FATIMA
1917
Nul mieux placé que
sœur Lucie de Fatima pour nous parler des apparitions de la Vierge
Marie en cet endroit béni.
Ses “Mémoires” sont
une source de renseignements importante et, pour vous rendre compte
de ces
événements qui ont marqué l’histoire de l’Église au XXe
siècle, nous allons nous servir de ce document incontournable.
Pourquoi faire
difficile, alors que ces textes nous expliquent, presque au
jour-le-jour, tout ce qui s’est passé à Cova da Iria, aussi bien le
13 mai 1917, que les mois suivants ?
Laissons-nous guider
par celle qui les vécut et qui nous a laissé — Dieu en soit
loué ! — une relation des faits qui ne souffre pas le moindre doute
ou la moindre contestation.
Mais, avant la
Vierge Marie, il y eut l’Ange, qui va se présenter aux enfants comme
étant l’Ange du Portugal.
*****
Quelque temps après,
nous retournâmes avec nos troupeaux au même endroit, et la même
chose se reproduisit de la même façon. Mes compagnes racontèrent de
nouveau l'évènement. Après un certain temps, le fait se répéta une
autre fois. C'était la troisième fois que ma mère entendait parler
de ces choses par des gens du dehors sans que j'en eusse dit un seul
mot à la maison. Elle m'appela alors, très mécontente, et me
demanda :
— Voyons ! Qu'est-ce
que vous dites que vous voyez là-bas ?
— Je ne sais pas maman,
je ne sais pas ce que c'est !
Plusieurs personnes
commencèrent à se moquer de nous. Et comme depuis ma première
Communion je restais très souvent absorbée, me rappelant ce qui
s'était passé alors, mes sœurs me demandèrent avec un certain
dédain : « Tu vois encore quelqu'un enroulé dans un drap ? »
Ces gestes et ces
paroles de dédain m'étaient très sensibles, car je n'étais habituée
qu'à la tendresse. Mais cela n'était rien. Je ne savais pas ce que
le bon Dieu me réservait pour l'avenir.
Pendant ce temps
François et Jacinthe demandèrent et obtinrent, comme je l'ai déjà
raconté à Votre Excellence, la permission de leurs parents pour
commencer à garder leur troupeau. Je laissai donc ces bonnes
compagnes et je les remplaçai par mes cousins, François et Jacinthe.
Nous décidâmes alors d'aller faire paître nos troupeaux sur la
propriété de mes oncles et de mes parents, afin de ne pas nous
réunir avec les autres pasteurs dans la campagne.
Un beau jour, nous nous
rendîmes sur un terrain appartenant à mes parents et qui se trouve
au pied de la colline dont j'ai déjà parlé et qui est du côté du
levant. Ce terrain s'appelle le « Chousa Velha » Vers le milieu de
la matinée, une pluie fine commença à tomber, un peu plus que de la
rosée. Nous sommes montés alors sur le versant de la colline, suivis
de nos brebis, à la recherche d'un rocher qui puisse nous servir
d'abri. C'est alors que nous sommes entrés, pour la première fois,
dans ce creux béni. Il est situé au milieu d'une oliveraie qui
appartient à mon parrain Anastase. De là, on voit le petit village
où je suis née, la maison de mes parents, les hameaux de Casa Velha
et Eira da Pedra. L'oliveraie, appartenant à divers propriétaires,
continue jusqu'à se confondre avec tous ces petits hameaux. Nous
avons passé la journée à cet endroit, bien que la pluie eût cessé et
que le soleil se fût découvert clair et beau. Nous avons pris notre
repas et dit notre chapelet, et je ne sais pas s'il n'a pas été l'un
de ces chapelets que, dans notre empressement de jouer, comme je
l'ai déjà dit à Votre Excellence, nous récitions souvent en faisant
passer les grains et disant seulement « Ave Maria » et « Padre Nosso ».
A la fin du chapelet nous commençâmes à jouer aux petites pierres.
Cela faisait un certain
temps que nous étions en train de jouer, et voilà qu'un vent assez
fort secoua les arbres et nous fit lever les yeux pour voir ce qui
se passait, car la journée était belle. Nous vîmes alors, au-dessus
des oliviers,
et se dirigeant vers nous, la même figure dont j'ai déjà parlé.
Jacinthe et François ne l'avaient jamais vue et je ne leur en avais
jamais parlé. Au fur et à mesure qu'elle s'approchait, nous
distinguions mieux ses traits. Elle avait l'apparence d'un jeune
homme de 14 ou 15 ans, plus blanc que la neige, que le soleil
rendait transparent comme s'il était en cristal, et d'une grande
beauté. En arrivant près de nous, il nous dit : « N'ayez pas peur !
Je suis l'Ange de la Paix. Priez avec moi ! » et, s'agenouillant, il
inclina la tête jusqu'à terre et nous fit répéter trois fois ces
mots : « Mon Dieu je crois, j'adore, j'espère et je vous aime. Je
vous demande pardon pour ceux qui ne croient pas, qui n'adorent pas,
qui n'espèrent pas et ne vous aiment pas ». Ensuite il se releva
et nous dit : « Priez ainsi. Les Cœurs de Jésus et de Marie sont
attentifs à la voix de vos supplications ». Ses paroles se gravèrent
de telle manière dans notre esprit que jamais nous ne les avons
oubliées. Et depuis lors, nous restions longtemps prosternés,
répétant ces prières parfois jusqu'à tomber de fatigue. Je
recommandai aussitôt à mes cousins de bien garder le secret et,
celle fois-ci, grâce à Dieu, ils firent ma volonté.
Après un certain temps,
un jour d'été, alors que nous aurions dû faire la sieste à la
maison, nous étions en train de jouer sur le puits que possédaient
mes parents, au fond du jardin et qu'on appelait l'« Arneiro ».
(Dans l'écrit sur Jacinthe j'ai déjà parlé à Votre Excellence de ce
puits). Soudain, nous vîmes près de nous la même figure, ou l'Ange,
à ce qu'il me sembla. Il nous dit : « Que faites-vous ? Priez, priez
beaucoup. Les Saints Cœurs de Jésus et de Marie ont sur vous des
desseins de miséricorde. Offrez constamment au Très-Haut des prières
et des sacrifices ».
— Comment ferons-nous
des sacrifices ? demandai-je.
— De tout ce que vous
pourrez, offrez à Dieu un sacrifice, en acte de réparation pour les
péchés par lesquels Il est offensé, et de supplication pour la
conversion des pécheurs. Attirez ainsi la paix sur votre Patrie. Je
suis son Ange Gardien, l'Ange du Portugal. Surtout, acceptez et
supportez avec soumission les souffrances que le Seigneur vous
enverra.
Il se passa encore un
certain temps. Un jour, nous allâmes faire paître nos troupeaux dans
un terrain appartenant à mes parents, qui est situé sur le versant
de la colline dont je vous ai déjà parlé et qui se trouve un peu
plus haut que les « Valinhos ». C'était une oliveraie que nous
appelions « Prègueira ».
Après avoir pris notre
repas, nous nous mîmes d'accord pour aller prier à la Grotte qui est
située de l'autre côté de la colline. Nous fîmes pour cela un détour
sur la pente de cette colline, et il nous fallut escalader quelques
rochers qui se trouvent en haut de la « Prègueira »,. Les brebis
réussirent à passer avec une certaine difficulté.
Dès que nous fûmes
arrivés, nous mettant à genoux, le visage contre terre nous nous
sommes mis à répéter la prière de l'Ange : « Mon Dieu, je crois,
j'adore, j'espère et je vous aime, etc. ». Je ne sais combien de
fois nous avions répété cette prière lorsque nous vîmes briller
au-dessus de nous une lumière inconnue. Nous nous sommes relevés
pour voir ce qui se passait, et nous avons revu l'Ange qui tenait
dans sa main gauche un calice, sur lequel était suspendue une Hostie
de laquelle tombaient quelques gouttes de sang dans le calice.
L'Ange
laissa suspendu en l'air le calice et s'agenouilla près de nous et
nous fit répéter trois fois : « Très Sainte Trinité, Père, Fils
et Saint-Esprit, je vous offre le très précieux Corps, Sang, Âme et
Divinité de Jésus-Christ présent dans tous les tabernacles du monde,
en réparation des outrages, sacrilèges et indifférences par lesquels
Il est Lui-même offensé. Et par les mérites infinis de Son Très
Saint Cœur et du Cœur Immaculé de Marie, je vous demande la
conversion des pauvres pécheurs »
.
Ensuite, il se releva et prit dans ses mains le calice et l'Hostie.
Il me donna la Sainte Hostie, et le sang du calice, il le partagea
entre Jacinthe et François
en disant : « Prenez et buvez le Corps et le Sang de Jésus-Christ
horriblement outragé par les hommes ingrats. Réparez leurs crimes,
et consolez votre Dieu », et, se prosternant de nouveau à terre, il
répéta avec nous encore trois fois la, même prière : « Très Sainte
Trinité, etc... », et disparut. Nous sommes restés dans la même
attitude, répétant toujours les mêmes paroles. Et quand nous nous
sommes relevés nous avons vu qu'il faisait nuit et que c'était
l'heure de rentrer à la maison.
13 mai 1917
Nous avions choisi ce
jour-là, par hasard, ou plutôt par dessein de la Providence, pour
faire paître notre troupeau, la propriété appartenant à mes parents
au lieu appelé « Cova da Iria ». Choisissant comme d'habitude quel
serait le pâturage du jour, près du Barreiro, dont je vous ai déjà
parlé, Excellence, et nous devions, pour cela, traverser un terrain
inculte, ce qui doubla notre long chemin. Nous devions donc aller
lentement afin que les brebis puissent paître en chemin, et ainsi
nous arrivâmes vers midi. Je ne désire pas raconter maintenant tout
ce qui s'est passé ce jour-là, parce que Votre Excellence est déjà
au courant et ce serait perdre du temps. Il me semble même le perdre
à écrire cela, à moins que ce ne soit par obéissance, car je ne vois
pas quelle utilité Votre Excellence peut en tirer si ce n'est pour
mieux connaître l'innocence de la vie de Jacinthe. Avant de
commencer à vous raconter, Excellence, ce dont je me rappelle de la
nouvelle période de la vie de Jacinthe, je dois dire qu'il y a
certains détails au sujet des apparitions de Notre-Dame, que nous
avions décidé de ne jamais dévoiler à personne, et peut-être que
maintenant je suis obligée d'en parler afin que l'on connaisse où
Jacinthe a pu puiser tant d'amour pour Jésus, pour la souffrance et
pour les pécheurs, pour le salut desquels elle fit tant de
sacrifices... Vous n'ignorez pas que ce fut elle qui, ne pouvant
plus conserver pour elle seule tant de joie, manqua à notre décision
de ne rien dire à personne. Lorsque, ce même après-midi, encore sous
l'effet de la surprise, nous demeurions pensifs, Jacinthe
s'exclamait de temps en temps avec enthousiasme:
— Oh ! Quelle belle
Dame !
— Je vois bien, lui
disais-je, que tu vas le dire encore à quelqu'un.
— Non, non, je ne dirai
rien, répondit-elle, ne t'inquiète pas.
Le lendemain, lorsque
son frère courut pour me faire part de ce qu'elle avait dit le soir,
chez elle, Jacinthe écouta l'accusation sans rien dire.
— Tu vois ? Je le
pensais bien !
— Je sentais quelque
chose en moi qui ne pouvait me permettre de rester silencieuse,
répondit-elle avec les larmes aux yeux.
Maintenant, ne pleure
pas et ne dis plus rien à personne de ce que cette Dame nous a dit.
— Je l'ai déjà dit.
— Qu'as-tu dit ?
— J'ai dit que cette
Dame nous avait promis de nous emmener au ciel.
— Et tout de suite tu
es allée dire cela !
— Pardonne-moi, je ne
dirai plus rien à personne.
Source:
Mémoires de Sœur Lucie
de Jésus
Éditées par le Sanctuaire de Fatima (Portugal) |