Francisco Palau
vient au monde le 29 décembre 1811, septième des neuf enfants
d'une famille de paysans catalans d'Aitona (Lérida, Espagne),
dans un contexte politique très difficile. L'Espagne du XIXe
siècle, en
effet,
a compté, aux dires d'un historien, «cent trente gouvernements,
neuf constitutions, trois rois détrônés, cinq guerres civiles,
des dizaines de gouvernements provisoires et un nombre quasi
incalculable de révolutions». Malgré la dure occupation du pays
par la France napoléonienne, la famille Palau, solidement
chrétienne, poursuit tant bien que mal sa vie paysanne.
Francisco souhaite devenir prêtre. Il est admis au Séminaire de
Lérida en 1828. Quatre ans plus tard, il décide d'entrer chez
les Carmes. Le noviciat l'accueille le 23 octobre 1832 et
bientôt il prend l'habit sous le nom de Francisco de
Jésus-Marie-Joseph. En dépit des observances rigoureuses, tout
ne va pas pour le mieux dans le couvent. Certains esprits sont
imbus des idées révolutionnaires en vogue. De plus, les Ordres
religieux sont menacés de dissolution par les forces
révolutionnaires. Toutefois, Francisco n'hésite pas à faire sa
profession religieuse le 15 novembre 1833.
Le 25 juillet 1835,
une émeute, habilement utilisée contre les religieux, dévaste le
couvent où vit Francisco. Celui-ci parvient à s'enfuir par une
fenêtre et trouve refuge chez une veuve qui l'enferme dans une
armoire. Les émeutiers fouillent la maison. L'un d'eux voulant
ouvrir l'armoire, casse la clé dans la serrure et abandonne la
partie. En mars 1836, le gouvernement supprime les Ordres
religieux et saisit leurs biens, prélude de violences sans fin
dans toute l'Espagne. Dans les années qui suivent, certains
radicaux arrivés provisoirement au pouvoir, interdisent toutes
les communications avec le Saint-Siège. Les prisons se peuplent
d'évêques et de prêtres, et la vente des biens ecclésiastiques
s'accélère. En juillet 1843, toutefois, le parti modéré
reprendra le pouvoir et cherchera à renouer avec Rome.
Francisco pense
renoncer au sacerdoce et choisir l'état de Frère. Fils
d'agriculteur, il a des talents marqués et du goût pour le
travail manuel. Mais ses Supérieurs l'engagent plutôt à se
préparer à la prêtrise. Il reçoit donc l'ordination sacerdotale
le 2 avril 1836 et exerce d'abord son ministère dans la paroisse
San Antolín d'Aitona. Bientôt commence une longue série
d'épreuves pour son coeur de prêtre. En juin 1837, on lui retire
les pouvoirs de confesser et de prêcher; puis en mars 1838
l'autorisation de confesser lui est rendue mais non celle de
prêcher. Il semble, en effet, que sa parole trop énergique et
manquant de diplomatie dérange. Il apprendra à corriger ce trait
de son caractère, mais n'y parviendra jamais complètement.
Dieu laisse faire
En août 1838, le
gouverneur civil de Lérida l'assigne à demeurer à Aitona en
résidence surveillée, car on l'accuse de faire de la propagande
contre le trône par le biais du confessionnal. Il se retire donc
dans une grotte. La vie de pénitence et de contemplation qu'il y
mène touche le coeur de nombreuses personnes, sans pourtant être
du goût de tout le monde: une nuit, trois individus entrent chez
lui, décidés à le tuer. Quelques mots du Père retournent leur
coeur et ils repartent confessés. Bientôt, las d'une inaction
forcée, le Père Palau part avec son frère et un séminariste vers
Tortosa où il s'adonne à la prédication de missions paroissiales
dans la Catalogne. Puis, comprenant que la situation politique
va à nouveau se dégrader, il décide de s'exiler en France et
franchit la frontière le 21 juillet 1840. Afin de rester
indépendant tant du gouvernement français que de ses
compatriotes exilés comme lui, il se décide à vivre en ermite.
Il médite sur la situation de l'Église en Espagne: prêtres et
religieux tués, églises, couvents, bibliothèques, manuscrits
brûlés, oeuvres d'art mutilées, calomnies les plus abjectes pour
discréditer l'Église aux yeux du peuple... «Comment concevoir
que Dieu permette cela? se demande-t-il. La foi nous enseigne
que Jésus-Christ ne manque ni de pouvoir, ni de bon vouloir...
Comment ne calme-t-Il pas la tempête, quand il Lui suffirait de
commander...? C'est un mystère qui me tient occupé en de
profondes méditations... » Et il conclut: «Seule la prière peut
sauver du naufrage l'Église espagnole».
Cependant, les
luttes entre factions rivales qui déchirent l'Espagne s'étendent
jusqu'en France, et, pour y échapper, le Père Palau entreprend
un périple à travers les régions montagneuses de l'Aude et du
Tarn. Au début de 1843, il s'installe avec son frère et quelques
jeunes espagnols dans une grotte au milieu d'un bois touffu,
propriété d'une famille avec laquelle il a lié amitié, dans le
diocèse de Montauban. D'emblée, il obtient la confiance du
vicaire général qui lui donne les pouvoirs de confesser. Il
parcourt les campagnes, le crucifix à la main, et beaucoup
viennent à lui, qui pour des besoins matériels, qui pour des
besoins spirituels, tous en quête de réconfort.
Une ancienne
religieuse clarisse et une jeune fille prennent le Père Palau
pour guide spirituel. Il organise avec elles une petite
communauté contemplative. Bientôt deux autres jeunes filles les
rejoignent. Au printemps de 1846, le Père Palau repasse les
Pyrénées et se rend à Aitona. Toutefois, un an plus tard, il
repart pour la France où il se trouve en butte à de nouvelles
contradictions dues à l'attitude de certains de ses compagnons
espagnols restés en France durant son séjour en Espagne. Il se
retire alors dans un endroit encore plus écarté, où il reprend
la vie érémitique. Calomnié devant l'évêque de Montauban, le
Père Palau se défend pour l'honneur du sacerdoce. Néanmoins, il
se soumet aux prescriptions de celui-ci, notamment en
s'abstenant de célébrer la Messe. Le conflit n'ayant pu se
résoudre à l'amiable, il rentre en Espagne en avril 1851.
L' « École de la Vertu »
Le Père se rend à
Lérida, mais on ne veut pas l'y recevoir. Il dirige alors ses
pas vers Barcelone où l'évêque l'accueille paternellement. Il
prodigue ses soins aux jeunes filles qu'il dirige et qu'il nomme
les «Soeurs Tertiaires du Carmel», jusqu'en mars 1852, où les
deux petites communautés qui se sont formées à Lérida et à
Aitona sont dissoutes par ordre du gouverneur civil. Avec son
frère Juan et quelques compagnons, le Père s'installe dans une
grotte où ils mènent une vie pénitente. Mais l'évêque de
Barcelone fait appel à lui pour une nouvelle mission
d'évangélisation et lui confie la direction spirituelle de ses
séminaristes. Le Père organise une sorte de mission continue, un
cycle de causeries qui présente chaque dimanche aux adultes un
cours systématique sur la foi catholique. Plus tard, cette
catéchèse s'appellera «École de la Vertu». Son but est de
réconcilier le peuple avec l'Église, la science avec la foi, la
politique avec la religion, de faire passer l'esprit du
christianisme dans les institutions. Constatant le fossé qui
grandit entre forts et faibles, riches et pauvres, le Père veut
parvenir à une véritable insertion du monde ouvrier dans la
société.
L'École de la Vertu
est dirigée par un groupe de prêtres et de laïcs avec une
méthode originale qui unit le cours magistral à la participation
active des auditeurs, permettant le dialogue, les questions et
réponses dans les limites du possible, sans oublier des temps de
prière commune. La première partie du programme reprend le
traité de saint Thomas d'Aquin sur les vertus, sous forme de
catéchisme. La seconde partie traite de la doctrine sociale de
l'Église: on y établit les droits de la personne, de la famille
et le droit d'association. Le Père exhorte les hommes à
accomplir leurs devoirs temporels suivant la norme évangélique,
et proclame, face aux accusations d'obscurantisme lancées contre
l'Église, que celle-ci impose aux chrétiens le progrès
intellectuel et matériel comme un devoir. «La vocation propre
des laïcs, rappellera le Concile Vatican II, consiste à chercher
le règne de Dieu précisément à travers la gérance des choses
temporelles qu'ils ordonnent selon Dieu... C'est à eux qu'il
revient, d'une manière particulière, d'éclairer et d'orienter
toutes les réalités temporelles auxquelles ils sont étroitement
unis, de telle sorte qu'elles se fassent et prospèrent
constamment selon le Christ et soient à la louange du Créateur
et Rédempteur» (Lumen gentium, 31).
La paix du Christ
Dans la grande
ville de Barcelone, où commence l'École de la Vertu, la richesse
et la réussite des uns se bâtissent au prix de la misère et de
la souffrance des autres. Le Père Palau explique que la paix et
le bonheur temporel autant que spirituel des peuples exigent que
les droits sociaux soient reconnus, acceptés, respectés et
protégés. «La vie chrétienne ne s'exprime pas uniquement dans
les vertus personnelles, mais également dans les vertus sociales
et politiques», rappelait le Pape Benoît XVI, le 13 mai 2007.
Sans adhésion des coeurs au commandement d'amour du Christ,
pense avec raison le Père Palau, il n'y aura jamais ici-bas de
paix, de justice, de fraternité, de liberté vraies ni durables.
Son succès est imposant: on en arrive à réunir deux mille
personnes dans l'église où, le dimanche après-midi, on parle
d'amour et de justice à l'ouvrier et à l'employeur, où on prêche
la vérité à l'élève et au professeur, où le médecin et l'avocat
vérifient l'harmonie entre science et révélation. Bien des
esprits troublés retrouvent la paix.
Les élèves de
l'École de la Vertu appartiennent en grande partie à la classe
ouvrière et certains gouvernants affectent de croire qu'on y
prône des idées socialistes jugées dangereuses. En 1854, des
grèves d'ouvriers éclatent à Barcelone. L'autorité militaire
décrète la suppression de l'École de la Vertu, accusée d'avoir
eu un grand rôle dans ces grèves. Les ouvriers ainsi que les
responsables de la Société des Tisserands se font les défenseurs
de l'École. Malgré cela, le Gouverneur décrète, le 6 avril,
l'exil immédiat du Père Palau sur l'île d'Ibiza (Baléares). Le
Père pourra écrire: «Si, comme nous nous sommes abstenus de nous
mêler de politique, la politique avait laissé intacte la
religion, l'École de la Vertu aurait poursuivi pacifiquement sa
route». Le Pape Benoît XVI dira: «L'Église est avocate de la
justice et des pauvres, précisément en ne s'identifiant pas avec
les politiques, ni avec les intérêts de partis. C'est dans
l'indépendance qu'elle peut enseigner les grands critères et les
valeurs auxquels il ne faut pas déroger, orienter les
consciences et offrir une option de vie qui aille bien au-delà
du cadre politique. Former les consciences, prendre la défense
de la justice et de la vérité, éduquer aux vertus individuelles
et politiques, telle est la vocation fondamentale de l'Église
dans ce domaine» (13 mai 2007).
« Je contemplais »
À Ibiza, le Père
Palau souffre profondément de son inaction forcée. Avec deux de
ses fidèles compagnons, il transforme le terrain inculte qui lui
a été donné en un jardin potager et un verger. Sensible à toutes
les beautés artistiques, le Père Palau se fait souvent poète.
«En toutes les saisons, écrit-il, j'ouvrais les fenêtres, et de
ma longue-vue, je contemplais tout ce qu'il y avait de beau en
hiver, au printemps, en été et à l'automne». Il prodigue ses
soins spirituels à la population de l'île. Durant cet exil, sa
vie spirituelle s'approfondit. Il comprend plus profondément le
lien qui existe entre amour de Dieu et amour du prochain: «Si
l'amour cherche Dieu seulement, croyant que Dieu, sans la
relation au prochain, suffit, il en reste là, il fait du
surplace; et s'il n'en sortait pas pour se répandre sur le
prochain, l'égoïsme spirituel le consumerait et le perdrait».
Des décrets
d'amnistie sont promulgués en 1856-1857: le Père espère pouvoir
en bénéficier mais on ne veut pas les lui appliquer. Il lui faut
attendre l'amnistie générale du 1er mai 1860. Le 30 août
suivant, un journal catholique fait savoir aux Barcelonais que
«le gouvernement a accueilli favorablement les justes
réclamations du prêtre sage et vertueux (le Père Palau) qui,
depuis si longtemps, supportait les conséquences d'une
persécution injuste; les hauts tribunaux de la nation ont rendu
entière justice à son innocence».
À la fin de 1860,
Francisco Palau est gratifié d'une vision mystique de l'Église
figurée par une jeune fille. Vierge pure et Mère féconde,
l'Église est pèlerine ici-bas et elle apparaît pécheresse en ses
membres faillibles. L'ivraie du péché s'y trouve mêlée au bon
grain de l'Évangile jusqu'à la fin des temps (cf. Catéchisme
de l'Église Catholique, CEC, 827). Conscient de cette
vérité, le cardinal Ratzinger proposait, le Vendredi Saint, 25
mars 2005, la prière suivante: «Souvent, Seigneur, ton Église
nous semble une barque prête à couler, une barque qui prend
l'eau de toute part. Et dans ton champ, nous voyons plus
d'ivraie que de bon grain. Les vêtements et le visage si sales
de ton Église nous effraient. Mais c'est nous-mêmes qui les
salissons! C'est nous-mêmes qui te trahissons chaque fois, après
toutes nos belles paroles et nos beaux gestes. Prends pitié de
ton Église: en elle aussi, Adam chute toujours de nouveau. Par
notre chute, nous te traînons à terre, et Satan s'en réjouit,
parce qu'il espère que tu ne pourras plus te relever de cette
chute; il espère que toi, ayant été entraîné dans la chute de
ton Église, tu resteras à terre, vaincu. Mais toi, tu te
relèveras. Tu t'es relevé, tu es ressuscité et tu peux aussi
nous relever. Sauve ton Église et sanctifie-la. Sauve-nous tous
et sanctifie-nous» (Chemin de Croix, neuvième station).
Passionné pour l'Église
Toutefois, malgré
les faiblesses de ses membres, l'Église est sainte en elle-même:
«L'Église est sainte parce que le Dieu très saint en est
l'auteur. Le Christ s'est livré lui-même pour elle, afin de la
sanctifier et de la rendre sanctifiante. L'Esprit-Saint la
vivifie par la charité. En elle réside la plénitude des moyens
du Salut. La sainteté est la vocation de chacun de ses membres
et le but de toute son action. L'Église compte en son sein la
Vierge Marie et d'innombrables saints, qui sont ses modèles et
ses intercesseurs. La sainteté de l'Église est la source de la
sanctification pour ses fils, qui, sur la terre, se
reconnaissent tous pécheurs et qui ont toujours besoin de se
convertir et de se purifier» (Compendium du Catéchisme de
l'Église Catholique, 165). Dans la défense de l'Église, le
Père Palau apparaît passionné: il est pressé par son amour, son
désir de servir cette Église faite de pierres vivantes, ses
frères. Il dira, plus tard, que tous ses temps d'oraison, toutes
ses activités apostoliques ou contemplatives, ont eu une seule
fin: l'unir dans la foi, l'espérance et l'amour avec l'Église.
Celle-ci est pour lui le Christ «contemplé et aimé non comme un
seul individu, mais comme la tête d'un corps, un tout», un
mystère à vivre plus qu'une vérité à croire, l'unique instrument
du Salut. L'union avec l'Église est le moyen le plus intime de
la communion avec le Christ qui se réalise d'une manière
privilégiée dans l'Eucharistie.
«Je dois aller d'un
bout à l'autre de l'Espagne et travailler de toutes mes forces
au salut des âmes, là où s'ouvrira à moi un chemin», écrit le
Père Palau. Dès lors son apostolat se diversifie, redevient
fébrile, intense, sans qu'il néglige pour autant la prière
solitaire et la pénitence. Analysant avec lucidité la situation
de Barcelone, il constate que l'implantation industrielle attire
des milliers de personnes dont les besoins matériels et
spirituels sont immenses. Il établit partout des groupes de
chrétiens actifs qui, avec leurs curés, pourront assurer des
conférences dominicales pour les jeunes, réunions qui les
protègent du désoeuvrement et des distractions dangereuses. Il
lutte contre l'ignorance, la superstition, les déviations du
sentiment religieux. Toutefois, il n'oublie pas la Congrégation
qu'il a entrepris de fonder, ses Tertiaires du Carmel, Frères et
Soeurs. La branche masculine a été fondée en 1860 à Majorque;
peu après, en février 1861, les Soeurs s'installent à Minorque.
Sans négliger l'aspect contemplatif, la Congrégation prend en
charge des écoles, puis l'assistance aux malades à domicile ou
en hôpital. L'établissement de Minorque toutefois ne dure pas;
en revanche, un champ d'expansion s'ouvre en Aragon et en
Catalogne.
En 1865, des
missions à Ibiza et dans le diocèse de Barcelone absorbent le
Père Palau. En décembre 1866, il se rend à Rome pour obtenir la
reconnaissance officielle de la Congrégation des Tertiaires du
Carmel. Dès le 8 janvier 1867, il obtient le droit de recevoir
les voeux religieux de ses fils et filles spirituels, avec le
consentement préalable de l'évêque du lieu. Il écrit, cette même
année, les statuts de ceux qu'il appelle les Frères Tertiaires
de la Vierge du Carmel. Ces Frères, alors au nombre de
vingt-six, sont répartis en six maisons. Cette fondation
masculine, à laquelle le Père tient beaucoup, durera jusqu'à la
guerre civile de 1936, où tous ses membres travaillant dans la
péninsule, sauf un, seront massacrés dès les premiers troubles.
Quant aux Soeurs issues de la fondation primitive, elles se
constitueront finalement en deux Congrégations féminines qui
essaimeront sur quatre continents: les Soeurs Carmélites
Missionnaires Thérésiennes, et les Carmélites Missionnaires.
En 1868, le Père
lance un hebdomadaire, «El Ermitaño». Il y montre un vrai talent
de polémiste, surtout lorsqu'il s'agit de défendre l'Église, car
alors les traits percutants fusent comme naturellement sous sa
plume. Son sens de l'humour lui permet de sourire de ses propres
aventures et redonne courage à ses correspondants déconcertés
par la tournure des événements. À la suite de la révolution de
septembre 1868, une nouvelle vague de persécutions déferle sur
l'Espagne. Le Père Palau est emprisonné, à la fin d'octobre
1870, avec plusieurs de ses Frères et Soeurs. Après deux mois de
prison préventive, il est libéré, mais il faudra encore un an
avant que le juge ne reconnaisse son innocence.
« Thérèse, c'est l'heure ! »
À la fin de sa vie,
le Père voyage beaucoup, angoissé à la pensée de laisser son
oeuvre inachevée, car plusieurs fondations sont en préparation,
mais il manque de moyens financiers et de personnel. D'autre
part, certains de ses compagnons l'abandonnent et sèment le
trouble par leurs critiques. Il installe à Tarragone une maison
centrale d'où il pourra diriger l'ensemble de l'oeuvre. Le 14
février 1872, il publie un livret contenant les Règles et
Constitutions de l'Ordre Tertiaire des Carmes Déchaux. À cette
même époque, le Père Palau accompagne trois de ses Soeurs à
Calasanz, en Aragon, où sévit une épidémie meurtrière. Leur
dévouement auprès des malades touche parfois à l'héroïsme. Le
Père rentre à Tarragone, épuisé par cette activité charitable.
Il recommande une dernière fois l'Église à ceux qui l'entourent:
«Priez pour le triomphe de l'Église, unissant vos supplications
à celles de saint Joseph, car nous en faisons notre médiateur...
Jamais je ne me suis écarté de l'Église dans le plus petit
détail; dans mes opinions, j'ai toujours soumis mon jugement
sans avoir d'autre intérêt que la gloire de Dieu». Toute la
communauté étant réunie dans sa chambre, il dit:
«Agenouillez-vous, que je vous bénisse!» Levant le bras droit,
il bénit ses enfants et ajoute, à l'adresse de sainte Thérèse
d'Avila: «Thérèse, c'est l'heure!» et, le bras levé, il rend son
dernier soupir.
Le Père Palau a
toujours eu pour la Vierge Marie une tendresse filiale. En 1864,
celle-ci s'est révélée à lui comme la figure la plus parfaite de
l'Église. C'est ainsi qu'il l'a présentée aux fidèles. «En la
personne de la bienheureuse Vierge, l'Église atteint déjà à la
perfection qui la fait sans tache ni ride. Les fidèles du
Christ, eux, sont encore tendus dans leur effort pour croître en
sainteté par la victoire sur le péché: c'est pourquoi ils lèvent
leurs yeux vers Marie » (CEC, 829). Demandons à
Notre-Dame de nous obtenir un amour indéfectible de l'Église.
Cf. Le
bienheureux Francisco Palau,
Armand Duval, éd.
F.-X. de Guibert, 2003.
Dom
Antoine Marie osb
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