LES
PREMIÈRES ANNÉES DES PETITS VOYANTS
Ils naissent à Aljustrel, hameau de
la paroisse de Fatima dans le canton de Vila Nova de Ourém. La région dépendait
du Patriarcat de Lisbonne, aujourd'hui diocèse de Leiria. Leur maman a eu deux
enfants d'un premier mariage. De ses deuxièmes noces, avec Pedro Marto, elle a
sept enfants. Francisco et Jacinta sont les deux derniers. Lui a presque 9 ans
et elle 7 ans au début des apparitions. Leur famille est très chrétienne (comme
tout le Portugal à cette époque, bien qu'il y ait à la tête du pays un
gouvernement maçonnique et violemment anticlérical). On leur donne le culte de
la vérité, jamais ils ne doivent mentir, même si cela leur cause des ennuis (on
le verra au moment de l'interrogatoire).
On a soin également de leur éviter tout
ce qui pourrait ternir leur innocence. Ils ont toutefois, eux aussi, de petits
défauts. Jacinthe, très vive et sensible, est parfois emportée ou susceptible.
Quant à Francisco, “il devra dire beaucoup de chapelets” avant d'aller au ciel,
mais la Sainte Vierge n'explicite pas le sens de cette parole mystérieuse. Comme
leurs parents leur recommandent de dire le chapelet sur le lieu où ils gardent
leurs troupeaux, ils ont trouvé un moyen de l'expédier pour aller plus vite
jouer, disant seulement “Ave Maria” sur chaque grain au lieu de dire l'Ave tout
entier. La Sainte Vierge le leur reprochera.
LES
APPARITIONS DE L'ANGE
Un an avant les apparitions de
Notre Dame, ils ont trois apparitions d'un Ange resplendissant de jeunesse et de
beauté.
L'ange de la paix.
La première fois, au printemps 1916, au creux du rocher la “Loca de Cabeço” il
se présente ainsi : “Je suis l'Ange de la Paix”. A genoux, le front contre
terre, il fait une prière que les enfants répètent dans la même position :
“Mon Dieu, je crois, j'adore,
j'espère et je vous aime. Je vous demande pardon pour ceux qui ne croient pas,
qui n'adorent pas, qui n'espèrent pas et ne vous aiment pas”.
L'ange du Portugal. La
deuxième fois, l'été 1916, il se présente comme “l'Ange du Portugal”. Tandis que
les enfants jouent près d'un puits, dans le jardin de la maison de Lucie, il
leur demande : “Que faites-vous ?” Et il ajoute immédiatement : “Priez
beaucoup. Les cœurs de Jésus et de Marie ont sur vous des desseins de
miséricorde. Offrez constamment au Très-Haut des prières et des sacrifices”.
A partir de ce moment-là, les enfants commencent à offrir au Seigneur tout ce
qui les mortifie.
L'Ange de l'Eucharistie. La
troisième fois, à l'automne 1916, à “Loca de Cabeço”, il apparaît tenant un
calice au-dessus duquel est suspendue une Hostie de laquelle tombent quelques
gouttes de sang dans le calice. L'Ange de l'Eucharistie leur fait répéter trois
fois cette prière :
“Très Sainte Trinité, Père,
Fils, Saint-Esprit, je vous adore profondément, et vous offre les très précieux
Corps, Sang, Âme et Divinité de Jésus-Christ, présent dans tous les tabernacles
de la terre, en réparation des outrages, sacrilèges et indifférences dont il est
lui-même offensé, et, par les mérites infinis de son très Saint Cœur, et du Cœur
Immaculé de Marie, je vous demande la conversion des pauvres pécheurs”.
Et il donne la communion aux
enfants. Francisco sent bien que le Seigneur est en lui, mais n'ayant pas
entendu les paroles de l'Ange, il se les fait répéter (il en sera ainsi au cours
de toutes les apparitions), et il réalise ainsi avec joie qu'il a communié.
Lucie dira plus tard que c'est Francisco qui a le mieux compris le message de
l'Ange. Aussi, de toutes les apparitions, c'est celle qui l'a le plus marqué.
Désormais, il n'aura plus qu'un unique désir : consoler et contenter Jésus. Sa
vie en sera transformée: prière continuelle et intense, union mystique avec le
Seigneur, purification progressive de l'esprit, renoncement à ce qu'il aime le
plus, même les jeux innocents des enfants.
LES
APPARITIONS DE NOTRE DAME
Le dimanche 13 mai 1917.
Les trois bergers sont sur la colline de la “Cova da Iria”. Ils voient d'abord
un éclair qui jaillit dans un ciel serein. Craignant un orage, ils redescendent
la colline avec leurs brebis et tandis qu'ils sont en chemin, ils aperçoivent
sur un petit chêne vert, “une Dame vêtue de blanc, plus brillante que le
soleil”. Elle leur demande de venir le 13 de chaque mois, pendant six mois.
“Voulez-vous, leur dit-elle, vous offrir à Dieu pour supporter toutes les
souffrances qu'il voudra vous envoyer en acte de réparation pour la conversion
des pécheurs ? – Oui, nous le voulons. – Vous aurez beaucoup à souffrir, mais la
grâce de Dieu sera votre réconfort. (…) Récitez le chapelet tous les jours, afin
d'obtenir la paix pour le monde et la fin de la guerre”.
Le 13 juin. “Jacinta et
Francisco iront bientôt au ciel, dit la Dame, Lucie restera pour aider à
répandre dans le monde la dévotion au Cœur Immaculé”. Comme Lucie s'attriste
de ne pas aller immédiatement au ciel et d'être séparé de ses cousins, la Dame
lui dit : “Mon Cœur sera ton refuge et le chemin qui te conduira jusqu'à
Dieu”. Dans sa main droite apparaît alors un cœur couronné d'épines qui
semblent s'enfoncer dans la paume, signe de la souffrance que lui causent les
péchés, et les enfants se sentent portés à réparer ces offenses.
Le 13 juillet. “Qui
êtes-vous ?” interrogent les enfants et ils demandent un miracle pour convaincre
les incrédules. La Dame leur demande de continuer à réciter le chapelet tous les
jours en l'honneur de Notre-Dame du Rosaire et pour obtenir la paix du monde et
la fin de la guerre, “car elle seule pourra vous secourir”.
“Sacrifiez-vous pour les pécheurs, leur dit-elle, et dites souvent : ‘O Jésus,
c'est par amour pour vous, pour la conversion des pécheurs et en réparation des
péchés commis contre le Cœur Immaculé de Marie’”. Alors dans le rayonnement
de la lumière de sa main, la terre semble s'entrouvrir et, devant les enfants
épouvantés, apparaît l'enfer avec les démons et les âmes en proie aux tourments.
“Lorsque vous récitez le chapelet, leur dit-elle, dites après chaque
mystère : ‘O mon Jésus, pardonnez-nous, préservez-nous du feu de l'enfer,
attirez au Paradis toutes les âmes, surtout celles qui en ont le plus besoin’”.
Vient alors le “secret de Fatima”. Les deux premières parties ont été
communiquées par Lucie en 1929 à l'Évêque de Leiria ; elles parlent des
châtiments de Dieu mérités par nos péchés et donnent les moyens proposés pour
éviter ces châtiments : la dévotion au Cœur Immaculé de Marie, avec la pratique
des premiers samedis et la communion réparatrice, la consécration de la Russie
au Cœur Immaculé de Marie. La troisième partie du secret, remise à l'Évêque de
Leiria en 1944 et envoyée à Rome en 1957, restera cachée jusqu'à ce que Jean
Paul II ordonne de la dévoiler à l'occasion de cette béatification des enfants
et de l'Année Sainte. Elle concerne un attentat contre un “Évêque habillé de
blanc” (le Pape), lequel s'avance avec d'autres au milieu d'une ville en ruine
jonchée de cadavres (cf. les nombreux martyrs du XXe siècle) vers le
sommet d'une colline dominée par une grande croix. La Congrégation de la Foi
chargée par le Saint Père de donner un commentaire théologique du secret dit
notamment ceci : Il ne faut pas chercher dans les visions prophétiques une
chronologie historique stricte. Il ne faut pas être fataliste et attendre
passivement que le malheur arrive. C'est plutôt un avertissement miséricordieux
du ciel pour nous éviter d'y tomber. “Pénitence !” s'écrie un ange par trois
fois. Donc en se convertissant et en priant, on peut changer le cours des
événements. La preuve, c'est que dans la vision, l'Évêque habillé de blanc est
mis à mort, alors que l'attentat du 13 mai 1981, une main a tiré, mais une main
maternelle (celle de la Vierge) a dévié la balle mortelle.
Le 13 août. Trois ou quatre
mille personnes sont sur place, mais la Dame n'apparaît pas, néanmoins les gens
obtiendront quelques “signes” de consolation. En effet les enfants ont été
emprisonnés par l'administrateur anticlérical de Vila Nova de Ourém qui tente
d'arracher leur secret en brandissant des menaces de mort ; il fait préparer
devant leurs yeux un bassin d'huile bouillante. Peine perdue. Fidèles à leur
promesse, ceux-ci ne disent rien. Francisco même, croyant sa dernière heure
arrivée, se réjouit d'être bientôt au ciel. Dans la prison où on les a mis, ils
font prier les prisonniers. De guerre lasse, on doit les relâcher le 15 août,
fête de l'Assomption. Et le dimanche suivant, 19 août, la Dame leur apparaît aux
“Valinhos”. Avec un air triste elle leur dit : “Priez, priez beaucoup et
faites des sacrifices pour les pécheurs, car beaucoup vont en enfer parce qu'il
n'y a personne qui se sacrifie et prie pour elles”.
Le 13 septembre. Il y a plus
de 25 000 personnes. “Dieu est satisfait de vos sacrifices” dit la Dame
aux enfants en leur défendant de dormir avec la corde qu'ils utilisent comme
instrument de pénitence ; ils doivent la porter le jour seulement. En effet la
vision de l'enfer et la tristesse de la Dame à cause des pécheurs qui se perdent
poussent les enfants à prier et à se sacrifier. La Dame annonce pour le mois
d'octobre le miracle attendu.
Le 13 octobre. Foule de
70'000 personnes. La Dame demande une chapelle en son honneur (qui pourra être
bâtie avec les dons que font déjà les pèlerins) et elle dit : “Je suis
Notre-Dame du Rosaire”. Les enfants lui transmettent les multiples demandes
des pauvres pèlerins. Certains seront exaucés, d'autres non : “il faut qu'ils
se corrigent”, dit-elle, et avec un air triste : “que l'on n'offense pas
davantage Dieu, Notre Seigneur, qui est déjà trop offensé”. Il pleut
interminablement…, mais à un moment donné, Lucie demande : “Fermez les
parapluies”. Alors, la lumière dans les mains de la Vierge se reflète sur le
soleil et le miracle se produit : pendant dix minutes, le soleil tourne sur
lui-même en projetant des faisceaux colorés, puis il semble se précipiter sur la
foule terrorisée. Pendant ce temps là, les enfants voient d'abord Notre Dame et
Saint Joseph avec l'Enfant Jésus qui paraissent bénir la foule, puis Notre-Dame
des Sept-Douleurs, et Notre Seigneur bénissant la foule, enfin Notre-Dame du
Mont Carmel. Après cette vision, les pèlerins sont surpris de constater qu'ils
sont tout secs.
FRANCISCO
Francisco (François) Marto naît le
11 juin 1908. Enfant au caractère doux, il est pacifique, serviable et lorsqu'il
y a contestation il ne cherche pas à faire valoir ses droits, prêt à donner ce
qu'on lui réclame, même injustement. “Ça m'est égal, à moi” dit-il. IL
aime la solitude et, comme son patron Saint François, il protège les oiseaux. Il
aime aussi chanter et jouer du fifre. Lors des apparitions, il voit les
personnes, mais n'entend pas les paroles. Alors avec la permission de la Dame,
les deux petites voyantes lui rapportent tout. Marqué spécialement par la
troisième apparition de l'Ange, lequel leur parle des offenses faites au
Seigneur, Francisco veut être le consolateur de Jésus. Une nuit, son père
l'entend sangloter dans son lit; il va le trouver et Francisco lui dit : “Je
pense à Jésus qui est si triste à cause des péchés commis contre lui”.
Désormais, il lui arrive souvent de quitter le jeu et la compagnie de sa sœur et
de sa cousine pour aller prier à l'écart. Un jour elles le cherche partout et
finissent par le trouver le soir, prosterné à terre. Absorbé, il n'avait pas
entendu leurs appels. “J'ai commencé à dire la prière de l'Ange, dit-il, et
ensuite je me suis mis à ‘penser’”. Chaque soir quand il revient à la
maison, il réclame qu'on dise le chapelet en famille comme c'est la coutume et
si sa mère, débordée par ses occupations, n'a pas le temps de prier, il lui dit
qu'elle peut prier en marchant. Tombé malade, les gens aiment bien venir le voir
dans sa chambre. “Je ne sait pas ce qu'a Francisco, on se sent bien ici”,
disent-ils. Il désire vivement communier avant de mourir (il n'a communié que
des mains de l'Ange). Quand sa cousine Lucie va communier à la messe, il lui
fait ses commissions pour “Jésus caché”. Enfin il fait une dernière confession
et le lendemain, veille de sa mort, il a la joie de communier dans sa chambre.
Il dit à sa petite sœur Jacinthe : “Aujourd'hui je suis plus heureux que toi,
parce que j'ai dans ma poitrine Jésus caché”. Le lendemain, au matin, il dit
à sa mère : “Oh maman ! Quelle belle lumière près de la porte !” et il
meurt en souriant. C'était le 4 avril 1919, à 10 heure. Parti pour le ciel avant
Jacinthe, celle-ci désormais est souvent pensive et triste, et quand on
l'interroge, ses yeux se remplissent de larmes et elle dit : “Je pense à
Francisco. Comme j'aimerais le voir”. Telle était l'amitié pure et simple
qui unissait les trois petits pâtres.
LA
BÉATIFICATION
Le samedi 13 mai 2000, Jean Paul II
a béatifié les deux petits voyants de Fatima, Francisco et Jacinta Marto, en
présence de la troisième voyante encore vivante, leur cousine Lucia, âgée de 93
ans et carmélite à Coimbra, sous le nom de Sœur Marie du Cœur Immaculé. C'est la
première fois que l'Église béatifie des confesseurs non-martyrs aussi jeunes,
des enfants. Ils sont morts à presque 11 et 9 ans. (Saint Dominique Savio , le
plus jeune jusqu'ici des saints non-martyrs, avait 15 ans). Cette solennelle
béatification a rassemblé plus de 500'000 personnes à la Cova da Iria, sur le
lieu des apparitions où se trouve maintenant la basilique et une immense
esplanade. Devant l'autel, beaucoup d'enfants portaient les mêmes habits que les
petits bergers de l'époque. Pour eux le Pape eut un mot spécial et spontané
d'affectueuses félicitations et il les exhorta à prier, eux aussi, pour la
conversion des pécheurs.
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