Le Miracle Eucharistique de Faverney
(dans la nuit du 25 au 26 mai 1608 )
Faverney est aujourd'hui une commune située à une vingtaine
de kilomètres de Vesoul, en Franche-Comté, dans le
département de la Haute-Saône. Au VIIIe
siècle, un Seigneur bourguignon y fit construire une abbaye
destinée à des religieuses bénédictines. En 1132, les
moniales cédèrent leur abbaye à des moines bénédictins venus
de la Chaise-Dieu. Ce sont ces moines qui demandèrent et
obtinrent de leur évêque, la permission d'organiser un
triduum
eucharistique avec exposition du Saint Sacrement, pour la
fête de la Pentecôte 1608. Il faut savoir aussi que l'église
de ce monastère bénédictin était un sanctuaire vénéré,
consacré à la Vierge Marie, un lieu de pèlerinage où l’on
venait prier celle que l’on nommait, évoquant déjà son
Immaculée Conception: "Notre Dame la Blanche."
Malheureusement, l'abbaye fut vendue comme bien national
pendant la Révolution française et démantelée. Revenons
maintenant à la Pentecôte 1608.
Nous sommes le samedi
24 mai
1608,
veille de la fête de la Pentecôte. Les moines avaient
préparé un reposoir afin d'y exposer le
reliquaire-ostensoir. Notons que ce reliquaire-ostensoir
contenait, dans un tube de cristal, un doigt de Sainte
Agathe. Au-dessus du doigt, il y avait une lunule en argent,
destinée à recevoir l'Hostie consacrée, pour l'adoration.
Après les Vêpres, les moines de l'abbaye de Faverney mirent
deux Hosties consacrées dans la lunule, et déposèrent
l'ostensoir près de la grille du chœur, du côté de
l'Évangile. Puis, ils placèrent de chaque côté de
l'ostensoir, deux chandeliers de cuivre garnis de cierges,
et deux chandeliers d'étain portant des lampes à huile. Les
cierges et les lampes à huile devaient rester allumés devant
le saint Sacrement durant toute la nuit, même après le
départ des adorateurs. Devant l'ostensoir, les moines
avaient également posé le Bref apostolique du pape Clément
VIII qui accordait des indulgences à l'occasion de ces trois
jours d'adoration, ainsi que la lettre de l'évêque qui
autorisait le triduum d'adoration. Le lendemain, jour de la
Pentecôte, l'adoration du Saint-Sacrement se poursuivit
normalement, et le soir, l'église fut, comme d'habitude,
fermée à clef, pour la nuit.
Je dois préciser que le reposoir était constitué d'une table
en bois surmontée d'un gradin de bois et d'une étagère à
quatre colonnes, également en bois, afin de rehausser la
table de près d'un mètre. L'ostensoir était placé en haut de
cet ensemble. Par ailleurs, de nombreuses nappes et des
étoffes de soie recouvraient la table du reposoir;
au-dessus, on avait accroché à la grille un dais festonné
d'où descendaient des draperies. Enfin, le reposoir était
garni de fleurs.
Le soir de la Pentecôte, Dom Jean Garnier, le sacristain,
ferma les portes de l'église vers 10 heures du soir, et
revint pour l'ouvrir, le lendemain, vers cinq heures du
matin. Il trouva alors l'église pleine de fumée et découvrit
les restes du reposoir calciné. Il appela les moines qui se
précipitèrent vers les débris fumants jonchant le sol.
Curieusement, dans les cendres du reposoir calciné, les
moines retrouvèrent, intacts, le Bref apostolique et la
lettre de l'évêque; mais l'ostensoir avait disparu…
Soudain, un novice, Frère Antoine Hudelot, âgé de quinze
ans, l'aperçut à travers la fumée, au-dessus de sa place
initiale, suspendu à environ 1,60m de hauteur. Par
précaution et respect, pour le cas où l'ostensoir tomberait,
les
moines
posèrent un corporal sous l'ostensoir devenu aérien, et
allumèrent des cierges; puis ils envoyèrent chercher les
capucins de Vesoul.
Le lendemain, les foules, les curés et les prêtres de toutes
les paroisses voisines étant accourus pour voir le miracle,
de très nombreuses
messes
furent célébrées dans l'église où se trouvait l'ostensoir,
toujours suspendu. Soudain, l'un des cierges placé sous
l'ostensoir suspendu, s'éteignit à plusieurs reprises,
malgré les tentatives de dom
Jean Garnier
pour le rallumer. Et voici que l'ostensoir
se mit à bouger avant de descendre se poser sur le
corporal,
après trente-trois heures de
lévitation,
devant plus de mille témoins venus assister aux
offices.
Lorsqu'ils ouvrirent l'ostensoir,
les
moines
trouvèrent les deux
hosties
intactes.
Ainsi, pendant trente-trois heures environ, l'ostensoir
était demeuré suspendu en l'air, et les milliers de
personnes arrivées de partout à l'annonce du miracle, en
furent, les témoins. Puis, au bout de ces trente-trois
heures, l'ostensoir descendit doucement, comme porté par une
main, et se posa sur le corporal qui avait été disposé en
dessous. Cela arriva exactement au moment où un prêtre qui
célébrait sur l'autel principal, déposait sur la patène
l'Hostie qu'il venait de consacrer et d'élever pour la
présenter à l'adoration des fidèles.
Prenons un peu de temps pour contempler ce Miracle
Eucharistique. L'incendie qui avait détruit le reposoir,
brûlé les linges, les draperies et une grande partie du
dais, l'incendie qui avait fait fondre à moitié l'un des
chandeliers d'étain, et légèrement noirci l'ostensoir en
plusieurs endroits, avait cependant totalement épargné les
deux hosties consacrées que l'on retrouva intactes dans la
lunule. De plus, le tube de cristal dans lequel se trouvait
une relique de sainte Agathe, était également intact; le
Bref du Pape accordant des indulgences à l'occasion des
trois jours d'adoration ainsi que la lettre de l'évêque,
documents qui avait été épinglés devant la table du
reposoir, n'avaient pas été brûlés.
Une Commission d'enquête ordonnée par l'archevêque de
Besançon et constituée de procureurs et d'avocats
fiscaux de l'officialité
diocésaine interrogea 54 témoins dont sept
moines.
Cette commission se réunit les
26 mai
et
4 juin
1608.
Après ces auditions concluantes, l'archevêque
de Besançon reconnut l'authenticité du miracle le 10 juillet
1608. Un professeur de l'université de Besançon, Amédée
Thierry, après avoir étudié ces faits avec la rigueur de la
critique historique, exprima son opinion:
"S'il est un fait
matériellement prouvé, c'est incontestablement celui-là."
Et aujourd'hui, que sont devenues les Hosties? Il y avait
deux hosties : l'une est toujours conservée à Faverney,
l'autre avait été transférée à Dole. Lors de la Révolution,
l'abbaye de Faverney fut fermée et déclarée "Bien
National". Elle fut vendue et découpée en plusieurs
propriétés. Mais l'hostie fut sauvée. 300 ans après le
miracle, en 1908, un Congrès Eucharistique réuni à Faverney
regroupa 20.000 personnes dont une dizaine d'évêques et
plusieurs centaines de prêtres. Le Lundi de la Pentecôte
l'hostie sauvée miraculeusement des flammes fut exposée.
L'Hostie transférée à Dole fut probablement volée avec son
reliquaire pendant la Révolution. Cependant jusqu'à une
époque récente, Dole fêtait le Saint-Sacrement par une
magnifique procession, avec l'hostie conservée à Faverney.
Grâce à l'intervention de
Mgr
Mathieu,
archevêque
de Besançon,
auprès du
pape
Pie IX,
le
miracle
de
Faverney
fut officiellement reconnu par l'Église
catholique,
le
16
mai
1864.
Après la seconde guerre mondiale l'une de ces processions
sera présidée par Mgr Roncalli, Nonce en France, qui
deviendra le Pape Jean XXIII.
Autre question: pourquoi un tel miracle? Au XVIIe
siècle, le protestantisme et le calvinisme se diffusaient
rapidement surtout en Franche-Comté. Certains documents
disent que les moines de l'abbaye de Faverney s’étaient
éloignés de leur Règle. Pourtant, ils célébraient avec
ferveur la Vierge Marie, sous le nom de Notre-Dame la
Blanche connue dans la région pour être miraculeuse. Le
Miracle Eucharistique de Faverley enraya les progrès du
Protestantisme et suscita la fondation de Confréries du
Saint-Sacrement dans de très nombreuses paroisses. Et les
moines redevinrent fidèles à leur Règle initiale…
Le Protestantisme de cette époque s’en prenait très
particulièrement à la présence réelle du Christ dans
l’Eucharistie. Pour les protestants, il ne s’agissait plus
que du symbole de notre participation au Corps Mystique du
Christ, de notre union à Lui. L'hérésie protestante qui
s’infiltrait partout en Franche-Comté fut stoppée après le
Miracle; et la foi catholique concernant la présence réelle
de Jésus dans le pain et le vin consacrés se redressa. Car
c'est au cours d’une Messe, à l’instant essentiel du
Sacrifice, l’instant de la Consécration et de la double
Elévation, que l’Ostensoir descendit de lui-même,
miraculeusement, attestant la réalité vivante qu’il
contenait, réalité opérée au même instant sur l’Autel au
moment des paroles de la Consécration. Incontestablement, le
Miracle Eucharistique de Faverney redonna vie à la foi des
fidèles de l'époque. Il redonne aussi la vie à notre foi.
Paulette Leblanc |