Première partie

La vie de Saint Jean Bosco

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La jeunesse

2-1-Rencontre avec don Calosso

Au printemps de l’année 1826, à la fin d’un jubilé qui avait amené quelques prédicateurs dans la région, un vieux prêtre remarqua Jean: c’était don Calosso. La mémoire prodigieuse de Jean stupéfia le vieillard qui lui proposa de commencer à apprendre le latin, chaque matin; le reste de la journée, il pourrait travailler dans les champs.

Cela ne dura qu’un an tant la persécution d’Antoine devenait insupportable. Maman Marguerite décida donc de se séparer de Jean qui fut accueilli dans une famille de Moncucco où il continua sa vie laborieuse comme aux Becchi: service de l’étable notamment. Mais le dimanche il réunissait quelques enfants du hameau pour les catéchiser. Et le soir, ou dans les champs pendant qu’il gardait les bêtes, il révisait sa grammaire latine. Mais cela restait insuffisant pour devenir prêtre, et Jean allait avoir quinze ans...

2-2-À Castelnuovo d’Asti

Heureusement, un oncle, Michel Occhiena, apitoyé, ramena Jean aux Becchi, et quelques mois plus tard Jean put rejoindre don Calosso. Hélas! ce dernier allait mourir peu de temps après, le 21 novembre 1830. De nouveau il fallait quitter les Becchi pour suivre un petit cours de latin, à Castelnuovo d’Asti.

L’année fut douloureuse pour Jean Bosco qui dut subir non seulement les moqueries de ses camarades plus jeunes que lui, mais également le dédain d’un professeur qui n’admettait pas qu’un paysan puisse apprendre le latin... Pour pouvoir vivre, Bosco se mit à apprendre le métier de son hôte, qui était tailleur. Il ne savait pas encore, qu’un jour, ce métier lui serait fort utile; les voies de Dieu ne sont pas les nôtres...

2-3-À Chieri

2-3-1-Le deuxième songe

Jean Bosco réussira-t-il à devenir prêtre? C’est alors que le Seigneur consola son enfant angoissé et l’assura qu’il serait son prêtre.

Cette nuit là, Jean vit venir à lui une grande Dame qui paissait un nombreux troupeau. Elle s’approcha de Jean et lui dit:

— Tiens, mon petit Jean, tu vois ce troupeau abondant: eh bien, je te le confie

— Mais comment ferais-je, Madame, pour le garder et prendre soin de tant de brebis et d’agnelets? Je n’ai pas de pâture où les conduire.

— Ne crains rien dit-elle alors; je veillerai sur toi et je t’aiderai. Et la dame disparut.

2-3-2-Le séjour à Chieri et la Società dell’alegria

Désormais Jean pouvait être tranquille. En effet, sa maman l’envoya bientôt à Chiéri, une petite ville située à 20 kilomètres de là pour y poursuivre des études dans une école officielle. Madame Matta, que Madame Bosco connaissait, consentit à prendre Jean en pension chez elle, pour une modique somme, si Jean acceptait l’emploi de domestique.  Et le pacte fut conclu.

Jean Bosco allait passer dix ans à Chiéri. Sa vie fut souvent dure, voire misérable, et souvent aussi il eut faim, mais il réussissait à étudier. Son obsession était toujours la jeunesse des rues dont personne ne s’occupait. Pour toucher ces jeunes délaissés et en danger, il fonda la Società dell’allegria qui les réunissait tous les dimanches. Deux uniques points en constituaient les statuts:

— Fuir tout propos et actions indignes d’un bon chrétien

— Se distinguer à remplir les devoirs de classe et de religion.

Ensuite, il était ordonné à la “brigade”, de fuir la tristesse et la mélancolie. Ce point était particulièrement bien suivi. Puis, le soir venu, la joyeuse journée s’achevait en prière!...

2-3-3-Un épisode amusant: Bosco et le bateleur

C’est alors qu’un dimanche soir, un étonnant événement se produisit. Un bateleur, comme on en rencontrait parfois à cette époque: jongleur, acrobate, voire prestidigitateur, s’installa à Chiéri et décida d’offrir son spectacle, juste à l’heure où Bosco et sa troupe se mettaient en place pour le cours de catéchisme et la prière. Le choix était vite fait, et les jeunes couraient au spectacle du saltimbanque. Que faire? Jean Bosco eut alors une idée: il proposa à l’homme, qui accepta, une joute publique. La foule, dûment avertie, était très nombreuse cette fin d’après-midi. Elle se félicitait de pouvoir assister à un spectacle intéressant: un professionnel qualifié et apprécié contre un adolescent peu connu.

Premier acte: le bateleur proposa une course. 20 lires[1]  à qui arriverait le premier. C’était une grosse somme que Jean ne possédait pas, mais ses amis se cotisèrent et la course eut lieu...

Jean rattrapa vite l’acrobate et gagna la course.

Deuxième acte: l’homme ne s’avoua pas vaincu et proposa un saut,  performance qu’il était sûr de gagner. Le pari: 40 lires.

On choisit un endroit où la rivière était assez large. Le saut serait difficile car la rive d’en face était bordée par un petit mur qui ne laissait qu’une très étroite bande de terre pour atterrir. Le saut de l’acrobate fut impeccable: impossible de mieux faire car le mur empêchait un saut plus long. Jean prit un élan bien calculé, franchit la rivière, et jetant les deux mains sur le parapet, il fit un saut périlleux qui le projeta au-delà du petit mur. Victoire complète pour Jean.

Troisième et quatrième actes: le saltimbanque ne voulant pas se tenir pour battu proposa un tour d’adresse pour 80 lires. Malgré l’habileté incontestable du jongleur, Jean gagna encore.

N’y tenant plus l’acrobate paria 100 lires pour celui qui monterait le plus haut dans l’orme voisin. L’homme escalada l’arbre rapidement et atteignit son sommet: impossible d’aller plus haut sans faire céder la branche flexible qui menaçait déjà de se briser. Cette fois, Jean ne pourrait pas faire mieux:

— Cette fois, mon pauvre Jean, tu as perdu glissa un camarade.

— C’est ce qu’on va voir.

Et en un instant Jean atteignit la cime de l’orme au-delà de laquelle il était impossible d’aller. Mais l’on vit le jeune adolescent s’appuyer des mains sur la branche, se redresser la tête en bas: maintenant ses pieds dépassaient les plus hautes feuilles de l’arbre. Un tonnerre d’applaudissements accueillit cet exploit.

Jean et ses amis ne voulurent pas humilier le bateleur, et toute la bande l’invita à prendre un bon repas dans l’auberge voisine. Désormais, à l’heure de l’office du soir, la place était silencieuse et le saltimbanque n’y faisait plus ses spectacles.


[1] Le Piémont, à cette époque, suite à l’influence française napoléonienne, utilisait indifféremment  la lire ou le franc.

 

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