Tout
d'abord je dois vous signaler que Marie Poussepin naquit
à Dourdan, le 14 octobre 1653 et elle mourut le 24
janvier 1744, à Sainville, dans le département de l'Eure
et Loir, non loin de Chartres. Elle a deux fêtes, le 24
janvier, jour de sa mort, et le 14 octobre, jour de sa
naissance. Je ne sais pas laquelle de ces deux dates
sera définitivement retenue. Heureusement, pour nous
aujourd'hui, cela n'est pas grave, et nous permet de
connaître une bienheureuse que vous ne connaissez
probablement pas.
Marie
Poussepin, qui sera l'aînée d'une famille de cinq
enfants, naquit à Dourdan, ville située à 44 km au
sud-est de Paris, dans le département de l'Essonne. La
ville de Dourdan a une histoire très compliquée. En
effet, d'abord ville des Mérovingiens, c'est là
qu'Hugues Capet y institua sa dynastie des Capétiens. La
ville prospéra ensuite lentement mais subit au XVI
siècle deux guerres de religion. Cependant la poterie y
était toujours florissante. Cependant, après la Fronde,
les campagnes, d'Étampes à Dourdan, étaient ruinées, et
la peste ravageait la région. La misère était donc très
grande. Dourdan se tourna alors vers la bonneterie à
l’aiguille. Et le père de Marie Poussepin développa une
entreprise fabriquant des bas. Nous voici en 1653: la
Fronde se termine et la petite Marie Poussepin vient au
monde, dans une famille relativement aisée.
La
situation économique de cette époque, nous venons de le
voir, était dramatique à cause des mauvaises récoltes,
des maladies et des guerres nombreuses. Heureusement, la
famille Poussepin, issue d'une vieille famille de
notables parisiens: procureurs, conseillers, secrétaires
du roi, etc… remontant au XV
siècle, était un foyer honnête et très chrétien. Tout
aurait pu bien aller pour cette famille, mais bientôt
l'entreprise de Mr Poussepin fit faillite… Et Mr
Poussepin s'enfuit à Bourges, abandonnant sa famille.
Marie, qui était encore très jeune reprit l'entreprise
de fabrication de bas de son père pour subvenir aux
besoins de sa famille. Ouverte au progrès technique,
Marie introduisit de nouvelles machines. Elle sera la
première à introduire, en France, le métier à tricoter
les bas de laine, et, en 1685, l’atelier Poussepin était
le seul en France à faire des bas avec un métier. Par
ailleurs, très engagée dans une Fraternité de Charité de
son village, Marie Poussepin embauchait surtout des
jeunes; elle supprima pour eux la nécessité de payer un
droit de formation à l'apprentissage au maître de stage.
Cette pratique très innovante offrit à ces jeunes
pauvres et souvent orphelins, la possibilité d'acquérir
un métier. Ainsi, Marie créait des emplois pour faire
sortir ces jeunes de la misère, et par eux-mêmes. Notons
qu'en 1702, Dourdan, grâce au zèle de Marie Poussepin
qu'on appelait couramment "la demoiselle", était
la deuxième ville de France pour le tissage des bas de
laine. Dans la foulée, Marie entreprit de révolutionner
l’apprentissage. Elle employait des jeunes entre 15 et
22 ans, qu’elle s’efforçait d'évangéliser, de former et
de préserver du libertinage.
En
plus de sa responsabilité de chef d'entreprise, Marie
Pousssepin s'engagea, en 1693, dans une Fraternité du
Tiers Ordre Dominicain qui devait visiter les malades,
les veuves, les mendiants... Mais ce n'est pas tout:
émue par la misère des campagnes et en particulier des
orphelines, des veuves, des femmes malades et des femmes
pauvres, Marie Poussepin fonda en 1695 une Fraternité
dominicaine à laquelle elle donna tous ses biens
personnels, après avoir laissé son entreprise à ses
frères. Cette innovante Fraternité, installée dans le
petit village de Sainville, devait suivre une règle
dominicaine, mais sans clôture, afin de pouvoir rayonner
la charité. Marie voulait ainsi lutter contre la misère
tout en vivant pleinement la vie religieuse. À Sainville,
Marie Poussepin ouvrit une petite école pour les filles
et visitait les malades. La communauté s'agrandit et
rapidement, d'autres communautés furent créées toujours
au service des plus pauvres, des malades et des
orphelines. D'autres communautés furent fondées à Auneau
puis à Meung-sur-Loire, à Loigny, à Massy, à Joigny. En
1725, Marie, âgée de 72 ans, était à la tête de vingt
établissements répartis dans six diocèses.
Cette Fraternité fondée par Marie Poussepin, deviendra
la congrégation des Sœurs de la Charité dominicaines
de la Présentation. Le but de cette congrégation au
service des paroisses était l'éducation des jeunes
filles en milieu rural. Marie Poussepin voulait que ses
sœurs agissent gratuitement au service des pauvres et
que, par ailleurs elles gagnent leur vie, notamment par
le tissage, à l'époque de la fondation. Marie plaçait
l'exercice de la charité au centre de la vie religieuse;
le travail devenait un moyen de vivre l'ascèse,
l'engagement fraternel et la pauvreté religieuse.
Curieusement, l'évêque de Chartres ne voulut pas
reconnaître la Congrégation des Sœurs de Charité
Dominicaines de la Présentation. Il exigea que les sœurs
renoncent à tout lien avec les Dominicains. Et Marie
Poussepin dut se soumettre; les liens avec les
Dominicains ne seront rétablis qu'à la fin du XIX
siècle. La Congrégation sera "agrégée" à l'ordre de
saint Dominique le 15 décembre 1959.
Marie Poussepin mourut le 24 janvier 1744, à Sainville
où elle fut inhumée. La congrégation comptait alors 113
sœurs réparties dans vingt communautés. Marie Poussepin
a été béatifiée par le pape Jean-Paul II, le 20 novembre
1994. Notons ici qu'au cours de la
Révolution, les communautés furent dispersées. On ne
retrouvera les restes de Marie qu’en 1857. D’autres
maisons de Sœurs de la Charité Dominicaine de la
Présentation furent plus tard créées en Italie, en
Angleterre, au Chili, en Israël, au Pérou, et dans de
nombreux autres pays, notamment en Côte d'ivoire en 1987
et au Cameroun en 1988.
Paulette Leblanc |