Deuxième partie

Méditations sur la Passion de Jésus
pendant sa vie publique

17
À qui irions-nous ?

“Tu as les paroles de la vie éternelle”

 

Contemplons Jésus, et prions avec Lui.

Nous savons, Jésus, que ta “petite” passion, Tu l’as vécue durant toute ta vie, et particulièrement durant ta vie publique. Pendant de longs mois, Tu Te heurtas aux raisonnements erronés de tes contemporains ou à la dureté de cœur de ceux qui auraient dû faire connaître l’Amour de Dieu pour son peuple et pour tous les autres hommes de toutes les nations. Tu Te heurtas aux refus de ceux qui avaient peur de Toi, qui avaient peur de ta bonté, qui avaient peur de la vérité, celle qui sortait de ta bouche. Et surtout Tu Te heurtas aux refus de ceux qui, en T’entendant, se rendaient compte, sans toutefois vouloir l’admettre, que leur vie n’était pas aussi pure qu’ils le prétendaient.

Il y avait des hauts et des bas dans l’hostilité et la haine de ceux qui avaient peur de Toi et de tes enseignements, mais certains épisodes furent plus dramatiquement révélateurs. Et dans ces moments-là, Jésus, c’était vraiment ta Passion anticipée que Tu vivais.

Cependant, pour être tout-à-fait juste, il faut bien admettre, Jésus, que, souvent Tu prenais les gens de plein fouet, et que Tu ne Te prêtais guère aux compromis... Parfois même, Tes paroles paraissaient défier le bon sens humain et les règles élémentaires de l’évidence commune...

Comment, Jésus, essayer de Te comprendre, sinon d’entrer dans ton Cœur, dans ton Amour? Nous allons essayer de “boire” tes paroles pour les assimiler et en faire notre nourriture, et apprendre de Toi que c’est Toi le Pain de Vie.

L’Évangile de Jean nous bouleverse. (Jn VI, 1-59) Une foule nombreuse était venue à Toi, Jésus, une foule qui comptait aussi de nombreuses femmes et de nombreux enfants, mais les femmes et les enfants ne comptaient guère à cette époque!... Et c’est pourquoi on ne dénombra que cinq mille hommes.

La foule nombreuse venue à Toi était restée de longues heures à T’écouter et à Te suivre, et maintenant, elle avait faim. Les enfants pleuraient et les femmes s’inquiétaient pour eux...

Que faire ? À ton contact, Jésus, tes apôtres qui commençaient à vivre la charité que Tu ne cessais d’enseigner,  prennent conscience de la situation: ces pauvres gens allaient défaillir en chemin si on les laissait partir ainsi... Alors, ils viennent à Toi :

– Donnez-leur vous-mêmes à manger, répondit Jésus.

Devant leurs mines ahuries, Jésus ajouta :

– Faites-les asseoir.

C’est alors, Jésus, que Tu renouvelas le miracle des pains. Pour la foule affamée, après avoir rendu grâces, Tu multiplias encore les pains et les poissons offerts par les disciples. Et les hommes, les femmes et les enfants mangèrent à satiété... Et ils durent même se régaler, car on peut supposer que Tu fis comme à Cana, à Cana où Tu donnas du très bon vin... Ici, Tu as dû aussi donner de très bons pains et de délicieux poissons à ces gens affamés, à ces pauvres qui Te suivaient et T’écoutaient: Dieu ne fait jamais rien à moitié.

Ô Jésus ! La foule est séduite et tout à fait décidée. Tu es vraiment le Messie, le souverain attendu. La foule qui T’acclame veut venir Te faire Roi. Mais ce n’est pas ton Heure, et, de plus, Tu ne peux  pas être un Roi de la terre: ton Royaume n’est pas de ce monde. Alors, Tu Te retires seul, sur la montagne, pour prier. Comment a-t-on pu Te laisser partir ? Personne ne le sait, mais soudain la foule en délire ne T’a plus trouvé...

Jésus, Tu es seul sur la montagne, pour prier le Père et chasser encore les grandes tentations : non, Tu n’es pas un Roi de la terre ; non, Tu ne prendras aucun pouvoir qui asservit les hommes. Tu resteras doux et humble... Et les foules qui ont faim, Tu les nourriras toujours, mais avec ta propre chair, avec ton Eucharistie.

Dans quelques heures, Jésus, Tu rejoindras tes disciples en marchant sur les eaux... Mais comme les hommes sont parfois tenaces,  plusieurs de tes disciples, plusieurs curieux bienveillants, de ceux qui Te suivaient de temps en temps et que Tu as rassasiés du pain de ton miracle, plusieurs personnes Te suivent jusque sur l’autre côté de la rive: pour voir encore des signes et des miracles, pour manger encore du pain au goût de gâteau, pour T’écouter aussi. Et puis, il faut agir vite : N’es-Tu pas le Roi attendu ?

N’es-Tu pas le roi attendu, dit la foule ? Tu as déjà multiplié les preuves. Pourtant quelques hommes du Temple qui T’avaient suivi, ont encore des doutes. Ce qu’ils ont vu ne leur suffit pas : les sceptiques veulent d’autres signes : “Quel signe fais-Tu donc, Toi, pour que nous voyions et Te croyions ?”

Quel signe ? Mais le signe de Jonas ! Le signe de Jonas qui suivra de près le don de ton Eucharistie, le don de ton Corps et de ton Sang, notre nourriture à tous pour la vie éternelle. Il est temps maintenant d’annoncer aux disciples qui Te suivent, pour que plus tard ils croient, il est temps de dire aux hommes que la vraie nourriture, c’est ta chair, que la vraie boisson, c’est ton Sang.

Jésus, l’instant est dramatique, prémices de ta Grande Passion. À ceux qui veulent Te faire Roi, Tu demandes:

– Pourquoi me cherchez-vous? Pour manger du pain ? Sachez que c’est Moi qui suis le vrai pain de Vie.

La foule s’agite, les doutes surgissent, les désaccords s’installent. Alors, Jésus, solennel, Tu poursuis:

– Le Pain qui donne la vie, c’est Moi. Mon Corps est la vraie nourriture, et mon Sang est le vrai breuvage... Le pain de Dieu est Celui qui descend du ciel et qui donne la vie. Et le pain de la vie, c’est Moi : “Qui vient à Moi n’aura plus faim, qui croit en Moi n’aura plus jamais soif ! Je suis le Pain vivant descendu du Ciel. Qui mange de ce pain vivra éternellement. Et ce pain que Je donnerai, c’est ma chair qui sera livrée pour la vie du monde... Qui mange ma chair et boit mon sang demeure en Moi, et Moi en lui!  Qui mange ce pain vivra pour toujours...”

Plus personne ne parle. Quelques personnes haussent les épaules et s’en vont, bientôt suivies par de nombreuses autres. Jésus se tait; les apôtres sont atterrés.

Jésus ! Reconnais que ces paroles sont dures à entendre. Qui peut les comprendre ? Tu aurais pu, au moins, donner quelques mots d’explication... Mais non! Tu laisses partir ceux qui s’en vont... Sans faire le moindre effort pour les retenir. Pourquoi, Seigneur, agir ainsi ? Oui, Tu connais les cœurs, Tu sais ceux qui Te rejetteront, qui déjà Te rejettent, qui n’ont pas compris que Tu as les paroles de la vie éternelle. C’est vrai, cela nous le savons, Jésus, mais tout de même !

Jésus, quand nous contemplons la scène, nous ressentons un vrai malaise. L’Eucharistie, maintenant, nous connaissons. Mais eux ? Si nous avions été dans cette foule, n’aurions-nous pas agi comme eux? Comme eux, nous serions peut-être partis, la mort dans l’âme, car  nous T’aimions déjà, et nous avions bâti toutes sortes d’espoirs sur Toi... Mais là, tes paroles sont trop incompréhensibles. Comment pourrait-on Te manger ? Et pourtant, Tu as souvent les paroles de la vie éternelle !

Jésus, nous Te contemplons. Tu regardes la foule s’en aller en discutant âprement tes paroles. Tu sais que Tu vis déjà ta Passion. Tu vis déjà ta dernière Cène, ta dernière pâque avant la Grande Pâque de ta Résurrection. Jésus, Tu vis déjà ta longue agonie et ta sueur de sang, et ta soif de nos âmes. Jésus, Tu vois déjà l’instant béni où Tu livreras ton Corps et ton Sang dans ta dernière action de grâce, cette action de grâce, ton Eucharistie, que Tu avais désirée d’un grand désir. Jésus, Tu vois toute ta Grande Passion, mais Tu vois aussi les milliards de milliards de petites hosties, ton Corps partagé, multiplié pour le salut des hommes et ta Consolation.

Continuons à contempler Jésus. Ses yeux se sont fermés sur des larmes cachées après la profession de foi de Pierre : ”Seigneur, à qui irions-nous ?...” (Jn 6, 68) Jésus, Tu vois la trahison de Judas et le reniement de Pierre, et la fuite des apôtres... Jésus, Tu vis déjà, par anticipation, ta terrible agonie de Gethsémani, seul, car, pour traverser cette Heure redoutable, Tu ne devras pas avoir de consolateur. Ta seule consolation sera la Coupe que le Père T’enverra, la Coupe de ta Consolation dans laquelle Tu vois déjà tous ceux qui auront trouvé la Vie en mangeant ta chair et en buvant ton sang, le pain et le vin de ton Eucharistie.

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