Deuxième partie

Méditations sur la Passion de Jésus
pendant sa vie publique

2
Sur les bords du Jourdain

Avant la rencontre avec Jean le Baptiste

 

Il n’y a que quelques jours que Jésus a quitté Nazareth, laissant sa sainte Mère toujours offerte à la volonté du Père, toujours Servante du Seigneur. Jésus s’est d’abord rendu à Capharnaüm où il savait trouver un gîte, celui qu’Il pourrait bientôt montrer à Jean et à André, ses deux premiers apôtres. Jésus savait aussi qu’à Capharnaüm, il y avait Pierre, le frère d’André...

Jésus est prêt pour sa mission; ses futurs apôtres sont prêts eux aussi, bien qu’ils ne le sachent pas. Jésus est prêt, mais avant de se révéler publiquement, Il a déjà des enseignements à donner, des enseignements qui ne seront compris que bien plus tard par ses disciples, et qui, tout au long de leur vie, leur montreront l’importance des retraites silencieuses, des retraites de prière, des contacts intimes avec le Seigneur, avant d’orienter sa vie, de décider de ses buts, ou d’entreprendre des actions importantes.

Jésus est prêt pour sa mission, mais avant de rejoindre le désert, Il doit recevoir, visiblement, l’Esprit de son Père, et révéler la Trinité de Dieu dont Il est le Verbe. Jésus doit aussi informer le Baptiste que sa tâche va bientôt s’achever, car Celui dont il prépare le chemin, le Messie tant attendu, est maintenant arrivé et va commencer sa mission de Rédempteur. Jésus est heureux car Il va combler de joie l’âme de son Précurseur...

Jésus n’est plus très loin du Jourdain sur les bords duquel le Baptiste prêche un baptême de pénitence. Jésus est heureux, et presque malgré Lui Il se récite mentalement les textes d’Isaïe qui L’annoncent, Lui, le Messie attendu.

“Voici ce que dit Yahvé à celui qu’il a consacré: je marcherai devant toi, j’aplanirai les chemins difficiles; je briserai les portes de bronze et mettrai en pièces les verrous de fer. Je te donnerai les trésors cachés, les richesses qu’on avait mises en sûreté, et tu sauras que je suis Yahvé, le Dieu d’Israël qui t’a appelé par ton nom. À cause de Jacob mon serviteur, à cause d’Israël que j’ai choisi, je t’ai appelé par ton nom; je t’ai donné un rôle alors que tu ne me connaissais pas.”

Plein d’amour et de reconnaissance, Jésus lève les yeux vers le Ciel et contemple le Père: “Cieux, faites tomber de là-haut la rosée, et que les nuées donnent une pluie de justice. Que s’ouvre la terre, et que fleurisse le salut, tandis que la justice germera: c’est l’œuvre du Seigneur. (Is. XLV, 1 à 4 et 8)

Jésus, libre et détendu, sourit. Pourtant, comme à chaque fois qu’Il rappelle les Écritures, la vision du Messie qu’Il est, est toujours comme attristée, voire ternie par des images douloureuses: “Qui est donc celui qui arrive d’Édom, qui vient de Bosra vêtu de rouge? Son vêtement lui donne fière allure, il se redresse plein d’assurance: “C’est moi qui professe la justice, et je suis puissant pour sauver.” Mais “Pourquoi ce rouge de ton manteau et ces habits tachés comme ceux d’un fouleur au pressoir?” C’est que j’étais seul pour fouler dans la cuve, personne de mon peuple n’est venu avec moi. Alors dans ma colère je les ai écrasés, piétinés, leur jus a giclé sur mes habits, il a taché tous mes vêtements. Oui, j’avais fixé un jour de vengeance, l’année du rachat était venue.” Jésus soupire.

À la vision du Serviteur souffrant se joignent d’autres visions terribles: des guerres atroces, des multitudes infinies d’enfants de son peuple exterminés, des milliers de pauvres petits voués à la destruction... Jésus frémit car maintenant les visions du prophète ne Le concernent plus seulement, Lui, le Messie, mais recouvrent tous les siècles et s’étendent sur tous les peuples du monde: “J’ai regardé: personne pour m’aider! J’étais déconcerté: pas un pour me soutenir! Alors j’ai agi par moi-même, ma fureur m’a donné des forces. J’ai écrasé des peuples dans ma colère, dans ma fureur je les ai brisés...” (Is. LXIII 1 à 6)

Jésus se lève et chasse ces pensées désespérantes: ce n’est pas encore l’Heure de la Grande Tentation. Aujourd’hui, c’est l’heure du bonheur, de la joie, de la paix, quoique ce soit toujours l’Heure de l’Agneau de Dieu: “Guéris-moi, Père, que je sois guéri, sauve-moi, que je sois sauvé: c’est vers toi toujours qu’est allée ma louange... Ne me fais pas tomber dans l’épouvante, toi, mon refuge au jour du malheur. Que ceux qui me persécutent soient confondus, et que moi, je ne sois pas confondu! Qu’ils soient effrayés, et que moi je ne sois pas effrayé... (Jr. XVII 14, 17 18)

Mais aujourd’hui, Père, c’est ton Heure et l’Heure de l’Agneau de Dieu: “Père, donne-moi ton attention, entends ma plainte! Est-ce qu’on doit rendre le mal pour le bien? Voici qu’ils m’ont creusé une fosse. Souviens-toi que je me tenais devant toi pour te parler en leur faveur et détourner d’eux ta colère. (Jr. XVIII 19, 20)

Cependant, Père Tu m’as séduit, et Moi, Je me suis laissé séduire...” Jésus reprend sa marche un instant interrompue. Oui, le Verbe en Lui a saisi l’homme. La divinité de Jésus sait parfaitement où elle va puisque c’est elle qui a inspiré les prophètes, puisque c’est le Verbe, en union avec le Père au sein de la Trinité qui a défini les décisions concernant le salut du genre humain.

Jésus-Homme-Dieu, Jésus-Messie peut maintenant murmurer, sans effroi, les craintes du prophète Jérémie: “Yahvé, tu m’as séduit et je me suis laissé séduire. Tu m’as fait violence, et tu as gagné. Tout le jour je suis celui dont on rit; tous se moquent de moi!... C’était en moi comme un feu qui brûlait et dévorait mes os: j’essayais de le contenir, mais je ne pouvais pas. Je les entendais tout autour de moi: ‘Dénoncez-le, oui, dénonçons-le!’ Même mes proches guettaient ma chute: ‘Au premier faux pas, nous aurons le dessus, alors nous nous vengerons de lui!’ Mais Yahvé est avec moi comme un guerrier puissant, c’est pourquoi mes ennemis tomberont. (Jr. XX, 7 et 9 à 11)

Voici le gué où baptise Jean. Résolument, Jésus entre dans l’eau et s’approche du Baptiste.

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