Babel

Paulette Leblanc

Jésus, Je pense à ton Eucharistie, à la tour de Babel, à ton Église, à notre création, et une synthèse se construit peu à peu dans ma pensée. Nous savons depuis très longtemps que Jésus veut  notre cœur tout contre son Cœur pour y étancher sa soif, soif d'union intime avec chaque homme en particulier, avec tous ses bien-aimés qui vivent présentement sur la terre. Jésus voudrait voir tous les hommes se jeter dans ses bras, et accueillir son Amour, sa Miséricorde, son Pardon. Et c'est tout cela que nous trouvons dans l'Eucharistie. Et c'est tout cela qui fait naître ma méditation.

La tour de Babel, peinte par Pieter Bruegel au XVIe siècle

Je veux être de plus en plus dans le Cœur de Jésus, être blottie contre Lui, être de plus en plus intime avec Lui, ne faire qu'un avec Lui, toute petite, minuscule, mais en Lui avec tous mes frères et sœurs. C'est formidable de voir que Jésus, notre Créateur car Parole de Dieu, Jésus, notre Maître, veut la même chose que tous les saints ont désirée: vivre en Dieu. Et peu à peu nous comprenons mieux ses paroles, mais tant de questions demeurent. Comment cela peut-il se faire? Je ne sais pas répondre.

Alors pourquoi la tour de Babel se fait-elle insistante dans mon esprit? Il y a certainement un lien entre Eucharistie et Babel: à moi d'écouter mon Seigneur.

Selon la Bible, après le déluge, les fils de Noé avaient tous la même langue et les mêmes mots, sur la terre. Ils décidèrent de bâtir une ville. Ils dirent: "Allons, bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet soit dans le ciel, et faisons­nous un monument, de peur que nous ne soyons dispersés sur la face de toute la terre." Mais Yahvé descendit pour voir la ville et la tour que bâtissaient les fils des hommes. Dieu vit qu'ils n'étaient qu'un seul peuple et qu'ils avaient tous une même langue; et cet ouvrage était le commencement de leurs entreprises. Quelles étaient ces entreprises? La Bible ne nous le dit pas, mais on peut facilement supposer que quelques-uns, parmi leurs chefs, avaient décidé de prendre l'intégralité du pouvoir, rejetant ainsi le Créateur. C'est alors que Dieu confondit leur langage, et les hommes, ne se comprenant plus, cessèrent de bâtir la ville que l'on appelait Babel. Yahvé dispersa ensuite tous les hommes sur toute la surface de la terre. Les hommes, ayant déjà rejeté le vrai Dieu depuis longtemps, et se trouvant affrontés aux difficultés liées à la mise en valeur de nouveaux territoires encore vierges, se tournèrent vers les idoles qu'ils se fabriquèrent: le paganisme était né. Les guerres aussi, face aux rivalités inévitables entre les tribus.

Aujourd'hui, au XXIe siècle, nous assistons à deux réalités incontestables: une mondialisation galopante et la généralisation de la langue anglaise. Ainsi, comme à Babel: une seule langue, de multiples peuples se rassemblant, sur le plan économique, non pour faire la paix, mais pour avoir le plus d'avantages possibles, au sein d'une construction gigantesque. Car, si nous ignorons ce qui se passait à Babel, force est de constater que, de nos jours, quelques puissances: l'une religieuse et d'autres économiques, cherchent à  gagner une suprématie qui effacerait toutes les croyances et toutes les nations. La situation est explosive. Sommes-nous en train de commettre le péché originel? Revivons-nous Babel? Ou bien Babel et le péché originel étaient-ils des paraboles pour nous mettre en garde contre le danger de certaines dictatures? Comment Dieu va-t-Il intervenir pour nous rendre raisonnables? C'est alors que l'Eucharistie semble être la réponse.

Un jour, Jésus, Fils de Dieu et sa Parole créatrice, vint dans le monde pour rassembler les hommes divisés, malgré ou à cause de ces pouvoirs dictatoriaux qui voulaient tous les pouvoirs pour eux. Jésus, voulant construire son Corps, donc faire l'unité du monde, pas à la manière des hommes, mais dans la foi en Dieu, nous donna sa chair comme nourriture, et son sang comme breuvage. Ainsi, depuis ce jour de l'institution de l'Eucharistie, Jésus nous donne la vie, sa Vie à Lui. En Lui, Il rassemble tous les hommes, afin que les nations, unies et enseignées, ne soient pas brisées par des dictateurs sans scrupules ou guidés par Satan, mais gardent leur identité propre tout en demeurant dans un même amour. Aujourd'hui, après avoir vécu des siècles de guerres toutes plus horribles les unes que les autres, les hommes construisent une nouvelle tour de Babel. Comme nous l'avons vu ci-dessus, nous allons, non pas vers une seule foi, un seul Baptême et un seul Dieu, mais vers une seule langue: l'anglais, un seul pouvoir: la mondialisation, et une seule religion, non pas la religion de l'amour que Jésus nous a révélée, mais une religion de haine. Le Dieu d'amour et de miséricorde est chassé, les nations sont brisées, des peuples entiers sont détruits. Comment Dieu va-t-Il intervenir?

Dieu ne veut pas détruire ses enfants. Dieu nous veut toujours plus près de Lui, dans son Cœur, car Il nous aime et Il est l'Amour. Dieu est venu chez nous pour demeurer avec nous; par et dans l'Eucharistie, Il reste avec nous. Il nous appelle, Il nous veut tous, pour construire son Corps mystique.

Comment cela se fera-t-il? Nous sommes si petits.

Nous sommes si petits! Et certainement encore plus petits que nous imaginons. J'ai constamment en tête une image très dérangeante. Je me vois dans une grande pièce, ou dans une église, ou dans un autre endroit, et je pense à une poussière, une parmi ces milliards de poussières qui envahissent tous les espaces terrestres. Ces poussières, je ne peux pas les voir, mais dans le lieu où je me trouve, je ne suis qu'une de ces poussières invisibles. Par contre, Dieu emplit ce lieu et le déborde infiniment. Je me perds... Est-ce que Dieu me voit ? Comment me connaît-Il ? Peut-Il vraiment m'aimer? Comment son Verbe, sa Parole, son Fils, comment le Verbe de Dieu a-t-Il pu s'incarner dans une de ces poussières? C'est incroyable, inouï!

Le Verbe de Dieu s'est incarné dans une poussière humaine, car, pour des raisons incompréhensibles, Dieu aime les hommes... Et pendant ce temps, au lieu de s'émerveiller et de répondre à l'Amour de Dieu, les hommes se prennent pour quelque chose de grand, et ils cherchent à construire un monde sans Dieu, se prenant pour plus grand que Dieu, voire pour Dieu Lui-même. Et les hommes du 21ème siècle se remettent à construire une nouvelle Babel, encore plus perfide que la première. Heureusement, Dieu veille, car Il veut toujours sauver les hommes, ses pauvres petits enfants, toujours trompés par l'Ennemi. Mais Dieu ayant créé les hommes libres pour pouvoir aimer, Dieu laisse Satan agir; ainsi, l'amour véritable éclatera bien plus. Oui, l'amour que certains hommes ont pour Dieu sauvera tout le genre humain, et l'amour se répandra sur la terre, et l'amour envahira tout l'univers: le Corps mystique sera achevé tout en demeurant en permanente construction, car Dieu ne peut pas ne pas agir. Ah! nous ne risquons pas de nous ennuyer pendant l'éternité!...

Aujourd'hui, l'aujourd'hui de mon temps, je constate le néant du grain de poussière que je suis, que chaque homme est en particulier. Je vois une nouvelle Babel se construire, et j'ai peur. Je crie vers le Seigneur, aussi fort que peut le faire un malheureux grain de poussière; je crie vers le Seigneur pour qu'Il vienne nous sauver et nous redonner l'Amour que nous avons méprisé. Je prie, Seigneur, pour toutes les petites poussières du monde entier: je voudrais tellement que tous les hommes T'aiment ! Seigneur, je suis prise dans un vertige énorme ; je Te supplie, sauve-nous de la nouvelle Babel!

Que pouvons-nous faire aujourd'hui ? Suivre le chemin que le Seigneur nous montre, et travailler, comme le pape nous le demande, dans le cadre de la Nouvelle Évangélisation, avec courage, mais surtout sans nous disperser, sans vouloir faire plus que ce que le Seigneur demande aujourd'hui à chacun de nous. "Faire extraordinairement bien les choses ordinaires."

Paulette Leblanc

 

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