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Dans la Coupe de Consolation
Jésus est toujours à Gethsémani. Satan L’a quitté dès qu’il
eut entendu les paroles sacrées du Fils de Dieu au Père : “Père, non pas ma
volonté, mais la tienne.” Furieux et impuissant, il dut s’avouer vaincu, au
moins momentanément : il reviendra plus tard. L’humanité de Jésus est brisée par
la lutte terrible qu’Il vient de mener contre l’Ennemi implacable. Son front
ruisselle de sang, et ses forces défaillent. Pour qu’Il puisse achever sa
mission, Jésus doit absolument être fortifié dans son humanité... Le Père alors
envoie son Ange, pour présenter au Fils la Coupe de la Consolation.
Jésus
prend la Coupe et remercie l’Ange du Père. Il regarde la Coupe, longuement la
contemple, puis boit à longs traits... et bientôt se redresse, rajeuni,
consolé... Le traître est là, tout près, avec des soldats sans pitié.
Qu’importe, Il doit le recevoir, l’accueillir en ami...
Jésus, qu’y a-t-il donc dans la Coupe de votre consolation ?
Qu’y a-t-il donc pour qu’elle Vous ait ainsi réconforté ?
Jésus, dans la coupe de votre Consolation, il y a, bien
visibles tous les hommes que Vous avez sauvés par votre Sacrifice. Et ils sont
nombreux, très nombreux...
Dans la Coupe de votre Consolation, il y a d’abord votre
Mère, car Marie, la plus parfaite des créatures a, elle aussi, bénéficié, par
anticipation, de votre Sacrifice. Elle est là, Marie, toute consolante, toute
adorante, et si aimante, et si offerte, et si bonne, si pure, immaculée... Elle
est là, tout près de Vous, mais dans la Coupe, avec tous les sauvés qu’elle Vous
présente, tous les hommes qui Vous ont aimé, qui Vous aiment et qui Vous
aimeront.
Dans la Coupe de votre Consolation, il y a vos apôtres :
Pierre, Jean, Thomas,... Paul, Timothée, et Tite, et tant d’autres. Et avec eux,
Marie Vous présente tous les martyrs qui, tout au long des siècles, auront su
Vous aimer assez pour partager votre Croix et donner leur vie pour Vous.
Dans la Coupe de Consolation, il y a aussi, Jésus, les grands
saints de tous les temps, les grands témoins de votre Parole, les confesseurs,
les docteurs, tous les témoins de votre Amour envers les petits, envers les
pauvres. Tous ceux qui, avec foi et persévérance ont su prêcher l’Amour de Dieu,
l’Amour du Père que Vous nous avez fait connaître, tous ceux qui ont su mettre
en pratique, jusqu’à épuisement, votre Commandement nouveau : “Aimez-vous les
uns les autres, comme Je vous ai aimés.”
Et puis, Jésus, dans la Coupe de votre consolation, on peut
encore apercevoir les vierges qui ont préféré votre Amour à tout autre amour, et
tous les priants, les moines, les ermites, les mystiques. Toutes les âmes
privilégiées auxquelles Vous Vous êtes révélé d’une manière toute spéciale, que
Vous avez comblées de votre Amour. Âmes privilégiées, étourdies de bonheur quand
elles ont su comprendre l’Amour que Vous leur offriez.
Et il y a tous vos prêtres, bien sûr, vos saints prêtres,
ceux que Vous avez aimés d’un tel Amour de prédilection que Vous leur avez
partagé la grâce immense, incroyable, d’offrir votre pardon, de pardonner les
péchés de leurs frères, et, surtout, de renouveler tous les jours, sur nos
autels du temps, le Sacrifice de votre Croix, dans l’Eucharistie qu’ils nous
partagent.
Et puis, tout au fond, quand on a retiré tous les saints qui
sont votre Consolation, il y a les autres, ceux que Vous aviez fait semblant
d’oublier pendant votre séjour parmi nous. Oui, il y a Marthe, et toutes les
Marthe de la terre: elles ne savent pas très bien prier, elles ne savent pas
très bien s’arrêter pour Vous regarder, Vous contempler. C’est vrai, elles
s’occupent de trop de choses, mais comment ferions-nous si nous ne les avions
pas ces Marthe discrètes qui rendent la vie aimable, qui permettent la vie de
leurs familles, de leurs enfants, de leurs frères et sœurs ? Qui permettent à
d’autres de rester à vos pieds et à Vous contempler...
Il y a aussi tous les ouvriers de la première heure. C’est
bien joli d’être, et parfois de s’en vanter, les ouvriers de la dernière heure,
d’être comme le Bon Larron, un voleur de Paradis, mais comment auraient-ils pu
être les ouvriers de la dernière heure, des voleurs de Paradis, s’il n’y avait
pas eu les autres, les ouvriers des premières heures, ceux qui ne sont sûrement
pas parfaits, qui rouspètent souvent, qui s’occupent un peu trop des affaires de
la terre, mais qui font le travail, qui ont fait le travail, toute la journée,
ou presque, en essuyant les fatigues des jours, des contraintes désagréables et
pas glorieuses, la chaleur ou le froid, les incommodités, etc...
Ils sont là aussi, dans la Coupe de votre Consolation, Jésus,
car Vous êtes juste, Vous êtes Le Juste, et Vous leur aviez réservé leur
salaire, et pas seulement le juste salaire, mais l’incroyable bonheur d’être, à
Gethsémani, dans la Coupe de votre Consolation. Et cela, Jésus, Vous ne l’aviez
pas dit que Vous leur aviez réservé bien plus que le juste salaire !
Dans
la Coupe de votre Consolation, il y a aussi, Jésus, le frère aîné du fils
prodigue. Celui-là, Vous devez bien l’aimer aussi, puisqu’il est dans la Coupe.
On peut comprendre qu’il n’ait pas été très content de l’accueil réservé à son
frère. Bien sûr, son attitude n’est pas parfaite, elle manifeste un manque
d’amour, elle est trop ajustée aux normes humaines... Mais tout de même ! Il
n’était pas si mal ce fils aîné, malgré ses défauts. Il aimait bien son père ;
il était travailleur, et fidèle. Il devait seulement apprendre ce qu’est l’Amour
du Père... Il en avait tellement l’habitude qu’il ne s’en apercevait même plus.
Et puis, il avait peut-être envie qu’on s’occupe un peu de lui, qu’on montre
l’amour qu’on avait pour lui. Car l’amour a parfois un impérieux besoin de
sentir qu’on l’aime, que l’amour est partagé. Et l’Amour que Vous êtes, Jésus, a
tellement compris ce besoin de l’amour, que Vous l’avez placé aussi, le frère
aîné, dans la Coupe de votre consolation. Malgré son péché de jalousie, malgré
ses accès de mauvaise humeur.
Dans la Coupe de votre Consolation, il y a aussi les petits
que Vous aimiez tant. Il y a, entre autres, tous les serviteurs de Lazare: ils
Vous aimaient aussi, sans bruit. Eux non plus ne restaient pas à vos pieds à
Vous écouter, à Vous contempler: ils Vous servaient... Et il y a aussi les
pauvres, non mendiants, non infirmes, ceux que Vous ne citez pas, mais que Vous
avez pourtant nourris, un jour, d’un pain multiplié. Il y a ces travailleurs de
la terre, qui faisaient bien plus qu’une journée de 35 heures...
Dans la coupe de votre Consolation, il y a aussi des patrons,
d’humbles patrons ou de grands employeurs, qui ont fait, de leur mieux, la tâche
que Vous leur aviez confiée ; et elle n’est pas facile, cette tâche de faire
travailler les autres, d’assurer du travail à tout le monde. Et puis, il y a
tellement de tentations à ces postes-là !
Enfin, dans la Coupe, tout au fond, tout au fond, il y a tous
les autres, le petit reste... Le temps a fui, les siècles ont passé, et la Coupe
se vide. Les saints, les martyrs, les apôtres, les grands témoins, les
confesseurs, tous sont partis. Il ne reste qu’un tout petit reste, un petit
reste de gens insignifiants, de gens sans importance, sans grande vertu
apparente, des humbles. Ils s’étaient tellement accrochés à la Coupe que les
cataclysmes ont pu déferler, ils sont toujours là, pas très fiers, pas toujours
très propres, souvent pécheurs, mais fidèles. Ils sont là, ils Vous regardent
Jésus, ils Vous consolent. Les temps sont devenus bien difficiles, mais le petit
reste, le petit reste des élus et des pécheurs qui se convertissent, le petit
reste est encore là, Jésus, fidèle à Gethsémani, espérant toujours votre
Miséricorde.
Dans la Coupe de votre Consolation, il y a tous les
délaissés, apparemment incompris de Vous, Jésus. Il y a tous les sauvés de tous
les peuples, de toutes les races, de tous les siècles. Ils sont des milliards à
Vous bénir, à rendre grâces, à Vous aimer.
Et puis, Jésus, cachés au fond de la Coupe de votre
consolation, il y a nous, gens du XXIe siècle, nous qui avons perdu
l’Amour, mais à qui, dans votre Agonie mortelle, Vous redonnez la Vie. Et il y a
aussi, Jésus, ceux que le Père Vous laisse deviner, il y a, bien cachés mais
pleins d’amour, il y a aussi tous les Permanents de Gethsémani...
Qu’elle soit bénie la Coupe de votre Consolation, cette Coupe
qui adoucit un peu votre Agonie de Gethsémani, en Vous donnant la preuve de
l’efficacité de votre Sacrifice !... Qu’elle soit bénie la Coupe de l’Amour !
Jésus s’essuie le front et remet un peu d’ordre dans son
vêtement. Il a retrouvé sa majesté, ses forces et toute sa détermination. Il
descend le sentier et rejoint ses trois apôtres qui dorment encore... Jésus les
réveille : “Vite, levez-vous, il est tout proche celui qui Me livre...”
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