Joséphine Vannini
Religieuse, Fondatrice, Bienheureuse
1859-1911

PETITE BIOGRAPHIE
par
Père Carlo Colafranceschi, Religieux Camillien

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Une adolescence qui la mûri

Elle naquit à Rome, le 7 juillet 1859, d’Angelo Vannini et d’Annunziata Papi. Ils l’appelèrent Judith, Adélaïde, Agate. Le jour suivant, elle fût baptisée à la paroisse de saint Andrea de Fratte. Le père de Judith était cuisinier et bien vite pour stabiliser sa profession, il voulut aller à Rome, via de Propagnade, 6, à Arricia au service d’un noble du lieu. Mais après peu de temps, atteint d’une occlusion intestinale, il mourut subitement. Commence ainsi le calvaire pour la famille Vannini. Après seulement trois années, la mère mourut aussi ; de fait les trois enfants Judith, Auguste et Julie se retrouvèrent orphelines. Par la grâce de Dieu, les trois enfants trouvèrent bien vite un arrangement : Auguste fut accueilli par l’oncle maternel, Joachim Papi ; Julie, par les sœurs de saint Joseph à Foro Traiano ; Judith, la future fondatrice, au pensionnat Torlonia de Rome, via Salita saint’Onofrio. Pour Judith Vannini, ces angoissantes adversités, furent au moins apaisées par l’affection sincère que lui montrait la tante Anne Marie, qui lui fut proche comme une seconde maman. Les Filles de la charité, étaient préposées au pensionnat Torlonia et on peut dire qu’elles surent comprendre et affiner cette âme déjà tellement éprouvée et, en bref, mûrie par la douleur de la perte de ses parents. La vie de Judith coulait dans le silence et dans l’intense formation de son âme. Le 19 mars 1873, elle fut admise à la première communion et à la confirmation ; elle avait treize ans. Du peu de témoignage de ces années, il résulte que Judith était imprégnée de bonté et de docilité, acquise dans le silence, dans la souffrance et dans la douleur. Mais le Seigneur veillait et souriait sur cette existence ignorée et humble et il la préparait dans le plus grand secret, à une autre vie, ouverte et active : la petite enfant inconnue à Rome d’alors, serait épanouie en un « Magnificat » que Rome même lui aurait chanté, le jour béni de sa béatification.

Le projet de Dieu

Cette première communion, reçue avec un amour indescriptible, fut aussi le germe d’une décision longtemps pensée et caressée : se donner définitivement à Dieu, consacrer toute sa pauvre vie à celui qui grandissait impérieusement dans son jeune cœur de femme, débordant du besoin d’aimer et d’être aimé. Elle avait choisi : le seul amour aurait été indivisé et tout pour lui. Elle ne savait ni le comment, ni le pourquoi, mais elle resterait ainsi. Elle avait obtenu le diplôme d’institutrice et, en devant quitter le pensionnat Torlonia, à l’âge de vingt ans, elle choisit d’entrer chez les Filles de la Charité. Le 2 mars 1883, elle entra au noviciat à Sienne. Mais pour des raisons de santé, donné sa gracilité, elle fut bien vite renvoyée. Elle retourna à Rome à son conservatoire : une autre épreuve, pour son expérience de souffrance. Grande fut la surprise, alors que, dans le silence, elle brodait pour gagner son pain, avec le visage baigné de larmes. Plus tard, elle fut de nouveau acceptée au noviciat et envoyée à la communauté de Montenero (Livourne) où elle resta jusqu’à 1886, puis à Bracciano jusqu’en 1888 et plus tard encore elle fut définitivement renvoyée. Autre désillusion, autre souffrance. Le Seigneur éprouvait et sondait la pureté de cet or jusque, en l’expérimentant au creuset de l’humiliation : les supérieurs « décidèrent » qu’elle n’avait pas de vocation et elle fut renvoyé dans le monde : elle avait vingt neuf ans. La bonne supérieure du conservatoire, apitoyée, lui trouva un logement près des sœurs du Sacrement rue Riari, 41. Quelles bonnes sœurs, vue la piété et la disponibilité de Judith, elles lui proposèrent ainsi de l’accepter volontiers parmi elles ; mais ce genre de vie ne convenait pas à son caractère et à sa spiritualité. Elle dut lutter ainsi contre son frère Auguste, qui tentait de la dissuader de se consacrer totalement, en lui proposant de se réunir avec lui et leur sœur, pour former une seule famille. A trente et un ans, Judith se confia encore à sa chère tante et marraine Anne Marie. Sa vie semblait une banqueroute, mais en réalité, le Seigneur la prédisposait à bien d’autres horizons, sans l’épargner du reste de sacrifices et de renoncements. Les fruits de ces deux années furent : la qualité éclatante de son caractère, le grand abandon en Dieu et la plus parfaite obéissance à son directeur spirituel.

La rencontre avec le Père camillien Louis Tezza

Cet abandon à Dieu, se confier totalement à lui, comme un bébé dans les bras de sa mère, vraiment lorsque toutes les routes pour sa totale consécration lui semblaient fermées, porta son inévitable fruit. En décembre 1891, les sœurs de notre Dame du Cénacle, résidentes à Rome, rue de la Stampéria, 78, offraient annuellement un cours d’exercices spirituels aux dames et demoiselles de langue française. Le prédicateur officiel, étant absent à l’improviste, les sœurs se retournèrent vers le Père camillien Louis Tezza qui engagea un bon grade. Le directeur spirituel de Judith lui donna cette information et la jeune fille, pratique de la langue, sans retard s’associa au groupe. A la fin de la retraite, Judith se présenta au confessionnal du Père Louis Tezza pour lui exprimer toute sa peine. Elle raconta sa vie, son histoire, ses insuccès vocationnels, et à la fois, elle manifestait ardemment la proposition de se consacrer, sans savoir discerner dans quelle congrégation. Le père l’écouta attentivement, et certainement inspiré de Dieu, il lui confia son projet de fonder une congrégation féminine, selon l’esprit de saint Camille de Lellis. S’était-elle sentie concerner pour collaborer avec lui dans cette œuvre qui commençait ? Judith écouta attentivement, prit le temps, pria et à la fin s’abandonna à l’inspiration de l'Ésprit, en se mettant à sa disposition pour ce projet. Père Louis Tezza, avait déjà contacté deux autres jeunes : Victoire Panetta et Thérèse Eliseo ; Avec Judith elles furent les trois premières postulantes de la nouvelle congrégation.

Naissance de la Congrégation

Bien vite le Père Louis Tezza, découvre en Judith la qualité de la fondatrice. Sure d’elle, femme de prière et de sacrifice, obéissante et docile aux conseils ; il ne lui fut pas difficile de la choisir comme fondatrice de la nouvelle œuvre. Les trois jeunes sur le conseil du Père, trouvèrent logement au 141 rue Merulana, proche de l’hôpital saint Jean de Latran : c’était le 15 janvier 1892. Le deux février de la même année, fête de la Présentation du Seigneur et mémoire de la conversion de saint Camille, le Supérieur Général des Camilliens, assisté du Père Tezza, remet aux trois postulantes le scapulaire des tertiaires camilliens, orné de la croix rouge. La célébration se passa à la Madeleine, maison généralice des camilliens, exactement dans la chambre-infirmerie, transformée en chapelle, où mourut saint Camille de Lellis. C’est le jour de la naissance de la congrégation des Filles de saint-Camille qui a comme fondateur le Père camillien Louis Tezza et la Mère Vannini. Le 19 mars Judith endossa l’habit religieux et prit le nom de sœur Marie Joséphine.

Développement et croissance

Bien vite la maison de la rue Merulana devint trop étroite, pour les vocations qui en peu de temps accouraient. Ainsi, les Filles de saint Camille, le 6 avril 1892, prirent une habitation plus vaste au 15 rue Giusti. Fin 1892, elles étaient déjà quatorze. Après une année, le 19 mars 1893, fête de saint Joseph, Joséphine Vannini prononce en privé les quatre vœux de pauvreté, de chasteté, d’obéissance et du service des malades même au péril de la vie. Le 8 décembre 1895, elle se consacre par les vœux perpétuels et elle est élue supérieure du nouvel institut ; charge dans laquelle elle restera jusqu’à la mort. En avril 1900, le Père Tezza est envoyé au Pérou comme visiteur de la maison camillienne de Lima. Il ne retournera plus en Europe. Ce fut un grand sacrifice pour lui qui se remit totalement à l’obéissance, et sa droiture morale et spirituelle lui avait suggéré de le demander vraiment comme offert pour le développement de la nouvelle famille camillienne féminine : Père Louis Tezza n’était pas attaché aux personnes, mais uniquement à Dieu, avec le zèle de porter les âmes à Dieu. Voilà comment il s’exprime succinctement et admirablement dans une lettre envoyée à la Mère Joséphine Vannini : « Mille fois j’ai dit au Seigneur : Dételez-moi vraiment de ces chères filles même pour toujours, pourvu qu’elles soient les vôtres, uniquement les vôtres ». Toute la stature de sa sainteté n’émerge pas impérieusement. Une source à laquelle puisa aussi Judith Vannini ; ses écrits et ses « pensées » révèlent l’épaisseur authentique et solide d’une telle sainteté. Les relations entre les deux cofondateurs et spécialement du Père Tezza avec beaucoup de ses filles, s’établirent seulement par la correspondance épistolaire. Après le départ du P. Louis Tezza, le plus grand poids de la nouvelle Congrégation, tomba inévitablement sur elle, qui, expérimentée aux douleurs et aux souffrances, affronta la situation avec courage et détermination. La Congrégation des Filles de Saint Camille, se développa en peu de temps en nouvelles fondations et en nombre de religieuses. Du vivant de la Mère, furent ouvertes des maisons en Italie, en France, en Belgique, et en Amérique, à Buenos Aires.

Une sainte mort

En 1909 la fondatrice atteignait l’âge de cinquante ans. Exactement cette année, environ deux ans avant sa mot, le Seigneur lui accordait la joie désirée depuis longtemps : l’approbation ecclésiale de l’Institut. Le cardinal vicaire, Pierre Respighi, par décret du 21 juin 1909, élevait le pieux conservatoire en congrégation de droit diocésain et en approuvait les constitutions. En attendant, Mère Joséphine Vannini, fragile depuis la jeunesse, n’était jamais de bonne santé. Les souffrances de l’adolescence, les désillusions vocationnelles de sa jeunesse, le poids de la fondation, l’inquiétude et l’amour même pour ses filles, l’avaient consumée. Son cœur était fatigué et ne battait plus régulièrement. De retour d’une visite à la communauté de la haute Italie, elle rentra épuisée et elle fut obligée par la grande faiblesse à se mettre au lit. Toutes furent conscientes que la Mère était arrivée à un stade tel qu’elle ne pouvait plus accomplir ses fonctions de directrice. Elle le comprit et elle se soumit facilement aux affectueux soins que ses filles lui prodiguaient. Elle mit en pratique facilement ce que deux années avant elle avait écrit en Argentine à sœur Véronique Pini, une des premières filles de saint Camille et que je rapporte comme « pensée » : « Prie pour moi, qui en ai toujours grand besoin, surtout pour bien pouvoir accomplir ma pesante charge et afin qu’elle en soit rapidement libérée, pour penser seulement à mon âme (56/126). « Comme il advint en chaque bonne âme – écrit d’elle un prêtre – en cette ultime infirmité resplendira plus que jamais les vertus qui l’avaient accompagnée dans toute sa vie religieuse. La piété envers Dieu, la patience dans ses douleurs, l’affection pour ses sœurs, la docilité aux confesseurs, la hâte pour les autres, la mortification pour soi-même, la gratitude pour chaque petit service, l’humilité des sentiments, l’esprit de foi et d’amour de Dieu, étaient choses qui pouvaient s’animer en elle, je dirais presque continuellement ». Proche de la fin, elle répétait aux prêtres qui l’assistaient, des action d’amour et de foi en Dieu et en la Vierge. La veille de sa mort, elle voulut voir ses filles, elle leur donna des consignes, elle les bénit. Elle mourut sereinement dans la maison du 7 rue Giuta à Rome, la nuit du 23 février 1911 à cinquante deux ans.

Une existence donnée

Toute la vie de Mère Vannini a été une existence donnée. C’est ce qui est plus, donné en une transparente sérénité malgré les épreuves et les souffrances. La volonté de Dieu comprise, après le colloque avec le Père Tezza, elle n’hésita plus : elle se lança généreusement dans l’œuvre que le Seigneur lui avait préparé, une œuvre d’elle – comme celle de Camille – mais de Dieu même. La preuve, l’expansion de la Congrégation des Filles de saint Camille, qui après la mort de la fondatrice ont réalisé des fondations en Allemagne, en Pologne, au Portugal, en Espagne, au Brésil, en Colombie, au Pérou, au Bénin, au Burkina Faso, en Inde, aux Philippines, en Hongrie. Une existence sanctifiée par le « oui » à la divine volonté. Elle a su tirer profit de l’abandon et de la confiance à Dieu une force insoupçonnée, pour conduire maternellement, mais fermement à la porte du ciel sa congrégation. Amoureuse de son divin époux, elle suit les filles une par une, elle les exhorte, quelquefois elle les réprimande, toujours pour qu’elles soient fidèles à l’Époux, elle les incite et les éperonne à la sainteté. L’amour de la Congrégation, elle le montre avec la parole et l’exemple. Elle recommande, elle prie, elle insiste, elle écrit pour que soit toujours maintenu le but de l’Institut, selon l’esprit et l’exemple de saint Camille de Lelis. Les malades sont pour elle, ses « maîtres et Seigneurs » et elle conseille et entraîne les filles en les lançant dans le monde avec cette spiritualité hautement évangélique. A l’école de saint Camille, elle assimila et comprit ce que veut dire se mettre en face du malade dans le monde de la souffrance. Mère Vannini se fait vraie mère, comme si chaque malade était l’unique fils malade, en enseignant avec une théologie pratique et immédiate, que « la souffrance est vaincue surtout par l’amour ».

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