Lorsque
nous découvrons les saints, de toutes les époques et de tous
les milieux sociaux, nous découvrons un certain nombre de
dénominateurs communs. Certes, on ne peut nier les
différences liées au milieu social, à l'époque durant
laquelle ils ont vécu, à leurs qualités personnelles en vue
de la mission à laquelle ils étaient appelés, on doit
constater que tous ont été préparés par le Seigneur, plus ou
moins longuement, à la tâche qui serait la leur et qui,
outre l'appel pressant à la sainteté, deviendrait pour eux
leur outil de sainteté.
Le
Seigneur, fin pédagogue, prépare tous ses saints, soit
longuement, soit beaucoup plus rapidement lorsqu'Il prévoit
des durées de vie écourtées. Les saints dont la préparation
fut courte furent, tout d'abord, des êtres inondés de foi et
d'amour de Dieu. On peut citer sainte Agnès, morte martyre à
douze ans. On doit mentionner
Thérèse de Lisieux,
Dina Bélanger,
Élisabeth de la
Trinité, toutes religieuses ayant dû supporter une
longue maladie et qui moururent à moins de trente ans. Elles
ne firent rien de visible durant leur vie; elles ont
simplement, par obéissance, écrit leurs états d'âme,
lesquels ne furent connus qu'après leur mort. En effet, la
richesse de leur sainteté ne devait se manifester que plus
tard, lorsque des besoins particuliers se feraient sentir
parmi les hommes. De leur vivant, on ne voyait de ces
personnes que leur gentillesse, leur charité, leur pureté,
et surtout leur patience dans les souffrances.
D'autres
saints, dont la vie fut beaucoup plus longue, furent parfois
préparés par de grandes souffrances physiques et morales,
car le Seigneur, qui devait leur confier des œuvres très
importantes, devait aussi montrer aux hommes que Lui seul
agissait à travers ces malades; on pense inévitablement à
Marthe Robin, à l'origine des foyers de Charité, et à
Alexandrina de
Balasar, une portugaise qui devait travailler à la
Consécration du monde au Cœur immaculé de Marie.
Curieusement, ce sont surtout des femmes que Jésus rend
impuissantes pour accomplir ces missions écrasantes. Aux
hommes, Dieu confie surtout le sacerdoce et/ou des tâches
d'évangélisation quasiment impossibles à remplir par des
hommes laissés à leurs seules forces humaines. On pense
forcément à saint Martin, ou à
Pierre-Damien, ou à
Pierre Canissius
ou à François d'Assise, entre autres, qui furent soit de
grand évangélisateurs ou de grands réformateurs de l'Église
.
Mais
d'où viennent tous ces saints? D'abord, des milieux païens,
puisque le monde n'étant pas encore évangélisé, c'est à eux
que le Seigneur devait confier cette tâche énorme. Ainsi,
c'est à saint Martin que l'on doit l'évangélisation de la
France. Plus tard, le monde connaissant déjà l'Église du
Christ, les grands saints vinrent presque tous des milieux
très chrétiens. Mais tous furent préparés par des appels et
des événements bien spécifiques. Ainsi, certains eurent des
visions dont ils ne comprirent pas tout d'abord le sens, tel
don Bosco. D'autres furent tellement touchés par les trop
grandes pauvretés ou le délaissement des malades, qu'ils
désirèrent apporter un soulagement à tous ces miséreux.
D'autres comprirent que seule une éducation chrétienne
attachée aux enseignements scolaires réduirait les pauvretés
psychologiques. Ces saints furent innombrables, mais on peut
citer particulièrement saint Jean de Dieu ou saint
Vincent de Paul. D'autres
saints devaient donner leur vie à l'enseignement de la
jeunesse comme saint
Jean-Baptiste
de La Salle ou don
Bosco. Mais tous vivaient de la foi au Christ, de
l'amour de Dieu. Tous étaient animés par la Loi de Dieu,
source du bonheur.
Quand
Dieu a repéré une personne dont Il veut faire un(e)
saint(e), Il va la chercher dans le milieu où elle est, même
si elle vit encore dans le péché. Ce fut le cas de saint
Paul et bien plus tard, de saint Jean de Dieu. Certains
saints sont devenus des saints parce qu'ils ont rencontré un
autre grand saint, comme pour répondre au vœu de Jésus qui
envoya ses apôtres deux par deux là où il devait se rendre,
afin de préparer le terrain. On peut citer
François de Sales
et Jeanne de Chantal,
Vincent de Paul et
Louise de Marillac,
Thérèse d'Avila et
Jean de la Croix,
et tant d'autres… Les hommes ont besoin d'appuis, d'où les
communautés, ou les collaborateurs. D'où qu'ils viennent,
tous les saints ont en commun un grand amour de Dieu et de
leurs frères. Ils voulaient faire connaître Dieu, mais avant
tout, ils savaient que Dieu doit être le premier servi. Et
que sa Volonté très sainte doit être observée. Pourtant,
curieusement, beaucoup furent incompris malgré la réalité et
la qualité de leurs œuvres, même par ceux qui auraient dû
les soutenir.
En
résumé, les saints furent tous appelés par Dieu, d'une
manière qui ne pouvait pas les tromper. Aujourd'hui, malgré
les moqueries actuelles, nous sommes tous "appelés" par
Dieu. Mais nous n'entendons pas ou ne comprenons pas. Or,
comme nous, les saints ne comprirent pas toujours
immédiatement les façons de faire de Dieu, car même leurs
doutes faisaient déjà partie de leur préparation.
Maintenant, nous pouvons nous demander: pourquoi la
sainteté? Tout simplement parce que c'est la vie de l'homme,
c'est son bonheur. Dieu nous a tous créés pour que nous
soyons heureux, via sa Loi. De nouveau nous revenons à la
Loi de Dieu… Tous les hommes sont destinés à la sainteté.
Pourquoi l'ont-ils oublié? Aucune vie humaine n'est
fructueuse sans Dieu, sans l'écoute de sa Parole et de sa
Volonté. Chaque homme doit écouter la Parole de Dieu qui lui
est destinée, l'appel qui est le sien, car la sainteté est
pour tous les hommes. "Soyez parfaits, saints, comme
votre Père céleste est parfait," disait Jésus à ses
amis.
Maintenant, posons-nous la question: pourquoi la sainteté?
Et qu'est-ce que l'appel de Dieu à la sainteté? Nous venons
de le voir, tous les hommes sont appelés à la sainteté; mais
chaque appel est personnel en vue d'une vocation spécifique.
Certains veulent devenir saints dès leur enfance: ainsi
Thérèse de Lisieux ou Jean Bosco. D'autres ont plus ou moins
mal commencé leur vie, comme saint Paul, Thérèse d'Avila ou
saint Jean de Dieu. D'autres se sont convertis après une
manifestation de Dieu. D'autres ayant peur de pécher, sont
entrés dans un monastère, prélude à leur sainteté, comme
saint Pierre-Damien.
Dieu
nous appelle tous à la sainteté. Mais pourquoi tant de
personnes n'entendent-elles pas l'appel de Dieu? Notre grand
problème, c'est que nous ne savons pas "écouter" et surtout
"entendre", l'appel de Dieu. Nous sommes comme des sourds
vis à vis de Dieu. Pourtant Dieu insiste et son appel est
toujours actuel, quotidien. Alors, comment entendre l'appel
de Dieu? Trop souvent les hommes ne veulent pas entendre
l'appel de Dieu car ils manquent de courage. En effet, après
avoir entendu Dieu, il faut changer de vie, se confesser,
prendre des résolutions et les tenir. Cela signifie qu'il y
a toujours un lien extraordinaire entre l'homme et le futur
saint qu'il doit devenir, s'il le veut. Or le futur saint
doit devenir amour comme Dieu est Amour. D'où la nécessité
absolue d'enseigner, d'éduquer. On ne peut aimer que ce que
l'on connaît.
On ne
peut aimer que ce que l'on connaît. Connaître ne diminue pas
notre liberté, bien au contraire, et là on se trouve devant
une des grandes erreurs des cinquante dernières années où
tant de parents ne voulaient pas enseigner la religion à
leurs enfants pour ne pas gêner leur liberté: "ils
choisiront plus tard…", disaient-ils. Comme on ne peut
pas choisir ce que l'on ne connaît pas, ces parents
restreignaient la liberté de leurs enfants, en réduisant
leurs possibilités de choix, car, il faut le répéter: aucun
homme ne peut choisir et aimer, ce qu'il ne connaît pas.
D'où les différentes étapes qui devraient conduire chaque
homme à la sainteté:
– Première
étape: l'enseignement. Il faut d'abord faire connaître la
vérité afin de rendre les choix possibles à ceux que nous
voulons convertir.
– Deuxième
étape: chaque personne doit ensuite approfondir ses
connaissances, conformément à ce qui a été choisi, afin de
changer de vie en toute connaissance de cause. Cela
signifie, pour les gens du XXIème siècle, s'instruire en
n'hésitant pas à utiliser les moyens modernes, afin de se
laisser pénétrer par l'Évangile. Cet approfondissement de la
connaissance n'est pas toujours facile dans notre monde
devenu pervers et qui n'hésite pas à dissimuler délibérément
la vérité et à présenter le mal comme le bien.
– Troisième
étape: les personnes qui ont choisi la conversion et qui
commencent à changer de vie sont toujours affrontées à la
multiplication des tentations. Il faut, en conséquence, être
bien conseillé pour apprendre à accepter les épreuves
inévitables, car toute conversion implique des renoncements.
Dès lors, la vie intérieure et la vie extérieure sont
étroitement imbriquées.
– Quatrième
étape: c'est l'étape des choix définitifs et des nouvelles
orientations. L'homme, devenu un peu vertueux se trouve dans
les troisièmes demeures présentées par
Thérèse d'Avila. La
marche vers la sainteté peut commencer. L'âme fait enfin le
choix de Dieu et de sa sainte Volonté. Car c'est Dieu qui
décide. Et cela explique tous les imprévus qui peuvent se
présenter dans la vie des saints, imprévus souvent, mais pas
toujours, liés aux épreuves. Ainsi beaucoup de saints ont
rencontré l'incompréhension de leurs supérieurs (don Bosco)
ou de leurs subordonnés, comme Alain de Solminihac, le saint
évêque de Cahors, affronté à un clergé réticent aux réformes
du Concile de Trente qu'il voulait mettre en œuvre.
De nos
jours, nous avons presque oublié le Carême. Pourtant, le
Carême, c'est déjà l'apprentissage de la sainteté. En effet,
on oublie souvent que le Seigneur nous a faits, tous, pour
le bonheur, donc pour la sainteté. Or, le carême est
toujours mis en œuvre pour que nous quittions nos routines
et que nous revenions à Dieu et à son Fils, notre Roi et
gardien de la Loi de Dieu. Faire Carême, c'est aussi revenir
à la prière qui conduit à l'union à Dieu, à la contemplation
de l'Amour de Dieu, c'est recevoir l'Amour de Dieu pour le
partager à nos frères. Le carême permet aussi de faire un
examen de notre vie en vue de la redresser. Il ne s'agit pas
de se contempler et de se juger, mais de repenser les
grandes phases de notre vie et comprendre enfin que le but
de toute vie étant la sainteté, il convient de repenser les
grandes lignes de notre vie, étapes souvent douloureuses à
cause des incompréhensions rencontrées auprès de nos
proches, des insultes reçues, des calomnies subies, des
rejets supportés. Car pour aller jusqu'à Dieu, il faut la
sainteté, et la sainteté ne s'acquiert que par les nombreux
sacrifices que la vie nous impose.
Certaines souffrances sont dures à revivre, même en pensée;
mais, par nos peines, nous nous apercevons que le Seigneur
les permet pour nous ouvrir à Lui. Nous découvrons nos
faiblesses, nos manques, notre impuissance et souvent aussi
nos pardons insuffisants. Sans nous le dire, Dieu, en
réalité, nous préparait déjà pour la tâche à laquelle Il
nous destinait, même si cette tâche ne devait se montrer que
vers la fin de notre vie. Dieu ne nous lâche jamais malgré
l'aspect déconcertant de certaines de ses orientations, des
chemins par lesquels Il nous conduit. Le fait que nous
soyons déconcertés, nous mène peu à peu à l'humilité. Alors
on offre tout au Seigneur pour la conversion du monde. Et
notre plus grand souci devrait être le retour à Dieu de
toutes les âmes. Il est parfois très difficile d'aimer ses
ennemis, surtout lorsque ses ennemis prêchent la haine,
surtout la haine des chrétiens.
Oui,
aimer les ennemis des chrétiens, c'est parfois très
difficile, surtout lorsqu'on constate, presque
quotidiennement, les manifestations sanglantes de leur
haine. Ce sont presque toujours les chrétiens que l'on
chasse de leurs pays, que l'on massacre, qui sont la cible
d'injures injustifiées, de profanations. Pourquoi cet
illogisme: ce sont ceux qui font du bien qui sont détestés,
injuriés, tués, torturés? On se moque de ceux qui observent
la Loi de Dieu: pourquoi? Satan se déchaîne de plus en plus
contre l'Église de Jésus, contre le Christ-Roi. Que de
questions, que de mystères! Ce que nous vivons actuellement
dans le monde est particulièrement douloureux.
La
sainteté est un mystère, car elle ne vient pas des hommes,
mais de Dieu. Le désir de sainteté est une inspiration
divine. Dieu soutient et aide ceux qui entendent son appel,
sinon, devenir saint serait impossible. En attendant, ceux
qui travaillent à la sainteté sont peu visibles. Ils ne se
montreront le plus souvent qu'après leur mort, quand on aura
besoin de leurs travaux, grâces que Dieu nous donnera par
leurs mains. Mais en attendant, que de souffrances ils
doivent supporter! Et pourtant, quel bonheur est le leur!...
Paulette
Leblanc
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