Ce prêtre extraordinaire naquit tout près de Barcelone, de parents très honnêtes et modestes du quartier de Saint Pierre des Puellas à Ciudad Condal. Le père, José lui aussi, mourut de la grande peste, quand lenfant navait que dix-huit mois, laissant son épouse dans une extrême pauvreté. Cette pieuse femme, Gertrude Bugugna, épousa en secondes noces un brave cordonnier, Domingo Pujolar. La maman et son fils sinstallèrent donc chez cet homme, qui habitait sur la paroisse de Sainte Marie de la Mer (Santa María del Mar).

Ce cordonnier chrétien eut pour le petit José un amour vraiment paternel, bien quil eût déjà ses propres enfants à élever, et quand il jugea quil avait atteint lâge nécessaire, il le fit entrer comme enfant de chur à Santa María, pour y apprendre à lire et écrire, mais aussi pour faire du solfège. José se fit remarquer parmi les autres enfants de chur pour son esprit de dévotion. Après ses devoirs, au lieu de jouer avec ses camarades, il restait de longs moments agenouillé devant le Saint Sacrement et montrait un amour exquis pour la Sainte Vierge.
Quand José eut douze ou treize ans, les membres du chapitre, constatant les aptitudes du garçon pour létude, lenvoyèrent à lUniversité, pour y étudier le latin et les humanités quon y enseignait.
Cest vers cette époque que mourut à son tour son beau-père. Pauvre comme auparavant, la maman devait cette fois-ci élever aussi plusieurs enfants. Les prêtres de la paroisse les aidèrent beaucoup, mais aussi la vieille nourrice de José, Catherine Brughera et son mari, qui reçurent chez eux ladolescent. Ils lui installèrent une petite chambre dans le grenier, qui lui convenait tout-à-fait pour létude et la vie de prière quil nabandonna jamais. Il nen sortait guère que pour aller à léglise ou à luniversité.
Un jour que José se trouvait à la cuisine avec sa nourrice, le mari de celle-ci y entra, et conçut intérieurement un soupçon atroce contre la fidélité de son épouse. Mystérieusement, José connut aussitôt les pensées intimes de louvrier et, pour lui prouver la pureté de ses sentiments, plaça sa main au-dessus des charbons ardents et ly maintint sans ressentir aucun mal. Il montrait ainsi quil connaissait les pensées secrètes de lhomme et lui prouvait quil ny avait pas même en lui lombre du mal. Louvrier en conçut alors une vénération encore plus grande pour le jeune homme.
Ses études devinrent pour lui la préparation au sacerdoce et à la carrière ecclésiastique. Dieu cependant le mit à lépreuve par une paralysie de la jambe, due à une maladie nerveuse avec une dislocation de los de la cuisse. Mais José ne voulut point consulter de médecins et se confia tout entier à la divine Providence. Dieu lui rendit tout dun coup la santé et José put reprendre le chemin de luniversité. Ayant suivi les cours de lettres, de philosophie et de théologie, il fut reçu docteur en théologie en 1674, mais continua encore létude de la théologie morale et de la langue hébraïque. Il fut enfin ordonné prêtre en 1675, et célébra la Messe pour la première fois à la paroisse de Santa María del Mar, avec une ferveur qui édifia toute lassistance.
Pour venir en aide à sa pauvre mère, il entra comme précepteur dans la maison de Tomás Gasnevi, un noble de Barcelone, où il vécut de manière exemplaire, mais Dieu lui fit comprendre quil exigeait davantage de lui. La table de don Tomás était toujours splendidement servie ; dans une circonstance le jeune prêtre voulut prendre dun mets délicat, mais une force invincible retint par trois fois son bras. Il comprit le signe de Dieu et résolut désormais de jeûner au pain et à leau pour toute sa vie. Il allait sacheter lui-même son pain pour choisir le plus mauvais et le plus sec. Il allait boire de leau aux fontaines de la ville et, les jours de fêtes, il allait chercher quelques herbes sur la montagne de Montjuich.
Ainsi inaugurait-il sa vie apostolique : tout Barcelone le connaissait et appréciait son exemple, qui était bien plus éloquent que tous les sermons.
Neuf ans plus tard, quand mourut sa mère en 1686, voyant que ses frères et surs navaient plus besoin de lui, il jugea opportun de renoncer à sa charge de précepteur, au grand désagrément de cette famille qui aurait bien voulu le garder définitivement. En outre, José désirait ardemment faire à pied le pèlerinage de Rome ; il y alla, y resta plusieurs mois, rencontra le pape, qui était alors Innocent XI (maintenant béatifié, voir au 12 août). De retour de la Ville Éternelle, il prit possession du bénéfice de Notre-Dame du Pin à Barcelone, que lui avait concédé le pape, et quil conserva pendant quinze ans jusquà sa mort.
Chaque jour, après sêtre confessé, il célébrait la Messe avec une admirable piété. Sa préparation et son action de grâces se prolongeaient longtemps. Toujours présent à loffice du chur à moins de maladie, il eut aussi le soin des malades et la charge de noter les présences ou les absences ; il habitait une soupente quil sous-louait, où il vivait seul dans la prière et les dures macérations ; il cousait et lavait lui-même ses vêtements ; attentif à aimer tous les hommes, il navait que du mépris pour lui-même et se comptait pour rien. Dune grande opiniâtreté pour faire les affaires du bon Dieu et dépit des mépris et des vexations, il était néanmoins dune docilité et dune obéissance admirables à légard de ses supérieurs bien quil lui en coûtât beaucoup.
Tous ses revenus passaient aux pauvres : captifs, malades, pauvres honteux étaient comme sa famille. Lhéritage de sa mère revint à léglise pour la célébration de messes en faveur des défunts.
Il ne dormait que deux heures par nuit. Modeste dans ses regards, il navait rien de morose et on lappelait le saint joyeux ; toujours délicat avec les hommes, toujours discret avec les femmes, avec lesquelles il ne sentretenait quen présence de témoins. Il était insatiable de bonnes uvres, visitait les hôpitaux, les prisons, prêchait aux soldats, réunissait les enfants et leur enseignait le catéchisme, sadressait aux pauvres
Plein de zèle, il voulut partir pour convertir les infidèles et ce nest quavec difficulté quon put le faire revenir à Barcelone. Une seconde fois, il voulut demander au pape la permission de partir au Japon, mais, arrivé à Marseille, il tomba malade et la sainte Vierge lui intima lordre de revenir à Barcelone : son absence avait duré à peine deux mois.
Racontons ici que, durant son voyage à Marseille, un compagnon de voyage alla manger avec lui à lauberge, pensant que José aurait payé la note ; mais il navait pas un liard et, sapercevant de la confusion de son compagnon, il coupa un radis en petits morceaux, et les changea en monnaies
La dernière période de sa vie passa dans une extase presque continuelle. Il navait de pensée que pour Dieu. Quand il portait la Communion aux malades, on remarquait comment son visage était enflammé dardeur. Les miracles se multiplièrent, par sa seule bénédiction ou limposition des mains ; il guérit si facilement les malades, que les médecins sen inquiétèrent
Le démon limportuna : quand il rentrait, ses vêtements étaient couverts de boue, ses joues ensanglantées, et il avouait quil avait dû lutter contre le démon. Mais Dieu avait aussi sa revanche sur ce saint homme : on le vit marcher sous la pluie battante sans être mouillé ; de retour de Marseille, il calma une tempête dun signe de croix ; quand il savait (mystérieusement) quun malade nétait pas en état de grâce, il le priait délicatement de revenir un autre jour après sêtre réconcilié avec le bon Dieu.
Ils étaient nombreux à venir demander sa bénédiction après les Vêpres, venus de toute la Catalogne. Parfois, il allait lui-même à leur rencontre pour leur éviter le déplacement. Un malade quon devait amputer de la jambe, fut guéri immédiatement de la gangrène ; de même un paralytique qui mendiait à la porte de léglise.
Dans sa chambre, il ny avait pas de lit. Mais, peu de temps avant sa mort, il demanda à des amis de lui préparer un lit pour y mourir bientôt chez eux et décrivit la pleurésie qui devait lemporter. Peu avant sa mort, il fit remettre son pauvre mobilier à ceux à qui il lavait légué, alla visiter une dernière fois le sanctuaire de Sainte Matrone, puis sen alla se mettre au lit chez ses amis. La mort approchant, ses amis pleuraient, mais lui les consola et leur dit avec un visage riant : La mort est la porte de la vie, elle va me mettre en possession de ce que je désire : au ciel, je me souviendrai de vous.
Il se confessa une dernière fois, reçut le sacrement des malades, et demanda quon chantât près de lui le Stabat mater, ce que firent quatre enfants de chur, accompagnés à la harpe par leur maître. Il mourut ainsi très sereinement le matin du 23 mars 1702.
Le lendemain, on transporta son corps par les rues de Barcelone : un petit enfant paralysé fut guéri.
Les miracles, du vivant de José et après sa mort, furent si nombreux, quon sen inquiéta et que le procès de béatification fut très retardé. Enfin Pie VII le béatifia en 1806, et Pie X le canonisa en 1909, linscrivant au Martyrologe au jour anniversaire de sa naissance au ciel, le 23 mars. |