie, Médiatrice de toute grâce". De plus, ce jour-là, l'apparition dit à Teresita: "N'oubliez pas que mon Fils est le Chemin, la Vérité et la Vie."

Quelques jours après la dernière apparition, le 3 octobre 1948, des pluies de pétales de roses commencèrent à se produire à l'extérieur de la clôture du couvent. Des centaines, puis des milliers de personnes, affluèrent alors près du Carmel de Lipa pour assister à ce phénomène. Mais l'évêque de Lipa, Mgr Alfredo Verzosa, voulut interdire la vénération publique à Notre-Dame de Lipa. Aussi, le 19 novembre 1948, se rendit-il au Carmel pour demander que ces manifestations soient arrêtées. Mais une nouvelle pluie de pétales de roses l'accueillit. Bouleversé Mgr Verzosa revint sur sa décision. Il approuva même la vénération de la statue de Notre-Dame de Lipa. Et les foules continuèrent d'affluer pour voir les pluies de pétales de roses. Ce phénomène fera la une des quotidiens nationaux et internationaux. De nombreuses guérisons miraculeuses en relation avec les pétales de roses, furent rapportées à la commission chargée d'enquêter sur l'authentification des événements.

Petites remarques: Teresita Castillo, la jeune postulante de 21 ans, dernière-née d’une famille de sept enfants, n'était entrée au Carmel de Lipa, que quelques mois auparavant, contre l’avis des siens. Au cours de ces apparitions, la Vierge ne demanda à Teresita que des choses très simples: réciter le chapelet, pratiquer la pénitence et cultiver l’humilité. Marie lui demanda aussi de beaucoup prier pour les prêtres et pour le pape, et de faire installer une statue en son honneur.

Je vous ai dit que les apparitions de Lipa n'avaient été reconnues officiellement par Mgr Ramon Cabrera Argüelles, évêque de Lipa, que le 12 septembre 2015, soit 68 ans plus tard; puis un décret de la Congrégation pour la doctrine de la foi annula cette reconnaissance. Que s'était-il passé? Dans son décret du 12 septembre 2015, Mgr Ramón Cabrera Argüelles, avait déclaré que les "événements et apparitions de 1948 présentaient un caractère surnaturel" et étaient "dignes de foi". Et il "encourageait la dévotion à la Très Sainte Vierge Marie sous son titre très approprié de Médiatrice de toutes grâces."

Est-ce cette expression: "Marie, Médiatrice de toutes grâces", qui aurait été la cause de la confusion qui éclata le 14 mai 2016, lors de la parution d'un décret de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi? Certainement. En effet, le 11 avril 1951, six évêques philippins signèrent une déclaration qui déclarait le caractère "non supra-naturel" des événements de Lipa. Le clergé philippin ordonna alors la destruction de tous les documents et objets en lien avec cette "prétendue apparition". La carmélite Teresita fut expulsée du couvent, l'évêque de Lipa, Mgr Verzosa, et la Mère Prieure du Carmel furent déchargés de leurs fonctions. La statue de la Vierge réalisée selon les indications de la "voyante" fut néanmoins préservée de la destruction grâce aux carmélites.

Mais, dans les années 1990, l'un des six évêques retira son jugement négatif, et les pèlerinages reprirent dès 1992. Mgr Ramon Cabrera Argüelles, évêque de Lipa, rouvrit officiellement le dossier des apparitions en 2005, et, le 12 septembre 2015, il publia un décret qui reconnaissait comme authentiques les manifestations de Lipa. Il écrivit: "Les événements et apparitions de 1948, connus comme le phénomène marial de Lipa, et leurs conséquences, même dans les temps récents présentent réellement un caractère surnaturel et sont dignes de foi."

Hélas! Tout n'était pas terminé. En effet, dans un décret datant du 11 décembre 2015, mais rendu public seulement le 31 mai 2016, la Congrégation pour la Doctrine de la foi déclara que les apparitions de la Vierge à Lipa "n'étaient pas authentiques." Et le Vatican exigea la dissolution immédiate de toute commission étudiant encore la question. Mgr Argüelles a indiqué qu’il ne ferait pas appel de ce jugement.

Revenons à l'expression "Marie Médiatrice de toutes grâces". Benoît XV, pape de 1914 à 1922, l'avait introduite dans le calendrier liturgique. L’évêque de Lipa, estimait qu'elle était essentielle. Il faut l’invoquer, disait-il, pour "préserver l’intégrité de la Création, rejeter la prévalence du matérialisme, du sécularisme et de l’athéismedéfendre la vie, le caractère sacré de l’institution du mariage et l’intégrité de la famille."

Un sanctuaire fut construit dans les années 1950 près du lieu des apparitions. À partir de 1990, la statue fut ré-exposée à la vénération des fidèles. En 2005, le 12 septembre est déclaré "journée de pèlerinage national" par l'archevêque Ramon Argüelles. En 2007, la présidente du pays, Corazon Aquino, déclara cette même date "Jour national de la Prière pour la Paix et la Réconciliation". En janvier 2015, le pape François se recueillit devant une image de Notre-Dame de Lipa. Le sanctuaire de Notre-Dame de Lipa est aujourd'hui l'un des plus fréquentés des Philippines.

Venons-en maintenant à la controverse théologique. Le terme, "Marie Médiatrice de toutes grâces", si débattu dans l'Église, et que la Vierge Marie aurait utilisé en 1948, l'aurait déjà été par saint Bernard, saint Louis-Marie Grignion de Montfort, et par saint Alphonse de Liguori. Pourtant, pour certains théologiens, cette expression semble mettre en question la médiation unique du Christ. Le titre de "Marie Médiatrice" se retrouve également dans la constitution dogmatique Lumen Gentium du Concile Vatican II, dans lequel on peut lire, au N° 62: "C’est pourquoi la bienheureuse Vierge est invoquée dans l’Église sous les titres d’avocate auxiliatrice, secourable, médiatrice, tout cela cependant entendu de telle sorte que nulle dérogation, nulle addition n’en résulte quant à la dignité et à l’efficacité de l’unique Médiateur, le Christ".

Pourtant, en 1951, le pape Pie XII avait confirmé le décret de la Congrégation de la Doctrine de la foi, et la déclaration de nullité. Confirmée par le pape, Pie XII, la décision de 1951 était donc définitive. Pourquoi fut-elle remise en cause en 1990?

Mes amis, si aujourd'hui je vous ai parlé du sanctuaire de Lipa, aux Philippines, c'est que malgré les difficultés dogmatiques qu'il renferme, c'est un centre marial très important aux Philippines. Et aujourd'hui, différentes personnes continuent de témoigner de "guérisons miraculeuses" obtenues dans ce sanctuaire. Forcément, vous aussi un jour vous entendrez parler du sanctuaire de Lipa. Soyons donc patients, et en attendant prions beaucoup pour que le Seigneur éclaire nos théologiens de Rome.

Paulette Leblanc

pour toute suggestion ou demande d'informations