JEAN NÉPOMUCÈNE
Prêtre, Martyr, Saint
1340-1393

Martyr de la Confession

Aux martyrs immolés pour avoir refusé leur encens aux idoles du paganisme, aux martyrs que le fer des hérétiques a moissonnés, vient se joindre aujourd'hui un nouvel athlète qui a conquis la couronne dans un autre combat. Le divin Sacrement de la Pénitence, ce Sacrement qui rouvre le ciel au pécheur, réclame Jean Népomucène comme son glorieux défenseur.

Un secret auguste entoure comme d'une barrière sacrée le pacte de la réconciliation qui s'opère entre Dieu et le coupable devenu repentant ; ce secret mystérieux et sacramentel était digne d'avoir son martyr. Ainsi l’a voulu le divin instituteur de ce second Baptême où le sang rédempteur devient le bain salutaire de l'âme pécheresse, afin que l'homme timide n'hésitât pas à découvrir au médecin spirituel ses plaies les plus honteuses. Depuis dix-huit siècles, combien de martyrs cachés de ce secret qui donne la sécurité au pécheur, en même temps qu'il expose celui qui l'accepte aux plus redoutables sacrifices ! Le martyr que nous honorons en ce jour n'a pas été un martyr caché Son témoignage sur l'inviolabilité du secret sacramentel a été un témoignage public. Il a rendu ce témoignage au milieu des tortures, il l'a scellé de son sang.

Honneur donc au prêtre courageux et fidèle, digne de tenir dans ses mains les clefs qui ouvrent ou ferment le ciel ! Ses lèvres, inaccessibles â toute crainte et à toute complaisance; sa langue, qu'aucun intérêt d'ici-bas, si grave qu'il soit, ne saurait délier; le miracle permanent dont Dieu entoure un secret sur lequel a reposé et reposera le salut de tant de millions d'âmes : quel divin spectacle ! Mais une chose manquait encore : c'était que la palme du martyre vînt ombrager tant de merveilles. Le saint prêtre de Prague l'a cueillie, cette palme ; il en fait hommage à notre divin Ressuscité, que nous avons vu, en ces jours, instituer avec une si touchante miséricorde le Sacrement de Pénitence, où il communique à des hommes son propre pouvoir de remettre les péchés.

Nous donnons ici les Leçons que le Siège apostolique a approuvées pour la fête du saint martyr.

Jean naquit à Népomuk, ville de Bohème, dont il a tiré le surnom de Népomucène, de parents déjà avancés en âge. En présage do sa sainteté future, on vit paraître au-dessus de la maison où il naissait des feux qui jetaient un éclat merveilleux. Étant tombé gravement malade lorsqu'il était encore en bas âge, il échappa au danger qui menaçait sa vie par la protection de la sainte Vierge, à laquelle ses parents se sentaient redevables de sa naissance. Son caractère était des plus heureux, et une éducation pieuse vint seconder en lui  l'appel du ciel. Son enfance se passa dans les exercices de religion; fréquenter l'église, servir les prêtres à l'autel, telles étaient ses plus chères délices. Il fit ses humanités à Zatek, d'où il alla ensuite à Prague pour étudier les sciences supérieures. Ce fut dans cette ville qu'il prit le doctorat en philosophie, en théologie et en droit canon. Élevé au sacerdoce, et rendu propre au salut des âmes par la science des saints, il se livra tout entier au ministère de la parole de Dieu. Son éloquence et sa piété l'ayant rendu célèbre par les succès qu'il obtenait dans l'extirpation des vices et dans la conversion des pécheurs qu'il ramenait dans la voie du salut, il fut pourvu d'un canonicat dans l'Église métropolitaine. Appelé à prêcher la doctrine évangélique en présence du roi Wenceslas IV, il réussit d'une manière si complète, que ce prince se laissait diriger par lui dans un grand nombre de bonnes œuvres, et le tenait en grand honneur à cause de ses vertus. Il lui offrit même des dignités importantes ; mais le serviteur de Dieu les refusa constamment, pour n'être pas détourné du ministère de la parole divine.

Chargé de la distribution des aumônes royales, il fut aussi appelé par la reine Jeanne à diriger sa conscience. Mais Wenceslas s'étant laissé aller à une conduite en opposition à ses devoirs et à l'éducation qu'il avait reçue, au point de se livrer à des vices odieux, en vint à supporter avec déplaisir les avertissements et les supplications de sa pieuse épouse. Ce fut alors qu'il voulut contraindre Jean à lui manifester les secrets que la reine avait pu lui confier dans le sacré tribunal. Le serviteur de Dieu refusa courageusement d'acquiescer à ce désir impie, et sut braver tour à tour les caresses, les tortures et les ennuis d'un cachot infect. Mais comme les lois divines et humaines ne devaient pas arracher Wenceslas irrité à son criminel projet, l'athlète du Christ annonça clairement au peuple, du haut de la chaire, la lutte suprême qui lui était réservée, ainsi que les calamités qui ne devaient pas tarder à fondre sur le royaume. Il partit bientôt pour Boleslaw, où l'on honore depuis des siècles une célèbre image de la sainte Vierge, et implora par de ferventes prières le secours céleste dont il avait besoin pour accomplir le bon combat. Rentré à Prague sur le soir de la Vigile de l'Ascension, le roi, qui l'avait aperçu par une fenêtre, le manda près de lui. Il le pressa avec plus de violence que jamais, le menaçant de le faire jeter à l'eau, s'il persistait à lui résister. Jean n'opposa qu'une constance invincible aux terreurs et aux menaces dont le prince voulait l'effrayer. Il fut donc précipité la nuit, par ordre de Wenceslas, dans la Moldaw, rivière qui coule à Prague, et obtint ainsi la couronne d'un glorieux martyre.

Dieu fit connaître par un prodige insigne l'attentat sacrilège qui venait d'être commis dans le secret, et manifesta ainsi la gloire du martyr. À peine les eaux du fleuve eurent-elles commencé à entraîner dans leur cours le corps inanimé de Jean, que tout à coup on aperçut des torches allumées nageant sur l'eau, et suivant la même direction. Dès le matin du jour suivant, les chanoines, bravant la colère du roi, vinrent enlever le saint corps, et le transportèrent en grande pompe à l'Église métropolitaine, où ils lui donnèrent la sépulture. La mémoire de ce généreux prêtre s'étant conservée, et la dévotion des fidèles envers lui, particulièrement de ceux qui s'adressent à lui pour en être secourus lorsqu'ils sont menacés dans leur réputation, n'ayant cessé de s'accroître, on fit après plus de trois cents ans la reconnaissance juridique de son corps, qui durant tout cet intervalle était demeuré caché en terre; la langue du martyr fut trouvée sans corruption et conservant sa carnation naturelle. Six ans après, par un nouveau prodige, sous les yeux des juges délégués par le Siège Apostolique, on la vit tout à coup reprendre sa forme, et devenir vermeille, de noirâtre qu'elle était. Ces prodiges et plusieurs autres ayant été reconnus juridiquement, Benoît XIII inscrivit au catalogue des saints martyrs le dix-neuf mars mil sept cent vingt-neuf, ce courageux défenseur du secret sacramentel, qui en avait le premier scellé de son sang l'inviolabilité.

Dom Prosper Guéranger : L'Année liturgique.

 

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