Parmi
tous
les
grands
hommes
qui
ont
paru
sur
le
trône
épiscopal
de
l'église
de
Chartres,
le
saint
Évêque
dont
nous
allons
raconter
la
vie,
est
un
de
ceux
qui
se
sont
rendus
le
plus
recommandables.
Ses
historiens
en
parlent
toujours
en
des
termes
très avantageux;
ses
écrits
respirent
la
piété
et
l'érudition,
et
ses
vertus
héroïques
confirment
tout
le
bien
que
la
postérité
nous
a
dit
de
ce
grand
Saint.
Il
possédait
les
qualités
de
l'esprit
les
plus
avantageuses;
et
il
fut
si
fidèle
à
faire
profiter
les
talents
naturels
dont
Dieu
l'avait
favorisé,
qu'il
devint
le
prodige
de
son
siècle.
Il
donna
des
preuves
de
sa
grande
capacité
et
de
l'étendue
de
son
esprit,
avant
même
d'entrer
dans
les
Ordres,
et
d'être
admis
au
nombre
des
clercs.
Il
contribua
beaucoup
à
faire
refleurir,
dans
la
France,
l'étude
des
sciences,
et
spécialement
de
la
philosophie
à
laquelle
on
ne
pensait
presque
plus
de
son
temps.
Tout
le
monde
remarquait
en
lui
tant
de
doctrine
et
de
sagesse,
que
l'on
se
glorifiait
communément
d'avoir,
en
la
seule
personne
de
Fulbert,
un
Socrate
et
un
Platon.
Le
savant
Trithème
dit
qu'il
excellait
sur
toutes
choses
dans
la
dialectique;
et
plusieurs
ouvrages
qu'il
a
faits
en
vers,
font
aussi
connaître
qu'il
ne
négligeait
pas
la
poésie.
Ce
qui
rendait
cet
homme
digne
d'une
plus
grande
admiration,
c'était
de
voir
qu'il
n'avait
pas
le
jugement
moins
solide
pour
les
affaires
qui
demandaient
de
la
conduite,
que
l'esprit
vif
et
pénétrant
pour
exceller
dans
les
hautes
sciences.
Cependant
il
ne
se
prévalut
jamais
de
l'avantage
qu'il
possédait
au-dessus
des
autres,
fuyant,
au
contraire,
la
vaine
gloire,
et
évitant
les
vains
applaudissements
dans
les
assemblées.
Il
ne
se
servait
de
ses
belles
connaissances
que
pour
mieux
pénétrer
les
devoirs
de
la
religion,
et
pour
inspirer
aux
autres
de
l'estime
et
du
respect
pour
la
majesté
souveraine
de
Dieu
et
pour
toutes
les
choses
qui
pouvaient
contribuer
à
sa
gloire.
Sa
patrie
nous
est
absolument
inconnue
Né
vers
le
milieu
du
Xe
siècle,
et,
comme
il
nous
le
dit
lui-même,
dans
les
rangs
obscurs
de
la
société,
son
éducation
fut
faite
par
l'Église,
et
il
eut
le
bonheur
de
recevoir
les
leçons
des
plus
grands
maîtres
de
son
temps.
L'école
de
Reims,
où
le
célèbre
Gerbert,
depuis
pape
sous
le
nom
de
Sylvestre
II,
enseignait
les
mathématiques
et
la
philosophie,
jouissait
alors
d'une
juste
renommée
le
jeune
Fulbert
y
fut
admis,
et
il
se
fit
remarquer
bientôt
entre
tous
par
son
travail,
son
aptitude
et
ses
brillants
succès.
Le
coup
d'œil
sûr
du
savant
Gerbert
devina
facilement
tout
ce
que
promettait
un
tel
élève,
et
quand
le
docte
professeur
eut
été
placé
sur
le
siège
de
saint
Pierre,
il
se
souvint
de
Fulbert,
l'appela
près
de
lui
dans
la
Ville
Éternelle,
et
se
servit
de
ses
talents
pour
le
gouvernement
de
l'Église
universelle.
Après
la
mort
du
souverain
Pontife,
Fulbert
revint
dans
sa
patrie,
qui
lui
conféra
des
honneurs
mérités.
En
1003
un
de
ses
amis,
qu'il
avait
connu
à
Reims
et
qui
était
de
Chartres,
l'attira
dans
cette
dernière
ville
où
il
ne
tarda
pas
à
mériter
la
bienveillance
de
l'évêque
Odon,
qui
lui
donna
un
canonicat
de
son
église
avec
le
titre
de
chancelier.
Bientôt
après,
ayant
reconnu
son
aptitude
aux
choses
de
l'enseignement
public,
il
lui
confia
la
direction
des
écoles
canonicales,
déjà
célèbres,
et
qui
le
devinrent
bien
plus
dès
que
son
éloquence
et
sa
réputation
y
eurent
attiré
une
foule
de
disciples.
Au
nombre
des
amis
que
lui
firent
les
belles
qualités
de
son
esprit
et
de
son
cœur,
on
a
retenu
les
noms
d'Abbon,
abbé
de
Fleury-sur-Loire,
au
diocèse
d'Orléans,
et
de
saint
Odilon,
qui
gouvernait
à
Cluny
l'une
des
plus
florissantes
abbayes
de
la
Bourgogne.
Ce
dernier
avait
surtout
les
prédilections
de
Fulbert,
qui
respectait
la
pureté
de
ses
vertus
jusqu'à
l'appeler archange
des
moines.
Notre
Saint
avait
en
effet
une
estime
profonde
pour
la
vie
monastique,
dont
il
savait
l'importance
et
par
laquelle
il
aimait
à
dire
qu'on
réparerait
les
blessures
faites
à
l'Église
de
France
par
les
troubles
et
les
intrigues
écrivains
qui
le
font
naître
en
France:
mais
nous
devons
avouer
que
nous
n'avons
rien
trouvé
de
convainquant,
et
voici
les
raisons
qui
nous
obligent à
nous
écarter
de
ces
derniers temps. Il se montra
donc toujours un zélé protecteur et l'ami sincère des religieux,
et s'il ne fut pas moine, il fut assurément l'ami le plus
sincère et le plus affectueux des moines.
Rodolphe,
doyen du chapitre de Chartres, avait succédé à Odon sur le siège
épiscopal de cette ville. Étant mort en 1007, le roi Robert, qui
avait été le condisciple de notre Saint, se ressouvint de
l'école de Reims et de son ancienne amitié pour Fulbert, et il
contribua à lui faire conférer la dignité vacante. En vain
l'humble professeur s'y refusa; il dut céder à l'insistance du
chapitre, du prince lui-même et de ses amis; et l'Église, qui
devint son épouse, put se glorifier d'un pasteur qui ne devait
son élévation qu'à sa vaste science et à la sainteté de sa vie.
Sacré évêque
Il fut sacré
évêque par les mains de Leuthéric, archevêque et métropolitain
de Sens, comme saint Fulbert le déclare lui-même dans l'Épître
XXIII qu'il écrit à ce prélat, en laquelle il dit qu'il lui doit
toutes sortes de reconnaissance et une parfaite fidélité, ayant
eu le bonheur de recevoir de ses mains la bénédiction et
l'onction sacrée (1007). Fulbert ne fut pas plus tôt chargé du
soin de son diocèse, qu'il commença à s'acquitter de ses devoirs
avec une exactitude et une charité extraordinaires. Il savait
unir les délices de la contemplation avec les pénibles travaux
d'un vigilant pasteur; il nourrissait ses ouailles autant par
son exemple que par ses paroles. Il ne se contenta pas
d'instruire son peuple dans la piété; mais sachant que le salut
des âmes dépend de la capacité de ceux qui le conduisent, il
forma des écoles de théologie, auxquelles il présidait lui-même,
et dans lesquelles on élevait des sujets capables de gouverner
dignement les paroisses de la campagne, afin de dissiper les
ténèbres épaisses de l'ignorance, qui est la source de tant de
maux dans l'Église.
Beaucoup de
personnes se firent une gloire et un plaisir de venir entendre
la voix de cet aimable Pasteur, qui ne retentissait pas moins
utilement dans les écoles de théologie, qu'il avait fondées, que
dans la chaire épiscopale de son Église. Ses disciples étaient
sans nombre; on accourait de tous côtés pour avoir part aux
leçons de ce nouveau Salomon, dont toutes les sentences étaient
regardées comme des oracles. Il mérita d'être appelé le premier
docteur des Gaules. Les écrivains de son temps disent que
c'était un trésor inépuisable de sagesse, un homme incomparable
pour son érudition, et un serviteur de Dieu, dont la sainteté
était digne de toutes louanges et de toute admiration.
Son érudition
Trithème
assure qu'il surpassait tous ceux de son siècle dans la
connaissance des saintes Écritures et des lettres humaines; mais
ce qu'il y a de plus merveilleux, c'est de voir la profonde
humilité que cet incomparable prélat a su conserver au milieu
des grandeurs et des applaudissements de tous les peuples. Il se
disait le très petit évêque d'une très grande église; et dans
l'Épître LXVIII qu'il adresse à saint Odilon, abbé de Cluny,
qu'il appelait son père et son intime ami, il lui demande les
secours de ses prières en des termes qui font bien voir les
humbles sentiments qu'il avait de lui-même. « Il est bien juste
», dit-il à saint Odilon, « que vous procuriez quelques secours
à celui qui se regarde comme un très petit serviteur, qui veut
dépendre entièrement de vous, et qui conserve toujours un
respect singulier, accompagné d'une parfaite confiance pour
votre personne. Je suis un homme '), continue-t-il, « rempli de
misères, qui, n'étant pas seulement capable de me conduire
moi-même, ai néanmoins été mis, par je ne sais quel motif, dans
une place où je dois répondre du salut des autres». C'était dans
ce même esprit qu'il refusait d'être l'arbitre d'une inimité de
causer qu'oïl voulait remettre à son jugement, se croyant
incapable de donner des décisions assez justes pour terminer les
grandes affaires qu'on lui proposait; il le faisait, néanmoins,
quand elles regardaient sa juridiction, et il s'en acquittait
avec tant de prudence et d'équité, que les parties avaient
toujours sujet d'être contentes. Quand il rendait par écrit des
réponses à ceux qui l'avaient consulté, il s'expliquait en ces
termes « Vous avez bien voulu consulter notre petitesse; nous
vous répondons, etc. » C'est ainsi que cette grande lumière
tâchait de se cacher, et qu'un des plus grands hommes de son
siècle s'en estimait le plus petit. Il ne faut qu'ouvrir le
livre de ses Pitres, pour voir avec quels sentiments d'humilité
il s'explique sur toutes choses.
Il ne faut
pas néanmoins s'imaginer que ces humbles sentiments qu'il
concevait de lui-même diminuassent rien de cette fermeté et de
cette rigueur apostoliques, dont les vrais pasteurs, et
spécialement les prélats, doivent être animés quand ils sont
obligés de réprimer le vice, d'arrêter les dérèglements, et
d'agir comme juges dans les causes qui le demandent; il était, à
la vérité, un bon père à l'égard de ceux qui s'acquittaient
fidèlement de leur devoir mais il devenait un juge sévère et
inflexible envers ceux qui étaient rebelles aux lois de
l'Église. Il faut lire ses lettres, pour imaginer le zèle avec
lequel il s'opposait aux injustes prétentions des ambitieux et
de tous ceux qui s'efforçaient de parvenir aux dignités
ecclésiastiques par des voies illicites. On sait avec quelle
générosité il refusa de sacrer évoque Théodoric, qu'il jugeait
indigne de cette qualité l'autorité royale ne fut pas capable de
vaincre sa fermeté dans cette occasion il est vrai qu'il s'en
fallut peu qu'elle ne lui coûtât la vie mais ce grand cœur ne
craignait pas de mourir en défendant les droits de l'Église.
Lorsqu'il trouvait des rebelles qui s'opposaient à force ouverte
aux règlements qu'il publiait, ou qui méprisaient les censures
qu'il portait contre eux, alors, pour les contraindre de rentrer
en leur devoir, il empruntait sagement l'autorité royale, selon
l'usage de ces temps mais si les rois et les princes refusaient
de le secourir, il disait qu'il ne croyait pas pouvoir mieux
faire que de gémir alors en patience, et de servir Jésus-Christ
dans le silence, avec plus de fidélité que jamais; c'est là le
parti que prit ce saint homme, quand l'impie Geoffroy, qu'il
avait retranché de l'Église pour ses désordres, alla, avec une
compagnie de soldats, brûler toutes ses métairies. Ni la perte
des biens, ni les menaces des grands, n'étaient capables de
faire changer la résolution de ce grand Évêque, d'autant plus
qu'il n'entreprenait jamais rien légèrement, et qu'il préparait
toujours dans l'oraison, devant Jésus-Christ, le Souverain des
juges, les sentences qu'il était contraint de prononcer contre
les ennemis de l'Église. Le zèle de ce grand Prélat était
soutenu de cette science dont l'Apôtre veut que les pasteurs
accompagnent leurs corrections. Il n'était pas moins savant dans
la connaissance du droit que dans la science des saintes
Écritures; on peut voir, dans ses Épîtres, avec quelle justesse
il cite les saints Canons, pour soutenir sa doctrine et sa
conduite dans le règlement de son diocèse. Enfin, l'on peut
assurer qu'il fut l'un des plus généreux défenseurs des libertés
de l'Église, en lisant les Épîtres qu'il écrivit aux rois, aux
prélats, aux souverains Pontifes, et à beaucoup d'autres, pour
les engager à retirer des mains des laïques les biens
ecclésiastiques, et à conserver les privilèges anciens qui
avaient été accordés aux églises.
Ce vigilant
pasteur, sans négliger le gouvernement de son peuple, trouvait
du temps pour composer de pieux ouvrages qui pussent être utiles
aux ecclésiastiques.
Outre ses
Épîtres, dont nous avons déjà parlé, il a fait plusieurs sermons
remplis de piété, parmi lesquels il s'en trouve de très beaux à
la gloire de la Sainte Vierge, pour laquelle il avait une
dévotion singulière. Il ne fut jamais plus éloquent en chaire
que dans les homélies où il exhortait son peuple au culte et à
l'amour de Marie. L'auguste Mère de Dieu se plut à récompenser
cette piété touchante par d'insignes faveurs. On raconte que le
saint Évêque était sérieusement menacé dans sa vie. Marie fit
couler une liqueur céleste sur les lèvres du mourant, et le mal
qui le rongeait disparut. Il a aussi composé un office de sa
Nativité, et plusieurs autres ouvrages en son honneur. Il a
laissé plusieurs savantes proses sur différents mystères et
différents saints. Il a aussi écrit contre les Juifs mais les
savants se feront surtout un plaisir de lire la belle Épître
qu'il écrit à Adéodat, touchant le sacrement de l'Eucharistie,
où il prouve, par de très puissantes raisons, la réalité du
Corps et du Sang de Jésus-Christ, et le changement qui se fait
de la substance du pain et du vin en la substance du Corps et du
Sang de Notre-Seigneur en ce Sacrement.
Ce docte
Prélat a été un si zélé défenseur de la vérité de ce grand
mystère, qu'il a mérité, le premier, de découvrir et d'indiquer,
avant qu'elle parût, la première hérésie qui ait nié ouvertement
la présence réelle de Jésus-Christ dans l'Eucharistie.
Étant au lit
de la mort et près de rendre son esprit à Dieu, il jeta les yeux
sur tous ceux qui étaient présents dans sa chambre, et aperçut
avec indignation Bérenger, qui était encore jeune et suivait ses
leçons prévoyant l'infidélité de ce disciple, ou plutôt sentant
déjà en lui un hérésiarque, il voulut qu'on le délivrât de sa
présence, assurant qu'il voyait près de lui un affreux dragon
dont les hypocrites persuasions et le souffle empoisonné
pervertiraient bien des cœurs.
Il reconstruit sa cathédrale
Ce zélé
Pasteur donna encore de grandes preuves de sa vigilance et de sa
piété dans le soin qu'il fit toujours paraître pour la
construction et l'ornement des temples. La divine Providence
permit, quelque temps après qu'il eut été sacré évêque de
Chartres, que l'église cathédrale, dédiée à la Sainte Vierge,
fût entièrement brûlée par un incendie effroyable. Fulbert fit
paraître, en cette occasion, son invincible patience, la grande
étendue de son esprit et surtout ses libéralités, entreprenant
de faire rebâtir, de fond en comble, à la place du premier, un
temple magnifique, où on n'épargna ni la matière ni l'art. Le
saint Évêque consacra l'or et l'argent qu'il possédait pour
faire travailler à ce bel édifice, et tout le monde était si
persuadé de ses droites intentions, de son désintéressement et
de la pureté de son zèle, que non seulement les princes du
royaume voulurent contribuer de leurs deniers à l'élévation du
temple qu'il faisait bâtir en l'honneur de la Sainte Vierge mais
le roi d'Angleterre, Canut, étant prévenu du mérite singulier de
saint Fulbert, lui envoya de grosses sommes pour l'aider dans
cette noble entreprise et en partager le mérite devant Dieu. On
peut voir, dans l'Épître 97e, que le saint Prélat
adresse à ce monarque, avec quels sentiments de reconnaissance
il le remercie de sa libéralité, lui souhaitant toutes sortes de
prospérités dans son royaume, et surtout une entière absolution
de ses péchés, par les mérites de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
Mais ces
royales largesses restèrent bien loin de celles qu'il reçut de
Guillaume le Grand, comte de Poitiers, qui dès longtemps avait
eu pour lui une tendre et respectueuse affection. Plusieurs des
lettres du saint Prélat, dont le recueil est venu jusqu'à nous,
sont des actions de grâces pour les générosités réitérées du
prince, d'autant plus remarquables alors que, cette même année
1021, était dédiée la nouvelle cathédrale de Poitiers, relevée
aussi de ses ruines après un incendie. Au reste, cet attachement
était fondé sur une piété solide et un juste discernement des
qualités et des vertus du docte Prélat. Le comte lui en avait
donné un précieux et incontestable témoignage, lorsqu'en 1019,
après la mort de Gérard, évêque de Limoges, pourvu de la
trésorerie de Saint-Hilaire de Poitiers, il lui conféra la
survivance de cette dignité, qui était la plus importante du
Chapitre. Cette importance même, les grands revenus qui s'y
rattachaient, les obligations qu'imposait ce poste honorable,
intimidèrent l'humilité du pieux Évêque il refusa à plusieurs
reprises et avec instances une sollicitude qu'il regardait comme
incompatible avec celle de sa charge pastorale. Mais les
amicales persécutions du comte l'emportèrent; et, en cédant,
Fulbert se laissa consoler sans doute par la pensée que ses
nouvelles richesses iraient se perdre du moins dans l'immense
travail de 1 église qu'il réédifiait. Ce fut d'ailleurs un
surcroît de veilles laborieuses qu'il s'imposa en acceptant.
Fulbert ne pouvait s'acquitter que rarement par lui-même de la
charge dont il était pourvu à Poitiers. Guillaume s'en plaignait
avec douceur. Un aimable mandataire fut détaché de l'école de
Chartres et envoyé, vers l'Église d'Hilaire c'était l'enfant
chéri du pontife, celui dont ses condisciples parlaient avec
jalousie Hildier ou Hildegaire était son nom. Que
d'enseignements, que de charmes dans les correspondances du
saint Évêque et de son délégué celui-ci s'affligeant d'être
encore longtemps séparé de son maître et de sa Notre-Dame, et
demandant des nouvelles de tous ses frères; celui-là lui
adressant de savants conseils concernant le soin des choses
ecclésiastiques et ne négligeant aucun détail liturgie,
administration, culture même du jardin et du verger.
Un autre
sujet de ses préoccupations habituelles, c'était sa vocation
même à l'épiscopat. L'éminence de cette charge qui impose la
responsabilité de tant d'âmes, les craintes qu'elle lui faisait
concevoir de s'en mal acquitter, lui firent penser plus d'une
fois à s'en démettre. Il s'en ouvrit à saint Odilon de Cluny,
qui le maintint par ses conseils au poste que la divine
Providence lui avait désigné. Ce fut aussi sur les instances du
roi qu'il continua de se mêler aux affaires publiques et de se
servir de la juste influence que son mérite lui avait donnée
dans les conseils de la cour. Dans ce rôle, aussi important que
délicat, il tendit toujours à la réforme des abus, au triomphe
de la vérité, et donna ainsi à son souverain les plus sûres
preuves de sa religieuse et inviolable fidélité.
Après que ce
digne Prélat eut heureusement achevé le somptueux édifice de la
cathédrale de Chartres, il pensa aux moyens d'y faire honorer et
glorifier Dieu par un bel ordre qu'il introduisit dans le chant
et dans la distribution des offices divins. Il joignit la
mélodie et la douceur de la musique aux hymnes, aux antiennes,
aux proses et aux autres offices, que nous avons déjà dit qu'il
composa; et il avait un soin particulier de faire très
exactement observer toutes les cérémonies ecclésiastiques. Il
établit ou fit célébrer avec plus de pompe, dans cette église,
la fête de la Nativité de la Sainte Vierge. Ces beaux effets de
la piété de ce zélé pasteur ne procédaient que du parfait amour
dont son cœur était embrasé intérieurement l'amour sacré qu'il
avait pour son Dieu était le premier principe de sa conduite le
mépris qu'il concevait des richesses et des honneurs de la
terre, naissait de l'estime qu'il avait pour son Dieu, et, s'il
négligeait de se trouver en la compagnie des princes et des
rois, c'est qu'il se plaisait uniquement à communiquer avec le
Créateur du ciel et de la terre dans la retraite.
Mais
comme
le
précepte
de
l'amour
de
Dieu
est
le
même
que
celui
qui
exige
qu'on
ait
de
la
charité
pour
le
prochain,
il
ne
faut
pas
s'étonner
si
saint
Fulbert
a
toujours
fait
paraître
tant
de
douceur
et
tant
de
bienveillance,
soit
envers
les
pauvres,
soit
envers
les
clercs
et
les
autres
ecclésiastiques
de
son
diocèse,
soit
envers
les
pécheurs
ou
même
envers
les
prélats,
ses
confrères,
dont
les
affaires
venaient
quelquefois
à
son
tribunal
il
pourvoyait
avec
une
prudence
et
une
économie
merveilleuses
à
tous
les
besoins
des
pauvres
il
supportait
avec
compassion,
et
sans
lâcheté
pourtant,
les
faiblesses
et
les
imperfections
de
ses
clercs
il
savait
gagner
les
pécheurs
par
sa
bénignité
prévenante,
et
il
ne
punissait
jamais
le
crime,
dont
il
ne
pouvait
souffrir
la
laideur
et
l'impunité,
qu'après
avoir
averti
plusieurs
fois
charitablement
qu'on
eût
à
rentrer
dans
les
voies
de
la
justice.
Il
avait
un
talent
spécial
pour
consoler
les
personnes
qui
étaient
dans
l'affliction
et
l'on
peut
dire
enfin,
après
tous
ceux
qui
en
donnent
de
si
beaux
et
de
si
authentiques
témoignages,
que
c'était
un
homme
universel
dans
les
sciences,
un
chrétien
parfait
dans
l'exercice
de
toutes
les
vertus,
un
évêque
accompli,
qui
avait
toutes
les
qualités
marquées
par
l'apôtre
saint
Paul,
et
un
père
commun
auquel
tout
le
monde
pouvait
avoir
recours,
avec
assurance
de
trouver
du
soulagement
dans
ses
besoins.
Sa
mort
Mais
cette
grande
lumière,
qui
n'aurait
jamais
dû
s'éteindre,
fut
obligée
de
disparaître
de
la
terre,
pour
aller
briller
avec
plus
de
gloire
dans
le
ciel
et
ce
digne
pasteur,
qui
travailla
infatigablement
et
avec
tant
de
vigilance
et
de
charité
à
la
garde
du
troupeau
que
Jésus-Christ
lui
avait
confié,
quitta
cette
vie
pleine
d'ennuis
et
de
misères,
pour
aller
jouir
de
celle
qui
est
remplie
de
délices
et
accompagnée
d'un
bonheur
éternel.
Il
mourut
le
10
ou
le 11
avril
de
l'an
1028
ou
1030,
après
avoir
gouverné,
avec
une
sagesse
admirable,
l'église
de
Chartres,
pendant
l'espace
de
près
de
vingt-deux
ans,
comme
on
le
peut
voir
dans
la
glorieuse
épitaphe
qu'on
a
composée
en
son
honneur,
et
que
ses
historiens
nous
ont
conservée
avec
ses
ouvrages.
SOURCE : P. Giry : Les
petits Bollandistes : vies des saints. T. I. Source :
http://gallica.bnf.fr/ Bibliothèque nationale de
France. |