Jésus rencontre les bergers
Jésus et Joseph sont à Jérusalem. C’est le matin, très tôt.
La ville est encore calme,
tous les habitants étant occupés à se préparer à
leurs tâches familiales quotidiennes. D’une synagogue les chants de la prière
d’aurore s’échappent et remplissent d’une joie priante la rue où marchent les
deux Nazaréens. Bientôt Joseph s’arrête devant un grand portail:
– Jésus, nous sommes arrivés: c’est là qu’habite Lévi. Il
m’attend, et j’espère qu’il aura pu préparer tous les dessins que je lui ai fait
demander par le caravanier. Quoiqu’il ait pu faire, j’aurai au moins trois ou
quatre heures à passer avec lui. Tu as donc tout le temps nécessaire pour aller
à Bethléem, comme Tu le désires. Sois seulement de retour ici vers la dixième
heure, et nous irons dîner dans la famille de Zacharie.
– Entendu, père, Tu peux compter sur moi.
Joseph actionne le gros marteau de la porte, et entre. Jésus,
Lui, a repris sa marche... Le village de Bethléem n’est pas très éloigné de
Jérusalem; dans deux heures au plus Il sera dans la ville de sa naissance.
Jésus est maintenant un grand et beau jeune homme. Il peut
avoir dix-huit ou dix-neuf ans et semble heureux.
Voici Bethléem. Jésus traverse la petite ville mais ne s’y
arrête pas. Il se dirige résolument vers les collines où paissent de nombreux
troupeaux de moutons. Là-bas, un groupe de bergers prie avec ferveur. Jésus
s’approche d’eux doucement et se joint à leur prière. Les bergers récitent, par
cœur, quelques fragments du prophète Isaïe :
7-Sur cette montagne Yahvé Sabaot déchirera le voile qui
couvrait tous les peuples, le suaire qui enveloppait toutes les nations.
8-Pour toujours il fera disparaître la mort. Il ôtera
l’opprobre de son peuple.
9-En ce jour-là on dira: “Voici notre Dieu en qui nous
avions mis notre espérance; lui nous a délivrés. Grande est notre joie, notre
allégresse, car il nous a sauvés. (Is. Chap. XXV)
Un berger soupire :
Nous aussi, nous y avions cru à l’arrivée de notre Messie.
Même des Mages étaient venus l’adorer. Et nous étions si heureux!
– Oui, dit un autre, mais Hérode qui ne voulait pas de lui a
fait tuer tous les petits enfants de Bethléem. Et toute la région nous en veut
beaucoup de l’avoir accueilli à sa naissance et d’avoir été la cause, bien
involontaire, du massacre de tant d’innocents. Si au moins lui avait pu se
sauver à temps !
– On le dit... Mais est-ce vrai ? A-t-il pu échapper au
massacre, qu’est-il devenu, et où est-il maintenant ?
La prière continue, et, sur un signe d’un ancien, c’est Jésus
qui poursuit, de mémoire :
1-Un rejeton sortira de la souche de Jessé, une pousse se
lèvera de ses racines.
2-Sur lui reposera l’Esprit de Yahvé, esprit de sagesse et
d’intelligence, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de
crainte de Yahvé.
3-Il ne jugera pas sur les apparences, il ne décidera pas
sur un bruit qui court.
4-Il jugera les petits avec justice, il défendra les
droits des pauvres du pays. Sa parole frappera le violent, et son souffle fera
mourir le méchant.
5-La justice sera son ceinturon, toujours là sur ses reins
avec la vérité.
6-L’agneau jouera avec le loup, le chevreau se couchera
près du léopard, le veau et le lion s’en iront au même pâturage sous la houlette
d’un enfant.
7-La vache et l’ourse seront amies, leurs petits dormiront
ensemble, et le lion mangera de la paille comme le bœuf.
8-Le nourrisson jouera sur le nid du serpent, l’enfant à
peine sevré mettra la main dans le trou de la vipère.
9-On ne fera plus de mal, on ne détruira plus rien sur ma
montagne sainte, car la connaissance de Dieu couvrira la terre comme les eaux le
domaine de la mer. (Is. Chap. XI,1-9)
Quelques bergers essuient une larme, et il est touchant de
voir ces hommes frustes et rudes pleurer comme des enfants. Jésus, alors, fait
signe de s’asseoir, et curieusement, tous les bergers obéissent à ce jeune homme
qu’ils ne connaissent pas, mais en qui ils ont soudain confiance.
– Écoutez encore dit Jésus :
1-Consolez, consolez mon peuple, dit Yahvé votre Dieu.
2-Parlez au cœur de Jérusalem, criez-lui ce message: son
service est fini, son péché est expié, sa dette est payée, Yahvé a pardonné
toutes ses fautes.
11-Comme un berger il fait paître son troupeau et son bras
le rassemble, il porte les agneaux sur sa poitrine, il mène les brebis qui
allaitent. (Is. Chap. XL)
– Ne pleurez plus mes amis: je suis le bébé que vous avez
accueilli dans la crèche qui est derrière vous. Je suis l’enfant que vous avez
nourri avec le lait de vos brebis et couvert avec la toison d’un petit agneau
blanc. Consolez-vous, mes amis, plus tard je reviendrai encore vous voir et
vous saurez que vous êtes sauvés.
Après un moment de stupeur, la joie des bergers éclate: ils
se lèvent et entourent Jésus. Ils posent de multiples questions, mais Jésus,
après avoir rétabli un peu de silence, se contente de réciter d’autres
prophéties d’Isaïe :
1-Voici mon serviteur que je soutiens, mon élu, celui
qu’il m’a plu de choisir. Mon esprit est sur lui: il établira la justice parmi
les nations.
2-Il ne crie pas, il n’élève pas la voix, on n’entend pas
ses proclamations sur les places.
3-Il ne brise pas le roseau qui plie, il n’éteint pas la
mèche qui fume encore...
4-Il ne faiblira pas, on ne le brisera pas qu’il n’ait
établi sa justice sur la terre: les îles attendent sa loi, Car:
6-Yahvé, l’a appelé pour la juste cause, et l’a pris par
la main. Il l’a façonné et a fait de lui la lumière des nations,
7-pour ouvrir les yeux des aveugles, pour délivrer les
captifs du cachot et ceux qui sont assis dans les ténèbres. (Isaïe -
Chapitre XLII)
– Oui, conclut Jésus,7-qu’ils sont beaux sur les montagnes
les pieds de ceux qui apportent de bonnes nouvelles, de celui qui annonce paix
et bonheur, qui proclame le salut et qui dit à Sion: “Ton Dieu règne!”
13-Mon Serviteur réussira: il s’élèvera et se verra porté
au plus haut. (Is. Chap. LII)
Jésus s’arrête brusquement et dit :
– Mes amis, je suis venu aujourd’hui vous apporter un peu de
joie, un peu de bonheur. Continuez à vivre comme vous le faites, en vous aimant
les uns les autres. Je dois partir maintenant; vous, soyez heureux.
Les bergers veulent retenir Jésus encore un peu parmi eux.
Mais Jésus est déjà loin, sur le chemin qui va le ramener à Jérusalem. Jésus a
redonné le bonheur aux pauvres de son cœur, mais Lui, Il sait qu’Il doit aller,
Il sait qu’Il aura dans quelques années une tâche difficile, surhumaine à
accomplir, et Il sait qu’il aura aussi une Passion à vivre, la Passion décrite
par les prophètes et qui est déjà commencée dans son Cœur. Est-ce pour cela que,
se rappelant les paroles du prophète, Jésus se met à trembler?
3-Il était méprisé, rejeté par les hommes, un homme de
douleur marqué par la souffrance, l’un de ceux devant qui on se cache le visage;
il n’était rien et nous l’avons négligé.(Is. Chap. LIII)
Oh ! mon Dieu ! 14-tous ont été horrifiés à mon sujet, je
n’avais plus figure humaine, mon apparence n’était plus celle d’un homme.
(Is. Chap. LII)
2-Mais pourquoi n’ai-je trouvé personne lorsque je suis
venu? Pourquoi n’a-t-on pas répondu quand j’ai appelé? (Is. Chap. L)
Jésus est presque arrivé à Jérusalem. Sans s’en rendre
compte, il a marché très vite, et Il a très chaud. Jésus s’arrête et regarde
autour de Lui: devant Lui, les fruits d’un figuier l’attirent. Jésus cueille
quelques figues et les savoure tout en murmurant :
4-Pourtant, c’étaient les péchés des hommes dont j’étais
chargé, c’étaient leurs plaies que je portais; ils pensaient que Dieu m’avait
frappé, humilié.
5-Mais c’est pour leurs fautes que j’étais transpercé,
c’est à cause de leurs péchés que j’étais écrasé. Le châtiment qui leur donnera
la paix pèsera sur moi; c’est par mes blessures qu’ils seront guéris. (Is.
Chap. LIII)
15-Alors, la multitude des peuples s’émerveillera, et même
les rois resteront sans parole quand ils verront ce qu’on ne leur avait jamais
dit, quand ils découvriront ce qu’ils n’avaient pas appris.(Is. Chap. LII)
– Père, dit Jésus en levant son regard vers le Ciel, que ta
volonté soit faite.
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