Un peu d'histoire
SAINTE JULIE BILLIART (fondatrice)
et FRANCOISE BLIN de BOURDON (cofondatrice des Sœurs de Notre-Dame
de NAMUR)
Marie-Rose, Julie
Billiart naquit le 12 juillet 1751 à Cuvilly, petit village de
Picardie (actuellement département de l'Oise). Elle fut baptisée le
jour même dans l'église paroissiale Saint-Éloi. Les parents de Julie
tenaient un petit
commerce
d’épicerie, lingerie et dentelles dont le produit, joint à celui
d'une parcelle de terre, leur permettait de vivre dans une modeste
aisance. Ils eurent neuf enfants dont quatre moururent en bas âge et
deux à l’adolescence ; Julie, la septième, grandit entre
Marie-Madeleine, plus âgée de sept ans et Louis, né trois ans après
elle. Elle avait une douzaine d’années lors du décès de Marie-Louise
et Jean-Baptiste.
Tout enfant, elle
aimait déjà prier et se retirait dans sa chambrette pour parler à
Dieu. Douée d'un esprit vif, elle apprit rapidement à lire et à
écrire à l'école du village dirigée par son oncle, Thibaut Guilbert.
L'étude du
catéchisme surtout la ravissait et,
dès l'âge de huit ans, elle se faisait répétitrice de ses
compagnons, leur commentant naïvement le texte avec une merveilleuse
intelligence ; elle préludait ainsi à sa future mission de
catéchiste. Ce sera la grande œuvre de sa vie et le principal but
donné à la congrégation qu'elle fondera plus tard.
Le 4 juin 1764, Julie,
âgée de treize ans, fut confirmée par l'évêque de Beauvais et, dès
l'âge de quatorze ans, désireuse de se donner tout entière à Dieu,
elle fit, avec l'approbation de M. Dangicourt, le vœu de chasteté
perpétuelle. À l'âge de vingt ans, elle obtiendra la faveur de la
communion quotidienne, fait très rare à cette époque encore fort
teintée de jansénisme.
Elle avait seize ans
lorsque des revers de fortune réduisirent sa famille à une gêne
extrême, revers causés par des calomnies qui éloignèrent la
clientèle et par un vol de la presque totalité des marchandises.
Julie, dont la sœur
était presque aveugle et le jeune frère, boiteux, était seule
capable de venir en aide à ses parents en louant ses services chez
les fermiers des environs. Aux heures de pause, elle parlait de Dieu
à ses compagnons et leur apprenait des cantiques.
Un soir d'hiver de
1774, Julie conversait avec son père, quand une grosse pierre fut
lancée à travers la vitre et un coup de feu se fit entendre. Ni
Julie ni son père ne furent atteints, mais cet attentat causa à la
jeune fille une frayeur extrême ; dans cet organisme surmené par le
travail, ce fut la cause d'une grave maladie qu’elle supporta sans
une plainte.
M. Dangicourt,
impressionné par tant de vertu, parla de sa jeune paroissienne à son
évêque, Mgr de la Rochefoucauld. Celui-ci l’interrogea à Beauvais en
présence de plusieurs prêtres. À la suite de cette entrevue,
l'évêque déclara: «Cette personne me paraît vraiment inspirée de
Dieu et je ne serais pas étonné qu'un jour on parlât d'elle».
En 1782 survint une
épidémie que les médecins peu clairvoyants de l'époque croyaient
guérir par une saignée aux pieds. Le chirurgien du village soumit
Julie à d'abondantes saignées qui, peu à peu, lui enlevèrent l’usage
des deux jambes ; elle dut s'étendre sur un lit qu'elle ne quitta
plus pendant vingt-deux ans.
Julie, toujours soumise
et sereine, accepta cette situation qui lui permettait de s'adonner
à l'oraison quatre à cinq heures par jour. Le père Sellier, sj
écrira plus tard : «Ce qui m'a le plus frappé dans la Mère Julie,
c'est un don d'oraison tout à fait extraordinaire et je crois
qu'elle était parvenue à un très haut degré de contemplation».
Clouée sur son lit par la paralysie, elle continuait son œuvre de
catéchiste, préparant les enfants à la première communion. Des
châtelaines des environs, notamment la comtesse Baudoin, aimaient
aussi à se rendre à son chevet. Pour subvenir à ses besoins, elle
confectionnait du linge d'église et de la dentelle.
Quand éclata la
révolution de 1789, M. Dangicourt fut bientôt contraint à se cacher,
ayant refusé le serment de fidélité à la
constitution civile du clergé. Recherché, il dut
fuir et se réfugia à Paris.
Julie souffrait d’être
privée des secours de la religion. Comme elle menait la résistance
du village au curé "jureur",
les révolutionnaires la menacèrent. Madame de Pont-l'Abbé, une
châtelaine de Gournay-sur-Aronde, vint la chercher avec sa nièce
Félicité qui la soignait, et les conduisit à son château avant de
fuir elle-même à l'étranger. Elles ne furent pas longtemps
tranquilles, les révolutionnaires ayant retrouvé la "dévote" dont
ils voulaient la mort.
Les serviteurs du
château, effrayés, la cachèrent sous un monceau de paille dans un
chariot et l'emmenèrent à Compiègne où ils l'abandonnèrent avec sa
nièce dans une cour d'auberge. Elles furent bientôt recueillies par
les demoiselles de Chambon. Mais, toujours poursuivies et
indésirables, elles durent changer cinq fois de refuge en deux ou
trois ans. C'est à Compiègne que Julie eut une vision : au pied du
calvaire, se tenait un groupe de femmes portant un costume religieux
qu'elle ne connaissait pas. Puis elle entendit ces paroles:
«Ce sont les filles que je vous donne dans l'Institut qui sera
marqué de ma croix». Plus tard, elle a pu dire à l'une ou
l'autre : «Je vous ai vue parmi les nôtres à Compiègne».
Françoise Blin de
Bourdon
Marie Louise Françoise
Blin de Bourdon est née le 8 mars 1756 au château de Gézaincourt
chez ses grands-parents maternels, le baron et la baronne de
Fouquesolles qui souhaitèrent la garder chez eux.
À
part quelques séjours momentanés à Bourdon, Françoise vivra à
Gézaincourt jusqu'à l'âge de huit ans. En 1762, elle entra comme
pensionnaire chez les Dames Bénédictines à Doullens ; puis, en 1768,
elle partit pour Amiens afin d'y compléter son éducation chez les
Ursulines.
Durant l'été de 1775,
Françoise, âgée de dix-neuf ans, revint à Bourdon, ses parents ayant
jugé qu'il était temps qu'elle se mêlât à la vie du monde. Les
relations du vicomte offrirent à Françoise l'occasion de rencontrer
la brillante société de cette époque et d'assister aux féeries de
Versailles. Un frère et une sœur plus âgés qu'elle se marièrent
cette même année et son frère acheta à Amiens une grande maison de
maître, appelée "hôtel" à l’époque.
L’été 1783, sa mère
subit un accident de voiture et dut s’aliter ; Françoise la soigna
jusqu’à son décès dix mois plus tard. «Demi-conversion. Lumière
imparfaite», notera-t-elle dans le relevé des dates mémorables
de sa vie. En février 1784, son grand-père mourut à Gézaincourt.
Après le décès de sa
mère, Françoise retourna auprès de sa grand-mère, tandis que sa sœur
venait s'installer à Bourdon auprès du vicomte.
A Gézaincourt,
Françoise dut administrer le domaine et ses vastes dépendances, ce
qu’elle fit avec compétence et justice. De plus, elle visitait les
malades et les soignait au moyen des plantes médicinales qu’elle
cultivait ; les villageois demandaient volontiers conseil à la «
bonne demoiselle ». Le curé de la paroisse affirma plus tard que
Françoise allait chaque jour à la messe, priait longuement et
communiait souvent. Elle-même notera : «1786. Conversion entière.
Résolution invariable d’écarter tout ce qui m’éloignerait de ma fin».
Au début de 1793 le
"citoyen Blin-Bourdon" fut porté à tort sur la liste des émigrés ;
en conséquence, les biens qu'il possédait furent exposés en vente
publique. Son fils adressa vainement une requête certifiant la
présence à Bourdon du vicomte, alors âgé de quatre-vingt-huit ans.
La réponse à cette courageuse demande fut l'emprisonnement à Amiens
du père et du fils, le 17 décembre 1793, bientôt suivi de celui de
madame Blin et de son fils âgé de douze ans.
En février 1794, la rafale révolutionnaire s'abattit sur le village
de Gézaincourt épargné jusque-là. Françoise fut enlevée par une
bande de "patriotes" et incarcérée à Amiens. La baronne de
Fouquesolles ne résista pas au choc de cette brusque séparation et,
le 18 mars, elle s'éteignit, réclamant sans cesse sa petite-fille.
La mort de Robespierre
amena la réaction du 27 juillet 1794. Le vieux vicomte et son
petit-fils Alexandre furent les premiers à être libérés ; puis, le 4
août, Françoise rejoignit les siens. Elle alla loger dans l’hôtel de
son frère à Amiens afin d'y préparer son entrée au Carmel, qu'elle
désirait depuis longtemps.
La rencontre
Au moment où Françoise
s'installait chez son frère, la comtesse Baudoin, dont le père et le
mari avaient été guillotinés, vint de Paris avec ses trois filles
solliciter une retraite chez le vicomte Blin.
En octobre 1794, cette
dame envoya chercher sa consolatrice, Julie Billiart, à Compiègne,
et loua pour elle un appartement (non chauffé) dans le "petit
quartier" de l’hôtel Blin.
Françoise rendit visite
à l'infirme. Elle se souvient : «Ne pouvant pas entendre le
langage de l’infirme, il semble que ces visites ne devaient pas
avoir beaucoup de charme pour elle. Elle y prit goût cependant et
les rendit fréquentes. Cette demoiselle finit, contre toute
apparence de raison naturelle, à s’attacher à Julie». Madame
Baudoin amena aussi dans ce refuge l'abbé Thomas, docteur en
Sorbonne, qui, toujours recherché, devait se cacher.
La chambre de Julie
devint un oratoire où, chaque matin, l'abbé Thomas offrait le saint
sacrifice clandestinement. Les demoiselles Baudoin firent connaître
la sainte infirme à leurs amies, les demoiselles Fos de Méry et
Doria.
Bientôt se forma une
association pieuse : on priait ensemble, on récitait l'office divin,
on écoutait les exhortations de Julie et on travaillait pour l'autel
et pour les pauvres que l'on visitait assidûment. En juillet 1795,
Françoise alla à Gézaincourt. Attirée par la pauvreté évangélique,
elle renonça à son titre de "demoiselle de Gézaincourt" et céda la
terre à son frère et des biens équivalents à sa sœur. Vers la fin de
l’année, son père malade la demanda à Bourdon. Voltairien endurci
jusque-là, il revint peu à peu à la religion au contact de la foi
vivante de sa fille et mourut, pleinement réconcilié avec Dieu, le 1er
février 1797.
Pendant ces deux années
de séparation, Françoise demeura en relation épistolaire avec Julie
qu'elle appelait sa mère spirituelle et qu'elle consultait sur
toutes choses. Julie l’encourageait beaucoup dans son apostolat
discret auprès des membres de sa famille et des villageois. En 1796,
Françoise avait commencé une retraite de trente jours sous la
direction de l'abbé Thomas, mais avait dû l’interrompre à cause
d’une rechute de son père. Depuis longtemps, la sainte malade,
éclairée de lumières particulières, savait l'intime union que
Françoise allait contracter avec elle en vue d'une œuvre commune.
Après le décès de M.Blin, elle lui écrit : «Il faut, ma chère
enfant, vous unir à moi de votre mieux pour que nous entrions dans
les vues de la Providence sur nous. Je ne doute nullement que le bon
Dieu n’ait sur vous quelque vue particulière ; nous n’irons que pas
à pas, toujours en consultant la sainte volonté de Dieu».
(février 1797)
Que pouvait Julie, âgée
de 46 ans, infirme, pauvre ? Le groupe des jeunes filles qui se
réunissaient à l'Hôtel Blin était-il l'esquisse d’une nouvelle
congrégation religieuse ? Mais cette société naissante n'eut qu'une
existence éphémère.
De son côté, Françoise,
pendant une retraite de dix jours, entrevit une voie nouvelle :
«J’ai vu que les biens temporels que j’ai dans les mains y sont
restés pour l’usage d’autres membres de Jésus Christ plus précieux».
(retraite de 1797).
Désormais, aux côtés de
Julie, elle consacrerait sa vie et sa fortune personnelle à la
réalisation du projet naissant.
C'est au château de
Bettencourt où l'abbé Thomas, pour échapper aux perquisitions
fréquentes, s'était retiré avec Julie et Françoise, que le Seigneur
leur montra la voie. Le père Varin, supérieur des
Pères de la Foi et infatigable
animateur d'une restauration chrétienne, en fut le promoteur. Lors
de visites à Bettencourt, il n’hésita pas à prononcer que Julie
était appelée à se dévouer à l’éducation de la jeunesse. Il avait
été frappé par l'aptitude extraordinaire de l'infirme pour la
catéchèse, ainsi que par sa grande confiance en Dieu. Quant à
Françoise, sollicitée par lui de s'occuper des jeunes filles de la
classe dirigeante, elle déclara «que la pauvreté du Christ était
son partage et qu'elle en voulait vivre pour mériter d'être la
servante et la mère des pauvres».
L'œuvre
Au mois de février
1803, Julie, Françoise et le père Thomas, revenus de Bettencourt,
s'établirent à Amiens pour commencer l'œuvre entrevue par le père
Varin. En août 1803 les deux amies s’installèrent dans une petite
maison de la rue Neuve, où elles reçurent bientôt de petites
orphelines.
Le 2 février 1804, les
trois premières sœurs firent vœu de chasteté et promirent à Dieu
d’instruire des orphelines et de former des maîtresses d’école pour
les campagnes. Elles prirent le nom de Sœurs de Notre-Dame. En
mai-juin de la même année, les Pères de la foi prêchèrent une
grande
mission à Amiens, et les sœurs les
secondèrent. Le 1er juin, Julie fut guérie miraculeusement pendant
une neuvaine au Sacré-Cœur. Elle accompagna les Pères de la Foi dans
les missions qu’ils prêchèrent à Saint-Valery sur Somme et à
Abbeville. Mais les Pères, sommés par les autorités civiles de
quitter le département, s’en allèrent ou se cachèrent.
Le 15 octobre 1805,
Julie Billiart, Françoise Blin, Victoire Leleu et Justine Garson
prononcèrent leurs vœux et, le lendemain, Julie fut élue supérieure
générale. Le 2 février 1806, Mère Julie eut une nouvelle vision de
l'apostolat futur de la congrégation qui répandrait dans le monde
entier la «lumière pour éclairer les nations».
Au cours d'un voyage en Flandre, Mère Julie fut invitée par
Monseigneur Fallot de Beaumont, évêque de Gand, à fonder une maison
dans son diocèse. Ce fut le point de départ d'une série de
fondations en Belgique et en France dont les premières furent
St-Nicolas (1806), Montdidier (1807), Namur (1807).
Dès juin 1806, la
congrégation naissante fut approuvée par décret impérial, autorisant
l’ouverture d’écoles gratuites. Pendant l’été de 1806, les Sœurs de
Notre-Dame prirent gîte dans une maison plus vaste, au
Faubourg-Noyon, où les accompagna une amie de Françoise, Madame de
Franssu.
En juillet 1807, le
premier supérieur de la communauté d'Amiens fut remplacé par l’abbé
de Sambucy, déjà confesseur. Celui-ci, jeune et entreprenant, se
crut appelé à rédiger un code de vie pour les sœurs, en
contradiction avec les vues du père Varin qui leur avait soumis une
première règle à expérimenter. Il voulait ramener l'Institut aux
formes des anciens monastères: pas de supérieure générale et pas de
liens entre les maisons. Il réussit à éloigner Mère Julie par un
voyage à Bordeaux, où elle était souhaitée, et fit nommer Françoise
Blin, désormais appelée Soeur Saint-Joseph, supérieure de la
nouvelle maison de Namur.
Dès qu'il eut le champ
libre, il gouverna la communauté et s'efforça de réaliser ses
projets. Il intercepta toute la correspondance des sœurs avec Mère
Julie et plaça, comme supérieure, une jeune sœur qui n'avait pas la
compétence exigée par la fonction. S’étant fait donner par Soeur
St-Joseph une procuration générale pour la gestion de ses biens, il
en affecta tous les revenus à la maison d’Amiens. Il influença
habilement Monseigneur Demandolx, accusant la fondatrice de dureté
envers les sœurs et de désobéissance à ses supérieurs. Finalement,
il voulut imposer la règle qu'il avait conçue et exigea de la Mère
Blin qu'elle léguât toute sa fortune à la seule maison d'Amiens. Les
deux fondatrices, qui avaient souffert et patienté dix-huit mois,
crurent dès lors qu'il était de leur devoir de refuser ces
propositions. Et ce fut l'expulsion !
Namur 1809-1838
Monseigneur Pisani de
la Gaude, évêque de Namur, mis au courant, accueillit les exilées.
Le 24 février 1809, Mère Julie écrit : «Monseigneur veut que la
maison de Namur soit la maison mère. Il est très content d’avoir la
communauté d’Amiens».
En 1812, libéré de
l’influence de l’abbé de Sambucy, Monseigneur Demandolx invita Mère
Julie à revenir à Amiens comme supérieure générale, reconnaissant
qu'il avait été trompé. Elle essaya en vain d’y restaurer l’ordre et
l’esprit religieux : il était trop tard. Il fallut fermer toutes les
maisons établies en France. En 1813, Mère Julie eut l'insigne
privilège de rendre visite au Pape Pie VII, prisonnier de Napoléon à
Fontainebleau.
De nouvelles épreuves
se profilèrent bientôt à l'horizon. Après la bataille de Leipzig, en
octobre 1813, les débris de la Grande Armée de Napoléon passèrent
par Namur ; puis les armées coalisées de Russie et de Prusse
envahirent la Belgique: Andenne, Namur, Fleurus subirent leur
passage marqué par des exactions, le pillage et les menaces. Plus
tard, en 1815, le couvent de Fleurus fut assailli par les fuyards
vaincus de Waterloo ; les sœurs durent fuir. Les deux Mères
partagèrent douloureusement toutes ces épreuves.
Une dernière croix, la
plus lourde, atteignit encore Mère Julie. Certaines de ses filles
doutèrent erronément de sa fidélité à l'Eglise à propos du
Catéchisme impérial ; elles
s’inquiétèrent aussi de sa fidélité à la règle, parce que, comme
fondatrice, elle interprétait certains articles dans un sens plus
apostolique ; or, cette règle était toujours expérimentale. Plus
tard, toutes reconnurent leur erreur.
Pendant toutes ces
années, Mère Julie fonda plusieurs institutions: Jumet et Rubempré
(1808), Saint-Hubert (1809), Gand (1810), Zele (1811), Raineville
(1812), Andenne et Gembloux (1813), Fleurus (1814) et amorça les
fondations de Liège et Dinant. La fondatrice sillonnait la France et
la Belgique, tantôt en diligence, tantôt montée sur un âne ou même
souvent à pied, ne redoutant pas de faire de cette façon le trajet
de Saint-Hubert à Namur.
Elle visitait les
communautés établies, s’intéressant à tous les détails de la vie des
sœurs, les stimulant et les encourageant. Des lettres très
nombreuses poursuivaient le dialogue ; elle y communiquait sa foi,
sa confiance, sa charité, son zèle, son courage et sa sérénité, même
dans les plus violents orages, car elle était sûre de son Dieu. De
ses lèvres ou de sa plume s'échappaient, en toute circonstance, ces
mots sans cesse répétés: «Ah! qu'il est bon le Bon Dieu !»
Le 7 décembre 1815,
Mère Julie fit une lourde chute qui lui occasionna de violents maux
de tête et un malaise général. Elle s’alita le 14 janvier 1816 et,
le 8 avril, elle mourut paisiblement. Ce fut une grande peine pour
Mère Saint-Joseph, sa fidèle compagne de toujours, elle-même
gravement malade au moment du décès de Mère Julie.
Mère Saint-Joseph était
supérieure de la maison mère de Namur, elle fut élue supérieure
générale le 2 juin 1816, et continua, jusqu'à sa mort, l'œuvre
entreprise avec Mère Julie.
Elle rédigea les règles
et obtint leur approbation par Mgr Dehesselle en 1818 et par le Pape
Grégoire XVI en 1844.
Elle aussi dut faire
face à de nombreux obstacles: les multiples tracasseries du roi des
Pays-Bas, Guillaume 1er, envers les écoles et les couvents, des
problèmes de santé chez les sœurs et, en 1835, une dissidence de
quelques-unes de ses propres filles qui avaient essayé d'abuser de
son grand âge pour lui imposer des réformes diamétralement opposées
à l'esprit primitif.
Peu à peu, la
vieillesse faisait son œuvre et la vénérée cofondatrice s'éteignit
le 9 février 1838, après des jours de grandes souffrances: elle
avait quatre-vingt-deux ans.
Intelligente et
énergique, douée d'une exquise sensibilité qui l'inclina toujours
vers les faibles et les pauvres, elle avait donné sa vie et sa
fortune à l'œuvre que Dieu lui avait indiquée.
Cofondatrice d'un
Institut voué à l'éducation de la jeunesse, Mère Saint-Joseph veilla
toujours avec beaucoup de sagacité à la formation des maîtresses et
l'on peut dire que le renom que l'Institut s'est acquis fut son
œuvre. Mère Julie alluma le zèle, mais peu d'années lui furent
laissées pour en activer la flamme, tandis que Mère Saint-Joseph en
étendit le foyer et lui donna plus d'éclat.
Monseigneur Dehesselle,
dans son message aux Sœurs, après la mort de leur seconde Supérieure
générale, leur dit : «N'oubliez jamais la part qu'elle a eue dans
la fondation de votre Institut. Sans elle, votre congrégation
n'aurait pu exister ; elle a été la digne coopératrice de Mère
Julie. En vous souvenant de l'une, vous ne pouvez oublier l'autre,
car elles ne furent jamais séparées. Elles sont unies pour
l'éternité».
Peu après la mort des
deux fondatrices, la vision de Mère Julie se réalisa : ses filles
passèrent les mers pour se rendre aux USA en 1840, en
Grande-Bretagne en 1845, au Guatémala en 1859, au Congo en 1894, en
Rhodésie en 1895. Au cours du XXème siècle, l'expansion
continua: en Belgique, en Italie, en France, au Japon, en Chine, au
Brésil, au Pérou, au Nigéria, au Kenya, aux îles Hawaï.
Partout les Sœurs de
Notre-Dame portent le message de l'Evangile, s'adressant à tous,
avec une préférence marquée pour les pauvres, et leur confirmant
combien Dieu est bon.
L'approbation suprême
Le 13 mai 1906, Rome
célébra la béatification de l'humble servante de Dieu, Julie
Billiart, sous le pontificat de saint Pie X. Le 22 juin 1969, elle
fut canonisée par le Pape Paul VI qui déclara dans son panégyrique:
«Nous apercevons, en Julie Billiart, cette conformité à
l'image du Fils de Dieu, Jésus Christ, laquelle nous dévoile une
prescience et une prédestination de la part de Dieu à l'égard de
cette âme….Sa biographie laisse transparaître une splendeur de grâce
et un exemple de vertu chrétienne : l'humilité, la pureté, la
patience, la douceur, l'intériorité dans l'agir et toujours, d'une
manière quasi connaturelle, l'aspiration à l'apostolat, l'amour de
l'Eglise au milieu de tant d'épreuves et d'amertumes, l'assiduité
dans la prière, la dévotion à la Vierge, l'art de se faire aimer et
obéir, le talent d'organisatrice etc... Son histoire nous découvre
cette lumière évangélique qui la rend si proche de notre sympathie,
et nous fait écouter avec tant de joie son affable conversation
aussi modeste que sage, avec pour conclusion, cette exclamation qui
la caractérise tout entière : Comme le Seigneur est bon !...»
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