Charles de Habsbourg, fils aîné de l'archiduc Otto et de
Marie-Joséphine de Saxe, naquit le 17 août 1887 à
Persenbeug, non loin de Vienne en Autriche. Charles
était le petit-neveu de l'empereur d'Autriche
François-Joseph 1er. Il grandit sous la garde
de sa mère, femme très chrétienne. Par contre, son père
menait une vie scandaleuse. Très jeune, Charles fut
d'abord confié à des précepteurs chrétiens.
Charles
fit sa première communion en 1898, à Vienne, puis il
fréquenta le lycée public des Bénédictins écossais. Là,
il développa ses qualités de franchise, de charité, de
ténacité et de modestie. Malgré sa faible santé, Charles
progressait cependant dans les domaines, intellectuel et
spirituel. Il reçut une
éducation catholique approfondie, et très tôt, grandit
en lui un grand amour pour l'Eucharistie et pour le Cœur
de Jésus.
Charles était toujours gai avec tous ceux qui
l'entouraient et il aimait beaucoup la musique. En 1905,
il commença sa carrière militaire, obligatoire chez les
Habsbourg, et, il fut nommé, en 1908, chef d'escadron en
Bohême. En 1906, son père étant décédé, Charles devint
le numéro 2, dans l'ordre de la succession au trône de
l'empire Austro-Hongrois, après son oncle,
François-Ferdinand, qui l'initia aux affaires de l'État.
En réalité, cet empire était une double monarchie:
l'empire d'Autriche et le royaume apostolique de
Hongrie.
En
1909, Charles de Habsbourg rencontra la princesse Zita
de Bourbon-Parme, de cinq ans plus jeune que lui, et qui
avait été élève des Bénédictines de Solesmes. Charles
obtint de l'empereur François-Joseph l'autorisation de
l'épouser. Préparé par une retraite spirituelle, le
mariage eut lieu le 21 octobre 1911, après presque deux
ans de fiançailles. Ce furent dix années d'une vie
conjugale heureuse, couronnées par la naissance de 8
enfants. Curieusement, quelque temps avant le mariage,
au cours d'une audience accordée à Zita, le Pape saint
Pie X avait prédit aux fiancés leur prochaine accession
au trône de l'empire. La princesse lui ayant rappelé que
l'héritier direct du trône était François-Ferdinand et
non pas Charles, le Pape maintint cependant son
étonnante affirmation.
En
1912, Charles devint capitaine en Galicie; dès lors, il
s'occupa activement de ses troupes afin d'améliorer leur
bien-être matériel et moral. Le 20 novembre 1912, Zita
donnait naissance à son premier fils, Otto. En février
1913, la petite famille s'établit au château de
Hetzendorf, près de Vienne. Charles travaillait souvent
très tard, s'assujettissant à toutes les contraintes de
la vie des officiers.
Au
début de 1914, l'archiduc héritier François-Ferdinand,
oncle de Charles, fut discrètement informé que la
franc-maçonnerie voulait le faire assassiner afin de
détruire l'empire catholique d'Autriche-Hongrie.
Effectivement, le 28 juin 1914 François-Ferdinand fut
assassiné à Sarajevo par un conspirateur serbe. Charles
de Habsbourg devenait donc l'héritier direct de l'empire
austro-hongrois. Les relations se détériorèrent
rapidement entre l'empire et la Serbie, devenant la
cause de la guerre de 1914-18. Charles pressentait que
ce conflit serait terriblement meurtrier, mais il ne
pouvait rien faire pour l'éviter.
En
novembre 1916, l'empereur d'Autriche François-Joseph
mourait après un règne de 68 ans, et Charles de
Habsbourg devint empereur de l'Autriche-Hongrie. Il
avait vingt-neuf ans et, homme de paix, il désirait
ardemment faire cesser la guerre rapidement.
Malheureusement ses propositions de paix du 22 décembre
1916, aux pays de l'Entente, ou Alliés comprenant la
France, l'Empire russe, l'empire britannique et, en
1917, les États-Unis, furent refusées. Charles fit
d'autres propositions de paix qui échouèrent toutes.
Il
faut signaler ici que dès l'avènement de Charles à la
tête de l'empire, des campagnes de calomnies furent
lancées contre lui… Comme il assistait tous les jours à
la messe, récitait le chapelet et visitait les
sanctuaires dédiés à la Vierge Marie, on le traitait
aussi de bigot, et même d'incapable alors qu'il était
un officier remarquable et qu'il parlait sept langues.
Au printemps 1917, il refusa de laisser Lénine, qui
vivait en Suisse, traverser ses États pour aller semer
la révolution en Russie. En effet, Charles avait compris
que Lénine utiliserait le bolchevisme, pour ruiner, non
seulement la Russie, mais aussi d'autres nations.
Cependant, Lénine parvint à regagner la Russie en
passant par l'Allemagne dans un train spécial.
Dans
l'impossibilité de conclure la paix avec les pays de
l'Entente, Charles dut continuer la guerre. En octobre
1917, l'Autriche remporta sur l'Italie la victoire de
Caporetto, mais cela ne changea rien. Pendant ce temps,
Zita, son épouse, se dévouait et venait en aide aux
blessés et aux orphelins, en créant des œuvres
d'assistance.
En
mai et juin 1918, les dernières offensives allemandes
furent arrêtées, et, face à une contre-offensive des
Alliés, l'Allemagne se replia, et dut, après le
déclenchement de la révolution à Berlin, demander
l'armistice, qui sera signé le 11 novembre 1918.
Le
parlement hongrois ayant proclamé la déchéance des
Habsbourgs, le 2 novembre 1918, l'empereur fut contraint
de demander l'armistice à l'Italie. Les milieux
politiques le poussaient à l'abdication, mais, ayant
juré de maintenir l'empire, Charles ne se reconnaissait
pas le droit de disposer d'une autorité reçue de Dieu.
Cependant, soumis à de multiples pressions, il
abandonna, à Vienne, le 12 novembre 1918, l'exercice du
pouvoir, mais sans avoir abdiqué. Puis il se retira au
château d'Eckartsau, en Basse-Autriche, où il fut
aussitôt mis sous surveillance policière. En mars 1919,
la "république autrichienne" ayant proscrit
Charles 1er qui réaffirmait sa légitimité,
lui et sa famille durent s'installer à Prangins, près de
Genève, en Suisse. De là, encouragé par le Pape Benoît
XV, Charles s'efforcera de remonter sur le trône de
Hongrie afin de reformer une fédération d'États
catholiques en Europe centrale. En conséquence, le 25
mars 1921, Charles quitta la Suisse et se rendit
clandestinement en Hongrie. Trahi par son entourage, il
fut reconduit en Suisse, manu militari. Les pays
de l'Entente, les Alliés, le jugeant indésirable,
l'embarquèrent le 31 octobre 1921, lui et Zita sur un
bateau britannique qui descendit le cours du Danube
jusqu'à la Mer Noire. Le 19 novembre 1921, le navire
aborda à Funchal, capitale de l'île portugaise de
Madère, qui sera le lieu d'exil de l'empereur déchu. On
croyait Charles riche, mais il était très pauvre.
Il vécut donc avec sa famille
dans un logement insalubre. Il tomba gravement malade,
mais accepta sa maladie comme un sacrifice pour la paix
et l'unité de ses peuples.
Le Pape Benoît XV donna à
Charles la faculté d'avoir une chapelle domestique avec
la messe, et son ascension spirituelle s'accéléra,
suscitant l'admiration de son épouse. Charles avait de
plus en plus l'intuition que Dieu lui demandait d'offrir
sa vie pour le salut de ses peuples et il confia cette
pensée à Zita, en ajoutant: "...et je le ferai!"
Un témoin dira:
"Jamais il ne voulait apparaître martyr; jamais il n'a
condamné ceux qui l'ont trahi et si, devant lui, on en
médisait, il prenait leur défense."
Le 9
mars 1922, Charles tomba de nouveau gravement malade. Le
29 mars 1922, Charles, victime de deux crises
cardiaques, il confiera: "N'est-ce pas excellent
d'avoir une confiance illimitée dans le Sacré-Cœur?
Sinon mon état serait insupportable." Le samedi 1er
avril 1922, il put communier; puis le Saint-Sacrement
fut exposé dans la chambre du mourant qui murmurait:
"J'offre ma vie en sacrifice pour mon peuple." Et
Charles ajouta: "Mon Sauveur, que votre volonté soit
faite!" À midi vingt-cinq, après avoir dit
"Jésus, Marie, Joseph", Charles, qui n'avait pas
encore 35 ans, mourut, laissant une veuve qui attendait
leur huitième enfant. Sa fête est le 1er
avril, jour de sa mort, ou le 21 octobre, jour
anniversaire de son mariage.
Le
pape Jean-Paul II dira de lui, lors de sa béatification,
le 3 octobre 2004: "Dès le début, l'empereur Charles
conçut sa charge comme un service saint de ses peuples.
Sa préoccupation principale était de suivre l'appel du
chrétien à la sainteté même dans son action politique...
Qu'il soit un exemple pour nous tous, surtout pour ceux
qui ont aujourd'hui en Europe une responsabilité
politique." Il est certain, en effet, que Charles
fut le seul responsable politique à soutenir les
efforts de Benoît XV en faveur de la paix. Jean-Paul II
dira également, au cours de l'homélie de béatification:
"Arrivé au pouvoir dans la
tourmente de la Première Guerre mondiale, il tenta de
promouvoir l'initiative de paix de mon prédécesseur
Benoît XV…
L'homme
d'Etat et le chrétien Charles d'Autriche se fixa
quotidiennement ce défi. Il était un ami de la paix…"
Le
pape Jean-Paul II fit également allusion à l'accession
au trône, en 1916, de Charles de Habsbourg, en sa double
qualité d'empereur d'Autriche et roi apostolique de
Hongrie, alors que le conflit fratricide incendiait déjà
l'Europe et, opposait entre elles des nations
chrétiennes telles que la France et l'Autriche-Hongrie.
Très tôt, Charles d'Autriche avait pressenti à quel
point ce premier conflit mondial annonçait, un suicide
politique, démographique et moral du Vieux Continent.
Jean-Paul II résuma la conduite de Charles de Habsbourg
en ces termes: "Charles d’Autriche voulut toujours
être au service de la volonté de Dieu. La foi était le
critère de sa responsabilité de souverain et de père de
famille."
Puis, Jean-Paul II énuméra les quatre aspects principaux
de la vertu du prince: recherche en toute chose de la
volonté de Dieu, ce qui est la marque de tous les amis
de Dieu; recherche de la paix; aide aux nécessiteux,
sous la forme notamment du développement de l’assistance
sociale; et conception de sa charge politique comme un
service.
Pour conclure, voici une petite anecdote:
Lorsque la guerre de 1914-1918 éclata, l’archiduc
Charles, avec son grade de général, se distingua sur le
front de l’Est. Il parcourait les tranchées pour être
près de tous ceux qui souffraient. C’est ainsi qu’un
jour il rencontra un officier polonais, un certain
Wojtyla avec qui il eut un bref contact. Ce Wojtyla, qui
vénèra l'archiduc Charles, donna son nom de Charles à
son deuxième fils, lequel était Karol Wojtila, le futur
pape Jean-Paul II.
Paulette Leblanc |