Jeanne Jugan
(1792-1879)
Fondatrice
des Petites Sœurs des Pauvres

1
La vie de
Jeanne Jugan
1-1-L’enfance
et la jeunesse
1-1-1-L’enfance
de Jeanne Jugan
Lorsque Jeanne Joucan[1] naquit
le 25 octobre 1792, son père était absent: il était parti le 27
avril précédent, pour pécher dans les eaux de Terre-Neuve. Il ne
revint que trois semaines plus tard. Huit enfants naîtront dans son
foyer; quatre mourront en bas âge.
Joseph Joucan va
repartir en mer; il ne reviendra pas. En avril 1796, le registre
des inscriptions maritimes note qu’il n’a pas paru au Bureau des
Classes. On le dit “noyé sur un bateau de Cancale.“ Sa
famille l’attendra longtemps, car un disparu en mer n’était
considéré comme légalement mort qu’au bout de sept ans.
En conséquence, la
maman dut nourrir seule ses enfants. Elle avait été servante dans
une ferme: elle se remit à faire des journées, et Jeanne garda très
jeune les quelques vaches que la famille possédait. Elle apprit à
filer la laine et à tricoter des vêtements. Elle apprit aussi à dire
son chapelet et à prier.
1-1-2-La
jeunesse de Jeanne
Vers l’âge de quinze ou
seize ans, Jeanne est employée comme aide-cuisinière dans une
famille noble, La Chouë de La Mettrie. La vicomtesse de la Chouë
l’accueillit avec affection et l’associa rapidement à ses actions
charitables au service des pauvres et des mendiants, ainsi qu’à ses
visites aux familles dans le besoin et aux personnes âgées isolées.
Au contact de la
vicomtesse, Jeanne s’affinait et apprenait les usages de ce monde
nouveau pour elle. Réfléchie, appliquée, peu à peu Jeanne se sentira
à l’aise avec tous ses interlocuteurs, quels qu’ils soient: le
Seigneur prépare longtemps à l’avance ceux qu’il destine à son
service.
Jeanne devient femme; un garçon de Cancale la demande en mariage,
Comme c’était la coutume, Jeanne le prie d’attendre.
1-1-3-la
jeune femme
En 1816, une mission
paroissiale de trois semaines est organisée à Cancale. Jeanne la
suit avec ferveur. Elle comprend que Dieu la veut à son service et
ne laisse plus d’espoir à son prétendant. Une sensation étrange
émeut son cœur, et un jour elle dit à sa mère: ”Dieu me veut pour
Lui. Il me garde pour une œuvre qui n’est pas connue, qui n’est pas
encore fondée.”
Jeanne ne sait rien de
plus. Elle a 25 ans. Ses deux sœurs viennent de se marier avec des
marins, des terre-neuva, eux aussi. Jeanne quitte son hameau des
Petites-Croix près de Cancale, et part à Saint-Servan pour vivre au
service des pauvres, pauvre avec eux. Elle s’engage à l’hôpital du
Rosais.
1-2-À
l’hôpital du Rosais
L’hôpital du Rosais
était desservi par quelques Filles de la Sagesse et par des
personnes laïques. En 1817 il accueillait 277 malades et 35 enfants
abandonnés. Il avait peu de ressources, et souvent la nourriture
manquait. En 1818 une boulangerie s’ouvrit dans ses murs pour y
faire du pain bon marché à base de fécule de pommes de terre. C’est
dans cet hôpital que Jeanne va travailler. La tâche sera parfois
bien pénible. En 1820, faute de ressources on diminua le personnel
et on réduisit les rations alimentaires. Au bout de six ans, Jeanne,
qui avait si bien servi les pauvres, dut quitter l’hôpital,
complètement épuisée. Nous sommes en 1823.
1-3-Chez
Mademoiselle Marie Lecoq
Après avoir quitté
l’hôpital du Rosais, Jeanne Jugan vient loger chez Marie Lecoq
(1772-1835) qui devait, elle aussi, appartenir au Tiers-Ordre dont
Jeanne était membre. Jeanne est officiellement engagée comme
domestique, mais en fait, elle sera une vraie compagne pour Marie
Lecoq qui s’attacha d’abord, comme une vraie mère, à soigner et à
fortifier sa servante. Cependant Jeanne suivait partout la bonne
Marie Lecoq, aux offices et dans ses visites aux pauvres et aux
malades. Elles faisaient également le catéchisme aux enfants de la
paroisse. À la maison, elles priaient ensemble. Mais le 27 juin
1835, Marie Lecoq mourait dans les bras de Jeanne... Jeanne restait
seule... Pourtant il fallait vivre, et Jeanne s’engagea pour faire
des journées de service: ménage, lessives, soin et garde des
malades, chez différentes familles avec qui elle créera des liens
durables.
1-4-La
première communauté
Jeanne a maintenant 43
ans. Outre les familles chez qui elle travaillait, elle se lia
d’amitié avec Françoise Aubert, familièrement appelée Fanchon
(176-1850), qui avait été longtemps gouvernante d’un prêtre de
Saint-Servan. En 1837 les deux amies louèrent un appartement de deux
chambres, plus deux pièces aménagées dans les combles. Là, elles
menèrent une vie commune rythmée par la prière et le travail.
Bientôt une jeune fille de 17 ans, Virginie Trédaniel (1821-1853) se
joignit à elles. Toutes les trois (Fanchon 72 ans, Jeanne 46 ans et
Virginie 17 ans) vont mener une véritable vie commune. Jeanne
continue, en dehors de ses heures de travail, à rendre service aux
pauvres dont le nombre augmente dramatiquement à Saint-Servan. Que
faire?
1-5-Les
premières femmes âgées
Vers la fin de 1839
Jeanne quitta ses patrons Leroy pour se consacrer “à une bonne
œuvre”. Elle ramena à la maison une pauvre femme veuve, Anne
Chauvin, infirme et aveugle dont la sœur, qui l’assistait, venait
d’être hospitalisée. Jeanne la conduisit dans sa petite communauté
et lui donna son propre lit: elle, Jeanne, s’installait au grenier.
Quelques jours plus tard, ce sera le tour d’Isabelle Cœuru qui,
après avoir servi ses vieux maîtres jusqu’au bout, et avoir dépensé
pour eux toutes ses économies, se trouvait bien démunie. Jeanne
l’accueillit, et cette fois, c’est Virginie qui donna son lit et
s’installa sous les combles.
[1] Joucan
est le vrai nom de Jeanne. C’est à Saint-Servan que son nom
sera peu à peu déformé.
|