Deuxième partie

Méditations sur la Passion de Jésus
pendant sa vie publique

13
Les vignerons homicides

 

Jésus est au milieu de ses disciples; la foule est un peu plus loin, mais la voix de Jésus est telle que tout le monde L’entend parfaitement. Jésus enseigne son Peuple, et Il le fait avec tant de sollicitude, en tenant compte des capacités intellectuelles de la foule que tout le monde peut Le comprendre, même les enfants qui ont arrêté leurs jeux pour L’écouter avec toute l’attention dont ils sont capables. Tout l’auditoire bée d’admiration : “Vraiment, jamais personne n’a parlé comme cet homme.”

Dans la foule il y a quelques prêtres, des pharisiens et des docteurs de la Loi. Eux semblent moins enthousiastes et murmurent entre eux. Jésus connaît l’amertume qui s’est emparée de leurs cœurs: “Tout le monde court à Lui et le Peuple nous délaisse.” Jésus sait que leur jalousie les rend injustes et malheureux. Ils sont comme des guides aveugles qui ne connaissent pas leurs propres péchés... Jésus le sait. Il sait aussi qu’il y a parmi tous ces gens qui L’écoutent des hommes riches et égoïstes lesquels craignent pour leurs biens. Jésus voit leur aveuglement à tous, et Il voudrait les délivrer de leur orgueil, de leur injustice: car eux aussi ont Dieu pour Père, eux aussi sont les enfants de Dieu.

Jésus sait tout cela et Il en souffre. Jésus sait que l’amertume des pharisiens, des scribes et des docteurs les conduira à commettre l’irréparable: tuer Dieu en sa personne à Lui, Jésus, le Messie du Seigneur. Or “Jésus ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse.” Alors, pour ne pas les blesser et pour ouvrir leurs cœurs sans que la foule s’en aperçoive, au moins dans un premier temps, Jésus se sert d’une parabole. Plein d’amour et de délicatesse tout en donnant un enseignement fort, Il s’adresse aux prêtres et aux pharisiens présents autour de Lui.

– Un homme donna une vigne en fermage, pour la faire fructifier, car il partait pour un très long voyage. Longtemps après, il demanda le produit de sa vigne aux vignerons, mais ces derniers tuèrent tous les serviteurs qui se présentèrent. De la foule s’élève un Oh! scandalisé. Des commentaires s’amorcent, mais Jésus continue :

– L’homme envoya son fils, mais les vignerons le tuèrent aussi. Que fera cet homme, quand il viendra? demanda Jésus. On lui répondit; “On fera périr ces misérables et la vigne sera remise à d’autres vignerons qui en remettront le produit en temps voulu.” (Mt. 21, 33-43 et 45-46)

Les ennemis de Jésus ont bien compris qu’il s’agissait d’eux et ils cherchent un moyen pour faire mourir Jésus. Mais ce jour-là ils ne mirent pas la main sur Jésus car ils avaient peur des foules qui le soutenaient. “Jésus passa au milieu d’eux.”

Contemplons la scène. Les chefs du peuple savent que Jésus connaît le fond de leur cœur et qu’Il n’approuve pas leur mauvaise conduite. Ils sentent aussi que Jésus attire les foules “parce qu’Il parle comme jamais personne n’avait parlé auparavant, comme quelqu’un ayant autorité.” Et puis Jésus guérit les malades, soulage les pauvres et les affligés, demande la justice de l’amour. Pour eux, les chefs du peuple juif, cet homme est dangereux, Il doit disparaître. D’ailleurs, Il disparaîtra bientôt, et Jésus le sait. Jésus sait que son heure approche, et qu’Il vit les prémices de sa grande Passion, car les cœurs endurcis ne voudront pas accueillir les paroles d’amour.

Contemplons encore Jésus. La foule boit ses paroles. Les petits et les humbles accueillent son enseignement avec foi. Oh ! ils ne sont pas parfaits ces pauvres gens, et nombreux sont ceux qui, lorsqu’ils retourneront chez eux, tout à l’heure, commenteront les paroles de Jésus avec des réflexions pas toujours très charitables:

– Vous avez entendu. Les pharisiens se sont reconnus dans les vignerons homicides. C’est bien vrai qu’ils ont tué les prophètes qui condamnaient leurs façons de faire, lesquelles ne datent pas d’aujourd’hui! Le Nazaréen ne les a pas ratés, c’est bien fait pour eux! Mais de toutes façons ils ne comprendront pas...

Oui, Jésus connaît bien toutes ces pauvres pensées du petit peuple souvent opprimé par des hommes qui” disent et ne font pas.”

Jésus comprend les réactions trop humaines des pauvres méprisés, et Il en souffre: car Il est venu sauver tous les pécheurs, même les pharisiens... Jésus nous fait nous souvenir que nous sommes tous pécheurs, et que son pardon n’exclut personne, car Dieu nous a tous créés et Il nous aime tous. Jésus voit toutes les haines qui s’installent ou se sont déjà installées dans les cœurs depuis si longtemps. Jésus sait que la haine ne conduit qu’au désastre. Jésus sème l’amour, mais la bonne terre n’est pas dans tous les cœurs... Et Jésus est triste, infiniment triste.

Jésus a terminé son enseignement. Maintenant Il va partir car ceux qui L’ont écouté doivent rentrer chez eux. Jésus se lève, mais voici qu’on Lui barre le chemin: brutalement on se saisit de Lui, on Le bouscule, on Le frappe même, pas trop fort cependant à cause de la foule, mais suffisamment pour Lui faire comprendre qu’on en a assez de Lui et de ses paroles subversives. On L’emmène, mais l’Heure n’est pas encore venue, ce n’est pas aujourd’hui que Jésus doit mourir. ”Alors, passant au milieu d’eux, Jésus poursuivit son chemin.”

Jésus, nous Te regardons passer au milieu des pharisiens médusés. Pourtant, ils Te tenaient bien. Comment as-Tu pu leur échapper ainsi? Ils ne savaient pas que ce n’était pas ton Heure, et que Tu ne devais mourir que plus tard, sur une Croix. Les apôtres, eux, sont bien soulagés, car ils avaient peur, ne sachant pas comment tout cela allait finir. Jésus! Tu vas pouvoir continuer à enseigner l’Amour, mais aujourd’hui ton Cœur saigne car Tu as vu la haine, Tu continues à vivre ta passion inconnue et silencieuse.

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