Aucun état de la
société n'est exclu des voies intérieures de la piété. En effet, le
christianisme ne cite-t-il pas des héros de toutes les classes qui
prouvent à l'évidence que Dieu dans son éternelle bonté a voulu que
la religion de son Fils unique devînt la religion de l'univers
entier et qu'elle réunît dans son sein tous les siècles comme toutes
les régions de la terre.
Facius naquit
l'an 1190 à Vérone, dans le royaume Lombard-Vénitien, de parents
vertueux qui de bonne heure l'accoutumèrent à la piété et au
travail, et lui firent apprendre l'état d'orfèvre. Son activité et
son zèle lui ayant attiré la confiance du public, firent prospérer
sa maison, mais éveillèrent en même temps dans ses confrères une
jalousie de métier qui les anima tellement contre lui qu'ils lui
firent éprouver toute espèce de tourments. Après avoir longtemps
enduré leurs persécutions, il quitta sa ville natale, se rendit à
Crémone, où il fit don aux pauvres et aux églises de tout le fruit
de son industrie. Il se concilia par la l'affection de tous les
habitants, et fut nommé directeur du comité des pauvres.
Cependant, il se
dit qu'il ne suffisait pas de se soustraire à ses ennemis, mais
qu'il fallait, selon le commandement de notre divin Maître, se
réconcilier avec eux.
Bientôt il se
fortifia dans la résolution de retourner dans sa ville natale. C'est
avec beaucoup de peine que les Crémonais le laissèrent partir ; ils
employèrent tout pour le détourner de son projet ; ce fut en vain.
Facius partit ; mais arrivé à Vérone il vit que l'intrigante
méchanceté de ses ennemis l'avait déjà prévenu. Un acte d'accusation
dirigé contre lui, fut remis aux autorités ; on suborna de faux
témoins qui, pour de l'argent, déposèrent contre lui, et à peine
arrivé il fut jeté en prison. Tout le monde était convaincu de son
innocence ; cependant il demeura privé de sa liberté, jusqu'à ce que
la Providence suscitât pour sa délivrance un événement tout
particulier.
Dans ce temps-là
il arriva que les Véronais furent, sans s'y attendre, attaqués par
ceux de Mantoue, et comme ils n'étaient pas en état de résister a
leurs ennemis, ils implorèrent le secours de leurs voisins, entre
autres des Crémonais, qui accueillirent en effet leur demande,
toutefois en stipulant comme condition expresse du secours qu'ils
leur envoyaient, la mise en liberté de Facius injustement arrêté et
retenu en prison. Les autorités de Vérone y acquiescèrent d'autant
plus volontiers que jusqu'alors personne ne s'était trouvé qui eût
pu convaincre le vertueux prisonnier du crime dont il était accusé.
Facius fut donc relâché avec la permission de s'établir à Vérone ou
ailleurs. Il préféra Crémone, et était fermement résolu d'y terminer
sa carrière terrestre.
Ce pieux et
fervent homme se bâtit une chapelle dans cette ville et fonda un
ordre de religieux auquel il donna le nom d'Ordre du
Saint-Esprit. Le but en était de soigner les malades, de visiter
les prisonniers, de chercher et de consoler les pauvres et de
pratiquer d'autres œuvres de charité. Facius entreprit beaucoup de
voyages dans des vues pieuses ; il en fit un entre autres vers le
corps de saint Jacques en Espagne.
L'évêque de
Crémone, grand admirateur de la conduite irréprochable et de la
sagesse du vertueux Facius, le nomma visiteur général des couvents
de son diocèse, emploi dont il s'acquitta avec la plus grande
exactitude jusqu'à l'époque de sa mort, arrivée en 1272, dans la 82e
année de son âge. Il fut enlevé par une fièvre violente, après avoir
légué tous ses biens à l'hôpital du S. Esprit. Il possédait le don
des miracles ; il s'en opéra aussi après sa mort par son
intercession. Il est encore aujourd'hui en grande vénération à
Crémone. Quoiqu'il n'ait pas été solennellement reçu au nombre des
Saints, il se trouve cependant dans la liste des Saints d'Italie, et
le Saint-Siège a ratifié son office pour les églises de Crémone et
de Vérone.
Source : A.
Butler : Vies des pères des martyrs et des autres principaux
saints. Tome 1. |