La
France
n'a
pas
seulement
donné
des
Saints
à
l'Église,
mais
elle
en
a
encore
reçu
des
pays
éloignés,
et
comme
une
terre
promise
aux
âmes
d'élite,
elle
a
toujours
été
la
retraite
des
plus
grands
personnages
de
toutes
les
nations.
Nous
le
voyons
en
saint
Fursy.
Finloga,
qui
gouvernait
la
Momonie
méridionale,
un
des
six
royaumes
de
l'Irlande
au
commencement
du
VIIe
siècle,
eut
un
fils
nommé
Fintan
qui
épousa
Gelgès,
fille
unique
du
roi
Aedfind.
Cette
princesse,
élevée
dans
la
foi
chrétienne
à
l'insu
de
son
père,
convertit
celui
qui
aspirait
à
sa
main,
et
reçut
en
secret
avec
lui
la
bénédiction
nuptiale.
C'est
de
cette
union
que
devait
naître
saint
Fursy.
Sa
naissance
fut
précédée
par
des
signes
merveilleux,
qui
donnèrent
assez
à
connaître
que
Dieu
l'avait
élu
pour
combattre
contre
le
péché,
et
pour
ruiner
le
paganisme
qui
régnait
encore
en
ce
temps-là
dans
ces
îles
du
Septentrion.
Aedfind,
s'apercevant
de
la
grossesse
de
sa
fille
et
apprenant
le
mariage
secret
qu'elle
avait
contracté
avec
un
chrétien,
entra
dans
une
si
violente
fureur,
qu'il
ordonna
que
cette
désobéissance
fût
punie
par
le
supplice
du
feu.
Il
voulut
même
assister
à
l'exécution
de
sa
sentence,
et
la
fit
conduire
en
sa
présence
au
bûcher
qui
lui
était
préparé.
On
dit
qu'en
ce
moment
l'enfant
qu'elle
portait
dans
son
sein
parla
d'une
voix
intelligible,
et
reprit
fortement
son
grand-père
de
sa
cruauté
envers
lui
et
envers
sa
mère
Au
moins,
entendit-on
des
paroles
extraordinaires
qui
venaient
du
côté
de
la
princesse,
et
l'on
ne
sait
pas
si
ce
fut
un
ange
ou
l'enfant
même
qui
les
prononça.
Ce
qui
est
plus
certain,
c'est
que
Gelgès
fut
délivrée
des
flammes
par
une
pluie
soudaine
et
des
sources
miraculeuses
qui
les
éteignirent.
En
présence
de
ce
miracle
et
de
la
joyeuse
exaltation
du
peuple,
Aedfind
n'osa
consommer
sa
vengeance;
il
se
contenta
de
bannir
sa
fille
et
son
gendre.
Les
jeunes
époux
se
réfugièrent
dans
une
île
du
lac
d'Orbsen,
d'où
saint
Brendan
dirigeait
le
monastère
voisin
de
Clunaferte.
Ils
trouvèrent
là
le
sympathique
accueil
que
méritaient
leurs
malheurs,
et
une
résidence
leur
fut
assignée
dans
l'hôtellerie
de
cette
célèbre
abbaye,
où
vivaient
près
de
trois
mille
religieux.
La
nuit
même
de
leur
arrivée,
la
chambre
où
ils
étaient
logés
fut
éclairée
d'une
lumière
extraordinaire,
qui
fit
connaître
aux
insulaires
le
mérite
de
ces
illustres
fugitifs.
Le
terme
de
l'innocente
princesse
étant
arrivé,
elle
mit
au
monde
notre
Saint,
qui
fut
régénéré
dans
les
eaux
saintes
du
baptême
par
le
même
saint
Brendan,
et
nommé
Fursy.
Cet
enfant
donna
bientôt
des
signes
de
sa
sainteté
future,
par
la
douceur
de
son
naturel
et
une
très-forte
inclination
qu'il faisait paraître
pour les exercices de piété, ce qui obligea saint Brendan d'avoir un
soin particulier de son éducation. Il le mit, selon l'usage de ce
temps-la, dans le monastère de Clunaferte, sous la conduite des
moines, où il fit, en peu d'années, un très-grand progrès dans la
pratique de la vertu et dans la connaissance des lettres divines et
humaines. Ayant fait profession de la vie monastique, il s'appliqua,
avec beaucoup de fruit, à la prédication de l'Évangile et la ferveur
de son zèle suppléant à la faiblesse de son âge, il gagna aussitôt
grand nombre d'infidèles et de pécheurs au service de Notre-Seigneur
car les païens étaient encore très-nombreux malgré les missions qui
s'étaient succédé en Irlande depuis le IVe siècle.
« Or, il advint que le roi Brendin,
qui gouvernait l'Ultonie méridionale, eut deux enfants jumeaux, un
fils et une fille qui moururent en même temps de quoi furent
attristés tous ceux du pays on ne put les mettre en terre les païens
irlandais eussent voulu démembrer les cadavres pour les manger. Le
roi Aelfind, par le conseil des sages, les confia à des écumeurs de
mer pour les emmener de nuit et les faire enterrer en cachette. Mais
ils ne parvinrent pas au lieu où ils s'étaient proposé d'aller il
plut à Dieu qu'ils abordassent devant l'ermitage que saint Fursy
s'était construit près du monastère.
Le matin, quand le jour fut venu,
voici le saint jeune homme Fursy qui s'en va à l'église comme il
avait coutume quand il ouvrit la porte, il vit les corps de son
cousin et de sa cousine tout nus, de quoi il fut très-surpris et
commença à pleurer de pitié et pria Notre-Seigneur, en disant Beau
sire Dieu, faites que les âmes reviennent dans ces corps. A peine
eut-il achevé sa prière que les enfants se levèrent tout joyeux;
puis ils furent émerveillés et eurent grande honte. Le saint jeune
homme Fursy eut pitié d'eux. Après leur avoir trouvé des vêtements
convenables, il prit un bâton, le jeta en la mer, lui commanda de
s'en aller droit au port d'où les enfants étaient venus et fit signe
aux enfants de le suivre sans crainte. Or, écoutez une chose qui
doit émerveiller et qui doit être racontée pour la gloire de
Nôtre-Seigneur le bâton s'en alla devant comme s'il eût eu de
l'entendement; les enfants marchèrent hardiment à sa suite dans le
sillage qu'il traçait, jusqu'à ce qu'ils arrivèrent en leur pays et
reconnurent leurs gens ».
En apprenant ce double miracle de
saint Fursy, les parents des deux jumeaux résolurent d'aller lui
témoigner leur reconnaissance. Pendant ce temps-là, le démon
prévoyant combien la vie de saint Fursy serait glorieuse et utile à
l'Église, entreprit de le persécuter par les religieux de son
monastère. Ils commencèrent donc à médire de lui, à l'injurier et à
le maltraiter; de sorte que pour céder à leur envie, il fut obligé
de quitter ce lieu et de se retirer, avec la permission de saint
Brendan, dans une autre île du lac d'Orbsen nommée Ratimath. Ce fut
sans doute un coup de la divine Providence; car, la bonne odeur de
sa sainteté se répandant de tous côtés, plusieurs enfants des
premières familles quittèrent le monde et se vinrent ranger sous sa
conduite. Leur nombre croissant de jour en jour, il bâtit un nouveau
monastère, où il vécut avec eux comme un archange avec une compagnie
d'anges. Ce fut en ce lieu que vinrent le trouver les rois Brendin,
Féradrach et Aedfind, accompagnés de l'élite de leur noblesse.
Aedfind s'agenouilla humblement devant son petit-fils, se repentit
publiquement du traitement odieux qu'il avait voulu infliger à sa
fille Gelgès, et manifesta le désir d'embrasser la foi chrétienne.
Aedfind aurait voulu ramener avec lui
Fintan et Gelgès mais Finloga venait de mourir, et son fils devait
se rendre aux désirs des Momoniens méridionaux, en allant régner
avec sa femme sur cette partie de l'Irlande. Fursy, après le départ
de ses parents, redoubla de ferveur dans le service de Dieu. Il
priait continuellement pour la conversion des pécheurs et pour le
salut de tous les membres de sa famille. Ses vœux les plus chers
furent exaucés, quand il vit ses jeunes frères, Foillan et Ultan
renoncer aux honneurs du monde et venir embrasser, sous sa
direction, la règle monastique.
Notre Saint s'arrachait parfois à la
solitude, pour aller évangéliser les contrées voisines. Un jour
qu'il partait pour aller prêcher dans le royaume de son père, il
tomba subitement malade et fut ramené dans son monastère. C'est
alors qu'il eut une série d'extases et de ravissements dont le
vénérable Bède, dans son Histoire nous a laissé le récit qu'a
reproduit Ribadeneira nous n'en donnerons que l'abrégé. Dans ces
suspensions de ses sens, il vit des choses merveilleuses pour son
instruction et pour celle de ses religieux et de ceux à qui il
devait prêcher l'Évangile. Des anges lui apparurent et le
défendirent contre diverses accusations des démons qui poursuivaient
sa condamnation. Ils lui firent connaître qu'il y avait
principalement quatre feux qui enflammaient le monde et perdaient
les chrétiens, savoir l'infidélité aux promesses de leur baptême, la
convoitise des richesses de la terre, l'esprit de dissension et la
dureté envers le prochain. Il les entendit chanter alternativement
ces deux premiers versets du psaume LXXXIII « Les Saints iront de
vertu en vertu; le Dieu des dieux sera vu dans Sion » et le
trisagion « Saint, Saint, Saint, le Seigneur Dieu des armées ». Il
aperçut aussi en trois de ces anges une figure admirable de la
très-sainte Trinité; parce que, quoiqu'ils fussent trois, il n'y
avait point en eux de dissemblance, ni quant au visage, ni quant à
la voix, ni quant à la clarté qui les environnait. Deux saints
évêques, savoir: saint Béodan et saint Meldan, l'instruisirent à
leur tour, dans cette vision, de diverses calamités qui devaient
arriver au monde et des moyens de les éviter; et l'exhortèrent à
prêcher la pénitence, non-seulement aux peuples, mais aussi aux
prélats et aux princes. L'âme d'un usurier damné se fit voir encore
à lui, et Dieu permit que cette image s'étant jetée sur lui, lui
laissât, à l'épaule et à la mâchoire, des marques du feu qui la
brûlaient, en punition de ce qu'il avait accepté un habit que cet
usurier lui avait légué.
Saint Fursy pria Dieu de ne lui jamais
ôter ses cicatrices afin de se souvenir, tout le temps de sa vie,
combien il est redoutable de tomber entre les mains de la divine
justice. Depuis ce temps-là, lorsque le saint abbé parlait en
conférence avec ses moines de ce qu'il avait vu et ouï des peines de
l'enfer, il tremblait et suait d'appréhension.
Saint Fursy étant entièrement revenu à
lui-même, s'appliqua à la prédication de l'Évangile, suivant l'ordre
qu'il en avait reçu du ciel, et prêcha encore douze ans dans les
royaumes d'Irlande, d'Écosse et d'Angleterre. Il y convertit grand
nombre d'idolâtres et de pécheurs par la force de ses paroles et par
l'exemple admirable de sa vie, et gagna entièrement à Dieu
Sigisbert, roi de l'Est-Anglie, un des sept royaumes fondés
successivement du V au VIe siècle par les Angles et les
Saxons dans la Grande-Bretagne. Grâce aux libéralités de ce
monarque, le missionnaire irlandais put construire à Cnobbersburg,
aujourd'hui Burghcastle, dans le comté actuel de Suffolk, un grand
monastère où affluèrent bientôt de nombreux disciples ; il y vécut
quelque temps avec eux pour les mieux former dans la pratique des
observances régulières.
Quelle que fût la générosité du roi
Anne, successeur de Sigisbert, il ne put procurer une cloche à
l'église de la nouvelle abbaye « Alors l'ange de Notre-Seigneur en
apporta une à travers les airs, laquelle existait encore en i 468 B.
Il est un autre miracle de cloche dans la vie de saint Fursy les
moines de Lismore, en Irlande, en aperçurent un jour une qui
voltigeait dans l'espace. Ayant interrogé saint Cuanne, leur abbé,
sur ce prodige, celui-ci leur répondit que c'était la cloche de
saint Fursy qui, ne pouvant venir resserrer avec eux les liens de la
fraternité monastique, avait envoyé la cloche de son monastère pour
le représenter. A défaut d'autre chose, ces anecdotes ont leur
importance au point de vue de l'histoire des cloches.
Un des points principaux de sa piété
était la sanctification des fêtes. Il commençait la célébration du
dimanche aux Vêpres du samedi, et employait le reste du jour et le
suivant en oraison ou en des pratiques de vertu, afin de remplir le
sabbat d'œuvres dignes de Dieu. Il avait une charité extraordinaire
pour les pauvres, et ne faisait point difficulté de leur distribuer,
dans les temps de cherté, toutes les provisions de son monastère. Un
murmure s'étant élevé à ce sujet parmi les frères, qui craignaient
de tomber dans le besoin, il leur apprit à mettre leur confiance en
Dieu par une moisson miraculeuse qu'il fit naître dans une de leurs
terres, peu de jours après y avoir semé du grain.
Après avoir ainsi gouverné quelque
temps ce monastère, saint Fursy, désirant vivre dans une plus grande
retraite, se démit de sa charge d'abbé entre les mains de son frère,
saint Foillan, lui donna pour associés deux prêtres d'une éminente
vertu, et se retira dans la solitude avec saint Ultan, son second
frère, qui menait déjà une vie érémitique. Ils passèrent une année
ensemble, avec une douceur incomparable, traitant souvent avec Dieu
par l'oraison, et travaillant quelquefois des mains pour se délasser
l'esprit. Mais au bout de ce temps, il fut contraint de quitter la
vie contemplative par l'irruption du roi de Mercie (un des sept
royaumes anglo-saxons), le violent et turbulent Penda, qui faisait
la guerre au roi d'Est-Anglie. Il quitta même la Grande-Bretagne, et
vint en France vers 646 où il fit, de tous côtes, d'insignes
miracles~. Dans le Ponthieu, il ressuscita le fils du duc Haymon ce
dernier, admirant une si grande merveille, n'épargna rien pour
l'arrêter auprès de lui mais il n'en put venir à bout, parce que le
dessein de Fursy était d'aller à Rome il promit au duc que si Dieu
lui conservait la vie, il le viendrait revoir et que, si cela ne se
pouvait pas faire, il lui en donnerait avis. Au village d'Authuille,
sur la petite rivière d'Ancre, il chassa le démon du corps d'un
misérable qui l'avait volé sur le chemin, et qui, en punition de ce
crime, était cruellement tourmenté avec toute sa famille, par ce
malin esprit. Il le convertit, avec tous les siens, à notre sainte
religion, et par cette charité qui n'a point de fiel, de son
persécuteur il fit son frère en Jésus-Christ. A Grandcourt, près
d'Arras, il délivra d'une semblable possession une dame de qualité,
nommée Ermannède, qui
était
tombée
dans
ce
malheur, pour
l'avoir
éconduit
sans
lui
vouloir donner
l'hospitalité.
Il
ne revint
pas
néanmoins chez
elle
mais,
touché
des
larmes des
domestiques
qui
coururent après
lui
et lui
représentèrent
l'état
déplorable
de
leur maîtresse,
il
lui envoya
un
de ses
disciples,
avec
son
bâton, ce
qui
fut suffisant
pour
la
guérir. Elle
vint
ensuite
elle-même
le
remercier, et
fut
depuis fort
pieuse
et
fort
hospitalière.
Notre
Saint,
continuant
ainsi
son
voyage par
la
France et
l'Italie,
arriva
enfin
à
Rome, où
saint
Martin
tenait
le
siège apostolique.
Du
plus loin
qu'il
aperçut
cette
ville
consacrée
par
le sang
des
deux plus
grands
Apôtres
et
d'une infinité
d'autres
Martyrs,
et
ornée des
mérites
de
tant d'illustres
Confesseurs
et
de saintes
Vierges,
il
se mit
à
genoux et
la
salua avec
beaucoup
de
respect et
de
dévotion. Y
étant
entré,
il
en visita
avec
une
ferveur extraordinaire
tous
les
lieux de
piété,
et
versa beaucoup
de
larmes pour
apaiser
la
colère de
Dieu
irrité
contre
les
pécheurs, et
pour
attirer
sa
bénédiction sur
toute
l'Église.
Comme
il
pensait à
son
départ, Dieu
lui
fit commandement
de
parler au
Pape,
et
de prendre
mission
de
lui pour
l'exercice
de
la prédication
et
des fonctions
apostoliques
parmi
les
peuples. Le
Pape
eût
été ravi
de
le retenir
auprès
de
lui il
lui
offrit pour
cela
des
dignités ecclésiastiques
mais
voyant
qu'il
était
appelé
ailleurs,
il
lui accorda
bien
volontiers
la
mission qu'il
lui
demandait. On
dit
même qu'il
le
sacra évêque
régionnaire
pour
toute
la
France, afin
d'assister
les
prélats de
ce
royaume dans
la
grande mission
qu'ils
avaient
à
accomplir, et
qu'il
lui
donna pour
bâton
pastoral
une
crosse de
bois
dont
plusieurs
saints
Papes
ses
prédécesseurs s'étaient
servi.
Enfin,
après
plusieurs
voyages,
ce
fervent prédicateur
vint
à
Paris, où
le
roi Clovis
II,
frère de
Sigebert,
et
sainte Bathilde,
son
épouse, lui
firent
de
grands honneurs.
Ils
le recommandèrent
particulièrement
à
Erchinoald ou
Archambaud,
leur
maire
du
palais.
Ce
personnage
écoutait
avec
déférence
les
avis apostoliques
que
notre Saint
prodiguait
aux
moines, aux
évêques,
aux
courtisans et
au
roi lui-même.
Plein
de
vénération pour
le
saint missionnaire,
il
le pria
d'aller
baptiser
son
fils au
château
de
Péronne. Après
le
baptême de
l'enfant
que
l'on croit
être
Leudèse,
maire
du
palais sous
Thierry
I",
Fursy fit
sortir
miraculeusement
de
prison six
criminels
dont
ce
seigneur lui
avait
refusé
la
délivrance
ce
qui lui
acquit
tant
d'estime
auprès
de
lui qu'il
voulait
absolument
le
retenir dans
ses
terres. Il
lui
fit bâtir
pour
cela
un
oratoire auprès
du
palais qu'il
avait
en
cette ville,
sur
le mont
qu'on
appelait
le
Mont-des-Cygnes Fursy
y
allait souvent
prier.
Il
fit présent
à
ce sanctuaire
des
corps de
saint
Béodan,
de
saint Meldanet de saint Patrice,
qu'il avait
rapportés
d'Irlande.
Erchinoald,
sachant
que
saint Fursy
désirait
fonder
un
monastère en
Neustrie,
chargea
trois
de
ses officiers
de
parcourir avec
lui
les terres
qui
appartenaient à
son
domaine, pour
que
le moine
celte
y
fît son
choix.
La
préférence du
Saint
tomba
sur
Lagny-en-Brie, dans
le
voisinage de
Chelles, terre fertile baignée
par la Marne et dépendant alors du diocèse de Paris Grâce aux
libéralités réunies d'Erchinoald, de Clovis II et de son épouse
sainte Bathilde, saint Fursy put bâtir, vers 648, un monastère et
trois chapelles, dont l'une devait plus tard prendre son nom. II y
assembla en peu de temps, sous la règle de Saint-Benoît, un grand
nombre de religieux qui édifièrent toute la France par la pureté de
leur vie. Ce fut là que le Saint obtint une fontaine miraculeuse
qu'il fit naître en fichant son bâton dans la terre. Ses eaux
servirent depuis à la guérison des malades.
Cette fontaine existe encore, et est
plus que suffisante pour alimenter toute la ville. Mais l'on n'y
vient plus chercher de l'eau pour la guérison des maladies. Dans des
temps très-reculés, il paraît que cela avait lieu.
La sainteté de ce bienheureux abbé
éclatait encore par la puissance qu'il avait sur les démons, car il
n'y avait point de possédé qui ne trouvât dans sa prière un remède
assuré contre ce malheur.
C'est pendant son séjour à Lagny que
saint Fursy prêta son concours à Audobert, évêque de Paris, et
peut-être à son successeur saint Landry, en remplissant les
fonctions de chorévêque, qui équivalaient à celles de nos vicaires
généraux actuels. C'est sans doute en cette qualité que, de concert
avec saint Bobolin, il construisit une église à Compans qu'il fit
consacrer par l'évêque Audobert.
Erchinoald, redoublant de générosité,
se rendit à Lagny et annonça à notre Saint qu'il allait lui faire
bâtir un second monastère sur une montagne voisine de Péronne,
(c'est l'origine de l'abbaye du Mont-Saint-Quentin), et de plus une
église sur le Mont-des-Cygnes, à l'emplacement de cette chapelle
castrale, où l'Apôtre irlandais avait été souvent prier.
Saint Fursy conduisit à Péronne
quelques moines de Lagny. « Un livre fort ancien, écrit à la main et
gardé au monastère du Mont-Saint-Quentin a, porte que saint Eloy,
qui était alors évêque de Noyon, fut prié de faire la cérémonie de
la consécration de l'église ce qui fut accompli solennellement en
présence des plus grands de la noblesse des environs et d'une
multitude innombrable de personnes qui venaient de tous côtés.
Divers religieux, que saint Fursy avait jadis formés, en Irlande, à
la vie monastique, entre autres saint Émilien, voulurent se remettre
sous sa direction. Ils quittèrent leur patrie et vinrent à Lagny, où
leur présence donna bientôt un nouvel essor à la piété qui régnait
dans cet asile. Saint Fursy qui voulait aller visiter le monastère
anglais de Cnobbersburg, dont il avait confié la direction à saint
Foillan, remit le gouvernement de Lagny entre les mains de saint
Émilien et partit pour un voyage qui devait dès son début être
interrompu par la mort. Il tomba malade en arrivant à Mézerolles,
domaine que lui avait jadis offert le comte Haymon. Clovis II et
Erchinoald accoururent le visiter, et peut-être furent-ils témoins
de sa mort".
A l'heure même, saint Fursy accomplit
la promesse qu'il avait faite au duc Haymon, de l'avertir de son
décès car il lui apparut revêtu d'habits sacerdotaux et accompagné
de deux lévites ayant comme lui des cierges ardents à la main. Le
saint Missionnaire lui avait en effet annoncé autrefois que
lorsqu'il lui apparaîtrait avec trois lumières, le moment de sa mort
serait arrivé. Le duc était alors à table et avait du monde avec
lui' mais lui seul eut part à cette vision. Il l'expliqua à ses
convives et partit aussitôt avec toute sa maison. En arrivant à
Mézerolles, il trouva près du corps tous les clercs, les vierges et
les gens du pays réunis pour rendre les derniers honneurs au Saint.
Tandis qu'il songeait à s'approprier
les reliques de saint Fursy, le même désir animait Erchinoald, ainsi
que Berchaire, comte de Laon', qui avait jadis invité le
missionnaire à venir évangéliser la ville de Laon. Erchinoald envoya
un courrier au duc Haymon pour lui réclamer le corps du Saint, au
nom du roi, et le prévint qu'en cas de refus il emploierait la
force. Le comte de Ponthieu répondit au messager que la Providence
semblait l'avoir désigné pour être le possesseur de ce trésor, que
le Saint était mort dans ses domaines, qu'il y avait ressuscité son
fils et fait beaucoup d'autres prodiges, enfin qu'il lui avait
apparu immédiatement après sa mort. Il ajouta qu'il serait injuste
et cruel d'ensanglanter les funérailles de celui qui avait prêché
sur la terre la paix et la concorde. Erchinoald, qui avait déjà
amené une cavalerie menaçante sur les bords de l'Authie, se laissa
toucher par ces considérations, et consentit à s'en remettre à ce
qu'on appelait alors le jugement de Dieu. Le corps du Saint fut mis
sur un chariot attelé de deux taureaux indomptés, livrés à leur seul
instinct, et l'on convint qu'il deviendrait la propriété de celui
dont les domaines serviraient de point d'arrêt au voyage aventureux
du char. Cette convention fut exécutée le lendemain avec un grand
concours de prodiges. Au moment où on mettait le corps sur le
chariot, il survint une femme du pays, aveugle de naissance. Elle se
mêla aux assistants à peine eut-elle appliqué ses yeux sur le drap
mortuaire que Notre-Seigneur lui rendit la vue à ce spectacle tous
jetèrent leurs armes et se mirent en oraison devant le cercueil,
rendant grâces à Dieu et à « Monseigneur M saint Fursy. Les deux
taureaux furent attelés au chariot comme il avait été convenu, et
sans être conduits, ils se dirigèrent vers Péronne sur la route il
arriva encore qu'un paralytique fut guéri.
Sur ces entrefaites apparut un
troisième compétiteur c'était Berchaire, comte de Laon, accompagné
d'un corps de cavalerie. Il exposa d'abord les droits qu'il pensait
avoir. N'avait-il-pas donné une partie de ses biens aux monastères
fondés par le missionnaire irlandais ? Si Fursy n'était pas allé à
Laon, c'est qu'Erchinoald l'en avait empêché. N'avait-il pas,
d'ailleurs, un droit de suzeraineté sur le pays où était mort l'abbé
de Lagny ? Ne l'ayant pu voir alors qu'il était vivant, ne devait-il
pas réclamer ses droits de possession sur ses dépouilles mortelles?
On réussit à calmer le courroux de Berchaire et on lui fit accepter
l'arrêt que rendrait le jugement de Dieu. Sur sa demande, on détela
les taureaux qu'on remplaça par deux enfants de sept ans. Une force
surnaturelle, que ne connaît point cet âge, s'empara de ces nouveaux
conducteurs, et le chariot arriva sans encombre au Mont-des-Cygnes,
à Péronne. Il y fut reçu par Erchinoald, devant le portail inachevé
de
l'église qu'il
faisait
construire.
On
dressa une
tente
pour
abriter
la
précieuse
dépouille,
en
attendant l'achèvement
des
travaux, ce
qui
devait durer
un
mois. Pendant
cet
espace, le
corps,
gardé
nuit
et
jour, se
conserva
sans
altération.
Erchinoald
se
hâtait de
faire
achever
l'église,
qui
devait plus
tard
prendre
le
nom de
Saint-Fursy
et
devenir une
des
plus célèbres
collégiales
de
la Picardie.
Il
n'épargnait pour
cette
œuvre
aucune
dépense,
au
grand déplaisir
de
sa femme
Leutsinde',
qui
était fort
avare.
Elle
lui
reprochait de
dissiper
son
patrimoine, de
compromettre
l'avenir
de
ses enfants,
pour
ériger
une
église à
un
étranger, dont
elle
blasphémait
le
nom. Erchinoald
avait
beau
rappeler
les
faveurs qu'il
devait
à
l'intercession de
ce
saint abbé,
et
l'exhorter à
ne
point éveiller
son
courroux Qu'ai-je
à
craindre, s'écriait-t-elle,
d'un
cadavre
tombé
en
dissolution ?
J'ai
tellement
confiance
en
Dieu, répondit
le
châtelain de
Péronne,
que
je suis
certain
que
ce corps
est
resté à
l'abri
des
souillures de
la
mort. S'il
n'en
était
pas
ainsi, et
nous
le
saurons au
moment
de
l'Élévation, je
m'engage
à
vous rendre
au
centuple ce
qu'a
coûté
l'érection
de
cette église
Vingt-cinq
jours
après
la
mort de
saint
Fursy
le
9 février,
au
moment où
saint
Eloi,
évêque
de
Noyon, et
saint
Aubert,
évêque
de
Cambrai, allaient
faire
la
consécration de
la
nouvelle église,
on
ouvrit le
cercueil
où
gisaient les
restes
de
l'abbé de
Lagny.
Leutsinde
s'avançait
curieusement
pour
les
contempler,
quand
elle
fut
frappée d'aveuglement.
Repentante
de
sa faute,
elle
se
recommanda alors
aux
prières des
deux
évêques
et
de l'assistance,
et
invoqua
le
Saint qu'elle
avait
méprisé.
Ses
supplications étant
exaucées,
elle
put
alors contempler
le
corps du
Bienheureux,
qui
n'avait subi
aucune
corruption.
Leutsinde
devait
plus
tard,
en
employant une
partie
de
ses biens
à
l'entretien
de
l'église du
Mont-des-Cygnes,
expier
son
avarice et
sa
conduite
inconsidérée.
Les
deux
évêques
consécrateurs
portèrent
le
corps du
Bienheureux
derrière
le
grand autel
dédié
à
saint Pierre.
De
nombreux miracles
s'accomplirent
dans
cette
église
qui
devait avoir
pour
garde
d'honneur
le
chapitre que
fonda
bientôt
Erchinoald.
Saint
Fursy
était
mort
le
16 janvier
de
l'an
650 |