St Justin naquit dans les premières
années du second siècle à Flavia Néapolis (aujourd'hui Naplouse), ville
fondée
sur le site de la Sichem biblique après la prise de Jérusalem par les Romains.
De famille païenne aisée, il reçut une éducation choisie et, nourrissant un
ardent désir de la vérité, il fréquenta divers philosophes; mais il n'en tira
que déception en constatant qu'ils ne pouvaient rien lui enseigner de
satisfaisant sur Dieu. Finalement, il s'attacha à un platonicien de renom qui
sut donner des ailes à son esprit par la réflexion sur les "idées" et sur le
monde spirituel évoqué par Platon. Après peu de temps, croyant être devenu sage
et espérant voir Dieu immédiatement, comme le lui promettait le philosophe, il
se retira dans un lieu voisin de la mer, solitaire et silencieux, pour s'y
livrer à la méditation. Comme il se promenait sur le rivage, plongé dans ses
réflexions, un vieillard à l'aspect vénérable et majestueux, à la fois doux et
grave, apparut devant lui. Ils engagèrent la conversation, et Justin lui fit
l'éloge de la philosophie comme étant l'oeuvre la plus grande et la plus
précieuse, en comparaison de laquelle toutes les autres activités humaines sont
négligeables. Le vieillard lui demanda alors comment les philosophes peuvent se
faire une idée juste de Dieu, alors qu'ils n'en ont pas l'expérience vécue.
Comme Justin répondait que l'intellect peut voir Dieu, l'ancien répliqua qu'il
ne reçoit en fait ce pouvoir que lorsqu'il est revêtu de l'Esprit St, après
s'être préalablement purifié par la pratique de la vertu. Il réfuta aussi la
doctrine platonicienne sur l'âme et la réincarnation, et lui montra qu'on ne
peut raisonnablement soutenir que le monde soit éternel et incréé : seul Dieu
est inengendré et incorruptible, parfaitement un et toujours égal à Lui-même.
Quant à l'âme, contrairement à l'opinion de Platon, la vie ne lui appartient pas
en propre; mais c'est parce qu'elle participe à la vie, donnée par Dieu, qu'elle
a la vie. Justin, exalté par ces paroles, lui demanda à quels maîtres recourir
pour connaître cette vérité ignorée des sages d'antan. Le vieillard lui répondit
que cette doctrine est celle de grands hommes, plus anciens que les philosophes,
des hommes justes et chers à Dieu, qui parlaient par l'Esprit St et rendaient
sur l'avenir des oracles maintenant accomplis : on les appelle les Prophètes.
Remplis de l'Esprit St, ils n'ont dit et proclamé que ce qu'ils avaient vu et
entendu, et non en recourant à des démonstrations subtiles. Témoins de la
vérité, ils ont glorifié le seul Dieu et Père, et ont annoncé, par leurs signes
et leurs écrits, le Christ qui vient de Lui. Puis il conclut en disant : « Et
toi, avant tout, prie pour que les portes de la lumière te soient ouvertes, car
personne ne peut voir et comprendre Dieu, si Dieu et Son Christ ne lui donnent
de comprendre. »
Dès que le vieillard se fut
éloigné, un feu s'alluma dans l'âme du jeune philosophe pour ces prophètes et
ces sages amis du Christ. Réfléchissant sur les paroles qu'il venait d'entendre,
il réalisa que cette doctrine était la seule philosophie, vraie et profitable à
l'âme, et décida de se joindre aux disciples du Christ, qu'il admirait depuis
longtemps pour leur mépris des tortures et de la mort. Après son Baptême, il
étudia l'Ecriture Ste en Palestine, puis, sans quitter le manteau et la barbe,
signes distinctifs des philosophes, il alla enseigner cette "vraie philosophie"
des Prophètes et des Apôtres en Asie Mineure. Vers 136, alors qu'une révolte
juive était cruellement réprimée par les Romains en Palestine, il fit la
rencontre d'un rabbin réputé, Tryphon, avec lequel il s'entretint pendant deux
jours. Justin lui démontra, à l'aide de nombreuses citations des Ecritures, que
la Loi et tout l'Ancien Testament n'étaient qu'une préparation et une figure,
unique et cohérente, du Christ, Fils de Dieu, le vrai Législateur de l'Alliance
nouvelle annoncée par les Prophètes, qui abroge l'ancienne. Ce sont maintenant
les nations converties qui constituent le "vrai Israël spirituel et sont
appelées à devenir "dieux" par la grâce du St-Esprit.
Continuant ses périples, Justin fit
deux séjours prolongés à Rome et s'installa dans une maison, près des Thermes de
Timothée, où il enseignait la doctrine de la vérité à ceux qui venaient le
trouver. Pour lui, philosophe devenu Chrétien, la Parole de Dieu, révélée dans
l'Evangile, représente non seulement l'accomplissement des oracles des Prophètes
mais elle est aussi la vérité que distinguèrent confusément les sages et les
philosophes païens. Reconnaissant à la raison humaine ses droits, il soulignait
ses limites et enseignait que c'est le même Verbe de Dieu qui inspira les
Prophètes et qui se trouve présent, en germe, dans toute connaissance humaine (spermatikos
logos). « Tout ce qui est dit de Lui, chez qui que ce soit, cela nous
appartient, à nous les chrétiens (..) Car tous les écrivains n'ont pu voir
qu'obscurément la vérité, grâce à la semence du Verbe déposée en eux. Mais autre
chose est de posséder une semence et une ressemblance proportionnée à ses
facultés, autre chose l'objet même dont la participation et l'imitation
procèdent de la grâce qui vient de lui ».
De son école philosophique devenue
église, où se réunissaient les amis de la vraie sagesse, Justin luttait aussi
pour la confirmation de la vraie foi vis-à-vis des hérétiques, ces loups
déguisés en brebis, qui se faisant passer pour chrétiens enseignaient les
doctrines les plus insensées . Mais c'est surtout comme "apologiste"' du
Christianisme devant les autorités romaines que Justin s'est illustré. Vers l'an
155, il adressa une première Apologie à l'empereur Antonin le Pieux (138-161),
dans laquelle il réfute les grossières calomnies que répandaient les païens au
sujet des Chrétiens. Ils ne sont, dit-il, ni athées, ni ennemis de l'Etat, et
leur conduite morale est au-dessus de tout reproche, bien supérieure à celle des
païens qui se rassasient de débauches. Et, après avoir démontré les concordances
entre les intuitions des philosophes et la révélation, il décrit la noblesse et
la pureté des Assemblées Liturgiques, où la vie communautaire, centrée sur
l'Eucharistie, se prolonge dans l'entraide et l'assistance aux nécessiteux. «
Vous pouvez nous tuez, écrit-il, nous nuire, non! Notre espérance n'est pas de
ce temps présent, aussi nous ne craignons pas vos bourreaux. Nous ne haüsons pas
nos accusateurs; mais nous avons pitié d'eux, nous ne désirons que leur
conversion. »
Quelques années plus tard (160),
Marc Aurèle ayant accédé au pouvoir, il prit des mesures de répressions contre
les Chrétiens, sous l'influence de ses amis les philosophes. Une noble romaine,
qui s'était convertie au christianisme et avait renoncé à sa vie dissolue sous
l'influence d'un certain Ptolémée, tenta d'entraîner son mari, en lui rappelant
les châtiments futurs qu'attendent les débauchés. Comme il refusait de se
corriger, elle demanda le divorce; furieux, il fit alors jeter Ptolémée en
prison. Après une longue incarcération, celui-ci comparut devant le préfet
Urbicus et confessa sa foi. La sentence de mort venait à peine d'être prononcée
qu'un certain Lucius protesta à haute voix contre ce jugement inique et confessa
qu'il était lui aussi Chrétien. Il fut arrêté ainsi qu'un autre Chrétien, et les
trois innocents furent exécutés. A l'occasion de cet événement, Justin,
pressentant qu'un sort semblable l'attendait, adressa une seconde Apologie à
l'empereur et au Sénat, dans laquelle il répond d'abord à deux objections
ironiques des païens, qui demandaient d'une part pourquoi les Chrétiens ne se
donnent pas eux-mêmes la mort pour aller plus vite vers leur Dieu, et qui
disaient d'autre part : si ce Dieu est vraiment tout-puissant, pourquoi
laisse-t-il opprimer ses adorateurs? Justin expliqua que c'est la rage et la
jalousie des démons qui est la cause des persécutions contre les Chrétiens, et
que s'il n'y avait chez eux ni vérité ni vertu, inexplicable serait leur constance
dans les tourments . Si Dieu retarde la catastrophe qui doit bouleverser
l'univers, ajoute-t-il, c'est à cause de la race des Chrétiens, en qui Il voit
un motif de conserver le monde. Et il conclut : « Je suis Chrétien, je m'en fais
gloire et, je l'avoue, tout mon désir est de me faire reconnaître comme tel. »
Justin avait trouvé un adversaire
implacable en la personne du philosophe cynique Crescens, homme dépravé et
ambitieux qui, constatant les succès du philosophe Chrétien et craignant de
perdre ses élèves, ne cessait de tramer des intrigues contre lui. C'est
probablement à la suite de ses machinations que, vers 165, lors de son second
séjour à Rome, Justin fut arrêté, sur l'ordre du préfet Rusticus, l'ancien
précepteur de Marc Aurèle, avec six de ses disciples : Chariton, la vierge
Charito, Evelpiste, Hiérax, Péon et Libérien.
Dès qu'ils comparurent au tribunal,
le préfet s'adressa à Justin: Soumets-toi aux dieux et obéis aux empereurs.
Personne ne peut être blâmé ou condamné pour avoir obéi aux commandements de
Notre Seigneur Jésus-Christ, répliqua le Philosophe. Comme Rusticus lui
demandait à quelle science il se consacrait, il répondit : « J'ai successivement
étudié toutes les sciences. J'ai fini par m'attacher à la doctrine vraie des
Chrétiens, bien qu'elle déplaise à ceux que l'erreur égare. » Puis il expliqua
qu'il n'enseignait rien de lui-même, mais seulement ce que les Prophètes
inspirés ont annoncé, et qu'il dispensait cette doctrine, librement, à quiconque
venait le trouver dans sa demeure. Ses compagnons ayant confessé, chacun à son
tour, qu'ils étaient Chrétiens, le préfet, se tournant vers Justin, lui demanda
s'il espérait gagner le ciel par les supplices qu'il allait lui infliger. Le
Philosophe rétorqua : « J'espère recevoir la récompense destinée à ceux qui
gardent les commandements du Christ, si je souffre les supplices que tu
m'annonces. Tel est notre plus vif désir : souffrir à cause de Notre Seigneur
Jésus-Christ et être sauvés, ainsi nous nous présenterons assurés et tranquilles
au redoutable tribunal de notre Dieu et Sauveur, devant lequel le monde entier
doit comparaître ». Les autres Martyrs s'écrièrent : « Fais ce que tu veux. Nous
sommes Chrétiens et nous ne sacrifions pas aux idoles ! » Ils entendirent la
sentence de mort en rendant gloire à Dieu puis, après avoir été flagellés, ils
consommèrent leur Martyre en étant décapités. Quelques fidèles enlevèrent
secrètement leurs corps et les ensevelirent en un lieu convenable.
SOURCE :
http://www.maison-russie.fr/
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