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HILAIRE A
SA TRÉS CHÈRE FILLE ABRA,
SALUT EN JÉSUS CHRIST
J'ai reçu ta lettre, ma
chère fille, et j'y vois que tu soupires après mon retour; mon coeur
n'en saurait douter. Je sens, en effet, combien est désirable la
présence de ceux qu'on aime. Mais comme je n'ignorais pas que notre
séparation t'afflige, j'ai voulu, dans la crainte que cette absence si
prolongée ne m'exposât au reproche de manquer de tendresse, j'ai voulu,
en justifiant dans ton esprit et mon départ et mon absence, que tu
comprisses bien que c'est le tendre intérêt que tu m'inspires, et non
l'oubli des plus doux sentiments, qui me retient loin de toi. Car,
puisque mes affections ne peuvent pas plus se partager que nos coeurs ne
pas se confondre dans les mêmes pensées, je voudrais que tu fusses en
même temps et la plus belle et la plus pure.
J'avais appris qu'un jeune
homme possède une perle et un vêtement d'un prix si inestimable que la
personne assez heureuse pour l'obtenir de sa bonté verrait bientôt
toutes les richesses du monde, tous les trésors de salut sur la terre
s'effacer à l'éclat de ceux dont elle s'enrichirait par là. Je suis donc
parti pour aller auprès de lui; arrivé enfin par des chemins aussi longs
que difficiles, je me suis jeté à ses pieds : car ce jeune homme est si
beau que nul n'oserait se tenir debout devant sa face. Dès qu'il me vit
dans cette humble attitude : Que me veux-tu, dit-il, et qu'attends-tu de
moi ? Mille bouches, lui ai-je répondu, m'ont entretenu de la perle et
du vêtement qui sont entre vos mains, et, si vous daignez ne pas
repousser mes voeux, c'est pour en orner ma fille chérie, que je suis
venu devant vous... La face prosternée contre terre, je verse des
torrents de larmes, nuit et jour je gémis, je soupire et le supplie
d'exaucer ma prière.
Connais-tu, me dit-il
ensuite (car qui pourrait égaler ce jeune homme en bonté ?) connais-tu
le vêtement et la perle que tu me pries en pleurant d'accorder à ta
fille ? Seigneur, lui dis-je, les hommes m'ont instruit de leurs
merveilles, et j'ai eu foi en leurs paroles; j'en connais toute
l'excellence, et je sais que le salut est assuré à quiconque revêt cet
habit et se pare de cette perle. Soudain il ordonna à ses serviteurs de
me montrer ce vêtement et cette perle. Ils obéissent. Je vis d'abord le
vêtement; je vis, ma fille, je vis ce que je ne peux exprimer. Car,
auprès de ce vêtement, le réseau le plus fin d'un léger tissu de soie
est-il autre chose qu'une grossière étole ? Quelle neige ne paraîtrait
noire, comparée à sa blancheur ? Quel or ne pâlirait aux feux dont elle
rayonne ? Mille couleurs l'enrichissent, et rien ne saurait l'égaler.
Mais à la vue de la perle, ô ma fille, j'abaissai mon front dans la
poussière, car mes yeux ne purent soutenir la vivacité des couleurs
qu'elle reflète. Non, ni les cieux, ni la mer, ni la terre, dans toute
la splendeur de leur magnificence, ne sauraient en approcher.
Comme je restais prosterné,
un de ceux qui étaient là me dit : Je vois l'inquiétude qui tourmente
ton coeur paternel, et que tu désires pour ta fille ce vêtement et cette
perle; mais, pour irriter encore davantage l'ardeur de ce désir, je vais
t'ouvrir tous les trésors qui y sont renfermés. Le vêtement brave la
dent des vers rongeurs, le temps ne saurait en altérer le tissu, nulle
souillure n'en corromprait la pureté; il ne peut ni se déchirer ni se
perdre; il reste toujours le même. Quelle n'est pas la vertu de la perle
! L'heureux possesseur n'a à craindra ni les maladies ni la vieillesse;
il n'est point tributaire de la mort; il n'y a plus rien en lui qui
puisse troubler l'harmonie de ses organes, rien qui le tue, rien qui
précipite le cours de ses années, rien qui altère sa santé. A ces mots,
ô ma fille, un désir plus violent s'est allumé dans mon sein; je ne
relevai point mon front incliné; mes larmes ne cessèrent de couler, la
prière de jaillir de mes lèvres, et je disais : Prenez en pitié les
voeux, les inquiétudes et la vie d'un père. Si vous me refusez le
vêtement et la perle, mon malheur est certain, et je perdrai ma fille
encore toute vivante. Oh ! pour lui obtenir ce vêtement et cette perle,
je me condamne à voyager aux terres étrangères, et vous savez, Seigneur,
que je ne mens pas.
Après qu'il m'eut entendu
parler ainsi : Relève-toi, me dit-il; tes prières et tes larmes m'ont
touché; tu es heureux d'avoir cru. Et puisque tu ne crains pas, ainsi
que tu l'as dit, de sacrifier ta vie à l'acquisition de cette perle, je
ne puis te la refuser; mais il convient auparavant que tu connaisses mes
conditions et ma volonté. Le vêtement que tu recevras de moi est d'une
telle nature qu'il ne faut pas espérer de s'en revêtir jamais, si l'on
veut se couvrir d'un autre habit où l'or et la soie mêlent leurs
éclatants reflets. Je le donnerai à quiconque, dédaignant un vain luxe,
se contentera d'un vêtement simple, sur lequel, si, par respect pour la
coutume, la pourpre doit se montrer, elle se resserre du moins en bandes
étroites et n'étale pas tout son ambitieux éclat. Quant à la perle, elle
n'appartiendra qu'à celui qui, à l'avance, aura renoncé aux autres
perles; car celles-ci ne sont que les produits ou de la mer ou de la
terre; la mienne, au contraire, comme tu le vois, est belle, précieuse,
incomparable, toute céleste, et elle rougirait de se trouver en
compagnie des autres perles : il y a divorce entre les choses de la
terre et les choses du ciel. Avec mon vêtement et ma perle, l'homme est
à jamais garanti ce toute corruption; pour lui point de fièvre brûlante,
point de blessures, point de changement opéré par les années, point de
dissolution par la mort; permanence et éternité, voilà son partage.
Toutefois ce vêtement et cette perle que tu me demandes, je te les
donnerai, et tu les porteras a ta fille; mais il faut avant tout que tu
connaisses ce qu'il y a au fond de sa pensée. Si elle se rend digne de
ces riches présents, je veux dire si elle foule au pieds les vêtements
de soie chamarrés d'or et empreints de couleurs variées; si toute autre
perle lui est odieuse, alors je mettrai le comble à tes voeux.
A peine a-t-il fini de
parler que je me relève plein de joie, et, m'imposant envers les autres
la loi d'une discrétion sévère, je me suis empressé de t'écrire, en te
conjurant par les larmes qui baignent mon visage de te réserver, ô ma
fille, pour ce vêtement et pour cette perle, et de ne pas condamner, en
les perdant par ta faute, ma vieillesse au malheur. J'en prends à témoin
le Dieu du ciel et de la terre, il n'y a rien de plus précieux que ce
vêtement et que cette perle; ma fille, si tu le veux, ils sont à toi. A
ceux qui te présenteront un autre vêtement de soie ou d'or réponds
seulement : J'en attends un que depuis bien longtemps mon père est allé
chercher en des pays lointains, et dont me priverait celui que vous
m'offrez. C'est assez pour moi de la laine de nos brebis, assez des
couleurs naturelle, assez d'un modeste tissu. Contre celui que je
désire, le temps, m'a-t on dit, un long usage et la force sont
impuissants. Que si l'on veut suspendre une perle à ton cou ou la placer
à ton doigt, réponds encore: A quoi bon ces perles inutiles et
grossières ? Celle que j'attends est la plus précieuse, la plus belle et
la plus utile; j'ai foi dans la parole de l'auteur de mes jours, qui a
eu foi à son tour dans la parole de celui qui lui a promis cette perle
pour laquelle mon père lui-même m'a déclaré qu'il voulait mourir. Je
l'attends, je la désire; elle me donnera tout à la fois salut et
éternité.
Viens donc en aide à mon anxiété, ô ma
fille chérie; relis sans cesse ma lettre et réserve-toi pour ce vêtement
et pour cette perle; et, ne t'inspirant que de toi seule, réponds-moi,
quel que soit ton style, réponds-moi, afin que je sache ce que je devrai
répondre à ce jeune homme, et que je puisse enfin penser à mon retour
auprès de toi. Quand tu m'auras répondu, je te ferai connaître quel est
ce jeune homme; tu sauras alors ce qu'il veut, ce qu'il promet et tout
ce qu'il peut. En attendant, je t'envoie un hymne qu'en souvenir de moi
tu chanteras le matin, quand le soleil sort de sa couche et quand il y
rentre le soir. Si cependant la faiblesse de ton âme te refuse
l'intelligence de l'hymne et de ma lettre, consulte ta mère qui, dans sa
piété, ne souhaite t'avoir donné le jour que pour Dieu. Puisse aussi ce
Dieu à qui tu dois la vie te garder à jamais, ô ma fille bien-aimée !
Hymne à sa fille Abra
Brillant dispensateur de la lumière,
toi dont l'éclat si pur
ouvre les portes du jour,
quand la nuit a replié ses
voiles;
Toi, le véritable flambeau
du monde,
et qui n'as rien de commun
avec ce pâle messager
qui laisse à peine une trace
empreinte dans les champs du ciel;
Astre plus brillant que le
soleil,
astre dont les rayons
illuminent l'intérieur de nos âmes;
O roi de la terre et des
cieux, gloire immortelle de ton père,
tiens allumer tes flammes
dans nos coeurs
et y verser les trésors de
ta grâce.
Remplis de ton esprit, temples
vivants du Seigneur,
nous braverons les ruses,
les pièges
et les mensonges d'un
perfide ennemi.
Purs et sans tache, nous vivrons
sous l'empire de tes saintes lois;
et notre nacelle, sans
craindre l'orage,
flottera portée sur les eaux
du siècle.
Puisse la chasteté de nos coeurs
triompher des passions
honteuses de la chair;
puisse l'Esprit saint
écarter les souillures loin du sanctuaire
où tu as daigné descendre !
Voilà nos voeux et nos prières;
voilà notre espérance;
fais que sa douce étoile,
levée sur nous
quand le jour commence sa
carrière,
nous guide jusque dans la
nuit.
Gloire à toi, Seigneur; gloire à
ton Fils unique;
gloire au saint Esprit, aujourd'hui et
dans tous les siècles. Amen.
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