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Homélies PREMIERE HOMÉLIE SUR LA DORMITIONDe l’humble et très petit moine et prêtre Jean de Damas, discours d’éloge pour la Dormition de Notre Dame très illustre, très glorieuse et bénie, la Mère de Dieu et toujours Vierge Marie. Préambule1. « La mémoire des justes est entourée d’éloges », dit le très sage Salomon. « Précieuse en effet au regard du Seigneur la mort de ses saints », a prophétisé David, l’ancêtre de Dieu. Si donc la mémoire de tous les justes est entourée d’éloges, qui ne décernerait la louange à la source de la justice et au trésor de la sainteté, non pour ajouter à sa gloire, mais pour être glorifié soi-même de la gloire éternelle ? Elle n’a nul besoin de glorification de notre part, la demeure de Dieu, la cité de Dieu : sur elle on a prononcé des paroles de gloire, comme le divin David le lui dit : « Pour ta gloire on a parlé, cité de Dieu. » Comment comprendre, en effet, cette « cité du Dieu » invisible et illimitée, qui renferme toutes choses dans sa main, sinon de celle qui a pu seule contenir réellement, d’une manière surnaturelle et suressentielle, dans sa grandeur sans limite, le Verbe de Dieu suressentiel ? De celle pour qui des paroles glorieuses ont été dites par le Seigneur même ? Qu’y a-t-il de plus glorieux que d’avoir donné accueil au Dessein de Dieu ? 2. Car ce n’est point une langue humaine, ni l’intelligence des anges qui sont au-dessus du monde, qui peuvent la célébrer dignement, celle par qui nous fut donné de contempler distinctement la gloire du Seigneur, Mais quoi ? Nous tairons-nous pour être incapables de la louer dignement, et la crainte nous retiendra-t-elle ? Non, certes. Ou bien avancerons-nous d’un pas qui enjambe le seuil, comme on dit, méconnaîtrons-nous nos propres limites, et toucherons-nous sans retenue aux sujets sacrés en rejetant le frein de la crainte ? Nullement. Mais plutôt, tempérant la crainte par l’amour, et les entrelaçant pour former une seule couronne, avec une sainte révérence, d’une main tremblante et d’une âme enflammée, offrons, comme une dette de gratitude, les humbles prémices de notre pensée à la Reine et à la Mère, bienfaitrice de toute nature. On raconte que des paysans, qui creusaient les sillons avec leurs bœufs de labour, virent passer un roi dans son magnifique vêtement de pourpre, étincelant de l’éclat du diadème, au milieu de la troupe innombrable des gardes qui l’escortaient ; et comme ils n’avaient rien alors sous la main qu’ils pussent offrir en présent au prince, l’un d’eux, sans attendre, puisa de l’eau dans ses mains (il en coulait tout près en abondance) et l’apporta en don au souverain. Le roi lui dit : « Qu’est ceci, mon fils ? » Il répondit avec assurance : « Ce que j’avais à ma disposition, je te l’ai apporté. J’ai pensé que c’était le meilleur parti : l’indigence ne devait pas éteindre notre zèle. Tu n’as que faire de nos dons, et tu ne veux que notre bonne volonté. Pour nous, ce geste est un devoir, et il est aussi à notre louange, car la gloire accompagne volontiers ceux qui sont généreux. » Le roi admira et loua cette sagesse, il accueillit aimablement cette bonne volonté, et tint à récompenser l’homme par des dons considérables. Que si ce tyran orgueilleux préféra le bon vouloir à la richesse de l’offrande, combien davantage cette souveraine vraiment bonne, mère du Dieu qui seul est bon et dont la condescendance est infinie, du Dieu qui préféra les « deux piécettes » aux plus riches offrandes, n’agréera-t-elle pas notre intention, sans tenir compte de notre capacité ? Sans nul doute elle agréera l’offrande de cette dette, et nous donnera en retour des biens incomparablement plus grands. Puisque tout nous contraint donc à parler, et pour nous acquitter de notre devoir, adressons-lui ainsi la parole. Marie dans la perspective de l’Incarnation.3. De quel titre t’appeler, ô Souveraine ? De quelles paroles te saluer ? De quelles louanges couronner ton front sacré et couvert de gloire, toi la dispensatrice des biens, la donatrice des richesses, la beauté du genre humain, la fierté de la création entière, toi par qui cette création est devenue vraiment bienheureuse ? Celui en effet qu’auparavant elle ne contenait pas, voici que par toi elle le contient. Celui sur qui elle n’avait pas la force de fixer son regard, elle le « contemple comme dans un miroir, à visage découvert ». Ouvre, ô Verbe de Dieu, notre bouche lente à parler. Mets sur nos lèvres ouvertes une parole remplie de grâce. Insuffle en nous la grâce de l’Esprit, par laquelle d’humbles pêcheurs deviennent éloquents, et des illettrés disent la sagesse qui dépasse l’homme, pour que notre faible voix, à son tour, réussisse à proclamer, fût-ce indistinctement, les grandeurs de ta Mère très aimée. C’est elle en effet qui, élue dès les générations antiques, en vertu de la prédestination et de la bienveillance du Dieu et du Père qui t’a engendré hors du temps sans sortir de lui-même et sans altération, c’est elle qui t’a enfanté, incarné de sa chair, « dans les derniers temps », toi la propitiation et le salut, la justice et la rédemption, toi, la vie sortie de la vie, « lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu ». L’enfantement de cette mère fut extraordinaire ; sa naissance dépassa la nature et l’intelligence humaine, et fut salutaire au monde ; sa dormition fut glorieuse, vraiment sacrée et digne d’une religieuse louange. Le Père l’a prédestinée ; ensuite les prophètes par le Saint-Esprit l’ont annoncée ; puis la vertu sanctificatrice de l’Esprit l’a visitée, purifiée et rendue sainte, et a pour ainsi dire arrosé cette terre. Toi alors, qui es « la définition et l’expression du Père », tu vins habiter en elle sans être limité, pour rappeler l’extrême bassesse de notre nature à la hauteur infinie de l’incompréhensible divinité. De cette nature humaine tu reçus les prémices du sang très chaste, très pur et tout immaculé de la Vierge sainte, tu t’es formé une chair vivante avec une âme raisonnable et intelligente, et tu l’as fait subsister en toi-même. Et tu es devenu un homme parfait, sans renoncer à être un Dieu parfait ni cesser d'être consubstantiel à ton Père, mais en prenant sur toi notre faiblesse, par une indicible tendresse. Et tu es sorti d'elle, toi un seul Christ, un seul Seigneur, un seul Fils, en même temps Dieu et homme, à la foi Dieu parfait et homme parfait, entièrement Dieu et entièrement homme, une seule personne, composée de deux natures parfaites, divinité et humanité. Ni simplement Dieu ni purement homme, mais un seul Fils de Dieu et Dieu incarné, à la fois Dieu et homme dans la même personne, sans admettre de confusion ni souffrir de séparation, tu portes en toi-même les propriétés des deux natures différentes, unies hypostatiquement sans confusion ni séparation : le créé et l’incréé, le mortel et l’immortel, le visible et l’invisible, le circonscrit et l’illimité, la volonté divine et la volonté humaine, l’activité divine mais aussi assurément une activité humaine, toutes deux libres, la divine comme l’humaine, les merveilles divines et les passions humaines, je veux dire les passions naturelles et non coupables. Car le premier Adam, tel qu’il était avant la transgression, libre du péché, tu l’as, ô Maître, à cause des entrailles de ta miséricorde, assumé tout entier, corps, âme, esprit, avec toutes ses facultés naturelles, pour gratifier du salut mon être entier, car il est bien vrai que « ce qui n’a pas été assumé n’a pas été guéri ». Et devenu ainsi « médiateur de Dieu et des hommes », tu as supprimé la haine et conduit à ton Père ceux qui l’avaient quitté : tu as ramené ce qui s’était égaré, tu as éclairé ce qui était enténébré, renouvelé ce qui était brisé, changé en incorruption ce qui était corrompu. De l’erreur polythéiste tu as délivré la création. Tu as fait les hommes « enfants de Dieu » ; tu as déclaré participants de ta gloire divine ceux qui étaient dans le déshonneur. Le condamné promis aux enfers souterrains, tu l’as élevé « bien au-dessus de toute Principauté et de toute Puissance » ; condamné à retourner à la terre et à habiter l’Hadès, tu l’as fait asseoir sur le trône royal, en toi-même. Quel fut donc l’instrument de ces infinis bienfaits qui dépassent toute pensée et toute compréhension ? N’est-ce point celle qui t’a enfanté, la Toujours Vierge ? Gloire de la dormition. Piété filiale du Christ.4. Vous voyez, pères et frères aimés de Dieu, la grâce du jour présent. Vous voyez combien sublime et vénérable est celle que nous célébrons. Ses mystères ne sont-ils pas redoutables ? Ne sont-ils pas remplis de merveille ? Heureux ceux qui voient tout ce qu’il convient d’y contempler. Heureux ceux qui possèdent le sens de l’intelligence. De quelle lumière, de quelles fulgurations cette nuit resplendit ! Quelles escortes d’anges font briller la dormition de la Mère qui fut le principe de la vie ! De quelles divines paroles les Apôtres béatifient les funérailles du corps qui reçut Dieu ! Comme le Verbe de Dieu, qui par miséricorde daigna devenir son Fils, sert, de ses mains souveraines, cette femme toute sainte et très divine comme on sert une mère, et reçoit son âme sacrée ! Ô le parfait législateur ! Sans être soumis à la loi, il accomplit la loi qu’il a lui-même portée. Car c’est lui qui prescrivit le devoir des enfants envers les parents : « Honore, dit-il, ton père et ta mère ». C’est une vérité manifeste pour quiconque est initié, même faiblement, aux oracles divins de la sainte Ecriture. Car s’il est vrai, selon cette divine Ecriture, que « les âmes des justes sont entre les mains du Seigneur », comment celle-ci, bien avantage, ne livrerait-elle pas son âme aux mains de son Fils et de son Dieu ? C’est une vérité certaine, au-dessus de toute contestation. Première partieEloge de la Mère de Dieu.Mais voulez-vous que nous disions d’abord qui elle est, quelle est son origine, comment elle a été accordée à ce monde, tel le don de tous les dons de Dieu le plus haut à la fois et le plus aimable ; comment elle a vécu dans la vie présente et de quels mystères elle fut jugée digne ? Expliquons ces quelques points. Les Grecs, dans les oraisons funèbres dont ils honoraient les disparus, rassemblaient avec un soin parfait tout ce qu’ils trouvaient d’utile pour que l’éloge, d’une part, pût s’appliquer au héros célébré, et de l’autre fût pour les survivants un stimulant et une exhortation à la vertu – et ils tissaient généralement leur discours de fables et de fictions sans nombre, leurs personnages n’ayant pas de quoi fournir par eux-mêmes à la louange. Dans ces conditions, comment nous-mêmes, si nous dissimulions dans les abîmes du silence selon l’expression courante ce qui est absolument vrai et respectable, et ce qui, existant réellement, procure réellement à tous bénédiction et salut, n’encourrions-nous pas la risée générale, et la même condamnation que celui qui enfouit son talent ? Mais nous veillerons à la concision du discours, de peur qu’il ne fatigue les oreilles, comme porte préjudice aux corps un excès de nourriture. Ses parents. Naissance et vie dans le temple.5. Joachim et Anne furent ses parents. Joachim, tel un pasteur de brebis, menait ses pensées comme on guide ses troupeaux, les gardant sous son autorité et les conduisant à son gré. Car, ayant lui-même, comme une brebis, le Seigneur Dieu pour pasteur, il ne manquait d’aucun bien excellent. Et que personne ne s’imagine que j’appelle biens excellents ces objets auxquels pense la multitude, auxquels aspire toujours l’esprit des hommes trop avide, qui ne sont ni durables par leur nature, ni capable de rendre meilleur celui qui les possède : ces plaisirs de la vie présente, qui ne peuvent acquérir de valeur stable, mais s’évanouissent d’eux-mêmes et sont dissipés sur l’heure, quand même on les aurait à profusion. Non, loin de nous la pensée de les admirer ! Telle n’est pas la part de ceux qui craignent le Seigneur. Mais je parle des biens vraiment désirables et aimables pour les hommes de jugement droit, des biens qui demeurent pour l’éternité, qui réjouissent Dieu et offrent à leurs possesseurs du fruit en leur saison : j’entends par là les vertus, qui donneront leur fruit en leur temps, c’est-à-dire au siècle futur la vie éternelle, à ceux du moins qui les auront dûment cultivées, en travaillant eux-mêmes selon leurs forces. Le travail précède, la félicité éternelle le suit. Joachim était accoutumé à mener intérieurement ses propres pensées « sur un pré d’herbe fraîche », - car il demeurait dans la contemplation des oracles sacrés -, et « vers les eaux du repos » de la divine grâce, où il trouvait ses délices ; il les détournait de la vanité et les guidait « par des sentiers de justice ». Quant à Anne, dont le nom signifie « grâce », elle était sa compagne autant par ses mœurs que par la communauté de vie ; favorisée de tous les biens, elle était cependant, pour une raison mystique, frappée du mal de la stérilité. Effectivement, la grâce était stérile, n’ayant pas la force de fructifier dans l’âme des hommes : car « tous étaient dévoyés, ensemble corrompus », il n’y en avait « pas un d’intelligent, pas un qui cherchât Dieu ». Alors Dieu dans sa bonté, regardant et prenant en pitié l’ouvrage de sa propre main, et voulant le sauver, met fin à la stérilité de la grâce, c’est-à-dire d’Anne aux pensées divines : et elle met au monde une enfant, telle que nulle autre ne naquit avant elle, ni ne naîtra jamais. Et la guérison de cette stérilité montrait en toute clarté que la stérilité du monde, incapable de produire les biens, allait elle-même cesser, et que le tronc de la béatitude interdite allait fructifier. 6. Voilà pourquoi la Mère de Dieu vient au jour en vertu d’une promesse : un ange révèle la conception de celle qui va naître. Car il convenait que, sur ce point aussi, elle ne le cédât à personne ni ne vînt au second rang, celle qui devait engendrer selon la chair le Dieu unique et réellement parfait. Puis elle est offerte par consécration au temple saint de Dieu : et c’est là qu’elle vit, donnant l’exemple d’une ferveur et d’une conduite plus parfaites et plus pures que les autres, à l’écart de toute relation avec les hommes et les femmes éloignés du bien. Mais comme elle atteignait la fleur de son âge, et que la loi l’empêchait de rester plus longtemps dans la clôture du lieu saint, elle est remise par le chœur des prêtres aux mains d’un époux comme à un gardien de sa virginité, à Joseph, qui, jusque dans son âge mûr, mieux que tout autre gardait la loi dans sa pureté. C’est chez lui que vivait cette jeune fille sainte et toute irréprochable, occupée des affaires domestiques, et sans rien savoir de ce qui se passait devant sa porte. Annonciation7. « Puis quand vint la plénitude du temps », comme dit le divin Apôtre, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu à celle qui était vraiment la fille de Dieu, et il lui dit : « Réjouis-toi, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi. » Admirable propos de l’ange, adressé à celle qui est au-dessus de l’ange : il apporte la joie de tout l’univers. « Elle cependant fut troublée de cette parole », inaccoutumée qu’elle était à s’entretenir avec des hommes. Car elle avait résolu fermement de garder la virginité. Et « elle se demandait en elle-même ce que signifiait cette salutation ». L’ange alors : « Ne crains pas, Marie, lui dit-il, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. » Oui, vraiment, elle a trouvé grâce, elle qui est digne de grâce. Elle a trouvé grâce, elle qui a travaillé et labouré le champ de la grâce, et moissonné de lourds épis. Elle a trouvé grâce, celle qui produisit les semences de la grâce et moissonna de la grâce la récolte abondante. Elle a trouvé un abîme de grâce, celle qui a gardé sauf le navire d’une double virginité. Elle avait, en effet, veillé à la pureté de son âme non moins qu’à celle de son corps, et sa virginité corporelle en fut elle-même préservée. « Et tu enfanteras, lui dit-il, un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus ? Jésus signifie Sauveur ? ; c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. » Que répond à ces mots le véritable trésor de la sagesse ? Elle n’imite pas Ève, sa première mère ; elle corrige plutôt le geste inconsidéré de celle-ci, et s’abritant derrière la protection de la nature, elle tient en quelque sorte ce discours, en réplique à la parole de l’ange : « Comment cela se fera-t-il, puisque je ne connais pas d’homme ? » Ce que tu dis est impossible : ta parole renverse les lois de la nature, que son auteur a fixées. Je ne consens pas à tenir le rôle d’une seconde Ève, ni à enfreindre la volonté du Créateur. Si tu ne parles pas contre Dieu, explique-moi le mode de cette conception, pour lever mon embarras. L’ange de la vérité lui dit alors : « L’Esprit-Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre. C’est pourquoi l’être saint qui naîtra sera appelé Fils de Dieu. » Le mystère qui s’accomplit n’est pas soumis aux lois de la nature. Car l’auteur et le maître de la nature modifie à son gré les bornes de la nature. Au nom divin, toujours entouré d’amour et d’honneur, qu’elle entendit avec un saint respect, elle prononça les paroles de l’obéissance, remplies de crainte et de joie : « Voici la servante du Seigneur ; qu’il me soit fait selon ta parole ». Incarnation et Nativité8. « Ô abîme de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu ! ?J’emprunterai ici les paroles de l’Apôtre?. Que ses décrets sont insondables, et incompréhensibles ses voies ! » O immensité de la bonté de Dieu ! O amour qui dépasse toute explication ! « Celui qui appelle le néant à l’existence », celui qui « remplit le ciel et la terre », celui dont le ciel est le trône et la terre l’escabeau de ses pieds, s’est fait une spacieuse demeure du sein de sa propre servante, et accomplit en elle le mystère de tous le plus nouveau. Etant Dieu, il devient homme, et, le temps venu de sa naissance, il est enfanté surnaturellement ; il ouvre le sein maternel sans avoir endommagé le sceau de la virginité. Sur des bras humains il est porté comme un petit enfant, lui « l’éclat de la gloire, l’empreinte de la substance » du Père, lui qui soutient tout l’univers par la parole de sa bouche. O merveilles vraiment divines, mystères qui dépassent la nature et l’intelligence ! O privilèges surhumains de la virginité ! Quel est donc autour de toi, Mère sainte et Vierge, ce grand mystère ? « Tu es bénie entre les femmes, et béni le fruit de son sein. » Tu es bienheureuse dans les générations des générations, la seule digne d’être appelée bienheureuse. Voici en effet que toutes les générations te disent bienheureuse, comme tu l’as déclaré. Les filles de Jérusalem, c’est-à-dire de l’Eglise, t’ont vue et ont proclamé ton bonheur ; les reines, qui sont les âmes des justes, te loueront dans les siècles. Figures de la Vierge dans l’Ancien Testament. Car tu es le trône royal, près duquel se tenaient les anges, contemplant leur maître et créateur qui y était assis. Tu es devenue l’Eden spirituel, plus sacré et plus divin que l’ancien. Dans le premier habitait l’Adam « terrestre », en toi c’est le Seigneur « venu du ciel ». L’arche t’a préfigurée, elle qui sauva le germe de la seconde création : car tu enfantas le Christ, le salut du monde, qui a submergé le péché et apaisé ses flots. D’avance c’est toi que le buisson a dépeinte, que les tables écrites par Dieu ont dessinée, que l’arche de la loi a racontée ; c’est toi que l’urne d’or, le candélabre, la table, « le rameau d’Aaron qui avait fleuri » ont manifestement préfigurée. De toi en effet est né celui qui est la flamme de la divinité, « la définition et l’expression du Père », la manne délicieuse et céleste, le nom innommé « qui est au-dessus de tout nom », la lumière éternelle et inaccessible, « le pain de vie » venu du ciel, le fruit récolté sans travail : de toi il est sorti corporellement. N’est-ce point toi que désignait d’avance la fournaise au feu mêlé de rosée et de flamme, image du feu divin qui vint habiter en toi ? La tente d’Abraham est de toi un présage très manifeste : car à Dieu le Verbe, venu habiter en ton sein comme sous la tente, la nature humaine a offert le pain cuit sous la cendre, c’est-à-dire les prémices d’elle-même à partir de ton sang très pur, cuites et transformées en pain par le feu divin, subsistantes dans sa personne, et servant vraiment de nourriture à un corps vivifié par une âme raisonnable et intelligente. J’allais omettre l’échelle de Jacob. Quoi donc ? N’est-il pas clair pour chacun qu’elle a tracé d’avance et montré ton image ? Comme Jacob vit le ciel réuni à la terre par les extrémités de l’échelle, et par elle les anges descendre et monter, et Celui qui est réellement le fort et l’invincible engager avec lui une lutte symbolique ; ainsi toi-même tu es devenue la médiatrice et l’échelle par laquelle Dieu est descendu vers nous et a pris sur lui la faiblesse de notre substance, l'embrassant et se l'unissant étroitement ; et il a fait de l'homme un esprit qui voit Dieu ; par là tu as rapproché ce qui était désuni. Et ainsi les anges descendaient vers lui, pour le servir comme leur Dieu et leur maître, et les hommes de leur côté, embrassant une vie angélique, sont élevés au ciel. 9. Quelle place donnerai-je aux oracles des prophètes ? N’est-ce point à toi qu’il faut les rapporter, si nous voulons montrer qu’ils sont vrais ? Quelle est donc cette toison évoquée par David, sur laquelle le fils du roi et du Dieu universel, sans principe lui-même et souverain comme son Père, est descendu comme une pluie ? N’est-ce point toi, de toute évidence ? Qui est la vierge, dont Isaïe, dans une vue prophétique, annonça qu’elle concevrait et enfanterait un fils qui serait « Dieu avec nous », ce qui veut dire que, devenu homme, il demeurerait Dieu ? Quelle est cette montagne de Daniel, dont la pierre d’angle, le Christ, fut détachée, sans intervention d’un instrument humain ? N’est-ce point toi, qui conçus virginalement et restas toujours vierge ? Qu’Ézéchiel le tout divin s’avance, et qu’il montre la porte fermée, franchie par le Seigneur sans être ouverte, telle qu’il l’a annoncée prophétiquement ; qu’il montre l’accomplissement de ses dires. C’est toi qu’il désignera certainement, toi en qui Dieu le prince universel a passé et a pris chair, sans ouvrir la porte de la virginité. Oui, le sceau virginal demeure et persiste à jamais. Hommage universel à l’approche de sa mort.Ainsi les prophètes te célèbrent, les anges te sont soumis, les apôtres sont à ton service ; le disciple demeuré vierge et l’oracle de Dieu, te sert, toi la toujours-vierge et la Mère de Dieu. En ce jour où tu t’en allas vers ton Fils, les anges, les âmes des justes, des patriarches, des prophètes t’entouraient d’honneur ; les apôtres te faisaient escorte, avec la foule immense des Pères divinement inspirés ; des extrémités de la terre, par l’ordre de Dieu, ils étaient rassemblés, amenés comme sur une nuée vers cette divine et sainte Jérusalem, et à toi qui fus la source du corps du Seigneur, principe de la vie, ils adressaient des hymnes sacrés dans un transport tout divin. Deuxième partie
Mort de Marie. Son corps préservé
de la corruption
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