

Deuxième partie
Les faits extraordinaires
de la vie de saint Jean Bosco
Pendant plus de 60 ans, c’est par
les songes que Dieu manifesta sa volonté à saint Jean Bosco, et cela, depuis
l’âge de neuf ans, quand il eut le premier songe dont nous avons déjà parlé,
jusqu’au 8 décembre 1887, un mois et demi avant sa mort, quand il lui fut
demandé d’ouvrir une maison salésienne à Liège.
Évidemment, comme cela est
fortement recommandé aux intéressés, don Bosco faisait contrôler ces phénomènes
pour s’assurer de leur origine divine et être sûr qu’il ne s’agissait pas de
fantaisies de son imagination. Ainsi, il s’accusa un jour auprès de don Cafasso
qui lui répondit: “Puisque l’évènement a réalisé le songe, vous pouvez vous
tenir tranquille et continuer.”
Mais parfois, trop tourmenté, il
faisait lui-même la preuve du songe; en voici un exemple. Le lendemain d’une
nuit où il avait vu l’état de toutes les consciences de la maison, il appela
l’un après l’autre, les jeunes qu’il avait vus en rêve: ”Ton âme n’a-t-elle
pas ceci et cela à se reprocher?” Tous avouèrent qu’il ne se trompait pas.
On admire, avec juste raison
l’immensité de l’œuvre de don Bosco. Certaines de ses entreprises sont
gigantesques. Ce qui est certain, c’est que lorsqu’il entreprenait une besogne,
si dure dut-elle être, il savait qu’il en viendrait à bout, parce qu’il l’avait
vue. Vers 1854, après la prière du soir, il commença à livrer quelques grandes
lignes des songes ayant trait à sa mission et à l’avenir de sa congrégation.
À neuf ans, il avait déjà “rêvé” la
tâche qui serait la sienne. À seize ans il sut que le Ciel mettrait toujours à
sa disposition les moyens dont il aurait besoin pour la remplir. À dix-neuf ans
une voix lui fit entendre qu’il n’avait pas le droit de se dérober aux desseins
de Dieu. À vingt et un ans il comprit, toujours par l’intermédiaire d’un songe,
qu’il devrait toujours orienter son zèle et ses efforts vers l’enfance pauvre et
abandonnée. À vingt deux ans, il vit que Turin serait son premier champ
d’apostolat.
En 1861, il n’avait que quarante
quatre ans, il se vit en rêve sur une place où se dressait une grande roue qu’un
personnage mystérieux faisait tourner: le bruit du premier tour de roue, seul
don Bosco l’entendit, mais c’est tout le Piémont qui entendit le bruit du
deuxième tour. Le troisième tour résonna sur toute l’Italie, le quatrième tour
atteignit l’Europe, et c’est le monde entier qui fut envahi par le bruit de la
machine...
La prophétie était claire, et on
peut constater, en relisant la vie de don Bosco, que chaque tour de roue
correspond à des tranches de dix ans de ses activités apostoliques et de la
réalisation de ses œuvres.
Nous savons que parfois, dans ses
instructions, don Bosco mentionnait les songes qu’il avait eus récemment. Don
Bosco s’en servait pour donner à ses auditeurs, qui en ont notés au moins cent
cinquante, des enseignements précieux. Parmi ces songes nous en rapporterons
deux, dont une visite de saint François de Sales en 1879.
Don Bosco raconte... Dans un rêve,
après avoir vécu plusieurs péripéties, il se retrouva bientôt dans un jardin
merveilleux:
“Un homme qui avait le visage de
saint François de Sales m’offrit un petit livre sans m’adresser la parole. Je
lui demandai qui il était:
― Lis le livre, me répondit-il.
J’ouvris le livre : j’avais de
la peine à lire. Je pus toutefois relever ces paroles précises:
– Aux novices:
obéissance et diligence en toute chose...
– Aux profès: garder
jalousement la vertu de la chasteté...
– Aux directeurs:
soin et fatigue pour observer et faire observer les règles par lesquelles chacun
s’est consacré à Dieu
– Au supérieur:
holocauste absolu pour gagner soi-même et ses disciples à Dieu.
Bien d’autres choses étaient
imprimées dans ce livre, mais il me fut impossible de les lire...
― Qui êtes-vous ? demandai-je de
nouveau à cet homme qui me fixait d’un regard serein.
― Mon nom est connu de tous les
bons, et je suis envoyé pour te communiquer certaines choses futures.
― Lesquelles ?
― Celles déjà exposées et celles
que tu demanderas.
― Que dois-je faire pour
promouvoir les vocations ?
― Les
Salésiens auront de nombreuses vocations grâce à leur vie exemplaire, en
traitant les élèves avec une extrême charité et en insistant sur la communion
fréquente.
― Quelle règle suivre dans
l’acceptation des novices ?
― Exclure les paresseux et les
gourmands.
― Et dans l’acceptation des
vœux ?
― Vérifier s’il y a garantie
pour la chasteté.
― Comment faire pour conserver
encore mieux le bon esprit dans nos maisons ?
― Tâche des supérieurs
principaux : avec grande fréquence écrire, visiter, recevoir, traiter avec
bienveillance.
― Quelle règle suivre pour les
missions ?
― Y envoyer des confrères
moralement sûrs; faire revenir ceux qui inspirent quelque doute sérieux;
chercher et cultiver les vocations indigènes.
― Notre congrégation
marche-t-elle bien ?
― Que le juste pratique encore
la justice. Ne pas avancer, c’est reculer...
― S’étendra-t-elle beaucoup ?
― Tant que les supérieurs feront
leur partie, elle croîtra, personne ne pourra arrêter sa propagation.
― Durera-t-elle longtemps ?
― Votre Congrégation durera tant
que ses membres aimeront le travail et la tempérance. S’il vient à manquer une
de ces deux colonnes, votre édifice tombera en ruines, écrasant supérieurs et
inférieurs et ceux qui les suivent.
À ce moment apparurent quatre
individus portant un cercueil; ils s’avançaient vers moi.
― Pour qui est cela ?
― Pour toi.
― Dans peu de temps ?
― Ne le demande pas. Pense
seulement que tu es mortel.
― Que voulez-vous me signifier
avec ce cercueil ?
― Que tu dois faire pratiquer
pendant ta vie ce que tu désires que tes fils mettent en pratique après ta mort.
Voilà l’héritage, le testament que tu dois laisser à tes fils; mais tu dois le
préparer et le laisser bien achevé et bien pratiqué.
― Nous sont préparées des fleurs
ou des épines ?
― Vous sont préparées beaucoup
de roses, beaucoup de consolations ; mais sont imminentes des épines très
acérées qui apporteront à tous une très profonde amertume et une grande douleur.
Il faut beaucoup prier.
― Devons-nous aller à Rome ?
― Oui, mais doucement ! Avec la
plus grande prudence et avec des précautions raffinées.
― La fin de ma vie est-elle
imminente ?
― Ne te préoccupe pas de cela.
Tu as les règles, tu as les livres, fais ce que tu enseignes aux autres. Sois
vigilant.
Je voulais faire d’autres
demandes, mais un coup de tonnerre éclata sourdement, suivi d’éclairs et de
foudre, tandis que des hommes ou pour mieux dire des monstres horribles
s’élançaient sur moi pour me mettre en pièce. À cet instant une noire obscurité
m’empêcha de plus rien voir. Je croyais être mort et je me mis à crier comme un
furieux. Je me réveillai et me trouvai encore vivant; il était 4h45 du matin.”
Voici un autre exemple : une nuit,
don Bosco rêva qu’on lui offrait, en France, à Marseille, une luxueuse villa
qu’il visita de la cave au grenier. Il demanda bientôt à des amis de rechercher
cette villa: on le cru fou. On chercha cependant, mais rien, évidemment !...
Pourtant, quelques années plus
tard, en 1884, le curé de Saint-Joseph de Marseille, promenant don Bosco dans la
banlieue marseillaise, désigna, près de l’église sainte Marguerite, une
propriété appartenant à l’une de ses bienfaitrices. Don Bosco s’arrêta, son
expression changea, et il s’écria :
― C’est bien cela. Il y a
derrière le portail une grande allée semi-circulaire de platanes...
Et don Bosco de décrire les lieux
en détails, le parc, la ferme, la maison... La propriété était fermée, mais don
Bosco la décrivait avec précision dans toute sa réalité: c’était celle qu’il
avait visitée dans son rêve, quelques années auparavant. Bientôt, l’immeuble lui
fut concédé pour y établir son œuvre.

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