Juan Grande Román
dit le Fugueur
Dominicain, Saint
1546-1600

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JUIN

Saint Juan Grande Romano naquit le samedi 6 mars 1546 à Carmona, ville de la province de Séville en Andalousie, en Espagne. Ses parents, Cristobal Grande et Isabel Romano, fervents chrétiens, donnèrent à Juan, enfant de chœur dès l'âge de 7 ans, une excellente éducation chrétienne. Cristobal Grande, le père de Juan, qui était artisan dans le textile, mourut alors que Juan n'avait que 11 ans. Juan fit sa formation professionnelle à Séville où il apprit le métier de tisserand.

Quand il eut 17 ans, Juan retourna dans sa famille et se consacra au commerce des tissus. Peu après, une grave crise spirituelle le poussa à entrer dans l'ermitage de Santa Olalla, commune d'Espagne de la province de Tolède, en Castille.

Juan n'avait que 19 ans quand il commença une nouvelle vie entièrement consacrée aux pauvres et aux malades, vie soutenue par une intense vie de foi et d'oraison. De plus, Juan avait une grande dévotion pour la Vierge Marie. Une nuit Marie lui apparut, tenant une tunique à la main et elle lui dit: "Jean, revêts-toi de cette robe, pour entrer au service de mon Fils: c'est ainsi que tu me plairas."

Plein de joie Juan alla se confier à son confesseur qui l'encouragea à suivre la volonté de Dieu. En 1568, à l'âge de vingt-deux ans, Juan quitta sa famille, son commerce, ses amis, pour se consacrer à Dieu dans la vie érémitique. Il se retira d'abord à Marcéna, petite ville distante de quelques lieues de Carmona et acheta un habit semblable à celui que lui avait montré la Très sainte Vierge; puis il se dirigea vers l'ermitage de Sainte-Eulalie, voisin de la ville et revêtit l'habit. De nouveau la Vierge se montra visiblement à ses yeux et lui dit:

– Ne crains rien, Jean; mon divin Fils et moi nous sommes là; nous ne t'abandonnerons jamais dans tes tribulations.

Puis Marie lui fit voir ensuite plusieurs choses qui devaient s'accomplir dans le cours de sa vie. C'est alors qu'il prit le nom de "Juan Pecador", Jean le Pécheur. Il passa un an dans cet ermitage, puis, un jour, il rencontra deux malheureux infirmes qu'il assista. Et il comprit que Dieu l'appelait à soulager les pauvres et les malades, car il n'était créé que pour cela: le soulagement des pauvres. Alors il partit vers Jerez de la Frontera, en français Xérès, ville andalouse non loin de Cadix. Xérès était alors une florissante cité de l'Andalousie de trente mille habitants. Dès son arrivée, Juan se rendit au couvent de Saint-François de la congrégation de Saint Jean de Dieu, pour se renseigner, et consulter son confesseur sur ce qu'il devait faire pour obéir à la volonté de Dieu. Le Père lui conseilla de se consacrer aux prisonniers délaissés, pour les soulager par quelques aumônes et leur dire des paroles de consolation.  

Pendant trois ans, Jean quêta pour ces malheureux prisonniers qui pourtant, se montrèrent très ingrats. Aussi Notre-Seigneur apparut-il à Jean, tout couvert de plaies et l'engagea à souffrir à son exemple. Il l'invita aussi à se rendre à l'hôpital, en lui disant:

– Jean, aie soin de mes pauvres infirmes, et je serai guéri en eux.

Immédiatement Juan Pecador quitta les prisons et se rendit à l'hôpital de Notre-Dame des Remèdes.  

Nous sommes en 1571. Jean le pécheur fit dans cet hôpital un extraordinaire travail de charité, mais incontestablement il dérangeait trop de monde… Aussi, une atroce campagne de calomnies se déchaîna-t-elle et le fit chasser de l'hôpital. Cependant les habitants de Jeres l'aimaient tellement qu'en 1574 ils lui donnèrent une maison pour en faire un hôpital. Jean s'établit dans cette maison qu'il transforma en hôpital, afin d'être au chevet de ses chers infirmes. Quelques compagnons se joignirent à lui. Jean partit alors pour Grenade où les religieux de Saint-Jean de Dieu le reçurent avec joie. En peu de temps, il fut admis à faire la profession des quatre vœux, c'est-à-dire de pauvreté, de chasteté, d'obéissance, et du service des malades.  

Quand Juan revint à Xérès, l'hôpital se transforma et devint un modèle de régularité, d'ordre, de perfection qu'il n'avait point encore atteint. Dès le matin, deux ou trois heures avant le lever dû soleil, la petite communauté des soignants faisait oraison avec les religieux, puis ses membres descendaient ensuite à l'infirmerie pour visiter les malades, faire les lits, nettoyer les salles. Jean était partout, disant à chacun un mot de consolation et d'encouragement. Enfin, on ouvrait les portes et on recevait les pauvres, auxquels on lavait les pieds. Et Jean distribuait des aumônes. Bientôt Jean commença à fonder d'autres hôpitaux de son Ordre.  

En 1592, l'archevêque de Séville voulut lui confier le soin de tous les hôpitaux de sa ville, afin de mettre un terme aux désordres d'une administration négligente et peu fiable. Notre-Seigneur en avait prévenu son serviteur en lui disant: "Jean, tu vas faire un voyage où tu auras bien des occasions de mériter: arme-toi de patience." L'archevêque de Séville parla à Jean de la situation des hôpitaux de Séville, et, avec bonté, il lui ordonna de lui obéir en disant:

– Allez, Dieu vous aidera. 

Ainsi que Jésus avait prévenu son fidèle serviteur, la tempête fut terrible: on accusa Jean d'avoir séduit l'évêque… Pourtant Jean multipliait les miracles, et ses miracles étaient connus de toute la population malgré son extrême discrétion. Au commencement de l'an 1600 la peste atteignit Xérès. Jean le Pécheur se donna tout entier pour soigner les pestiférés dans ses hôpitaux et dans le reste de la ville. Trois cents personnes succombaient chaque jour; et la frayeur augmentait encore les ravages du fléau. Le Père et ses compagnons le combattirent avec une intrépidité que rien ne pouvait abattre. Jean alla aussi encourager les religieux des deux hôpitaux qu'il avait fondés dans les villes voisines.  

À partir du 26 mai 1600, la peste redoubla de fureur; Jean ne quittait plus ses chers malades; mais un jour, il fut comme transpercé d'un coup mortel par une arme invisible. Il tomba, incapable de faire le moindre mouvement. On le transporta dans sa cellule, et malgré sa faiblesse et sa souffrance, insistait pour qu'on n'abandonnât pas les malades qu'il n'avait pu soigner. Puis, il ajouta: "Ne vous effrayez pas de ce redoublement momentané du fléau; après ma mort la peste cessera tout-à-coup."  

Le 3 juin 1600, Juan Pecador reçut les derniers Sacrements avec ferveur. Curieusement, le jour-là le nombre de victimes décupla à tel point que les même les plus courageux des religieux s'enfuirent, abandonnant leur Père mourant, comme il l'avait prédit. Jean le Pécheur mourut seul vers midi, le 3 juin de l'an 1600, à l'âge de cinquante-quatre ans. Mais encore plus curieusement, aucune des personnes qui étaient venues le voir avant le jour de sa mort ne fut atteinte de la peste. 

Et la peste cessa immédiatement ses ravages. Les habitants de Xérès transportèrent le corps de leur bienfaiteur dans l'église de l'hôpital, où de nombreux miracles attestèrent la gloire et la puissance de ce grand serviteur de Dieu et des pauvre». 

Juan Grande Romano, Jean le Pécheur, fut béatifié à Rome, par le Pape Pie IX, le 13 novembre 1853, et canonisé par Jean-Paul II le 2 juin 1996. Juan Grande Romano est le patron de la ville de Jeres de la Frontera.

Paulette Leblanc

 

 

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