Marguerite Rutan naquit à Metz, le 23 avril 1736. Elle
était la 8e enfant d'une famille qui en
comptera 15. Pendant sa jeunesse elle aida sa mère
auprès de ses frères et sœurs, puis elle s'intéressa aux
travaux de son père, architecte, ce qui n'empêchait pas
la famille de vivre très modestement, compte tenu du
nombre des enfants. Le 23 avril 1757, Marguerite entrait
dans la Congrégation des Filles de la Charité, créée par
Saint Vincent de Paul. Après seulement cinq mois de
noviciat, elle fut nommée à Pau pour assumer un poste de
confiance à l'hôpital.
L'hôpital
de Pau confiera rapidement à Marguerite Rutan, en plus
des malades, la direction de la Manufacture des Enfants
trouvés, organisation qui avait de lourds problèmes
financiers. Marguerite ouvrira des classes pour ces
enfants trouvés. Puis elle sera nommée à l'hôpital de
Dax, où elle s'installera avec cinq autres religieuses.
Cette nomination avait été demandée par l’évêque de Dax,
Mgr Le Quiem de Laneuville, pour diriger l’hôpital qu’il
construisait dans sa ville de Dax. En effet, il fallait
fusionner l'ancien Hôpital du Saint-Esprit, situé sur
les bords de l'Adour, avec celui de Dax. Car, depuis le
Moyen-Âge, de nombreux hôpitaux étaient généralement
placés à l'extérieur des villes; il s'agissait de
précautions prises pour, en cas d'épidémies graves,
éviter les transmissions par contagion.
À
partir de 1779, première supérieure de l'hôpital Saint-Eutrope
de Dax,
Marguerite ouvrit une école, une pour les garçons et une
pour les filles et accueillit les filles abandonnées;
puis elle
fit
construire une chapelle. En 1784, Sœur Rutan, fut
chargée de surveiller l'agrandissement de l'hôpital
Saint Eutrope.
Mais
voici la Révolution française. Les prêtres et les
religieux et religieuses doivent être expulsés.
Pourtant, l'évêque constitutionnel, Mgr Saurine,
s'oppose à l'expulsion des religieuses de l'hôpital de
Dax et obtient le maintien, à l'hôpital, des Sœurs de
Saint Vincent de Paul. Mais après la suppression
officielle des Ordres religieux, les sœurs prirent le
nom de "Dames de la charité", tout en poursuivant
leurs travaux au service des pauvres. Et bientôt, c'est
la Terreur. Le 3 octobre 1793, les religieuses eurent à
choisir: prêter serment à la Constitution ou être
expulsées? Toutes refusèrent de jurer. Les services
qu’elles rendaient aux pauvres et aux malades de la
ville étaient tels qu’on n’osa pas tout d’abord demander
leur renvoi. La Terreur cependant avait transformé la
maison des Capucins et celle des Carmes en prisons.
Le
24 décembre 1793, Sœur Rutan fut arrêtée et emprisonnée
au couvent des Carmes avec les autres religieuses de
l'hôpital. En effet, elle
aurait, "par
son incivisme, cherché à corrompre et à ralentir
l’esprit révolutionnaire et républicain, des militaires
en traitement à l’hôpital."
Pendant six
mois, Marguerite Rutan soignera et soutiendra moralement
les 300 codétenues. Enfin, le tribunal la condamna à
mort le 8 avril 1794, en haine de la foi et de la
religion. En effet, "on avait trouvé chez elle des
papiers compromettants, des prières et des lettres de
malades décédés qu'elle devait remettre aux familles des
défunts." Elle fut guillotinée avec l'Abbé Jean
Eutrope de Lannelongue, curé de Gaube et prêtre
réfractaire,
le
lendemain, 20 germinal an II, c'est-à-dire le 9 avril
1794. Marguerite avait 58 ans.
Un an
plus tard, le directoire du district déclarait:
"La commune de
Dax regrettera longtemps cette femme vertueuse qui, par
caractère tenant à son opinion religieuse, a été
inhumainement sacrifiée sur des motifs dont la preuve
reste encore à acquérir."
Onze
ans après la mort de Marguerite Rutan, le 9 avril 1805,
la municipalité de Dax, par un acte civil et solennel de
réparation fera, à sa mémoire, une réparation publique
et officielle, exprimant ses regrets d'avoir vu
disparaître une femme qui n'avait fait que du bien.
Marguerite Rutan fut béatifié le 19 juin 2011.
Paulette Leblanc |