Les serviteurs inutiles,
mais indispensables

Je veux parler aujourd'hui des serviteurs inutiles. Jésus, un jour, après une parabole, dit à ses apôtres: "Lorsque vous aurez accompli toute votre tâche et que vous aurez satisfait votre maître, dîtes-vous que vous n'êtes que des serviteurs inutiles." Cette pensée est évidemment désagréable, et elle doit être longuement méditée et réfléchie. Mais il y a pire: Jésus, le soir du Jeudi-Saint, se fit le Serviteur de ses apôtres en les servant et en leur lavant les pieds. Jésus, complétant sa pensée antérieure leur dit aussi: "Comme je vous ai lavé les pieds, lavez-vous les pieds les uns les autres." Jésus, Fils de Dieu, Verbe de Dieu incarné, Messie attendu depuis si longtemps par les juifs, Jésus Rédempteur du monde, Jésus se fait le Serviteur de serviteurs inutiles. Jésus serait-Il aussi un Serviteur inutile? Cette question est très dérangeante si on ne prend pas la peine de l'approfondir.

Jésus Sauveur du monde, ne peut pas être un Serviteur inutile. C'est impossible, car même si, comme Rédempteur, Il s'est fait le Serviteur de tous les hommes, Il est l'homme le plus utile qui soit puisqu'Il est l'Homme-Dieu, le Sauveur des hommes. Sans Jésus, jamais aucun homme ne pourrait, non seulement être sauvé, délivré de ses péchés, mais, en plus, jamais aucun homme ne pourrait connaître Dieu, son Amour et sa Miséricorde. Car l'Homme serait resté éternellement pécheur...

L'Homme a péché gravement... Il s'est séparé de Dieu et est devenu très malheureux car l'Homme était fait pour Dieu. De nos jours, les hommes peuvent avoir tout ce qu'ils désirent, et plus ils ont, plus ils sont malheureux car ils n'ont pas l'essentiel: Dieu. Alors, ils s'en vont vers les paradis artificiels, et ils sont de plus en plus malheureux et désespérés, jusqu'au suicide pour beaucoup... Alors?

Ne pourrait-on pas avoir une autre idée du service, une idée apparemment étrange du service, mais une idée qui est certainement la meilleure car elle serait la manifestation de l'Amour. En effet, dès que Dieu créa, Il se mit au service de sa créature: évidemment, Dieu étant alors seul face à ses créatures, Lui seul pouvait savoir ce dont elles avaient besoin. On ne sait pas comment Dieu "éduqua" les anges, mais incontestablement, eux aussi eurent des choses à apprendre, et comme il n'y avait alors qu'un seul Maître, qu'un seul éducateur: Dieu, Dieu seul pouvait leur servir de professeur. Puis Dieu créa la matière et les cosmos, et Dieu apprit aux anges le maniement de ces mondes fabuleux; et les anges gouvernèrent les galaxies...

Puis Dieu créa l'homme, cet être complexe unissant en lui l'esprit et la matière. Faits à l'image de Dieu, les hommes devaient pouvoir, non seulement être intelligents comme des anges, mais encore, savoir aimer Dieu et savoir aimer comme Dieu aime. Cela, seul Dieu pouvait l'enseigner à cette créature étonnante. Dieu dit:

- Homme, Je t'aime; à ton tour aime-Moi.

Et Dieu se mit à "servir" l'homme pour lui enseigner l'amour. Incroyable!

Hélas! L'Homme fut si bien enseigné par Dieu qu'il se mit à trop aimer, mais à aimer un peu de travers. Oui, Il aimait Dieu, mais les créatures que Dieu créait étaient si belles, si divines, si attirantes, que l'Homme ne pouvait s'empêcher de les aimer, et parfois de les préférer à Dieu... Et, un jour, il céda à la tentation que le mauvais lui présentait, il goûta le fruit défendu, et, ce faisant, il pécha...

Dieu fut "triste" mais son infinie intelligence comprit la faiblesse de l'homme face à la méchanceté de Lucifer; et, dans sa grande Miséricorde, Il continua à aimer l'Homme d'un amour incommensurable. Mais Dieu devait continuer à éduquer cet être fragile; aussi le laissa-t-Il livré à lui-même pendant un certain temps, afin qu'il comprît que les créatures, même les plus belles, ne pouvaient pas remplir son cœur, et que seul Dieu pouvait le combler. Quand l'Homme eut compris son malheur, et il cria vers Dieu. Et Dieu "entendit la voix" de ses enfants, et quand l'Heure fut arrivée, Il envoya un Rédempteur, ce qu'Il avait de plus cher: son Fils unique...

Et le Fils de Dieu s'incarna; en effet, le Verbe de Dieu, Dieu Lui-même, ne pouvait rencontrer les hommes pécheurs et trop sensuels, qu'en se faisant homme pour les enseigner, donc pour les servir... Ce faisant, pour s'incarner, le Fils de Dieu avait besoin de l'Homme, en l'occurrence, d'une Mère; et Dieu envoya son Ange visiter une Vierge immaculée, Marie. Marie se prosterna et dit:

- 0160Voici la Servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon ta parole.

Et le Verbe se fit chair...  et Il habita parmi nous.

Cette contemplation nous conduit à considérer une sorte de pyramide spirituelle. Au sommet: Dieu qui crée. Puis viennent les anges, et Dieu les "sert" en les enseignant. Puis arrive l'univers que les anges doivent "servir"; et enfin les hommes qui doivent accomplir non seulement leurs tâches propres et humaines, mais aussi aimer Dieu et se servir mutuellement les uns les autres, car dès que l'on aime Dieu, on aime forcément son prochain. Mais comme le péché, le refus d'aimer Dieu plus que tout, s'était introduit dans la création, l'Homme fut tout décontenancé: pas mauvais, pas méchant, mais un peu perdu et malheureux. Alors Dieu, pour restaurer l'Homme, sa créature toujours préférée, mais fragile car très petite malgré sa grandeur, et d'une complexité si grande qu'un rien pouvait la déséquilibrer, Dieu lui envoya son Fils pour le redresser, le fortifier et lui redonner l'éducation de base qu'il avait oubliée. Et Jésus "servit" les hommes.

Le Fils du Père se choisit une Mère qui devint sa Servante. Puis Il se choisit des hommes qu'Il forma et enseigna soigneusement, pour qu'après son départ, ils pussent "enseigner toutes les nations et les baptiser au Nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit."

Jésus se choisit une Servante parmi les hommes; Il s'incarna et se fit le Serviteur des hommes. Il alla jusqu'à laver les pieds de ses apôtres en leur disant:

- Vous m'appelez Maître et Seigneur, et vous avez raison car Je le suis vraiment. Si donc, Moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous devrez aussi vous laver les pieds les uns aux autres.... Et pourtant, quand vous aurez fait tout ce que Je vous demande, vous ne serez que des serviteurs inutiles...

Quand nous avons réussi à faire tout ce que Dieu nous demande nous devons nous considérer comme des serviteurs inutiles. C'est tout de même un peu fort! Pourquoi?

Pourquoi? Tout simplement parce que le seul Maître, le seul qui gouverne tout dans sa création, c'est Dieu. Et les hommes, créatures faites à l'image de Dieu, ne peuvent qu'imiter Dieu, et faire comme Lui, quoique dans des proportions infimes; mais les actions humaines, tout en étant réelles à leur échelle humaine, ne sont, que parce que Dieu le veut; Dieu est le seul qui soit susceptible de faire quelque chose dans la création, car Lui seul est Dieu. Les hommes agissent ensuite, et ils font, parce que Dieu le leur permet; mais en fait, c'est toujours Dieu qui travaille à travers eux, ses serviteurs aimés, mais inutiles... dont Il pourrait facilement se passer, s'il ne les aimait pas.

Dieu est Miséricorde, Dieu est Amour. Dieu veut nous sauver, et pour cela Il nous envoie son Fils. Mais Dieu ne veut pas nous écraser, nous humilier de telle sorte que nous ne serions plus capables de rien. Alors, Il décide de ne pas tout faire, et de nous laisser un petit peu de travail dans cette œuvre de notre rédemption. Dieu veut que nous participions à cette tâche, et Il nous met la main à la pâte. Oh! cette tâche est bien minuscule, bien inutile: Dieu ferait tellement mieux que nous... Mais notre participation que Dieu désire est la conséquence de son excès d'amour pour nous. Dieu veut que nous participions à son œuvre créatrice et rédemptrice, et que, malgré notre péché, nous reprenions notre place dans l'œuvre de sa création...

Alors Jésus nous prend dans son Cœur; Il déverse en nous son Amour, et Il nous aide dans notre tâche quotidienne. Cette tâche, pour Jésus, ce n'est rien, mais pour nous, elle est souvent difficile, douloureuse, et nous sommes généralement obligés de nous donner beaucoup de mal... pour ne pas toujours réussir. Nous ne sommes que des serviteurs inutiles. Si nous ne sommes que des serviteurs inutiles, pourquoi nous donner du mal? Jésus, nous tournons en rond...

Oui, l'intelligence de l'homme laissée à elle seule ne peut pas comprendre, mais il ne faut jamais oublier que lorsque nous nous adressons à Dieu, nous sommes dans un monde d'amour et l'expression "serviteur" a un sens bien différent de celui que nous lui donnons habituellement. Un serviteur, avec Dieu, c'est celui qui aime et qui est aimé et qui sert car il aime. Je m'explique:

Les mots: serviteur, service, servir, sont couramment employés, mais trop souvent on se trompe sur leur signification. Ainsi, quand on dit que "le pape est le serviteur des serviteurs de Dieu", cela signifie qu'il est à leur service pour les écouter, les aider, méditer, écrire des encycliques ou d'autres textes nécessaires pour la vie de l'Église, prendre les décisions nécessaires pour le bien de tous les hommes...

De très nombreuses activités humaines sont des services. On peut citer tout d'abord l'enseignement. Ainsi, le rôle principal du pape, des évêques, des prêtres et des diacres,  c'est d'enseigner. Les éducateurs: les parents, les maîtres, les professeurs, sont tous des serviteurs pour leurs enfants. Les gouvernements sont (ou devraient être) au service de leurs concitoyens. Enfin, tous les hommes sont, d'une manière ou d'une autre, au service de tous ceux pour qui ils travaillent ou à qui ils rendent service.

Il ne faut surtout pas confondre les services que les hommes se rendent, avec l'esclavage ou même le servage du temps de la féodalité. Trop longtemps on a considéré les valets, les domestiques, les subalternes de toutes sortes, comme des êtres inférieurs, devant une obéissance presque servile à leurs maîtres. Non, au contraire, ceux qui rendent service, à quelque niveau que ce soit, sont des hommes libres. Car le service véritable exige un minimum de liberté, sinon, c'est l'esclavage.

Il y a plus: le service, c'est une manifestation de l'amour. Contemplons Dieu. Dieu nous "sert"; en fait, Il nous aime, donc, Il nous enseigne, nous aide, nous corrige, nous oriente, nous forme, en un mot Il nous éduque, et tout cela, en vue de la vie éternelle. Quelle preuve d'amour que ce service inestimable! Il ne faut pas oublier non plus, que Dieu nous donne la nourriture dont nous avons besoin, et qu'Il gère l'univers dans lequel nous vivons et évoluons. Tout ceci, c'est l'Amour de Dieu qui se manifeste à chaque instant, et sans lequel nous ne pourrions exister. Quelle merveille!

Les hommes ont été créés à l'image de Dieu. Donc, dans toute société harmonieuse, tous les hommes sont au service les uns des autres. Tous les services que se rendent les hommes sont importants: qu'ils soient médecins, dentistes, transporteurs, commerçants, professeurs, ouvriers, artisans, etc, tous les hommes sont les serviteurs de leur prochain. Le service, c'est la vie. Tous les serviteurs sont très utiles, et même indispensables. Alors, Jésus se serait-t-il trompé en nous affirmant que nous sommes des serviteurs inutiles? Non, Jésus veut seulement nous remettre à notre place véritable. Dieu seul EST. Dieu seul sait, Dieu seul peut. Dieu seul est au-dessus de tout. Et nous, faits à l'image de Dieu, nous imitons Dieu. Sans Dieu, nos activités sont sans valeur, mais si nous aimons Dieu, alors tout change. Les serviteurs inutiles deviennent utiles, car, servir, c'est tout simplement aimer, et d'abord aimer Dieu.

Le plus grand service que l'on puisse rendre à quelqu'un, c'est de l'aimer, d'où la nécessité de faire connaître l'amour. C'est d'ailleurs le dernier des commandements de Jésus, qui, juste avant de quitter ses apôtres leur commande: "Allez, enseignez toutes les nations. Baptisez-les, au nom du Père, et du fils et du Saint Esprit." C'est clair ce que nous dit Jésus: maintenant, allez, enseignez, prêchez, donc évangélisez. Servir, c'est aimer, c'est faire connaître l'amour, c'est donc évangéliser. C'est d'ailleurs ce qu'enseigne aussi le Concile Vatican, en particulier dans son décret consacré au ministère et à la vie des prêtres "Presbyterorum Ordinis".

Le chapitre 4 de ce décret est particulièrement significatif. On peut citer, entre autres: "Nul ne pouvant être sauvé sans avoir d'abord cru, les prêtres comme coopérateurs des évêques ont donc pour première fonction d'annoncer l'Évangile de Dieu à tous les hommes; ainsi en exécutant l'ordre du Seigneur: 'Allez par le monde entier prêchez l'Évangile à toute la création...' ils font naître et grandir le peuple de Dieu... Les prêtres se doivent à tous les hommes: ils ont à leur faire partager la vérité de l'Évangile dont le Seigneur les fait bénéficier." Ou encore: "Dans les pays et les milieux non chrétiens, c'est par l'annonce de l'Évangile que les hommes sont conduits à la foi et aux sacrements du salut; dans la communauté chrétienne elle-même, surtout pour ceux qui peuvent manquer de foi ou d'intelligence à l'égard de ce qu'ils pratiquent, la proclamation de la parole est indispensable au ministère sacramentel lui-même, puisqu'il s'agit des sacrements de la foi, et que celle-ci a besoin de la Parole pour naître et se nourrir." 

On remarque aujourd'hui une grande perplexité chez les chrétiens fidèles. Lorsqu'ils se penchent un peu sur l'Histoire des hommes, ils ne comprennent plus. Ainsi, après la Révolution française et toutes ses douleurs, une autre révolution se manifesta: la multiplication des saints au 19ème siècle. Puis vint, après la Guerre de 14-18, l'Action Catholique qui éveilla tant de générosités. Enfin il y eut le Concile Vatican 2 qui suscita d'abord un grand enthousiasme. Malheureusement ce Concile fut vite mis de côté, voire trahi, et l'on commença à parler d'enfouissement: il ne fallait plus évangéliser car toutes les religions se valaient; le diable n'existait plus... Quant aux péchés, la plupart devinrent des "bricoles" dont il ne fallait pas s'inquiéter, car on irait tous au paradis; on oubliait ainsi que tous les péchés sont des manques d'amour, plus ou moins graves, certes, mais toujours refus d'amour.

Aujourd'hui, l'immoralité et la violence sévissent partout. L'islam envahit les pays autrefois catholiques. Nos jeunes, qui ne sont plus éduqués, se dirigent vers les sectes, les drogues, la violence, les sectes sataniques (tiens! Satan existe de nouveau...), et beaucoup vont jusqu'au suicide. La situation est devenue tellement grave qu'un évêque déclara un jour, il y a quatre ans environ: "Mes amis, l'enfouissement, c'est fini! Maintenant, il faut aller évangéliser." Les chrétiens furent soudain surpris et très étonnés: où était la vérité? Et surtout, que devaient-ils faire? Et comment le faire? On les avait tellement fait taire!

Puis l'on vit apparaître des groupes charismatiques dont "il fallut d'abord se méfier". Nous ne comprenons plus rien. Les catholiques adultes dans les années 60, ont dû affronter  bien des contractions. Aujourd'hui, horrifiés, ils contemplent les dégâts. Mais que peuvent-ils faire? Beaucoup parmi les œuvres d'apostolat qu'ils avaient aimées sont mortes... Ils ont  vieilli, et il ne fait pas bon être vieux dans notre monde déboussolé. Beaucoup de chrétiens âgés sont souvent amers et tristes... S'ils se tournent vers le Seigneur, Jésus les emmène avec Lui à Gethsémani pour Le consoler. Consoler Jésus semble être la nouvelle mission que Dieu confie aux chrétiens. Mais comment? se demandent-ils? Comment consoler Jésus, comment peuvent-ils servir leurs frères? En aimant, souffle Jésus. Car aimer, c'est déjà servir, et évangéliser par son amour, c'est le plus grand des services, c'est le plus grand témoignage d'amour.

Et ainsi les hommes sont de nouveau heureux. Oui, car le Seigneur a dit aussi: "Heureux le serviteur fidèle, le serviteur que le Maître, à son retour, trouvera veillant!" Et quand nous faisons bien tout notre travail, nous devons nous dire que nous sommes des serviteurs inutiles... Mais Jésus veut avoir besoin, par amour, de ces serviteurs inutiles, car servir, c'est aimer. Alors le serviteur inutile se met à aimer: à aimer Dieu de toutes ses forces... et à aimer son prochain. Le serviteur inutile entre alors dans la pensée de Dieu: faire participer sa créature préférée, l'homme, à son dessein d'amour et à l'Œuvre de sa création. Oh! bien sûr, le travail du serviteur est bien peu de chose, pratiquement rien dans l'immensité de la création; et l'on doit considérer cette immensité aussi bien dans l'infiniment grand que dans l'infiniment petit. Le travail du serviteur est tellement infime qu'il est vraiment inutile, et pourtant il est indispensable. Oui: inutile et pourtant indispensable, car c'est l'œuvre, le travail de l'amour. De l'amour que l'on rend à Dieu.

Incroyable! Le serviteur de Dieu est inutile et pourtant indispensable, car chaque homme compte aux yeux de Dieu et dans le Cœur de Dieu.

Un extrait de l'Évangile de saint Luc (11,42-46) nous permet peut-être de compléter ces réflexions. Jésus disait:

- Malheureux êtes-vous, pharisiens, parce que vous payez la dîme sur toutes les plantes du jardin, comme la menthe et la rue, et vous laissez de côté la justice et l'amour de Dieu. Voilà ce qu'il fallait pratiquer, sans abandonner le reste. Malheureux êtes-vous, pharisiens, parce que vous aimez les premiers rangs dans les synagogues, et les salutations sur les places publiques. Malheureux êtes-vous, parce que vous êtes comme ces tombeaux qu'on ne voit pas et sur lesquels on marche sans le savoir. 

Alors un docteur de la Loi prit la parole:

- Maître, en parlant ainsi, c'est nous aussi que tu insultes.  Jésus reprit:

- Vous aussi, les docteurs de la Loi, malheureux êtes-vous, parce que vous chargez les gens de fardeaux impossibles à porter, et vous-mêmes, vous ne touchez même pas ces fardeaux d'un seul doigt."

Oui, agir comme le faisaient les pharisiens pieux et fidèles, et les docteurs de la Loi, c'est bien, c'est même obligatoire. Mais c'était inutile car, en même temps, ils ne pratiquaient pas le seul vrai Commandement de Dieu, le Commandement de l'Amour: "Tu aimeras les Seigneur ton Dieu... et ton prochain comme toi-même." C'est-à-dire, Tu n'oublieras pas les pauvres Lazares qui mendient à ta porte. Tu n'oublieras pas de payer tes ouvriers qui ont besoin de leur salaire pour vivre. Tu couvriras celui qui est nu. Tu soigneras le blessé et le malade. Tu penseras à aider la veuve et ses orphelins, tu seras fidèle à éduquer les enfants et à leur faire connaître le seul vrai Dieu. Alors, Tu seras un serviteur fidèle, veillant attentivement aux besoins de ton prochain.

Et voici un enseignement de la Didachè (entre 60-120), catéchèse judéo-chretienne, qui complète une partie de ce qui précède: "Mon enfant, fuis tout ce qui est mal ou ressemble au mal. Ne sois pas emporté: la colère pousse au crime. Ni jaloux, ni querelleur, ni brutal: ces passions sont la cause des meurtres. Mon enfant, ne sois pas sensuel: la sensualité est le chemin de l'adultère. Que ton langage ne soit pas grivois, ni hardi ton regard: cela aussi engendre l'adultère... Garde-toi des incantations, de l'astrologie, des purifications magiques; refuse, et de les voir, et de les entendre: ce serait... sombrer dans l'idolâtrie. Mon enfant, ne sois pas menteur, car le mensonge entraîne au vol. Ne te laisse séduire ni par l'argent ni par la vanité, qui eux aussi incitent à voler. Mon enfant, ne grommelle pas: tu en viendrais au blasphème. Ne sois ni insolent ni malveillant, cela aussi porte au blasphème.

Aie de la douceur: Les doux hériteront la terre (Mt 5,5). Sois patient, miséricordieux, sans malice, empli de paix et de bonté. Tremble sans cesse devant les paroles que tu as entendues (Is 66,2). Tu ne t'élèveras pas toi-même, tu ne livreras pas ton cœur à l'orgueil. Tu ne t'allieras pas avec les superbes, mais tu fréquenteras les justes et les humbles. Tu recevras les événements de la vie comme des bienfaits, sachant que rien ne survient en dehors de Dieu." Sois un serviteur, inutile, certes, aux yeux de Dieu, mais indispensable, car utile à ton prochain que Dieu te demande d'aimer comme toi-même.

Il y a encore autre chose. On chante souvent: "Heureux le serviteur fidèle, Dieu lui confie sa maison."  On pense tout de suite à la parabole des talents. Dieu nous donne, à tous, des talents, des dons, des capacités. Et Dieu veut que nous les fassions fructifier, car travailler, c'est participer à l'Œuvre créatrice de Dieu, travailler, c'est notre bonheur, même si parfois, à cause du péché, le travail est fatigant, voire douloureux. Mais nous devons bien constater que lorsque les hommes n'ont plus de travail, ils sont encore plus malheureux.

Concluons: Dieu crée l'homme pour que l'Homme L'aime, Lui, son Créateur et son Père. Dieu veut que l'homme, pour être tout à fait heureux, mette en valeur les dons qu'Il lui confie; Dieu veut que l'homme travaille, car l'homme étant à la fois chair et esprit, matière et intelligence, il a la charge de poursuivre, sur la terre, l'œuvre de Dieu, et de participer au développement de la terre selon la parole divine: "Peuplez la terre, et soumettez-la" sous-entendu, mettez-la en valeur pour qu'elle vous nourrisse et vous réjouisse.

Dieu est Amour; Dieu vit dans l'Amour. Dieu crée par amour, et Dieu aime sa créature préférée, tellement qu'Il la charge de poursuivre, pour le développement de toutes ses facultés et son bonheur humain, sa création terrestre. Dieu aime l'homme et veut son bonheur. Cependant, pour que le bonheur de Dieu, et donc de l'homme, soit complet, l'homme doit aimer Dieu. Malheureusement l'homme a péché, mais Dieu, dans son infinie miséricorde a envoyé son Fils. Et le monde des hommes fut sauvé; mais le péché demeure et demeurera tant que les hommes seront sur la terre. Pourtant les exigences de Dieu n'ont pas changé, ni les conditions pour que les hommes trouvent le bonheur. Les hommes doivent poursuivre leurs travaux de serviteurs. Ce sont des serviteurs utiles, indispensables, désirés par Dieu de toute éternité.

Mais ces serviteurs, qui doivent tous développer leurs talents, sont aussi des serviteurs inutiles, car Dieu pourrait vraiment se passer d'eux: pour créer, Dieu n'a pas besoin de créatures; mais il y a l'amour. Le service, c'est la manifestation de l'amour; le service c'est le moyen que l'homme doit utiliser pour dire à Dieu son amour. Le service, c'est l'amour. L'homme est un serviteur, utile et inutile, mais indispensable car par son travail il rejoint Dieu; il aime son Dieu et par voie de conséquence, il aime son prochain et le sert. Heureux le serviteur fidèle qui aime Dieu et son prochain!

Paulette Leblanc

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