Troisième partie

Méditations sur la Passion de Jésus pendant sa vie publique
La Cène et l’Agonie

11-3
Qu’as-Tu fait de ta divinité ?

Méditation : l’éclipse

Au jardin des Oliviers. Jésus, pleure... et Il n’a pas de consolateur. Pourtant, Il avait bien dit : “Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés !” Alors, pourquoi Lui, Jésus, Dieu et homme, pourquoi Lui, l’Innocent, le seul homme innocent sur la terre, n’a-t-Il pas de consolateur ? Jésus, est Dieu, la deuxième Personne de la Sainte Trinité, Verbe de Dieu égal au Père et à l’Esprit. Pourquoi cette souffrance de Jésus à Gethsémani, pourquoi ces larmes amères, pourquoi sa sueur de sang ?

Gethsémani est un mystère effrayant. Jésus est Dieu et homme, Jésus est Fils de Dieu et Fils de l’Homme, alors pourquoi, à Gethsémani est-Il si seul ? Pourquoi le Serviteur de Dieu “a-t-Il, en vain, cherché des consolateurs ?” Pourquoi sera-t-Il si seul sur la Croix à un point tel qu’Il criera vers le Père : “Père, ô Père, pourquoi m’as-Tu abandonné?” Et qu’est-ce que Jésus a fait de sa divinité durant le temps de sa Passion, puisque son humanité paraît si seule, maintenant ?

Où se cache donc la divinité de Jésus pendant les heures les plus sombres de sa vie terrestre ? Contemplons Jésus. Il vient d’instituer l’Eucharistie. Le pain et le vin qu’Il tenait entre ses mains et qu’Il a partagés à ses apôtres, ce sont vraiment son Corps bientôt livré et son Sang bientôt versé. Mais cet étonnant miracle ne pouvait devenir pérenne qu’après sa Résurrection. Le Pain de son Corps et le Vin de son Sang ne pouvaient se multiplier, à l’infini et jusqu’à la fin des temps, qu’après sa Résurrection. Le Mystère de mort et de Résurrection renouvelé et matérialisé chaque jour ne pouvait se perpétuer qu’après la Résurrection de Jésus. S’Il n’était pas ressuscité, rien n’existerait de ses paroles et de son Mystère Pascal, et nous serions les plus malheureux des hommes...

Le soir du Jeudi-Saint, à Gethsémani, Jésus pleure, et Il n’a pas de consolateur... Où est donc passée sa divinité ? Pourtant elle sera encore là, tout à l’heure, quand, pendant son arrestation, Il guérira la blessure de l’oreille du serviteur du grand-prêtre. Mais à Gethsémani, pendant sa sueur de sang, lorsque qu’Il crie : “Père, que ce calice s’éloigne de Moi,” où se cache sa divinité ? Le Verbe de Dieu est pourtant toujours uni au Père et à l’Esprit dans l’unité de la Trinité. Le Verbe de Dieu abandonne-t-Il, Lui aussi, l’Homme Jésus dans lequel Il s’est incarné ? Que ces mystères sont difficiles à comprendre, hors de notre portée !

Contemplons encore Jésus à Gethsémani. Il pleure, seul, comme abandonné. Pourquoi sa nature divine semble-t-elle Le délaisser aussi ? Il semble un homme comme les autres, livré à l’angoisse de sa douleur proche, imminente. Et cette vision de sa douleur Lui fait peur. Sa nature humaine défaille, car, le vrai homme en Lui ne peut supporter la vision de la Passion qui L’attend. Pourtant, “c’est pour cette heure qu’Il est venu !”

Comment percevoir, même fugitivement, un peu de la vérité vécue par Jésus durant cette soirée dramatique ? Jésus est Dieu et Homme. Il y a deux natures en Lui, mais, aujourd’hui, c’est sa nature humaine qui doit dominer, car c’est l’homme seul en Lui qui doit réparer les offenses humaines. C’est l’homme seul en Lui qui doit délivrer la création des péchés des hommes. C’est l’Homme qui doit sauver les hommes. Jésus le sait bien, mais sa nature humaine a peur, elle tremble, elle n’en peut plus...

La nature humaine de Jésus défaille, affrontée qu’elle est aux attaques de l’Ennemi, et placée comme elle est face à une souffrance surhumaine. Sa nature humaine est délaissée par sa nature divine, car c’est elle qui doit réaliser l’Œuvre de notre Rédemption. Mais le Père a pitié du Fils et, pour Le conforter, Lui envoie l’Ange consolateur et la coupe de sa consolation : la volonté du Père sera pleinement accomplie.

Le Verbe de Dieu en Jésus a reçu la consolation du Père. Le Verbe de Dieu en Jésus est toujours uni au Père dans l’Esprit. Le Verbe de Dieu en Jésus console sa nature humaine, l’espace d’un instant. Le Verbe de Dieu en Jésus Lui redonne force et vigueur: Il peux aller vers sa Passion. Jésus, fortifié par sa nature divine, peut aller vers sa Passion, mais seule sa nature humaine devra vivre les horribles tortures qui L’attendent, et qu’Il connaît, car c’est l’Homme seul en Lui, qui doit racheter l’Homme, tous les hommes.

Jésus peut aller vers sa Passion, mais dans trois jours Il ressuscitera. Dans trois jours son Cœur Eucharistique sera pour toujours avec nous. Dans trois jours l’Eucharistie sera Lui, Lui  éternellement vivant et présent parmi nous et pour nous. Jésus ! Comme Tu nous as aimés !

Oui, tout dans la vie de Jésus converge vers notre salut et vers notre bonheur, notre bonheur en Lui. Mais seule sa Résurrection est la clé de tout le Mystère de son Agonie, de l’abandon apparent du Père. Pourtant, il reste comme une insatisfaction en nous : qu’était devenue la divinité de Jésus durant son Agonie et pendant sa Passion ?

Oui, Jésus, où était-elle ta divinité ? Quelle éclipse étrange l’avait, pendant quelques heures, comme dérobée à ton regard de Rédempteur ?

Une éclipse de soleil, ce n‘est rien qu’un phénomène naturel sans autre conséquence que de noyer la terre dans des ténèbres épaisses, alors qu’il devrait faire grand jour, et seulement pendant quelques instants. Le soleil, sa lumière et sa chaleur sont toujours là, à leur place, mais un masque très sombre, la lune, s’est simplement interposé entre le soleil et nous. La lune nous cache momentanément le soleil, ce qui nous permet d’observer les incandescences du soleil qui habituellement nous demeurent cachées. Soudain il fait nuit, il fait froid, le monde est comme changé, mais nous savons que cela ne durera pas car le soleil est toujours là, et déjà l’ombre de la lune qui se projette sur la terre est en train de se dissiper.

Jésus aurait-Il vécu, à Gethsémani et durant sa Passion une sorte d’éclipse, l’éclipse de sa divinité et l’éclipse du Père ?...

C’est l’heure des ténèbres; elles s’interposent entre le Père et Jésus, notre Rédempteur. Voici que les ténèbres se placent entre sa divinité et son humanité. Son être n’a pas été modifié, mais comme lors d’une éclipse de soleil, quand l’association soleil-terre semble rompue, sa double nature est comme écartelée. Entre son humanité et sa divinité il y a un rideau de ténèbres : c’est l’éclipse. Cette éclipse dramatique ne durera qu’une vingtaine d’heures, mais elle est si douloureuse qu’elle semble interminable. Alors Jésus crie vers le Père...

Jésus, nous Te contemplons... Verbe de Dieu incarné, Tu es toujours Toi, mais l’éclipse estompe ta divinité pourtant toujours présente. Et ton Être frémit, ton Être a peur. Et le Père a pitié. Et le Père Te dit : “Tu es toujours mon Fils bien-aimé, mon Unique. En Toi je mets toujours mes complaisances. Tu es toujours dans mon Amour, et notre Amour est éternel.”

Et voici que le Père déchire, l’espace d’un instant, l’ombre qui masquait ta divinité toujours présente. Et ton humanité consolée et fortifiée découvre la vérité de ton Agonie. Ton Agonie, Jésus, durera jusqu’à la fin des temps, mais Tu la vivras dans ton Corps mystique. Alors, ressuscité et vivant dans ton Corps qui est l’Église, la partie de ton Corps mystique encore liée à la terre sera souvent soumise à des éclipses douloureuses.

Ton Église, Jésus, ton Corps mystique sera souvent soumise à des éclipses douloureuses et l’on peut aisément deviner ce que Tu vis quand le Père écarta les ténèbres de l’éclipse et Te tendit la Coupe de ta Consolation. Tu vis tout le Corps mystique que Tu construisais et que Tu continueras à construire au cours des siècles. Tu vis ton Église militante affrontée aux ténèbres du monde. Tu vis les périodes de foi, de sainteté, mais Tu vis aussi les dures éclipses, les longues époques ténébreuses qui Te firent dire un jour : “Quand le Fils de l’Homme reviendra, y aura-il encore la foi sur la terre ?”

Jésus ! Nous Te contemplons encore dans ton Agonie et durant ta Passion. Ta divinité est cachée à ton humanité qui doit vivre l’Éclipse. Car Jésus, c’était écrit: pour sauver les hommes il fallait que Tu vives tout de notre nature humaine, il fallait que Tu prennes toutes nos souffrances, il fallait que Tu supportes toutes nos éclipses, ces éclipses qui nous séparent de Dieu, notre Soleil.

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