Sophie Thérèse de Soubiran, d'une famille noble ruinée
par la Révolution, naquit le 16 mai 1834, à
Castelnaudary, petite ville située à 40 km au sud de
Toulouse.
Six
ans plus tard naîtra une petite sœur, Marie. Le père de
Sophie-Thérèse étant un ancien militaire très attaché
aux valeurs traditionnelles voulut que ses enfants
reçoivent une éducation donnée par leur mère, leur tante
Sophie restée célibataire et leur oncle paternel, le
chanoine Louis de Soubiran qui dirigeait la Congrégation
Mariale de Castelnaudary. Toute la famille habitait le
vieil hôtel familial. Très jeune, Sophie-Thérèse fut
admise dans la congrégation dirigée par son oncle,
congrégation qui regroupait des enfants et des jeunes
filles de tous les milieux sociaux.
Vers
l'âge de 18 ans, Sophie-Thérèse désira entrer au carmel,
parce que, écrivit-elle plus tard, "on y était à Dieu
sans partage." Cependant, pour obéir à son Père
spirituel qui désirait fonder un béguinage à
Castelnaudary, elle partit s'initier à ce genre de vie
en Belgique. De retour dans sa ville natale le 29
septembre 1854, elle alla directement s’installer dans
l’Enclos du Bon Secours, préparé à cet effet par son
oncle: le Béguinage était fondé. Des jeunes filles se
joignirent à Sophie-Thérèse, et le 14 novembre 1855,
Sophie Thérèse faisait profession et devenait la
Supérieure de cette petite Communauté, sous le nom de
Mère Marie-Thérèse. Très vite elle modifia la Règle du
Béguinage, pour la rendre plus religieuse.
La
congrégation de Sainte Marie du Béguinage devait
s'occuper de l'éducation des enfants pauvres et du soin
des malades. Pendant plusieurs années, les sœurs
partagèrent une vie de pauvreté dans la prière et le
travail. Elles construisirent une maison pour accueillir
les fillettes pauvres, mais, dans la nuit du 5 au 6
novembre 1861, la maison à peine achevée, fut détruite
par un terrible incendie. Mère Marie-Thérèse emporta le
Saint Sacrement dans ses bras pour le mettre à l’abri;
puis elle passa le reste de la nuit, avec quelques
religieuses, en Adoration. Cet événement est à l’origine
de l’Adoration Eucharistique que vivront les sœurs de
Marie Auxiliatrice. Notons que la Sainte Vierge invoquée
pendant l'incendie, avait permis que les religieuses et
les 26 enfants de l’œuvre de la Congrégation Sainte
Marie du Béguinage fussent tous sauvés.
En
1864, Mère Marie-Thérèse partit faire une retraite de
trente jours, afin de mieux discerner le dessein de Dieu
sur elle et sur sa fondation. Elle comprit qu'elle
devait continuer l'œuvre commencée, mais en lui donnant
une autre base. Aussi la jeune congrégation
changea-t-elle de nom et fut consacrée à Marie. La
Congrégation de Marie-Auxiliatrice était née. Elle
adoptera la spiritualité de saint Ignace de Loyola. La
maison-mère fut établie à Toulouse et de nombreuses
maisons furent ouvertes dans toute la France, afin de
répondre au but de cette congrégation de
Marie-Auxiliatrice: soutenir des jeunes filles de 14 à
25 ans, sans famille et travaillant dans les ateliers ou
des usines.
Mais
bientôt Mère Marie-Thérèse allait vivre une incroyable
épreuve. En 1869, Madame Riché, une soi-disant veuve,
entra dans la congrégation et fit profession sous le
nom de sœur Marie-François de Borgia. Très vite elle
devint assistante générale, et, vers la fin de 1873,
elle profita de quelques petites difficultés pour
annoncer une faillite avec des comptes qu’elle avait
falsifiés. Elle accusa la Supérieure Générale, Mère
Marie-Thérèse de ne pas savoir gouverner et la chassa de
la congrégation. Nous sommes en 1874. Mère Marie-Thérèse
écrira:
"Le 9 février,
tout se brisait pour moi, la tempête me sépara
violemment
de
tout ce qui m’était le plus cher ici-bas… Je fus rejetée
sans asile, chargée de la responsabilité
de
tout ce qui s’effondrait, accusée par tous de tous les
malheurs
prêts à fondre sur Marie Auxiliatrice."
Mère
Marie-Thérèse quitta sa communauté de Bourges et
démissionna de sa charge de Supérieure Générale. Elle
vécut son exil à l’hôpital de Clermont Ferrand, où elle
fut tolérée comme "hôte". Marie-Thérèse, démunie de
tout, faisait un peu de broderie pour subvenir à ses
besoins… Le Père Perrard, le Jésuite qui l’accompagna
dans cette épreuve, cherchait pour elle un couvent qui
accepterait de la recevoir… Mais son passé de
Fondatrice, lui fermait bien des portes… Ce n'est que le
20 septembre 1874 qu'elle fut admise comme dame
pensionnaire dans la maison parisienne de Notre-Dame de
la Charité, rue Saint Jacques. Puis elle entra au
Postulat le 24 décembre 1874. Elle fit sa profession
religieuse le 20 avril 1875, et devint Sœur Marie du
Sacré-Cœur. Elle vivra rue saint Jacques très humblement
pendant quinze ans. Puis elle mourut le 7 juin 1889, de
phtisie, ignorée de tous.
Mais
que se passait-il pendant ce temps-là dans la
congrégation de Marie-Auxiliatrice qui connaissait une
période de grande instabilité? En effet, un certain
nombre de religieuses partirent; d’autres étaient sans
cesse changées de maisons et d’emplois jusqu'à être
renvoyées… Il faut cependant remarquer que, pendant
cette période très perturbée, des œuvres apostoliques se
formèrent. Dès 1875, les religieuses remarquèrent que
parmi les jeunes filles des foyers, certaines étaient
atteintes de tuberculose. Une caisse de Secours Mutuel
fut alors mise en place et une ébauche de sanatorium fut
organisée à Livry en 1877; les locaux devenant
rapidement insuffisants, le 19 mars 1881, le sanatorium
de Villepinte ouvrit ses portes: c’était le premier
établissement de la future Association de Villepinte qui
prendra une part très active dans la lutte contre la
tuberculose.
La
soi-disant veuve Riché, gouverna ainsi la congrégation
pendant quinze années, jusqu'en 1890. En février 1890,
mère Marie-François donna sa démission de supérieure
générale et disparut subitement, tandis que son mari,
toujours en vie, courait partout pour la retrouver.
En
1891, une nouvelle supérieure, Mère Marie Elisabeth de
Luppé, était élue à la tête de la Congrégation de
Marie-Auxiliatrice, et Mère Marie-Thérèse fut
réhabilitée.
Le
20 octobre 1946, le pape Pie XII proclama Bienheureuse
Mère Marie-Thérèse, la fondatrice de la congrégation de
Marie-Auxiliatrice.
Parlons encore un peu de Sophie-Thérèse Soubiran. Les
deux courants qui traversèrent sa vie: l'Eucharistie et
la spiritualité ignacienne, devinrent les bases de la
vie spirituelle des Sœurs de Marie-Auxiliatrice. À cela
il faut ajouter l'humilité. Dans un carnet de 1866, de
Sophie-Thérèse, on peut lire:
"Le genre de vie
de la Congrégation, en toutes choses doit avoir trois
caractères: simplicité, humilité et pauvreté."
Le 19
novembre 1879, dépouillée de tout et d’elle-même,
devenue Sœur Marie du Sacré-Cœur, elle écrivait: "Maintenant
dans l’oubli, l’inaction, la nullité la plus complète ma
vie sera employée à m’anéantir moi-même, à me laisser
anéantir de bon cœur par toutes choses. Quel heureux
échange, quelle tendresse de la part de notre Seigneur!
Aurais-je jamais pu croire que le bon Dieu me fit une si
belle part? Telle a été la sienne."
Paulette Leblanc |