Je veux
parler aujourd'hui des serviteurs inutiles. Jésus, un jour,
après une parabole, dit à ses apôtres: "Lorsque vous
aurez accompli toute votre tâche et que vous aurez satisfait
votre maître, dîtes-vous que vous n'êtes que des serviteurs
inutiles." Cette pensée est évidemment désagréable, et
elle doit être longuement méditée et réfléchie. Mais il y a
pire: Jésus, le soir du Jeudi-Saint, se fit le Serviteur de
ses apôtres en les servant et en leur lavant les pieds.
Jésus, complétant sa pensée antérieure leur dit aussi:
"Comme je vous ai lavé les pieds, lavez-vous les pieds les
uns les autres." Jésus, Fils de Dieu, Verbe de Dieu
incarné, Messie attendu depuis si longtemps par les juifs,
Jésus Rédempteur du monde, Jésus se fait le Serviteur de
serviteurs inutiles. Jésus serait-Il aussi un Serviteur
inutile? Cette question est très dérangeante si on ne prend
pas la peine de l'approfondir.
Jésus
Sauveur du monde, ne peut pas être un Serviteur inutile.
C'est impossible, car même si, comme Rédempteur, Il s'est
fait le Serviteur de tous les hommes, Il est l'homme le plus
utile qui soit puisqu'Il est l'Homme-Dieu, le Sauveur des
hommes. Sans Jésus, jamais aucun homme ne pourrait, non
seulement être sauvé, délivré de ses péchés, mais, en plus,
jamais aucun homme ne pourrait connaître Dieu, son Amour et
sa Miséricorde. Car l'Homme serait resté éternellement
pécheur...
L'Homme a
péché gravement... Il s'est séparé de Dieu et est devenu
très malheureux car l'Homme était fait pour Dieu. De nos
jours, les hommes peuvent avoir tout ce qu'ils désirent, et
plus ils ont, plus ils sont malheureux car ils n'ont pas
l'essentiel: Dieu. Alors, ils s'en vont vers les paradis
artificiels, et ils sont de plus en plus malheureux et
désespérés, jusqu'au suicide pour beaucoup... Alors?
Ne
pourrait-on pas avoir une autre idée du service, une idée
apparemment étrange du service, mais une idée qui est
certainement la meilleure car elle serait la manifestation
de l'Amour. En effet, dès que Dieu créa, Il se mit au
service de sa créature: évidemment, Dieu étant alors seul
face à ses créatures, Lui seul pouvait savoir ce dont elles
avaient besoin. On ne sait pas comment Dieu "éduqua" les
anges, mais incontestablement, eux aussi eurent des choses à
apprendre, et comme il n'y avait alors qu'un seul Maître,
qu'un seul éducateur: Dieu, Dieu seul pouvait leur servir de
professeur. Puis Dieu créa la matière et les cosmos, et Dieu
apprit aux anges le maniement de ces mondes fabuleux; et les
anges gouvernèrent les galaxies...
Puis Dieu
créa l'homme, cet être complexe unissant en lui l'esprit et
la matière. Faits à l'image de Dieu, les hommes devaient
pouvoir, non seulement être intelligents comme des anges,
mais encore, savoir aimer Dieu et savoir aimer comme Dieu
aime. Cela, seul Dieu pouvait l'enseigner à cette créature
étonnante. Dieu dit:
- Homme,
Je t'aime; à ton tour aime-Moi.
Et Dieu
se mit à "servir" l'homme pour lui enseigner l'amour.
Incroyable!
Hélas!
L'Homme fut si bien enseigné par Dieu qu'il se mit à trop
aimer, mais à aimer un peu de travers. Oui, Il aimait Dieu,
mais les créatures que Dieu créait étaient si belles, si
divines, si attirantes, que l'Homme ne pouvait s'empêcher de
les aimer, et parfois de les préférer à Dieu... Et, un jour,
il céda à la tentation que le mauvais lui présentait, il
goûta le fruit défendu, et, ce faisant, il pécha...
Dieu fut
"triste" mais son infinie intelligence comprit la faiblesse
de l'homme face à la méchanceté de Lucifer; et, dans sa
grande Miséricorde, Il continua à aimer l'Homme d'un amour
incommensurable. Mais Dieu devait continuer à éduquer cet
être fragile; aussi le laissa-t-Il livré à lui-même pendant
un certain temps, afin qu'il comprît que les créatures, même
les plus belles, ne pouvaient pas remplir son cœur, et que
seul Dieu pouvait le combler. Quand l'Homme eut compris son
malheur, et il cria vers Dieu. Et Dieu "entendit la voix"
de ses enfants, et quand l'Heure fut arrivée, Il envoya un
Rédempteur, ce qu'Il avait de plus cher: son Fils unique...
Et le
Fils de Dieu s'incarna; en effet, le Verbe de Dieu, Dieu
Lui-même, ne pouvait rencontrer les hommes pécheurs et trop
sensuels, qu'en se faisant homme pour les enseigner, donc
pour les servir... Ce faisant, pour s'incarner, le Fils de
Dieu avait besoin de l'Homme, en l'occurrence, d'une Mère;
et Dieu envoya son Ange visiter une Vierge immaculée, Marie.
Marie se prosterna et dit:
-
0160Voici la Servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon
ta parole.
Et le
Verbe se fit chair... et Il habita parmi nous.
Cette
contemplation nous conduit à considérer une sorte de
pyramide spirituelle. Au sommet: Dieu qui crée. Puis
viennent les anges, et Dieu les "sert" en les enseignant.
Puis arrive l'univers que les anges doivent "servir"; et
enfin les hommes qui doivent accomplir non seulement leurs
tâches propres et humaines, mais aussi aimer Dieu et se
servir mutuellement les uns les autres, car dès que l'on
aime Dieu, on aime forcément son prochain. Mais comme le
péché, le refus d'aimer Dieu plus que tout, s'était
introduit dans la création, l'Homme fut tout décontenancé:
pas mauvais, pas méchant, mais un peu perdu et malheureux.
Alors Dieu, pour restaurer l'Homme, sa créature toujours
préférée, mais fragile car très petite malgré sa grandeur,
et d'une complexité si grande qu'un rien pouvait la
déséquilibrer, Dieu lui envoya son Fils pour le redresser,
le fortifier et lui redonner l'éducation de base qu'il avait
oubliée. Et Jésus "servit" les hommes.
Le Fils
du Père se choisit une Mère qui devint sa Servante. Puis Il
se choisit des hommes qu'Il forma et enseigna soigneusement,
pour qu'après son départ, ils pussent "enseigner toutes
les nations et les baptiser au Nom du Père, et du Fils, et
du Saint-Esprit."
Jésus se
choisit une Servante parmi les hommes; Il s'incarna et se
fit le Serviteur des hommes. Il alla jusqu'à laver les pieds
de ses apôtres en leur disant:
- Vous
m'appelez Maître et Seigneur, et vous avez raison car Je le
suis vraiment. Si donc, Moi, le Seigneur et le Maître, je
vous ai lavé les pieds, vous devrez aussi vous laver les
pieds les uns aux autres.... Et pourtant, quand vous aurez
fait tout ce que Je vous demande, vous ne serez que des
serviteurs inutiles...
Quand
nous avons réussi à faire tout ce que Dieu nous demande nous
devons nous considérer comme des serviteurs inutiles. C'est
tout de même un peu fort! Pourquoi?
Pourquoi?
Tout simplement parce que le seul Maître, le seul qui
gouverne tout dans sa création, c'est Dieu. Et les hommes,
créatures faites à l'image de Dieu, ne peuvent qu'imiter
Dieu, et faire comme Lui, quoique dans des proportions
infimes; mais les actions humaines, tout en étant réelles à
leur échelle humaine, ne sont, que parce que Dieu le veut;
Dieu est le seul qui soit susceptible de faire quelque chose
dans la création, car Lui seul est Dieu. Les hommes agissent
ensuite, et ils font, parce que Dieu le leur permet; mais en
fait, c'est toujours Dieu qui travaille à travers eux, ses
serviteurs aimés, mais inutiles... dont Il pourrait
facilement se passer, s'il ne les aimait pas.
Dieu est
Miséricorde, Dieu est Amour. Dieu veut nous sauver, et pour
cela Il nous envoie son Fils. Mais Dieu ne veut pas nous
écraser, nous humilier de telle sorte que nous ne serions
plus capables de rien. Alors, Il décide de ne pas tout
faire, et de nous laisser un petit peu de travail dans cette
œuvre de notre rédemption. Dieu veut que nous participions à
cette tâche, et Il nous met la main à la pâte. Oh! cette
tâche est bien minuscule, bien inutile: Dieu ferait
tellement mieux que nous... Mais notre participation que
Dieu désire est la conséquence de son excès d'amour pour
nous. Dieu veut que nous participions à son œuvre créatrice
et rédemptrice, et que, malgré notre péché, nous reprenions
notre place dans l'œuvre de sa création...
Alors
Jésus nous prend dans son Cœur; Il déverse en nous son
Amour, et Il nous aide dans notre tâche quotidienne. Cette
tâche, pour Jésus, ce n'est rien, mais pour nous, elle est
souvent difficile, douloureuse, et nous sommes généralement
obligés de nous donner beaucoup de mal... pour ne pas
toujours réussir. Nous ne sommes que des serviteurs
inutiles. Si nous ne sommes que des serviteurs inutiles,
pourquoi nous donner du mal? Jésus, nous tournons en rond...
Oui,
l'intelligence de l'homme laissée à elle seule ne peut pas
comprendre, mais il ne faut jamais oublier que lorsque nous
nous adressons à Dieu, nous sommes dans un monde d'amour et
l'expression "serviteur" a un sens bien différent de celui
que nous lui donnons habituellement. Un serviteur, avec
Dieu, c'est celui qui aime et qui est aimé et qui sert car
il aime. Je m'explique:
Les mots:
serviteur, service, servir, sont couramment employés, mais
trop souvent on se trompe sur leur signification. Ainsi,
quand on dit que "le pape est le serviteur des serviteurs de
Dieu", cela signifie qu'il est à leur service pour les
écouter, les aider, méditer, écrire des encycliques ou
d'autres textes nécessaires pour la vie de l'Église, prendre
les décisions nécessaires pour le bien de tous les hommes...
De très
nombreuses activités humaines sont des services. On peut
citer tout d'abord l'enseignement. Ainsi, le rôle principal
du pape, des évêques, des prêtres et des diacres, c'est
d'enseigner. Les éducateurs: les parents, les maîtres, les
professeurs, sont tous des serviteurs pour leurs enfants.
Les gouvernements sont (ou devraient être) au service de
leurs concitoyens. Enfin, tous les hommes sont, d'une
manière ou d'une autre, au service de tous ceux pour qui ils
travaillent ou à qui ils rendent service.
Il ne
faut surtout pas confondre les services que les hommes se
rendent, avec l'esclavage ou même le servage du temps de la
féodalité. Trop longtemps on a considéré les valets, les
domestiques, les subalternes de toutes sortes, comme des
êtres inférieurs, devant une obéissance presque servile à
leurs maîtres. Non, au contraire, ceux qui rendent service,
à quelque niveau que ce soit, sont des hommes libres. Car le
service véritable exige un minimum de liberté, sinon, c'est
l'esclavage.
Il y a
plus: le service, c'est une manifestation de l'amour.
Contemplons Dieu. Dieu nous "sert"; en fait, Il nous aime,
donc, Il nous enseigne, nous aide, nous corrige, nous
oriente, nous forme, en un mot Il nous éduque, et tout cela,
en vue de la vie éternelle. Quelle preuve d'amour que ce
service inestimable! Il ne faut pas oublier non plus, que
Dieu nous donne la nourriture dont nous avons besoin, et
qu'Il gère l'univers dans lequel nous vivons et évoluons.
Tout ceci, c'est l'Amour de Dieu qui se manifeste à chaque
instant, et sans lequel nous ne pourrions exister. Quelle
merveille!
Les
hommes ont été créés à l'image de Dieu. Donc, dans toute
société harmonieuse, tous les hommes sont au service les uns
des autres. Tous les services que se rendent les hommes sont
importants: qu'ils soient médecins, dentistes,
transporteurs, commerçants, professeurs, ouvriers, artisans,
etc, tous les hommes sont les serviteurs de leur prochain.
Le service, c'est la vie. Tous les serviteurs sont très
utiles, et même indispensables. Alors, Jésus se serait-t-il
trompé en nous affirmant que nous sommes des serviteurs
inutiles? Non, Jésus veut seulement nous remettre à notre
place véritable. Dieu seul EST. Dieu seul sait, Dieu seul
peut. Dieu seul est au-dessus de tout. Et nous, faits à
l'image de Dieu, nous imitons Dieu. Sans Dieu, nos activités
sont sans valeur, mais si nous aimons Dieu, alors tout
change. Les serviteurs inutiles deviennent utiles, car,
servir, c'est tout simplement aimer, et d'abord aimer Dieu.
Le plus
grand service que l'on puisse rendre à quelqu'un, c'est de
l'aimer, d'où la nécessité de faire connaître l'amour. C'est
d'ailleurs le dernier des commandements de Jésus, qui, juste
avant de quitter ses apôtres leur commande: "Allez,
enseignez toutes les nations. Baptisez-les, au nom du Père,
et du fils et du Saint Esprit." C'est clair ce que nous
dit Jésus: maintenant, allez, enseignez, prêchez, donc
évangélisez. Servir, c'est aimer, c'est faire connaître
l'amour, c'est donc évangéliser. C'est d'ailleurs ce
qu'enseigne aussi le Concile Vatican, en particulier dans
son décret consacré au ministère et à la vie des prêtres
"Presbyterorum Ordinis".
Le
chapitre 4 de ce décret est particulièrement significatif.
On peut citer, entre autres: "Nul ne pouvant être sauvé
sans avoir d'abord cru, les prêtres comme coopérateurs des
évêques ont donc pour première fonction d'annoncer
l'Évangile de Dieu à tous les hommes; ainsi en exécutant
l'ordre du Seigneur: 'Allez par le monde entier prêchez
l'Évangile à toute la création...' ils font naître et
grandir le peuple de Dieu... Les prêtres se doivent à tous
les hommes: ils ont à leur faire partager la vérité de
l'Évangile dont le Seigneur les fait bénéficier." Ou
encore: "Dans les pays et les milieux non chrétiens,
c'est par l'annonce de l'Évangile que les hommes sont
conduits à la foi et aux sacrements du salut; dans la
communauté chrétienne elle-même, surtout pour ceux qui
peuvent manquer de foi ou d'intelligence à l'égard de ce
qu'ils pratiquent, la proclamation de la parole est
indispensable au ministère sacramentel lui-même, puisqu'il
s'agit des sacrements de la foi, et que celle-ci a besoin de
la Parole pour naître et se nourrir."
On
remarque aujourd'hui une grande perplexité chez les
chrétiens fidèles. Lorsqu'ils se penchent un peu sur
l'Histoire des hommes, ils ne comprennent plus. Ainsi, après
la Révolution française et toutes ses douleurs, une autre
révolution se manifesta: la multiplication des saints au 19ème
siècle. Puis vint, après la Guerre de 14-18, l'Action
Catholique qui éveilla tant de générosités. Enfin il y eut
le Concile Vatican 2 qui suscita d'abord un grand
enthousiasme. Malheureusement ce Concile fut vite mis de
côté, voire trahi, et l'on commença à parler
d'enfouissement: il ne fallait plus évangéliser car toutes
les religions se valaient; le diable n'existait plus...
Quant aux péchés, la plupart devinrent des "bricoles" dont
il ne fallait pas s'inquiéter, car on irait tous au paradis;
on oubliait ainsi que tous les péchés sont des manques
d'amour, plus ou moins graves, certes, mais toujours refus
d'amour.
Aujourd'hui, l'immoralité et la violence sévissent partout.
L'islam envahit les pays autrefois catholiques. Nos jeunes,
qui ne sont plus éduqués, se dirigent vers les sectes, les
drogues, la violence, les sectes sataniques (tiens! Satan
existe de nouveau...), et beaucoup vont jusqu'au suicide. La
situation est devenue tellement grave qu'un évêque déclara
un jour, il y a quatre ans environ: "Mes amis,
l'enfouissement, c'est fini! Maintenant, il faut aller
évangéliser." Les chrétiens furent soudain surpris et
très étonnés: où était la vérité? Et surtout, que
devaient-ils faire? Et comment le faire? On les avait
tellement fait taire!
Puis l'on
vit apparaître des groupes charismatiques dont "il fallut
d'abord se méfier". Nous ne comprenons plus rien. Les
catholiques adultes dans les années 60, ont dû affronter
bien des contractions. Aujourd'hui, horrifiés, ils
contemplent les dégâts. Mais que peuvent-ils faire? Beaucoup
parmi les œuvres d'apostolat qu'ils avaient aimées sont
mortes... Ils ont vieilli, et il ne fait pas bon être vieux
dans notre monde déboussolé. Beaucoup de chrétiens âgés sont
souvent amers et tristes... S'ils se tournent vers le
Seigneur, Jésus les emmène avec Lui à Gethsémani pour Le
consoler. Consoler Jésus semble être la nouvelle mission que
Dieu confie aux chrétiens. Mais comment? se demandent-ils?
Comment consoler Jésus, comment peuvent-ils servir leurs
frères? En aimant, souffle Jésus. Car aimer, c'est déjà
servir, et évangéliser par son amour, c'est le plus grand
des services, c'est le plus grand témoignage d'amour.
Et ainsi
les hommes sont de nouveau heureux. Oui, car le Seigneur a
dit aussi: "Heureux le serviteur fidèle, le serviteur que
le Maître, à son retour, trouvera veillant!" Et quand
nous faisons bien tout notre travail, nous devons nous dire
que nous sommes des serviteurs inutiles... Mais Jésus veut
avoir besoin, par amour, de ces serviteurs inutiles, car
servir, c'est aimer. Alors le serviteur inutile se met à
aimer: à aimer Dieu de toutes ses forces... et à aimer son
prochain. Le serviteur inutile entre alors dans la pensée de
Dieu: faire participer sa créature préférée, l'homme, à son
dessein d'amour et à l'Œuvre de sa création. Oh! bien sûr,
le travail du serviteur est bien peu de chose, pratiquement
rien dans l'immensité de la création; et l'on doit
considérer cette immensité aussi bien dans l'infiniment
grand que dans l'infiniment petit. Le travail du serviteur
est tellement infime qu'il est vraiment inutile, et pourtant
il est indispensable. Oui: inutile et pourtant
indispensable, car c'est l'œuvre, le travail de l'amour. De
l'amour que l'on rend à Dieu.
Incroyable! Le serviteur de Dieu est inutile et pourtant
indispensable, car chaque homme compte aux yeux de Dieu et
dans le Cœur de Dieu.
Un
extrait de l'Évangile de saint
Luc (11,42-46) nous permet peut-être de compléter ces
réflexions. Jésus disait:
- Malheureux
êtes-vous, pharisiens, parce que vous payez la dîme sur
toutes les plantes du jardin, comme la menthe et la rue, et
vous laissez de côté la justice et l'amour de Dieu. Voilà ce
qu'il fallait pratiquer, sans abandonner le reste.
Malheureux êtes-vous, pharisiens, parce que vous aimez les
premiers rangs dans les synagogues, et les salutations sur
les places publiques. Malheureux êtes-vous, parce que vous
êtes comme ces tombeaux qu'on ne voit pas et sur lesquels on
marche sans le savoir.
Alors un docteur
de la Loi prit la parole:
- Maître, en
parlant ainsi, c'est nous aussi que tu insultes. Jésus
reprit:
- Vous aussi,
les docteurs de la Loi, malheureux êtes-vous, parce que vous
chargez les gens de fardeaux impossibles à porter, et
vous-mêmes, vous ne touchez même pas ces fardeaux d'un seul
doigt."
Oui, agir comme
le faisaient les pharisiens pieux et fidèles, et les
docteurs de la Loi, c'est bien, c'est même obligatoire. Mais
c'était inutile car, en même temps, ils ne pratiquaient pas
le seul vrai Commandement de Dieu, le Commandement de
l'Amour: "Tu aimeras les Seigneur ton Dieu... et ton
prochain comme toi-même." C'est-à-dire, Tu n'oublieras
pas les pauvres Lazares qui mendient à ta porte. Tu
n'oublieras pas de payer tes ouvriers qui ont besoin de leur
salaire pour vivre. Tu couvriras celui qui est nu. Tu
soigneras le blessé et le malade. Tu penseras à aider la
veuve et ses orphelins, tu seras fidèle à éduquer les
enfants et à leur faire connaître le seul vrai Dieu. Alors,
Tu seras un serviteur fidèle, veillant attentivement aux
besoins de ton prochain.
Et voici un
enseignement de la Didachè (entre 60-120), catéchèse
judéo-chretienne, qui complète une partie de ce qui précède:
"Mon enfant, fuis tout ce qui est mal ou ressemble au mal.
Ne sois pas emporté: la colère pousse au crime. Ni jaloux,
ni querelleur, ni brutal: ces passions sont la cause des
meurtres. Mon enfant, ne sois pas sensuel: la sensualité est
le chemin de l'adultère. Que ton langage ne soit pas
grivois, ni hardi ton regard: cela aussi engendre
l'adultère... Garde-toi des incantations, de l'astrologie,
des purifications magiques; refuse, et de les voir, et de
les entendre: ce serait... sombrer dans l'idolâtrie. Mon
enfant, ne sois pas menteur, car le mensonge entraîne au
vol. Ne te laisse séduire ni par l'argent ni par la vanité,
qui eux aussi incitent à voler. Mon enfant, ne grommelle
pas: tu en viendrais au blasphème. Ne sois ni insolent ni
malveillant, cela aussi porte au blasphème.
Aie de la
douceur: Les doux hériteront la terre (Mt 5,5). Sois
patient, miséricordieux, sans malice, empli de paix et de
bonté. Tremble sans cesse devant les paroles que tu as
entendues (Is 66,2). Tu ne t'élèveras pas toi-même, tu ne
livreras pas ton cœur à l'orgueil. Tu ne t'allieras pas avec
les superbes, mais tu fréquenteras les justes et les
humbles. Tu recevras les événements de la vie comme des
bienfaits, sachant que rien ne survient en dehors de Dieu."
Sois
un serviteur, inutile, certes, aux yeux de Dieu, mais
indispensable, car utile à ton prochain que Dieu te demande
d'aimer comme toi-même.
Il y a encore
autre chose. On chante souvent: "Heureux le serviteur
fidèle, Dieu lui confie sa maison." On pense tout de
suite à la parabole des talents. Dieu nous donne, à tous,
des talents, des dons, des capacités. Et Dieu veut que nous
les fassions fructifier, car travailler, c'est participer à
l'Œuvre créatrice de Dieu, travailler, c'est notre bonheur,
même si parfois, à cause du péché, le travail est fatigant,
voire douloureux. Mais nous devons bien constater que
lorsque les hommes n'ont plus de travail, ils sont encore
plus malheureux.
Concluons: Dieu
crée l'homme pour que l'Homme L'aime, Lui, son Créateur et
son Père. Dieu veut que l'homme, pour être tout à fait
heureux, mette en valeur les dons qu'Il lui confie; Dieu
veut que l'homme travaille, car l'homme étant à la fois
chair et esprit, matière et intelligence, il a la charge de
poursuivre, sur la terre, l'œuvre de Dieu, et de participer
au développement de la terre selon la parole divine:
"Peuplez la terre, et soumettez-la" sous-entendu,
mettez-la en valeur pour qu'elle vous nourrisse et vous
réjouisse.
Dieu est Amour;
Dieu vit dans l'Amour. Dieu crée par amour, et Dieu aime sa
créature préférée, tellement qu'Il la charge de poursuivre,
pour le développement de toutes ses facultés et son bonheur
humain, sa création terrestre. Dieu aime l'homme et veut son
bonheur. Cependant, pour que le bonheur de Dieu, et donc de
l'homme, soit complet, l'homme doit aimer Dieu.
Malheureusement l'homme a péché, mais Dieu, dans son infinie
miséricorde a envoyé son Fils. Et le monde des hommes fut
sauvé; mais le péché demeure et demeurera tant que les
hommes seront sur la terre. Pourtant les exigences de Dieu
n'ont pas changé, ni les conditions pour que les hommes
trouvent le bonheur. Les hommes doivent poursuivre leurs
travaux de serviteurs. Ce sont des serviteurs utiles,
indispensables, désirés par Dieu de toute éternité.
Mais ces
serviteurs, qui doivent tous développer leurs talents, sont
aussi des serviteurs inutiles, car Dieu pourrait vraiment se
passer d'eux: pour créer, Dieu n'a pas besoin de créatures;
mais il y a l'amour. Le service, c'est la manifestation de
l'amour; le service c'est le moyen que l'homme doit utiliser
pour dire à Dieu son amour. Le service, c'est l'amour.
L'homme est un serviteur, utile et inutile, mais
indispensable car par son travail il rejoint Dieu; il aime
son Dieu et par voie de conséquence, il aime son prochain et
le sert. Heureux le serviteur fidèle qui aime Dieu et son
prochain!
Paulette Leblanc |