PREMIÈRE PARTIE

Méditations sur la Passion de Jésus
pendant sa vie privée

2
Premières menaces, premières douleurs

Fuite en Égypte et massacre des innocents

 

“Hérode se voyant joué par les mages entra dans une grande colère: il envoya tuer, à Bethléem et dans tout son territoire, tous les enfants de deux ans et au-dessous, d’après la date qu’il s’était fait préciser par les mages. Alors s’accomplit ce qui avait été annoncé par le prophète Jérémie: ”Une voix s’est fait entendre à Rama, gémissements et sanglots sans nombre. C’est Rachel qui pleure ses enfants et ne veut pas être consolée, parce qu’ils ne sont plus.”  (Mat II, 16-18)

Marie et Joseph sont sur la route de l’exil avec l’Enfant Jésus. Ils ont dû fuir rapidement, sans préparation, en emportant un minimum de choses, juste ce qu’il faut pour survivre dans un pays étranger... Joseph, cependant, en bon chef de famille a pris avec lui tous ses outils de travail, les outils indispensables à tout artisan qui doit mener à bien sa tâche, la tâche qui lui donne joie et dignité, mais qui lui permet aussi de gagner sa vie et celle de toute sa famille.

Joseph a dû fuir rapidement, obéissant à l’ordre de l’Ange: “Lève-toi, prends l’Enfant et sa Mère, et fuis en Égypte. Tu y resteras jusqu’à ce que je t’avertisse, car Hérode va chercher l’Enfant pour le faire périr. Joseph se leva donc, prit l’enfant et sa mère durant la nuit, et se retira en Égypte.”

Joseph et Marie sont arrivés en Égypte avec l’Enfant Jésus. Les premiers jours d’exil ont été difficiles, mais la compétence de Joseph a été vite reconnue, et maintenant le travail ne manque plus. Marie et le Petit Jésus auront de quoi manger. Joseph est presque heureux, et son bonheur rejaillit sur Marie qui a retrouvé son sourire. L’Enfant Jésus, qui n’a manqué de rien, même durant les jours difficiles, est la joie de ses parents tant sa gentillesse est grande.

Tout est calme dans la pauvre mais paisible région d’Égypte où Marie et Joseph ont trouvé refuge. Tout est si calme que parfois Joseph se demande s’il a bien fait de quitter son pays. Joseph est inquiet et se demande si le songe et l’Ange n’étaient pas le fruit de son imagination fatiguée par tous les évènements extraordinaires qu’il venait de vivre, le dernier étant la visite des mages. Et Joseph se met à douter...

Joseph doute, Joseph a comme des remords en se demandant s’il a bien fait d’imposer à Marie un tel sacrifice. Joseph doute et, dans son cœur, il envisage déjà un prochain retour à Nazareth. Mais, un soir, une nouvelle tombe comme un coup de tonnerre et bouleverse les parents de Jésus. Des commerçants juifs, arrivant en Égypte, après avoir traversé le pays Judée, rapportent des faits terrifiants: irrité par le secret départ de mages venus adorer un certain Roi des juifs annoncé par une étoile, Hérode a fait rechercher un petit enfant qui, selon les dires de certains, serait vraiment le Messie annoncé, le Roi des rois. Ne le trouvant pas, Hérode a fait massacrer tous les enfants de deux ans et au-dessous. Il y a des pleurs dans Rama, gémissent ceux qui se souviennent des Écritures.

Effrayé mais rassuré en même temps, Joseph ne doute plus de la parole de l’Ange. Avec Marie, Joseph médite ces évènements dramatiques et pleure en imaginant le danger couru par Jésus. Marie et Joseph pleurent aussi à cause du chagrin de toutes ces femmes à qui on a pris leur enfant, et qui ne peuvent pas être consolées parce qu’ils ne sont plus.

Jésus écoute, mais Il ne dit rien. Le langage de Jésus est encore trop rudimentaire pour pouvoir exprimer des pensées difficiles. Cependant l’intelligence divine de Jésus a compris, elle. Jésus  sait qu’on en veut déjà à sa vie. Jésus devine que durant toute sa vie Il sera rejeté, chassé par ceux qui ne veulent pas de Lui, qui ne veulent pas de Dieu. Jésus, comprend que des hommes chercheront toujours à Le faire mourir, et qu’un jour, ils réussiront.

Jésus n’est encore qu’un bébé, un tout petit enfant, mais déjà Il comprend qu’Il est le Serviteur souffrant. Jésus sourit à sa Mère pour la consoler, car aujourd’hui, ce n’est pas son Heure.

Aujourd’hui Marie peut encore être consolée et être heureuse, mais Jésus sait que lorsque son Heure sera arrivée, l’Heure terrible pour laquelle Il est venu sur terre, Jésus sait qu’alors Marie ne pourra pas être consolée. L’Innocent immolé, ce sera Lui, Jésus, la grande Victime offerte au Père en rémission des péchés... Et Marie, sa Mère, sera au pied de sa Croix.

Jésus, dans sa prescience divine, sait qu’Il est le Messie, le Messie qui sera rejeté, méprisé, outragé, mis à mort sur une Croix. Jésus, dans sa prescience divine sait qu’Il est déjà le Rédempteur. Mais aujourd’hui, ce n’est qu’un tout petit enfant qui peut sourire à sa Mère pour la consoler, car son Heure n’est pas encore venue. Aujourd’hui, seul le Cœur de Jésus peut souffrir, seul le Cœur de l’Amour peut pleurer, mais en secret, car son Heure n’est pas encore arrivée.

Aujourd’hui, en apprenant le massacre des petits innocents qui sont morts pour Lui, Jésus commence le long chemin de Croix de sa vie sur la terre. Jésus commence le chemin de Croix qui Le conduira au Calvaire. Jésus débute le long chemin de Croix des pierres vivantes de son Corps mystique qui durera jusqu’à la fin des temps, le long chemin de Croix de ses disciples, de ses fidèles et de ses martyrs, de ses confesseurs et de ses pauvres bafoués mais persévérants et sans gloire, qui vivront et mourront avec Lui, et pour Lui. 

Aujourd’hui, Jésus commence son long chemin de Croix. Le massacre des innocents n’en est que la première station et Jésus pleure dans son cœur quand Il apprend et comprend, sans pourtant le faire savoir, qu’on a massacré pour Lui et à sa place, des petits enfants innocents comme Lui, comme Celui qui est et restera toujours le Grand Innocent.

Jésus pleure secrètement dans son cœur, mais ne pleure-t-Il que pour ces enfants-là? Dans sa prescience divine, l’Enfant Jésus ne voit-Il pas d’autres massacres, des massacres effroyables que le cœur des hommes normaux a du mal à imaginer: les massacres des enfants à naître, c’est-à-dire le suicide de sociétés entières, et qui plus est, de sociétés auxquelles Lui, Jésus, se sera fait spécialement connaître, et que l’on appellera chrétiennes. Car il est tout de même très douloureux de constater que les plus monstrueux des crimes se sont développés surtout dans ces sociétés autrefois chrétiennes mais à qui on a retiré Dieu.

Jésus, il nous est impossible de savoir ce qui pouvait se passer dans ta conscience de bébé Homme-Dieu. Tu étais vrai homme, mais Tu étais aussi vrai Dieu. Tu voulais apparaître uniquement comme un enfant des hommes, mais on ne peut pas s’empêcher de penser que ta divinité, quoique voilée, Te donnait quelques informations que ton seul cerveau humain n’aurait pu percevoir.

Jésus, tout petit Enfant, ta divinité pleure en apprenant le massacre des Innocents de ton pays, des Innocents de Bethléem. Mais n’as-Tu pas pleuré encore plus, lorsque ton Esprit Te présentait en même temps les massacres d’autres innocents, des petits enfants purs que Tu aimais déjà ?

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